La vie à Istanbul d’un vendeur des rues attachant

Publié le par Michel Monsay

La vie à Istanbul d’un vendeur des rues attachant

Quoi de plus passionnant que de découvrir des territoires inconnus à travers le talent de romanciers étrangers, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’un Prix Nobel de littérature qui tient la plume. Le grand écrivain turc Orhan Pamuk, qui a été à 54 ans l’un des plus jeunes lauréats de la prestigieuse récompense en 2006, publie aujourd’hui un formidable roman qui nous conte tout à la fois la vie d’un homme simple et de sa famille mais aussi l’étonnante évolution d’Istanbul qui, entre 1969 et 2012, est passée de 3 à 13 millions d’habitants. Cette ville, qui est le centre névralgique de l’univers du romancier, nous apparaît ici dans ses quartiers pauvres et pour la première fois le héros n’a rien à voir avec l’auteur. Six années lui auront été nécessaires à l’écriture de cette histoire, pour être le plus précis possible dans les faits et gestes des protagonistes en évitant les stéréotypes, et dans la description de ces bidonvilles qui se sont étalés sur les collines autour d’Istanbul où sont venus vivre les migrants d’Anatolie. Orhan Pamuk réussit avec beaucoup d’humanité à nous montrer sa ville à travers les yeux de Mevlut, vendeur de boza, boisson fermentée traditionnelle en Turquie, optimiste, romantique et plein de bonne volonté. Le livre s’ouvre justement sur une brève présentation de cet homme, ayant quitté son village d’Anatolie à 12 ans pour rejoindre son père à Istanbul afin de l’aider à y vendre du yaourt et de la boza en plus de sa scolarité. Avant que l’auteur nous relate la vie et les rêves de Mevlut, on le retrouve alors qu’il a 25 ans et s’apprête à enlever une fille d’un village voisin d’Anatolie pour l’emmener vivre à Istanbul et se marier. La langue est belle, la forme originale avec notamment des apartés qui donnent la parole aux personnages de ce magnifique roman d’apprentissage, d’amour, de déambulations nocturnes, qui apparaît comme un miroir de la Turquie contemporaine avec toutes ses contradictions, autant que le portrait d’un homme préférant la rêverie à l’ambition et dont l’innocence nous touche profondément.

                                                                                                         

Cette chose étrange en moi - Un roman d’Orhan Pamuk - Gallimard - 671 pages - 25 €.

Publié dans Livres

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