Une correspondance de haute volée

Publié le par Michel Monsay

Une correspondance de haute volée

Pendant dix ans, Anton Tchekhov et la belle Lydia Mizinova, chanteuse, actrice, traductrice et essayiste, qui inspira à l’écrivain russe la Nina de « La Mouette », vont multiplier les échanges épistolaires. Grâce à Nicolas Struve, leur correspondance, inédite en français, donne vie à un formidable spectacle interprété par David Gouhier et Stéphanie Schwartzbrod, tous deux très convaincants. Ce ne sont pas tant les personnages de Tchekhov et de Lika qu’ils incarnent que leur esprit. Un esprit joueur, primesautier, un désir fou de liberté dans cette Russie de la fin du XIXe siècle, une mélancolie débordante de vitalité, qui se teindra de couleurs plus sombres au fur et à mesure que les années avancent, et qu’ils ne cessent de se voir et de s’écrire, au tournant du siècle. C’est elle, l’écriture, qui est au cœur de la mise en scène de Nicolas Struve, qui inscrit ses deux acteurs dans une boîte noire comme un tableau d’écolier, remplie de feuilles de papier blanc qui s’envoleront ou resteront entassées dans les coins. Sur ces grandes pages noires du décor, Lika et Anton écrivent et dessinent à l’eau des fragments d’amour, deux êtres aussi acharnés à traquer les promesses de bonheur qu’à les laisser s’enfuir. Leur histoire épistolaire s’apparente à une cuisine pimentée d’un humour qui canalise l’amertume ou l’aigre-doux du sentiment amoureux sous une mousse légère de jeux où les mots de l’un se voient renvoyer la balle dans la réponse de l’autre. Ce spectacle, traversé de finesse et d'intelligence, s'ouvre et se referme sur des extraits de cette pièce emblématique du théâtre russe, qui le soir de sa première essuya un échec total.

A voir au Théâtre de la Reine blanche jusqu'au 9 octobre.

Publié dans Théâtre

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article