« Les résultats des élections européennes nous obligent tous à changer de comportement »
Fraîchement réélue députée européenne et maire du 7ème arrondissement de Paris, Rachida Dati qui était également vice-présidente de l’UMP jusqu’à la démission de Jean-François Copé, évoque l’avenir de l’Europe et de son parti malgré la crise qu’il traverse. L’ancienne Ministre de la Justice, qui reste une opposante farouche au gouvernement, analyse les différentes réformes à venir.
Quelles sont les conséquences des élections européennes ?
Rachida Dati - Les résultats des élections européennes nous obligent tous, que ce soient les parlementaires et ceux qui incarneront les institutions, à changer de comportement. Cela veut dire avoir une ligne politique plus claire et en phase avec ce qu’exigent les citoyens européens, une plus grande proximité, et des comptes à rendre de manière très régulière. Le traité de Lisbonne permet aujourd’hui que le Président de la Commission soit de la couleur politique majoritaire sortie des urnes. Le parti populaire européen (PPE) ayant gagné ces élections, notre candidat Jean-Claude Juncker doit être le Président de la Commission. Dans les orientations qu’il donnera à l’Europe, je souhaite qu'il n’y ait pas d’élargissement pour le moment, il faudrait que certaines compétences restent européennes mais que d’autres reviennent aux États ou restent au moins de leur responsabilité, comme la famille par exemple, l’Europe ne pouvant pas se mêler de tout. Dans ce qui doit changer également, il y a la réforme de Schengen avec la maîtrise des flux migratoires, et il faut réaffirmer que nous voulons une Europe avec des frontières.
Que signifient à la fois le désintérêt des français vis-à-vis de l’Europe et le score du FN ?
R.D. - La responsabilisé incombe aux parlementaires européens et aux dirigeants des différentes institutions qui n’ont pas su incarner l’Europe. Nous avons invité plusieurs fois M. Barroso à venir assister à des réunions publiques ou à rencontrer des citoyens, et il a toujours refusé. Il ne faut pas s’étonner ensuite que les européens se désintéressent de l’Europe puisqu’on leur tourne le dos. Cependant, l’abstention aux élections se fait majoritairement chez les jeunes pour lesquels l’Europe est une évidence et qui ne ressentent pas la nécessité de voter. Quant au score du FN, c’est d'abord l’échec de la gauche au pouvoir, mais nous avons aussi notre part de responsabilité. Aujourd’hui l’UMP n’a plus de ligne, nous sommes en train de nous restructurer et l’offre alternative n’est pas très joyeuse. Les électeurs qui ont voté FN ne veulent pas de l’Europe telle qu’elle a été incarnée jusqu’à présent. En plus, on leur parle de l’Europe uniquement lorsque c’est une contrainte. On oublie de leur rappeler que l’Union européenne a contribué à la politique agricole commune, à l’Europe de la justice avec le mandat d’arrêt européen, les conventions pour les pensions alimentaires, l’exécution des condamnations, la lutte contre le terrorisme.
Êtes-vous confiante en l’avenir de l’UMP ?
R.D. - Il y a des gens de qualité à l’UMP, si je n’étais pas confiante que la droite reprenne le pouvoir en 2017, j’arrêterais la politique tout de suite. Les crises majeures que nous traversons aujourd’hui nous obligent à nous remettre en cause, et vont générer quelque chose qui nous permettra de gagner la présidentielle. Comment, avec qui, pour quoi, nous allons plancher dessus. Il nous faut retravailler nos valeurs et notre corpus idéologique. Faire des propositions pour revaloriser le travail, rétablir l’autorité, réduire les inégalités dans l’école. Cela dit, l’état de la gauche n’est pas vraiment mieux. C’est même plus grave puisqu’elle est au pouvoir, nous au moins, être dans l’opposition nous permet de nous relever. Si nous ne sommes pas capables à droite comme à gauche de nous remettre en question, attendez-vous au Front National en deuxième position derrière l’abstention. Je ne veux pas d’un pays où seulement 10% de la population vote, ni d’être dirigée par des gens élus par 10% de la population.
Quel est votre sentiment sur la grève SNCF et celle des intermittents ?
R.D. - Avec la directive qui ouvre la SNCF à la concurrence, il faut moderniser cette entreprise publique, la rendre plus performante, plus compétitive, tout en préservant l’emploi et la qualité de service, c’est tout l’objet de la réforme ferroviaire. Sans mettre en cause le droit de grève, je peux dire que celle-ci n’est pas pertinente car nous avons besoin de cette réforme pour préserver cet outil industriel français, afin qu’il puisse résister à la concurrence.
Concernant les intermittents, la souplesse de ce régime permet de développer des projets et de la créativité sous diverses formes, mais il y a des abus à réprimer. Certaines entreprises profitent de ce statut très avantageux pour ne pas proposer de contrats à durée déterminée ou indéterminée. Il ne faut plus accepter cela afin de préserver ce régime. C’est comme pour notre système de retraites, qui est un des rares au monde à être fondé sur la solidarité et non sur la capitalisation, avec la démographie florissante il faut le réformer pour le sauver. Ces deux systèmes très protecteurs doivent évoluer pour ne pas exploser.
Comment réagissez-vous à ce débat sur la fin de vie ?
R.D. - Je suis très mal à l’aise quand je vois ce débat de l’intime, de la fin de vie, de la dignité, cette bagarre familiale autour d’un homme qui est en train de mourir. Légiférer dans tous les domaines y compris dans celui de l'intime et en particulier sur la fin de vie peut conduire à des tragédies humaines. La loi Leonetti est équilibrée, peut-être pouvons nous l'améliorer ou l'adapter mais n'allons pas plus loin. La médecine n’est pas là pour donner la mort. Je suis très opposée à l’euthanasie depuis toujours par conviction. J’ai travaillé pendant 5 ans en milieu hospitalier et aussi été engagée dans des associations qui proposaient des soins palliatifs. Il faut développer les soins palliatifs et soutenir les associations qui accompagnent les personnes en fin de vie, dans le respect de l’intimité et la dignité des uns et des autres. Les personnes âgées dépendantes sont souvent très isolées, je ne veux pas que l’euthanasie soit le moyen de se débarrasser de quelqu’un. Je ne suis pas favorable comme dans certains pays à avoir des critères qui permettraient de donner ou faciliter la mort.
La réforme territoriale annoncée va-t-elle mettre fin au gaspillage du millefeuille administratif des collectivités ?
R.D. - Cette réforme n’est pas simple. J’ai fait pour ma part la réforme de la carte judiciaire, qui n’était pas facile ! De nombreux gardes des Sceaux avaient échoué avant moi. L'objectif de cette réforme doit être la simplification territoriale et la réduction des dépenses publiques en maintenant un service public de qualité. La première chose à faire est la suppression de la clause dite de compétence générale qui permet aux collectivités de financer les mêmes choses chacune dans son coin sans le savoir et sans évaluation. C'est une source de gaspillage et de déresponsabilisation totale. Après avoir supprimé cette clause, il faut instaurer le principe de spécialisation des collectivités: attribuer des compétences propres et distinctes pour chaque type de compétence, et évidemment diminuer le nombre d'élus en conséquence !
Approuvez-vous le projet de loi sur la transition énergétique ?
R.D. - Il faut reconnaître que Ségolène Royal est courageuse sur des sujets extrêmement sensibles que ce soit sur l'écotaxe ou le texte sur la transition énergétique. Elle assume cette loi, la porte et l’incarne, pour un ministre c’est déjà essentiel. La transition énergétique est une nécessité, elle va dans le sens de l'évolution actuelle du monde en termes de protection de l'environnement, de réduction de la consommation d'énergie, et de diversification de la production énergétique. Le texte, à ce stade, est assez équilibré.