Le conteur populaire

Publié le par Michel Monsay

Le conteur populaire

Légende de la télévision et de la radio, Pierre Bellemare en 60 ans de carrière a présenté le premier jeu télévisé, le premier téléachat, et raconté de sa voix si particulière un nombre impressionnant d’histoires et continue de le faire aujourd’hui. Parallèlement, les livres de faits divers sordides ou mystérieux qu’il écrit depuis 40 ans avec son équipe se sont toujours très bien vendus.

 

De la même manière qu’il avait été fait chevalier du mérite maritime il y a quelques années pour son investissement dans la plaisance, lui qui a navigué durant 40 ans en Méditerranée, Pierre Bellemare vient d’être fait chevalier du mérite agricole. Avec sa femme, ils ont quitté les rives de la Côte d’Azur et ont vendu leur voilier, pour s’installer dans le Périgord où ils possèdent depuis 15 ans un manoir entouré de 50 ha de forêt et de prairies avec des vaches, des ânes, des chèvres, des oies et des paons. Il y a retrouvé la beauté et la quiétude des paysages vallonnés et boisés de son enfance normande à Condé sur Noireau. Amoureux de sa nouvelle région d’adoption, il est toujours disponible de manière totalement bénévole pour participer à une manifestation dans son département de la Dordogne ou pour aider une association, facteurs qui ont dû contribuer à sa promotion, de même que la demande auprès du Ministère de l’agriculture de Cyril Hanouna, avec lequel il travaille sur Europe 1. La plaisance et la campagne sont deux pans essentiels de la vie de Pierre Bellemare, qui ne sont pas forcément très connus du grand public, et il a été très honoré d’être décoré pour ces deux passions.

 

Le bonheur de raconter

Après avoir longtemps été un pilier des Grosses têtes aux côtés de son ami Philippe Bouvard sur RTL, en septembre 2013 Pierre Bellemare change de station pour donner la réplique aux fantaisies de Cyril Hanouna dans l’émission Les pieds dans le plat sur Europe 1. Chaque début de semaine, il quitte son petit paradis, prend l’avion à Agen pour venir participer mardi et mercredi à l’émission, et bien évidemment raconter des histoires. C’est vraiment là son cœur de métier. Il ne ressent aucune lassitude malgré les années, et d’ailleurs NT1 et RTL9, toutes deux chaines de la TNT gratuite, diffusent et rediffusent Les enquêtes impossibles, dont Pierre Bellemare a enregistré 60 nouvelles l’année dernière. Il travaille pour cela en osmose complète avec la même personne qui s’occupe du prompteur depuis de très nombreuses années. Ce technicien connait parfaitement sa manière de raconter et sait exactement à quel moment ralentir ou accélérer le défilement du texte. Il est à signaler que c’est Pierre Bellemare qui a importé le prompteur en 1957 après un séjour aux Etats-Unis.

A 85 ans, il n’a pas l’intention d’arrêter de sitôt, et prépare un nouveau programme pour la rentrée où il racontera de nouvelles enquêtes avec ce talent inimitable. Sur les conseils de son neurologue qui, suite à un avc, lui a fortement recommandé de continuer à faire travailler son cerveau le plus longtemps possible, l’animateur conteur ne s’est pas fait prier. En plus de ses contributions radiophoniques et télévisuelles, il aime aller à la rencontre du public lors de signatures dans des librairies, lors de soirées où il lit Choses vues de Victor Hugo, ou encore partager son amour pour Charles Péguy, dont il lit La Passion chaque Vendredi Saint dans une église de sa région.

 

Par hasard il trouve sa voix

Pierre Bellemare, c’est d’abord une voix et un débit très caractéristiques, que l’on reconnaît tout de suite et qui a souvent été imitée dans une parodie du téléachat entre autre par Jacques Martin ou Laurent Gerra. L’animateur s’en est d’ailleurs toujours amusé. Pourtant cette voix, il ne l’a jamais travaillée et lorsqu’il démarre dans le métier à 18 ans, il ne songe même pas à s’en servir. Il vient de perdre sa mère, a raté son bac et a rencontré au lycée sa future femme. Grâce à son beau-frère Pierre Hiegel, il commence à travailler dans une société de radiodiffusion en 1948 : « Au début je collais des étiquettes sur les disques, puis peu à peu on m’a confié des responsabilités techniques et un beau jour il manquait un comédien pour enregistrer une voix, je l’ai fait et on m’a dit que je n’étais pas mauvais … C’est aussi à cette époque que j’ai rencontré Jacques Antoine avec lequel nous avons créé des jeux à la radio puis à la télévision, et qui le premier m’a proposé de raconter des histoires. »

 

Gros succès en librairie

Parallèlement à toutes ces histoires qui captivent les auditeurs et les téléspectateurs depuis une cinquantaine d’années, Pierre Bellemare a écrit avec son équipe de très nombreux livres en majeure partie basée également sur des faits divers : « Les faits divers représentent la partie la plus sombre de notre civilisation mais hélas ils existent, et en les racontant j’ai l’impression de participer à une certaine éducation des gens. Le livre le plus douloureux à écrire a été L’Enfant criminel. » Il s’est entouré depuis le début de 5 à 15 documentalistes et auteurs, selon les périodes, chargés pour les premiers de rechercher dans la presse française et internationale les faits divers, et pour les seconds de les scénariser et d’écrire des dialogues. Pierre Bellemare, étant un des auteurs et le rédacteur en chef de tous ses livres, qui ont toujours rencontré un très large public, notamment « Sans laisser d’adresse », sur les gens qui disparaissent du jour au lendemain, son plus gros succès, que l’auteur analyse ainsi : « C’est un phénomène mystérieux qui véhicule beaucoup de suspense et ne comporte aucun aspect criminel. »

 

Pionnier de la télévision populaire

La carrière d’animateur de Pierre Bellemare commence simultanément à la radio et à la télévision, dont il a été un des pionniers en présentant le premier jeu, intitulé « Télé match ». Dès 1954 il sillonne la France où il enregistre les émissions qui sont diffusées en direct grâce à un car émetteur, et fait ainsi connaître la télévision. Tout est nouveau à cette époque, et il faut constamment inventer. Pour cet instinctif qui rêvait étant enfant de construire des ponts et des voies ferrées, tout s’est fait sans élaborer de plan de carrière, et il est devenu naturellement un animateur populaire. Deux grands thèmes dominent son parcours, les jeux dont le plus fameux est sans doute La tête et les jambes, et bien évidemment les histoires qui ont largement contribué à sa réputation. Puis en 1987 sur TF1, il est le premier en France à présenter une émission de télé-achat avec sa complice Maryse Corson, et le fera dans la joie et la bonne humeur durant 7 ans. Ce concept a depuis été repris par bon nombre de chaînes et continue d’être à l’antenne tous les matins. Dans sa longue carrière, il est une parenthèse heureuse et formidable, selon ses propres mots, qu’il a eu le bonheur de présenter avec Jacques Rouland et Jean Poiret de 1964 à 1971, il s’agit de La caméra invisible où l’irrésistible Jacques Legras s’employait à piéger des inconnus dans des sketches scénarisés.

 

Quelle longévité !

Aujourd’hui, après 60 ans de radio et de télévision avec quelques trous par-ci par-là, il est le seul de cette époque à travailler encore sur les deux médias, et rêve un jour de faire une émission sur sa passion des objets d’art populaire. Pourtant à ses débuts, il a essuyé de nombreuses critiques, notamment de Jacques Chancel qui était journaliste de presse écrite à l’époque, et même s’il a très vite appris à les ignorer, il les a découvertes à la mort de son père : « Mon père a suivi ma carrière avec passion dès la première émission, en conservant dans 7 albums reliés qu’il gardait cachés au fond d’une armoire, tous les articles bons ou mauvais qui avaient été écrits sur moi. Il lui arrivait même de répondre aux critiques et d’engueuler les journalistes. Les lendemains d’émission pour avoir absolument toute la presse, il allait dans les gares parisiennes afin d’acheter les journaux de province. »

D’une nature gentille et bienveillante autant avec les gens qui l’abordent qu’avec ses collaborateurs depuis le début de sa carrière, peut-être en opposition avec les années de guerre qu’il a connues durant sa jeunesse, Pierre Bellemare souhaite uniquement que sa santé ne se dégrade pas pour continuer ce métier qu’il aime tant et profiter avec sa femme de sa campagne périgourdine : « J’aime ma vie, je n’ai jamais eu de conflit avec elle. J’ai été, pour un certain nombre de choses, un chanceux, en ayant la vie que je voulais avoir. »

Publié dans Portraits

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