Un parcours qui force l’admiration

Publié le par Michel Monsay

Un parcours qui force l’admiration

L’étoile française des Jeux paralympiques de Rio, avec trois médailles dont deux en or sur le 400m et le saut en longueur, Marie-Amélie Le Fur, a illuminé la compétition de son talent et son sourire indéfectible. Un public grandissant a découvert avec engouement les exploits de cette championne, dont le palmarès compte désormais trois titres paralympiques, quatre mondiaux et de nombreuses médailles.

 

A son retour des Jeux paralympiques de Rio, Marie-Amélie Le Fur a le corps endolori. Sa préparation avant les Jeux a été fortement perturbée par une blessure à la cuisse qui a failli compromettre sa participation. Comme elle s’est malgré tout alignée dans quatre épreuves de la catégorie des athlètes amputés de membres inférieurs, les deux dernières courses l’ont fait énormément souffrir. Ce qui ne l’a pas empêchée d’obtenir une médaille de bronze sur le 200m et de finir sixième du 100m. Par contre, pour le saut en longueur et le 400m, tout s’est passé pour le mieux, elle a en effet remporté les deux titres paralympiques en améliorant pour les deux disciplines le record du monde. Même si elle a connu une belle médiatisation après les Jeux de Londres, notamment l’année suivante en  2013 avec les championnats du monde en France, elle savoure celle d’aujourd’hui qui est forcément plus forte : « C’est agréable un tel engouement. Grâce notamment aux retransmissions de France télévisions, les gens sont prêts maintenant à regarder du handisport pour l’aspect performance, bien plus qu’avant où ils étaient trop attachés à la notion de handicap. »

 

Un grand bonheur

Avec sa première médaille d’or paralympique sur le 100m à Londres en 2012, la plus dure à obtenir à ses yeux, celle qui libère et permet d’aborder la compétition plus sereinement, les Jeux de Rio sont évidemment le plus beau moment de sa carrière avec deux nouveaux titres, mais aussi avec la médaille d’or sur le 400m malvoyants de Nantenin Keita : « La réussite de mon olympiade passait par celle de Nantenin. Cela fait dix ans que nous sommes très proches, elle est ma partenaire de chambre dans la vie sportive et j’ai construit ma carrière à ses côtés, nous nous sommes toujours soutenues. » Outre le bonheur éprouvé pour son amie, Marie-Amélie Le Fur a pris tout autant de plaisir sur le côté humain de l’événement, en étant aussi heureuse d’être sur la piste que de partager ces Jeux avec l’équipe de France et avec sa famille qui était présente à Rio.

 

Le stress en moins

Un travail sur le mental lui a permis d’aborder la compétition avec beaucoup moins de stress, d’ouvrir sa bulle de concentration, qui était auparavant très hermétique et générait un stress négatif, ce qui parfois la faisait totalement passer à côté d’un concours de saut en longueur. Elle joue aujourd’hui davantage avec le public avant chaque saut. Cela s’est révélé payant à Rio où elle s’est présentée sans trop de confiance avec seulement deux petits entraînements en arrivant sur place, alors qu’elle n’avait pas sauté depuis deux mois suite à sa blessure. Résultat, elle bat le record du monde dès son premier essai et construit sa victoire saut après saut jusqu’au dernier où elle s’élance avec un sentiment de plénitude totale. Pour le 400m, son manque de préparation s’est fait ressentir à la fin de la course mais lorsqu’elle a franchi la ligne d’arrivée, et vu son nom sur le panneau d’affichage ainsi qu’un nouveau record du monde, elle a explosé de joie. Sur le podium, les deux marseillaises chantées par une partie du public lui ont aussi procuré beaucoup d’émotion.

 

Le handisport en pleine évolution

Cette perfectionniste, jamais satisfaite de ce qu’elle fait, aime l’entraînement et possède une vraie culture de l’athlétisme, sport qu’elle a démarré bien avant d’être amputée de la jambe gauche : « Cela me permet d’aborder le 400m, ma discipline de prédilection, plus facilement en acceptant de me faire mal, ce qui n’est pas encore le cas de certaines de mes adversaires que le 400m peut effrayer. C’est un sprint très long où le corps souffre énormément, qui nécessite une construction et une intelligence de course que l’on ne retrouve pas sur le 100m. »

Malgré ses succès, Marie-Amélie Le Fur se rend compte que la concurrence est de plus en plus rude, un professionnalisme pour le handisport se développe dans certains pays et de ce fait les performances sont en constante évolution et les athlètes se spécialisent davantage. Ce constat est une bonne chose pour le handisport mais le professionnalisme n’est pas encore une réalité en France. La championne espère qu’en cas de victoire de la candidature de Paris pour l’organisation des Jeux 2024, dont elle copréside le comité des athlètes avec Teddy Riner, il y aura un déclic pour professionnaliser le handisport et améliorer la détection. Aujourd’hui, elle est obligée d’avoir un travail à côté et même si elle bénéficie d’un détachement de 50%, les temps de repos sont quasi inexistants avec neuf séances d’entrainement par semaine.

 

Parler du handicap sans tabous

La couverture médiatique des Jeux paralympiques de Rio avec 100 heures de direct est une grande première, puisqu’à Londres il s’agissait uniquement de résumés et de différés. Entre-temps, il y a eu les Jeux d’hiver de Sotchi en 2014 avec déjà du direct pour suivre notamment les exploits de Marie Bochet. Cette évolution n’empêche pas la difficulté de pouvoir parler du handicap librement : « Un commentateur a dit à propos de la fin de mon 400m : « Elle en a plein les jambes ». Le problème est que cela ait choqué, alors que cette expression fait partie de la langue française, d’ailleurs cela m’a fait rire. Les gens doivent comprendre que l’on ne doit pas adapter son discours dès lors que l’on parle d’une personne en situation de handicap. On peut rire de tout, et nous les premiers on en rit énormément. »

Afin de faire avancer les choses, elle répond aux nombreuses sollicitations pour aller parler du handicap dans les écoles, une fois par semaine, ou lors de séminaires d’entreprises. Elle aime particulièrement les échanges avec les enfants où il est question de notion de différence, d’accessibilité, où elle montre le matériel et explique que le handicap n’est pas forcément une souffrance au quotidien. Pour sa part, elle l’oublie totalement et lorsqu’elle est en jupe ou en short, c’est le regard des gens qu’elle croise, même s’il est toujours bienveillant, qui lui rappelle qu’elle a une prothèse.

 

L’accident

Ce handicap est survenu à l’âge de 15 ans pour Marie-Amélie Le Fur, après un accident de scooter où un automobiliste ne l’a pas vue au moment de tourner. Les nombreuses fractures ont entrainé l’amputation de la partie inferieure de sa jambe gauche, qu’elle a vécue sur le moment à la fois comme un soulagement de la douleur et la possibilité d’une nouvelle vie grâce à une prothèse. Son entourage et sa force de caractère lui ont permis de tout de suite positiver sans s’apitoyer sur son sort, même si certains jours elle pleurait et se rejetait. Si elle n’en veut pas à l’automobiliste pour son erreur, qui peut arriver à tout le monde selon ses propos, elle ne comprend pas qu’il ne soit pas venu la voir pour prendre de ses nouvelles.

Ses copains des jeunes sapeurs-pompiers, tout de suite après l’accident, ont l’idée de mettre en vente à son profit un t-shirt avec la citation de Saint-Exupéry « Fais de ta vie un rêve et de ton rêve une réalité », maxime qu’elle a fait sienne depuis. Cette opération lui permet de s’acheter des prothèses de sport qui l’aident dans sa rééducation. Elle participe ensuite au tournage d’un téléfilm où elle est la doublure de l’héroïne, une jeune fille amputée suite à un accident qui découvre l’athlétisme et ses capacités à courir. Ce tournage lui offre sa première prothèse de course appelée lame. Quatre mois seulement après son accident elle recourt, et son ascension vers les plus hauts sommets de l’athlétisme handisport est impressionnante.

 

Une carrière qui s’est adaptée

Lorsqu’elle démarre l’athlétisme à l’âge de six ans, c’est davantage pour accompagner sa sœur, mais au bout d’un an ou deux elle commence à se régaler dans les disciplines de demi-fond. Consciente qu’il est difficile d’en vivre, elle se projette sur un vrai métier qui la passionne, sapeur-pompier : « Pour le rapport aux autres, leur venir en aide, et ne jamais savoir ce que réserve une journée qui commence. Le plus dur après mon accident a été de faire le deuil de ce métier. » Elle est néanmoins toujours très proche de cet univers puisque son mari est pompier et elle conserve beaucoup d’amis à la caserne de Blois, sa ville d’origine. Parallèlement à l’athlétisme, elle poursuit ses études jusqu’à un master de recherche en physiologie du mouvement humain, mais EDF lui fait une proposition qui lui permet à la fois de s’entraîner et d’avoir un métier à côté. Elle trouve ainsi simultanément un sponsor en intégrant le team EDF et un employeur en travaillant à la centrale nucléaire de Saint-Laurent des Eaux, où elle accompagne les managers dans leurs projets de changement.

 

La championne n’a pas dit son dernier mot

Toujours à la recherche du geste parfait, elle estime ne pas maîtriser à 100% sa lame et avoir encore une marge de progression. Ce qui laisse supposer qu’après la coupure de compétitions d’un an ou deux dont elle a besoin pour elle et pour son entourage, il est fort probable que Marie-Amélie Le Fur revienne avec pour ambition de finir en beauté aux Jeux de Tokyo en 2020. A tout juste 28 ans, la championne qui pensait arrêter après Rio a toujours des rêves à plus ou moins court terme : « D’abord, vivre avec un peu plus de légèreté dans un premier temps, construire une vie de famille, évoluer professionnellement, mais aussi toujours l’ambition d’aller plus vite, plus loin en atteignant les 6 m en longueur. Sportivement ce n’est pas fini … »

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