Une adaptation remarquable
Depuis l’irrésistible « 9 mois ferme » sorti il y a 4 ans, Albert Dupontel a franchi un palier en canalisant quelque peu sa folie et son humour noir pour les mettre au service d’un cinéma plus ambitieux. Cela se confirme encore un peu plus avec son sixième film en tant que réalisateur, où il réussit merveilleusement l’exercice toujours très périlleux d’adapter un roman dont on a tant parlé. Il s’empare du Prix Goncourt de Pierre Lemaitre en magnifiant la force émotionnelle et humoristique de cette formidable histoire, à la fois pamphlet anticapitaliste et drame humaniste, et en y ajoutant quelques petites variantes narratives qui ont fait dire à Pierre Lemaitre à la vision du film qu’il était le plus heureux des romanciers. L’impressionnante reconstitution de l’époque, autant dans les scènes de guerre que dans le Paris des années 1920, que l’on savoure à travers les costumes, les masques et les décors tous parfaitement réussis, sonne vraie à l’inverse de beaucoup d’autres et contribue à nous embarquer pleinement dans cette fresque historique. Albert Dupontel a soigné le moindre détail pour réussir son pari, à la fois dans la mise en scène, les mouvements de caméra, les plans-séquences, la beauté visuelle avec un étonnant parti pris de colorisation de l’image, et la distribution des rôles, tous les comédiens étant totalement investis dans leur personnage. Le film démarre au Maroc au début des années 1920 où un homme est arrêté et interrogé par la gendarmerie pour des faits survenus à Paris au lendemain de la Première guerre mondiale. Il commence son récit justement en 1918 en plein cœur des tranchées, alors que la guerre semble se terminer. À cause de la malveillance et de la perfidie d’un lieutenant, un des derniers soubresauts de cette boucherie est soudain déclenché sous un déluge de feu entraînant son lot de morts et de mutilés. Honnêtement, on ne pensait pas Albert Dupontel capable de réaliser un tel film. Il nous ravit par ses qualités techniques et artistiques, tout en parvenant à faire coexister une poésie à la Buster Keaton avec une charge bien sentie contre l’avidité et la cupidité régnant déjà à l’époque.
Au revoir là-haut - Un film de et avec Albert Dupontel, avec Nahuel Perez Biscayart, Laurent Lafitte, Niels Arestrup, …