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Gourmand et généreux

Publié le par michelmonsay

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Elu meilleur pâtissier 2013, Christophe Michalak est à 40 ans au sommet de la gloire. Le champion du monde de pâtisserie 2005 qui régale les clients du Plaza-Athénée depuis 13 ans, a maintenant une émission quotidienne à la télé et vient d’ouvrir une Master class avec une boutique.

 

Depuis à peine deux mois, Christophe Michalak s’est lancé un nouveau défi en créant un atelier boutique à Paris. Cela faisait un moment qu’il avait envie d’un lieu à lui avec son équipe pour développer une pâtisserie différente : « Je voulais écrire une nouvelle histoire et proposer une pâtisserie qui me ressemble, à la fois plus simple, plus moderne, qui soit moins grasse, moins sucrée et extrêmement fraîche avec chaque jour de nouvelles créations. » Celui qui se revendique comme étant le fils spirituel de Pierre Hermé, élabore depuis 13 ans une pâtisserie haute-couture au Plaza-Athénée avec d’élégants gâteaux qui ont fait sa réputation. Dans la boutique de sa  Master class du 10e arrondissement, il veut être l’initiateur d’un nouveau souffle de la pâtisserie de qualité, en la désacralisant avec des desserts qui ne ressemblent pas à des œuvres d’art. Après avoir fait le tour de la technicité liée à l’excellence, il revient ici aux fondamentaux et comme c’est un vrai gourmand, il ne propose que des gâteaux qu’il aime profondément manger. Aucune réfrigération, tout est cuisiné le matin pour être consommé le jour même.

 

Une notoriété utilisée à bon escient

Dans ce nouveau concept, outre la boutique il y a la partie Master class à proprement parlé, où le maître des lieux une fois par semaine ou un de ses chefs les autres jours, divulguent tous ses secrets autour d’un thème durant un cours de trois heures. Après avoir été formateur de chefs pâtissiers dans des grandes écoles en France et à l’étranger, il voulait  créer la sienne pour démystifier la pâtisserie auprès d’un public plus large. Sa réputation, qui a encore augmenté depuis que Christophe Michalak fait de la télévision, a permis un bon démarrage des deux facettes de cette Master class. L’importante médiatisation dont il est l’objet lui permet à la fois de mettre en avant son métier, son équipe et ses collègues, d’entreprendre sans cesse de nouveaux projets, mais aussi de changer l’image du pâtissier en lui donnant un coup de jeune, en s’autorisant par exemple à devenir l’égérie de la marque de vêtements IKKS.

Les six livres qu’il a écrits depuis 2006 se vendent très bien et participent aussi à sa notoriété : « Ils me servent à transmettre mon savoir-faire et il faut bien le reconnaître, ce sont de fabuleux  outils de communication. » Le dernier en date intitulé « Les meilleurs desserts de France », lui a permis de faire le tour de nos régions et en ressortir chaque fois une pâtisserie emblématique ou moins connue, qu’il revisite à sa manière. La qualité de son travail et l’énergie qu’il déploie à œuvrer pour la promotion et l’évolution de son métier, lui ont valu d’être élu meilleur pâtissier de l’année 2013.

 

Nouvelle fenêtre de visibilité

La télévision démarre pour lui en 2012 avec « Le gâteau de mes rêves » sur Téva où il va chez des particuliers leur montrer comment améliorer leur dessert fétiche. Puis il fait partie du jury de « Qui sera le prochain grand pâtissier » sur France 2, et depuis septembre sur la même chaîne il anime quotidiennement à 16h50 « Dans la peau d’un chef ». Produit par son ami Nagui, ce jeu met aux prises Christophe Michalak et un chef cuisinier de renom qui, sans mettre la main à la patte, prodiguent leurs conseils à deux commis pour réaliser un plat salé et un sucré en 45 minutes. L’idée lui est venue comme une revanche face au dénigrement, comportement qu’il exècre, des chefs cuisiniers envers les pâtissiers, et comme depuis le début du jeu il gagne très souvent, la revanche est totale. Le tournage des émissions est groupé sur trois jours tous les quinze jours : « C’est énormément de travail et d’énergie, mais c’est une vraie jouissance. J’ai besoin d’apprendre, de me confronter, de ne pas faire tous les jours la même chose, et cette expérience m’apporte beaucoup en matière de cuisine. » Après des débuts poussifs, l’audimat est nettement meilleur et l’émission semble avoir trouvé son public.

 

Parti de rien …

Originaire de l’Oise, il passe une enfance difficile avec un père violent qui ne le reconnaît pas, de nombreux déménagements en Vendée et dans le Maine et Loire. Au sortir de la classe de 3ème, le jeune homme pas très à l’aise dans le cursus scolaire, décide de travailler pour devenir quelqu’un aux yeux de sa mère : « Je suis arrivé là où j’en suis en prenant exemple sur ma mère et ses neuf frères et sœurs dont le père était italien, qui travaillaient du matin au soir, et je me suis appliqué à en faire de même. » Malgré une inclination pour le dessin, il se lance dans une série de stages en mécanique, électronique, bâtiment, puis en cuisine où il découvre la pâtisserie, qui convient très rapidement à ce gourmand dans l’âme. Après un CAP pâtissier, il démarre son apprentissage dans une modeste pâtisserie de Cholet, mais le fait de pouvoir fabriquer des gâteaux et les offrir à sa mère, qui s’empresse d’inviter ses amies pour les déguster le dimanche, le rend très vite heureux. Une fois de plus pour prouver sa valeur, cette fois au patron de la pâtisserie qui le dévalorisait, il remporte le concours de meilleur apprenti départemental, décroche une bourse et part à Londres à 18 ans. Il enchaîne ensuite à Bruxelles, au Japon, à New-York et à Paris chez Fauchon et Ladurée.

 

Pour arriver au sommet

Cet émotif possédant un grain de folie, qui le différencie de beaucoup de ses confrères, va découvrir au fur et à mesure de son parcours le plaisir de procurer des émotions par ses créations. Progressivement, il acquiert un palais en goûtant, mémorisant et en prenant des notes. Il ne rechigne jamais à la tâche pour s’améliorer, aller vers l’excellence en faisant des essais, des recherches, il ne supporte pas l’à-peu-près. Grâce à une fibre artistique, une vraie sensibilité, un côté visionnaire, Christophe Michalak d’étape en étape commence à faire parler de lui jusqu’à la consécration en 2005, où il devient champion du monde de pâtisserie. Lui, l’amateur de boxe et de sports de combat a un côté très compétitif, et adore les histoires d’outsider qui battent les favoris par leur intelligence : « Pour cette coupe du monde, j’ai analysé en amont toutes les données de la compétition, puis je me suis entraîné comme un chien, et le jour J on les a explosés. Quand on m’a remis le prix, dans ma tête je me demandais ce que j’allais faire le lendemain, j’étais déjà passé à autre chose. » Il apprend aussi à manager en se faisant aider par un psy pour savoir écouter les problèmes de ses apprentis, et comprendre qu’ils ne sont pas tous comme lui : « Aujourd’hui ça va beaucoup mieux, je connais le caractère de mes jeunes, leurs capacités, je sais quand je peux les pousser et là où je dois les rassurer. J’aime beaucoup cet aspect formation, et ma grande fierté est de voir la réussite de tous ces gamins à qui j’ai appris le métier. »

 

Au Plaza-Athénée

C’est en 2000 qu’un ami cuisinier présente Christophe Michalak à Alain Ducasse, qui au début le prend de haut et lui met systématiquement des bâtons dans les roues, mais le pâtissier au fil des années va gagner le respect du grand chef. Le directeur du Plaza-Athénée par contre lui fait rapidement confiance, et va s’employer à gérer les égos de ces deux génies de la cuisine. Avec le temps une confiance mutuelle s’installe, ils ont d’ailleurs aujourd’hui un nouveau projet ensemble, et la clientèle vient autant pour la partie sucrée que salée. Malgré ses nombreuses activités qui se sont ajoutées depuis, Christophe Michalak, à la réouverture du palace parisien actuellement en travaux jusqu’en mai 2014, continuera à l’image d’Alain Ducasse de signer la carte. Sauf que le pâtissier prend le tablier tous les matins, il aime être avec sa brigade de 25 personnes, qui en plus du restaurant alimente en sucré huit points de vente dans l’hôtel. Il a appris au contact du chef étoilé aux 30 établissements à travers le monde, à savoir bien s’entourer pour aller toujours plus loin.

 

La pâtisserie de demain

Trois mots caractérisent son travail : Elégance, équilibre et émotion : « Lorsque les clients goûtent mes pâtisseries, ils parlent de puissance, de sensations explosives, d’efficacité, de précision des goûts, d’aspect attirant et innovant. Tous les jours je me demande ce que sera la pâtisserie de demain, en n’hésitant pas à tout changer dans les recettes traditionnelles, par exemple je ne veux plus faire de bûche ni de galette des rois telles qu’on les connaît. »

Peut-être parce que la vie a été dure avec lui lorsqu’il était jeune, Christophe Michalak n’a jamais un comportement dominateur ou humiliant avec les autres, et il avoue une vraie boulimie de gâteaux et de projets : « J’ai toujours besoin de travailler pour prouver que tout ce que j’ai est mérité. »

 

A lire : « Les meilleurs desserts de France » par Christophe Michalak – Editions Gründ.

 

Pour déguster ou apprendre : Michalak Master classe – 60, rue du faubourg Poissonnière – 75010 Paris.

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Un parcours sans faute

Publié le par michelmonsay

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Tout ce que fait cet amoureux de la langue française a toujours été couronné de succès. Depuis Apostrophes et Bouillon de culture à la télévision, jusqu’aux livres qu’il a écrits, en passant par ses fameuses dictées et aujourd’hui ses lectures spectacles sur scène.

 

Dans la foisonnante collection des dictionnaires amoureux, celui consacré au vin écrit par Bernard Pivot en 2006 est l’ouvrage qui s’est le plus vendu. Il était donc prévisible qu’une version illustrée voit le jour. Sorti ces jours-ci, ce beau livre est richement pourvu de photos, dessins et reproductions de tableaux qui accompagnent parfaitement les textes de l’auteur. S’il l’a conçu initialement pour mettre en avant les rapports du vin et de la culture et non écrire un livre technique de plus, Bernard Pivot a voulu aussi y mêler ses souvenirs liés aux vins. Dès son enfance dans la petite propriété familiale du Beaujolais, il a pratiqué les travaux viticoles avec le vigneron de ses parents durant toutes les vacances scolaires jusqu’à l’âge de vingt ans. Il est resté attaché à ce vin et à cette région où il possède une maison avec un hectare de vignes autour, destiné à la cave coopérative de son village à laquelle il est adhérent. Dans les années 1980, cet amateur de vin a résisté à la tentation d’acheter des vignobles comme beaucoup de personnalités l’avaient fait à l’époque, pour ne pas altérer son image en ayant des bouteilles de vin à son nom tout en faisant la promotion de livres sur le service public.

 

D’un public à l’autre

De une à trois fois par mois, il monte sur scène un peu partout en France pour une lecture spectacle de ses livres. Une trentaine de représentations ont déjà eu lieu après qu’il ait commencé il y a un an et demi au Théâtre du Rond-point à Paris, sur une idée de Jean-Michel Ribes son directeur. Bernard Pivot, qui a passé une grande partie de sa vie professionnelle à lire les textes des autres devant deux ou trois millions de téléspectateurs invisibles, a été excité par le challenge de lire ses propres textes face à un public réel. Parmi les théâtres où il s’est produit, l’expérience la plus émouvante s’est déroulée en juillet dernier à 5 km de chez lui dans le Beaujolais, devant une salle comble de proches et de voisins, où il a rajouté pour l’occasion des textes sur le vin à son spectacle.

La fidélité du public qu’il mesure sur cette aventure théâtrale, mais aussi à chaque sortie de livre, ou au vu des 180 000 personnes qui le suivent sur Twitter, n’a jamais faibli depuis Apostrophes. Cette émission mythique qui est restée dans l’esprit de tous ceux qui ont eu le bonheur de la connaître, pourra désormais être visible par tous. Douze émissions entières choisies par Bernard Pivot lui-même sur les 724 existantes, seront disponibles début novembre en DVD, et viendront s’ajouter aux tête-à-tête avec de grands écrivains qui sont déjà dans le commerce.

 

La miraculeuse alchimie d’Apostrophes

L’engouement autour d’Apostrophes qui dépassait largement le cercle des intellectuels au moment de sa diffusion, et même 23 ans après la dernière, s’explique par une conjonction de facteurs favorables selon son animateur : « Au-delà du fait que j’étais probablement la bonne personne au bon moment et que j’ai eu la chance d’être adopté par les écrivains et par les téléspectateurs, il y avait une attention aux livres qui est moins présente aujourd’hui. On prenait le temps de regarder une émission culturelle vu le nombre de chaînes plus limité, enfin le téléspectateur était attiré par ce genre de programme alors qu’aujourd’hui il a plus envie de se distraire. J’estimais une émission réussie lorsque l’on apprenait des choses, découvrait un écrivain, et qu’on avait envie de la poursuivre dans la lecture des livres. » Beaucoup de personnes d’horizons très divers, comme en témoignaient les libraires, se sont mises à lire après avoir vu Apostrophes, cette émission les valorisait.

Comme il y a toujours un décalage entre la parole et l’écrit, parfois certains auteurs étaient meilleurs sur le plateau que dans leur livre, ou inversement comme Patrick Modiano et ses hésitations. Des rencontres marquantes, il y en a eu énormément pour Bernard Pivot mais parmi elles, une s’est faite sur le terrain de la séduction : « Je suis tombé amoureux fou de Jane Fonda pendant qu’elle parlait en direct, et du coup j’ai un peu négligé les autres invités, j’étais au bord de la faute professionnelle. »

 

Profil atypique

Sa passion du football qui l’a amené à suivre pour France 2 quatre coupes du monde en tant que consultant, ainsi que ses origines beaujolaises, ont suscité les critiques de certains intellectuels. Ce côté populaire a certainement dû contribuer au succès de l’animateur auprès d’un large public. On lui a aussi reproché de ne pas avoir fait des études supérieures de lettres, à part celles de journalisme, qui auraient justifié la place importante qu’il avait à la télévision et dans le monde littéraire. Paradoxalement, ce manque a peut-être était une de ses forces, selon l’écrivain et ami Jorge Semprun, qui pensait que la curiosité d’étudiant dont faisait preuve Bernard Pivot lorsqu’il interviewait les écrivains avec gourmandise et malice pour savoir et comprendre, venait de ce manque. Son université à lui a été la télévision chaque vendredi soir. Cela dit, l’influence qu’avait l’animateur était considérable, tous les auteurs voulaient venir sur le plateau d’Apostrophes et le lendemain de l’émission, les ventes des livres présentés grimpaient en flèche.

 

Une carrière télé exemplaire

On peut remarquer une constante dans sa vie, ce n’est pas lui qui initiait les projets. Chaque fois on venait le chercher, comme pour ses débuts à la télévision alors qu’il travaillait au Figaro littéraire et avait une chronique humoristique sur Europe 1. Pour commencer, il crée l’émission Ouvrez les guillemets en 1973 sur la première chaîne, et à l’éclatement de l’ORTF il passe sur Antenne 2 pour lancer Apostrophes en janvier 1975, qu’il arrête 15 ans plus tard : « Je menais une vie monacale au milieu des livres, lisais entre 10 et 14 heures par jour, ne sortais jamais si ce n’est pour un match de football de temps en temps, et j’avais envie de retourner au cinéma, au théâtre et à l’opéra. »

D’où la création de Bouillon de culture en 1991. Cette émission qui a duré dix ans, traitait de différentes formes d’art dans ses premières années avant que le tropisme littéraire reprenne le dessus. Moins à l’aise pour interviewer des comédiens que des créateurs comme les metteurs en scène, Bernard Pivot se rappelle avec la disparation récente de Patrice Chéreau, de la formidable émission en 1994 où il l’avait invité en compagnie de l’équipe du film La Reine Margot et de l’historien Jean Tulard. Cinéma, littérature et histoire avaient été mêlés dans un vrai bouillon de culture ce soir-là. Pour clôturer sa carrière à la télévision, il a fait pendant quatre ans dans Double je, le portrait de personnalités d’origine étrangère ayant fait le choix de s’exprimer dans notre langue ou de vivre en France.

 

Un littéraire qui s’ignorait

L’idée du journalisme, encore une fois n’est pas de lui mais d’un parent éloigné. Après une scolarité plutôt moyenne jusqu’au Bac, il était assez peu sûr de lui et assez peu ambitieux mais il a tout de même intégré le centre de formation des journalistes : « Le médiocre lycéen est devenu un brillant étudiant, j’avais trouvé ma voie et je suis sorti vice-major de ma promotion. » Pourtant l’amour des mots et de la langue française a démarré très tôt, puisque son premier livre de chevet a été le Petit Larousse alors qu’il n’avait pas dix ans. Cette passion s’est concrétisée évidemment dans la lecture, mais aussi avec ses fameuses dictées des Dicos d’or qu’il a animés durant vingt ans. S’il a écrit quelques unes des plus belles pages de l’histoire de la télévision, Bernard Pivot a aussi exercé son métier dans la presse écrite, avec quinze années au Figaro littéraire, puis il a crée le magazine Lire, et aujourd’hui encore il a une chronique dans le Journal du Dimanche. Il faut ajouter à cela l’écriture d’une dizaine de livres, dont le dernier consacré à son nouveau dada, les tweets : « C’est un bon exercice où il faut savoir exprimer une idée, un sentiment, un souvenir en 140 signes et en y mettant un peu d’humour ou de gravité. »

 

Taillé pour l’Académie Goncourt

Lorsque Bernard Pivot a arrêté Bouillon de culture, Jérôme Garcin lui a dit : « Et maintenant l’Académie Française ? » Ce à quoi Bernard Pivot a répondu : « L’habit vert et les discours ne conviennent pas à ma nature modeste, en revanche l’Académie Goncourt me plairait beaucoup, on y fait trois choses que je sais à peu près bien faire : Lire, boire et manger. » Trois ans plus tard, il est élu à l’Académie Goncourt en octobre 2004 pour services rendus aux livres et à la littérature. Il devient ainsi le premier journaliste à avoir cet honneur. Aujourd’hui à 78 ans, il souhaite garder une santé assez bonne pour continuer à lire, boire et manger sans oublier écrire, dont il a longtemps refoulé l’envie avant de s’y consacrer depuis la fin de sa carrière à la télévision.

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L’homme de l’ombre

Publié le par michelmonsay

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Durant 15 ans, Franck Louvrier a été en charge de la communication de Nicolas Sarkozy à la mairie de Neuilly, au Ministère de l’Intérieur, au Ministère de l’économie et bien sûr à la Présidence de la République. A 45 ans, il a clos le volet politique de sa carrière pour prendre des responsabilités dans le groupe Publicis.

 

Avant même l’élection présidentielle de 2012 dans laquelle il s’est investi pleinement aux côtés de Nicolas Sarkozy, et quel qu’en était le résultat, Franck Louvrier savait qu’il voulait changer d’environnement. Même s’il a adoré toutes ces années avec l’ancien chef de l’Etat, où il a été l’un de ses plus proches collaborateurs, il souhaitait tourner la page en revenant à sa première passion, la communication, mais dorénavant sans la politique. C’est donc la proposition du groupe français Publicis qu’il a retenue, dont le rayonnement international s’est encore plus élargi depuis la récente fusion avec l’américain Omnicom, qui fait aujourd’hui de Publicis  le premier groupe de communication au monde. En l’intégrant, Franck Louvrier fait clairement le choix de continuer à traiter des dossiers très variés avec des problématiques bien différentes : « La diversité des sujets contribue à la richesse du quotidien, et de ce fait le matin vous partez heureux au travail. Mon objectif lorsque j’étais étudiant allait dans ce sens : Trouver un métier dans lequel je ne me dise pas le lundi matin, vivement le vendredi soir. »

 

De nouveaux défis

Depuis un an, il est président de Publicis Events, une agence d’une cinquantaine de personnes qui s’occupe de la création d’événements pour les entreprises, et de lancements de produits ou de services. En juin dernier, il s’est vu confier également la responsabilité du pôle influence de Publicis Consultants, agence dont il est devenu vice-président et qui appartient aussi au groupe. Ce pôle où travaillent 80 personnes, accompagne les entreprises dans leur stratégie de communication à travers les relations avec les médias, la réputation sur les réseaux sociaux, la communication financière, la gestion de crise et les affaires publiques. Tous ces domaines d’intervention, il les a expérimentés au plus haut niveau de l’Etat avec Nicolas Sarkozy, la pression médiatique étant remplacée maintenant par celle du business. D’une certaine manière il reproduit aujourd’hui ce qui a fait sa force hier : Une grande proximité avec ses équipes et une disponibilité totale avec ses interlocuteurs.

 

Le choix de la communication politique

Après des études de droit et sciences politiques à l’université de Nantes, ville dont il est originaire, et avoir intégré l’école supérieure de gestion à Paris où il se spécialise dans la communication, Franck Louvrier démarre sa carrière professionnelle en 1994 comme assistant parlementaire de la députée de Loire-Atlantique Elisabeth Hubert. Il la suit un an plus tard lorsqu’elle est nommée Ministre de la santé pour s’occuper de sa communication, responsabilité qu’il exerce aussi auprès de Dominique Perben, Ministre de la fonction publique. Puis en 1997, alors qu’il est en charge du service de presse du RPR, il accepte la proposition de Nicolas Sarkozy de se consacrer à sa communication. Une confiance s’instaure progressivement entre les deux hommes qui va leur permettre de franchir ensemble toutes les étapes, de la tête du RPR en passant par la mairie de Neuilly, le ministère de l’Intérieur, celui de l’économie, jusqu’à la Présidence de la République.

D’autant que peu de temps après le début de leur collaboration, la défaite aux élections européennes de 1999 pousse Nicolas Sarkozy à démissionner de la présidence du RPR et entamer ce que certains appellent sa traversée du désert. Cet épisode les rapproche et leur permet d’affiner leur méthode : « C’est quelqu’un qui travaille énormément en équipe, j’étais donc présent quasiment à toutes les réunions stratégiques, ce qui permettait d’avoir un volet communication en amont et savoir ainsi comment traiter les sujets. Nous avons procédé de la même manière aussi bien à la mairie de Neuilly, que dans les ministères et qu’à l’Elysée. »

 

Optimiste et raisonnable

Lorsqu’on lui demande quels ont été les moments pénibles, à part les défaites électorales Franck Louvrier n’en retient pas, jugeant que tout est compliqué à ce niveau de responsabilités. Il précise cependant : « Ce qui est difficile au Ministère de l’Intérieur, c’est que vous êtes au plus près de la misère humaine. » Tout au long de ces 15 années, où qu’il se soit trouvé, il s’est efforcé d’appliquer une règle : « Toujours aborder les problèmes par votre métier, le plus professionnellement possible, et après viendra la passion, si vous choisissez l’inverse vous risquez de faire des erreurs. » En arrivant à l’Elysée, il s’aperçoit rapidement qu’il va être sous pression permanente et va devoir élaborer une stratégie de communication : « Il s’agissait de répondre dans l’instant à toutes les problématiques qui se présentaient sans en négliger aucune. J’ai compris aussi que la question n’était pas de se demander si telle chose allait se savoir mais plutôt quand elle allait se savoir. Il n’y a pas de secret, ou il est très relatif. Tout est à gérer quotidiennement en ayant à la fois le nez sur le guidon mais en regardant aussi le bout de la piste pour éviter de tomber. »

 

Au sommet de l’Etat

Dans les moments forts des 5 années à l’Elysée, il cite la libération d’Ingrid Betancourt qui paraissait tellement improbable, la gestion de la crise financière, la médiation de Nicolas Sarkozy pour faire cesser l’intervention de la Russie en Géorgie en août 2008 : « Vous voyez dans ces moments-là que l’être humain a un rôle sur l’évolution de l’Histoire. » Etant de tous les déplacements du chef de l’Etat, Franck Louvrier se rappelle des rencontres qui l’ont marqué : « Nelson Mandela, Barack Obama dans l’impressionnant bureau ovale de la Maison-Blanche, des pilotes de Canadair qui tentent d’éteindre des feux au péril de leur vie, des policiers de la brigade anti-criminalité du 93 qui se battent chaque jour et chaque nuit pour la loi républicaine sans être démotivés malgré la difficulté de la tâche. »

Sur l’omniprésence de Nicolas Sarkozy, son conseiller y voit une présidentialisation du pouvoir à cause du quinquennat, et un bouleversement de la communication avec l’information continue. Il considère d’ailleurs que François Hollande est dans la même logique.

 

Une pression quotidienne

Franck Louvrier avait donc en charge avec son équipe l’orchestration de l’action présidentielle, qui consistait à expliquer aux français sous différentes formes toutes les décisions prises par le Président. Ses journées commençaient à 7h où il prenait le pouls politico-économique du moment en arrivant à l’Elysée, puis enchaînait les réunions, les déplacements, et une centaine d’appels téléphoniques qu’il prenait chaque jour pour répondre entre autres à tous les journalistes. Sa plus grande fierté est d’avoir aidé Nicolas Sarkozy à créer son territoire de marque, à être connu dans le monde entier, à intéresser les français à chacun de ses passages télévisés, et à incarner l’action en politique.

Moments à part dans cette aventure, les deux campagnes présidentielles de 2007 et 2012 où il s’est agi d’élaborer une communication de conquête avec encore plus de pression. Même s’il veut bien entendre qu’il y a peut-être eu des erreurs lors de la deuxième campagne, il reste persuadé que le fait d’être président et candidat est un statut très compliqué à gérer, et que la défaite s’explique en bonne partie à cause de cela. Franck Louvrier a aussi conseillé le Président sur la communication de sa vie privée, en tâchant de fixer une frontière entre montrer trop et pas assez, mais comme il le souligne : « La multiplication des médias et la concurrence qui en découle fait que la peopolisation est devenue incontournable. Nombre de politiques transgresse aujourd’hui les limites entre vie privée et vie publique, pour être un peu plus visible que son concurrent, même ceux qui disaient ne pas vouloir y toucher. Au sommet de l’Etat, votre vie ne vous appartient plus totalement, et penser que vous pouvez en avoir la maîtrise est un leurre. »

 

Des choix raisonnés et exigeants

S’il se perçoit comme un bon métronome, un facteur de stabilité, quelqu’un de raisonnable qui sait écouter et prendre une décision après avoir bien pesé le pour et le contre, il sait aussi être très réactif lorsqu’il le faut. Pour ne pas être déconnecté de la réalité, ne pas s’enfermer dans la tour d’ivoire de l’Elysée, et concrétiser son attachement charnel à Nantes et sa région, il a été élu conseiller régional des Pays de Loire en 2010. Cela lui permet aujourd’hui d’avoir encore un lien avec la politique, même s’il n’envisage pas d’y revenir pleinement. Sa décision s’explique par le refus de s’installer dans le confort de ce qu’il a déjà fait durant plus de 15 ans, il se sent bien dans la pure communication et aime l’idée d’avoir de nouveaux challenges.

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Si Versailles m’était conté … par son jardinier

Publié le par michelmonsay

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A près de 56 ans, Alain Baraton règne sur les 850 ha des domaines de Trianon, du grand parc du château de Versailles et de Marly en tant que jardinier en chef depuis plus de 30 ans. Ses écrits qui se vendent très bien, ses chroniques sur France Inter toujours très appréciées depuis 10 ans, son esprit libre et son approche écologique du jardinage ont contribué à faire évoluer l’image du jardinier et à dépoussiérer celle de Versailles.

 

Parmi les nombreux événements qui émaillent l’année Le Nôtre, l’exposition au Grand Trianon sur les fleurs du Roi est l’occasion de découvrir des vélins du XVIIe siècle et des parterres qu’a concoctés Alain Baraton, similaires à ceux qui étaient présentés à Louis XIV. Réfractaire à la course en avant de ses prédécesseurs qui étaient toujours à la recherche de nouvelles variétés de fleurs, avec des coloris plus vifs ou une durée de floraison plus longue, il innove en réintroduisant  des fleurs d’époque qui avaient disparu. Amoureux de longue date des arbres, le célèbre jardinier après six années de recherches va sortir début octobre un livre intitulé « La haine de l’arbre » où il accuse nos dirigeants de ne pas gérer les arbres comme ils le devaient, et a bien l’intention de s’engager dans ce combat : « Les vieux arbres en France ne bénéficient d’aucune protection, ils ont beau être classés remarquables, la loi ne les protège pas et l’on n’hésite pas à les sacrifier pour des projets urbains ou autres. J’ai un profond respect pour les arbres, ils atteignent des dimensions incroyables, sont capables de vivre jusqu’à plus de 9000 ans comme cet épicéa à la frontière entre la Suède et la Norvège, et ce sont eux qui m’ont donné la vocation. »

 

Un jardin extraordinaire

Pour Alain Baraton, un jardin doit être avant tout un lieu de vie ne subissant pas un entretien trop poussé, notamment sur les pelouses pour que l’on puisse s’y détendre. C’est aussi pour lui une caricature de la nature. Avec 150 personnes en moyenne sous ses ordres sur les 850 ha du domaine, qui est planté de 350 000 arbres, bordé de 18 500 arbres d’alignement et garni d’un million de fleurs, face à ces chiffres impressionnants, le jardinier de Versailles organise ses journées comme un chef d’orchestre qui doit veiller à ce que toutes les activités, touristiques et ses 10 millions de visiteurs par an dans les jardins, événementielles, officielles avec la résidence de la Lanterne, puissent cohabiter avec les différents travaux jardiniers. Il se revendique avant tout comme un homme de terrain, les réunions l’ennuient, et comme il habite dans le parc, ses journées, dont il assure qu’il n’y en a pas deux qui se ressemblent,  commencent et se terminent en s’y promenant autant pour le plaisir que pour identifier ce qui ne va pas. Même si sa préférence va vers l’aspect champêtre que l’on trouve au fond du domaine, il aime la diversité de Versailles avec son jardin à la française qu’il considère comme un musée de plein air symbolisant le pouvoir, et son jardin paysager donnant l’illusion d’être entouré d’une nature luxuriante.

 

Une personnalité bien affirmée

Depuis qu’il a la charge des jardins de Versailles, Alain Baraton a réussi à imposer sa patte faite d’originalité et de fantaisie : « Avant, les pelouses du hameau de la Reine étaient tondues régulièrement, ce n’était plus un jardin, c’était un golf. Aujourd’hui, c’est un endroit où l’on a envie de se perdre, j’y ai restauré l’esprit champêtre, qui contraste avec le reste du parc. Dans l’ensemble du domaine, j’ai remplacé les massifs de fleurs bas et uniformes composés des sempiternels bégonias, en recréant des massifs volumineux et colorés. Nous ne mettons plus une seule goutte d’insecticide et nous n’avons pas plus de problème qu’avant. J’ai supprimé tous les panneaux « pelouse interdite », là où ce n’était pas justifié. Le pique-nique y est interdit mais on ferme les yeux. Mon métier est encore plus beau, si je permets à des familles le week-end de passer des moments agréables. » Sa renommée a dépassé nos frontières, puisqu’il a prodigué ses conseils en Chine et aujourd’hui il le fait au Japon. Il s’occupe également du domaine de Marly, qui a été rattaché en 2009 à celui de Versailles.

Au-delà de tout ce qu’il a pu mettre en œuvre sur le terrain, Alain Baraton se différencie de ses collègues par son esprit libre et son besoin de communiquer. Il ne voit pas pourquoi des élus et des pseudos intellectuels auraient le droit de dire tout et n’importe quoi, et de simples jardiniers n’auraient le droit que de se taire. Le manque de considération relatif à son métier le met hors de lui, et il rappelle que Voltaire considérait le jardinier comme le plus noble des métiers.

 

Pouvoir enfin s’exprimer

Contrairement à André Le Nôtre qui n’a laissé aucun écrit, Alain Baraton a ressenti le besoin il y a une dizaine d’années de transmettre ce qu’il avait appris à Versailles, en commençant à écrire des livres. Très vite cela devient une passion, et comme il ne conçoit pas que l’on puisse entretenir un lieu sans être au courant de son histoire, il écoute, se documente, fait des recherches de plus en plus approfondies et enchaîne les livres. Si beaucoup de ses écrits parle des jardins, certains racontent les histoires coquines ou criminelles de Versailles. Ses livres, 15 au total, sont quasiment tous des gros succès, notamment « Le jardinier de Versailles » en 2006, qui est le premier qu’il écrit en qualité d’auteur en s’éloignant du livre de jardinage et où il raconte son itinéraire personnel, la grande et la petite histoire de Versailles d’hier et d’aujourd’hui. On peut citer également « Le dictionnaire amoureux des jardins » paru en 2012.

Ecrire donne aussi une caution intellectuelle au jardinier : « Cela m’a permis de montrer que je n’étais pas plus bête qu’un autre. C’est mon ami Jean-Pierre Coffe qui est le premier à m’avoir publié, et c’’est également lui qui m’a proposé de tenir une chronique sur France Inter. » Tous les samedis et dimanches matins depuis dix ans avec « La main verte » durant l’année et « Jardin d’été » en juillet et août, il devient le jardinier le plus écouté de France avec 3 millions d’auditeurs. Outre sa passion qu’il distille sur un ton assez fantaisiste et enthousiaste, il aborde toutes sortes de sujets qui lui tiennent à cœur et n’hésite pas à dire ce qu’il pense, quitte à être politiquement incorrect. Il a officié également à la télé avec « C’est au programme » sur France 2 aux côtés de Sophie Davant durant deux ans, et avec « Alain l’enchanteur » sur Paris première pendant six mois.

 

Une renaissance à Versailles

La photo, qui était le métier dont rêvait le jeune Alain Baraton, est restée importante dans sa vie. Il aime de temps à autre prendre son appareil et photographier le monde tel qu’il le voit : « Quand j’étais gamin, le monde qui m’entourait ne me plaisait pas, je le trouvais trop violent et il l’est toujours d’ailleurs, trop agressif, trop terne, et avec la photo, il y a cette liberté de pouvoir transformer la vie. »

Ses parents ayant sept enfants et voyant les résultats scolaires assez moyens du jeune homme, qui par ailleurs n’hésite à pas à tondre les pelouses et à faire de menus travaux dans les propriétés voisines à La Celle Saint-Cloud pour se faire de l’argent de poche, l’inscrivent d’office dans un lycée horticole en internat pour trois ans. Au sortir de cette formation, il est engagé pour un job d’été au château de Versailles comme caissier, il sympathise avec le jardinier en chef qui lui propose à la fois de devenir aide-jardinier et un logement dans le domaine de Versailles, il a alors tout juste 19 ans : « Maladroit et timide, je ne trouvais pas ma place dans la société. Je dis souvent que je suis né à Versailles en 1976, j’ai eu le sentiment d’exister dès que j’ai eu ce travail, avant j’étais une ombre parmi les ombres. » Par volonté et par concours, il gravit les échelons en six ans pour être nommé jardinier en chef en 1982.

 

Continuer à vivre sa passion à Versailles

 

L’une de ses plus belles réussites est d’être parvenu à changer l’image du jardinier, et aujourd’hui toute une génération d’apprentis jardiniers se reconnait en lui à la fois pour son esprit libre et sa vision plutôt écologique du métier. Quant à son pire souvenir, il s’agit bien évidemment de la tempête de décembre 1999 avec 18 500 arbres à terre dont certains immenses et très anciens. Lui, dont l’arbre préféré est le chêne et la fleur la pivoine, a son petit jardin attenant à sa maison dans le parc de Versailles où il aime y cultiver quelques légumes. Le meilleur moment de sa journée est celui où il quitte son bureau le soir, part se promener dans le parc lorsque le public est parti : « J’ai le sentiment d’être comme un metteur en scène, la pièce vient d’être jouée, le rideau est tombé et finalement c’était une belle journée. Si jamais elle ne l’a pas été, je me rassure en me disant qu’elle le sera demain. Ce qui n’est pas bon va le devenir et ce qui est bon va le rester. »

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Un nutritionniste boulimique … de projets

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L’élève du Pr Apfelbaum est devenu à l’image du maître, une référence de la nutrition et un personnage très médiatique. A 54 ans, Jean-Michel Cohen continue de vulgariser son métier à la télé, dans ses livres et dans toutes sortes de médias qui le sollicitent régulièrement, continue aussi de proposer un régime équilibré à ses patients et sur Internet, enfin développe en permanence de nouveaux projets qui touchent à la santé et l’alimentation.

 

En attendant son nouveau livre, « 250 aliments santé et minceur » qui sortira fin août, le Dr Cohen vient d’accepter d’être Monsieur santé sur i>Télé en présentant quotidiennement une chronique diffusée plusieurs fois par jour sur la nutrition, l’actualité de la santé et du progrès médical. Depuis 2000, son activité médiatique est assez intense avec des émissions sur M6 ou D8, et des interventions régulières en tant que spécialiste autant à la télé qu’à la radio et dans la presse écrite. Ce besoin de transmettre et de vulgariser est comme une deuxième peau : « Je suis un communicant de nature, lorsque j’étais prof à l’université Xavier Bichat de Paris 7, les étudiants faisaient la queue pour venir à mon cours de nutrition et physiologie. Au début, je n’aimais pas du tout les médias, j’étais pétri d’académisme et de médecine noble. Puis je suis allé par provocation sur le plateau de « C’est mon choix » sur France 3, car je trouvais antidémocratique le mépris que certains avaient pour cette émission, et j’en suis devenu un des piliers. On m’a alors invité à e=m6 où je me suis lancé dans une diatribe virulente contre tous les escrocs de mon métier, ce qui a généré un très bon score d’audience et le début de ma collaboration avec M6. »

 

Un parcours médiatique efficace

Cela commence avec « J’ai décidé de maigrir » une émission qui au début fait scandale, ce qui n’est pas pour déplaire à Jean-Michel Cohen l’impertinent, mais il obtient l’autorisation de l’Ordre des médecins et fait venir les plus grandes pointures de la nutrition à l’antenne. Il enchaîne ensuite différents programmes et réussit à créer de l’intérêt pour sa discipline. Il faut bien reconnaître que l’on parle beaucoup plus de nutrition depuis la médiatisation du Dr Cohen. Son livre sorti en 2004, « Savoir manger : Le guide des aliments », en étant le premier à décrypter les étiquettes de supermarché, ce qui n’a pas manqué d’amener au nutritionniste des menaces de toutes sortes, a eu beaucoup de retentissement et a été plusieurs fois réédité avec de nouvelles mises à jour. De même, son émission avec le chef Cyril Lignac, « Vive la cantine » sur M6, a lancé un sujet de société en alertant sur l’état des cantines scolaires dès 2006, depuis on observe une prise de conscience et quelques améliorations. On a l’impression que tout ce que touche Jean-Michel Cohen se transforme en succès. Il a écrit récemment un livre aux Etats-Unis, « The parisian diet », qui non seulement a très bien marché mais notre célèbre french docteur a été invité dans les plus grands shows de la télé américaine.

 

Rééduquer le consommateur

Opposé au régime rapide miracle du Dr Dukan, le Dr Cohen qui avait dénoncé les dangers pour la santé d’un tel régime, a gagné en 2011 le procès en diffamation que lui avait intenté son rival. Il est vrai que le domaine de l’amaigrissement comporte de nombreuses offres au marketing efficace qui cachent les effets néfastes sur le long terme. Ce que propose Jean-Michel Cohen prend plus de temps et parait plus à l’écoute de l’individu sans négliger la part de plaisir : « Le comportement alimentaire des humains est dicté par la biologie mais aussi par le plaisir et si vous l’enlevez vous créez de la frustration. Je suis beaucoup plus dans le rééquilibrage, la rééducation alimentaire, la protection des individus que dans le résultat rapide qui conduit derrière invariablement à des échecs. Je crois avoir apporté une simplification de notre métier en démontrant aux gens qu’ils pouvaient s’approprier la nutrition. Ma plus belle satisfaction a été de voir, après la sortie de mon guide des aliments, les consommateurs retourner les produits dans les supermarchés pour voir les étiquettes. Il y a quelques combats que j’ai gagnés contre les industriels, comme la modification de l’étiquetage et la diminution de l’huile de palme que l’on trouvait partout sous forme déguisée. »

 

Engagement politique au sens citoyen

Avec un sens développé du civisme et de sa responsabilité de citoyen, il a été auditionné en tant qu’expert par la commission pour la prévention et la prise en charge de l’obésité créée par le Président Sarkozy en 2009. Dans cette même logique, il s’est engagé localement sans être politisé auprès du maire de Boulogne-Billancourt, Jean-Pierre Fourcade, de 1995 à 2008 en étant chargé des sports. Ensuite, il n’a pas voulu travailler avec le nouveau maire pourtant du même bord politique, considérant qu’il ne servait pas les intérêts de la ville, mais il est resté conseiller municipal indépendant et va chaque mois marquer son opposition lors du conseil. Le sport, indépendamment du fait qu’il soit associé à la santé, si le Dr Cohen s’en est occupé auprès du maire, c’est qu’il a toujours aimé cela et a été un très bon joueur de tennis, qui aujourd’hui pratique plutôt le vélo et la musculation.

 

La famille et le Pr Apfelbaum

Si sa femme, docteur en pharmacie et cosmétologue, et ses trois filles lui ont permis de garder les pieds sur terre, notamment ses filles qui le taquinaient en chantant « Les gens l’appellent l’idole des gros » ou en le traitant de guignol lorsqu’il faisait une émission qui ne leur plaisait pas, Jean-Michel Cohen a toujours été très attaché à la vie de famille. Celle-ci a commencé à Oran en Algérie française, et lorsque ses parents sont rapatriés en 1962, il n’a que trois ans. Les débuts sont difficiles, son père n’ayant pas de travail ni de revenus, ils vivent à quatre dans une chambre de bonne à Paris et à l’école on lui fait sentir sa différence à cause de son accent. Rapidement, lé déménagement à Clichy va arranger la situation et au cours d’une enfance assez heureuse, le jeune homme inconsciemment se montre sensible dans ses lectures aux personnages de médecins. Après le Bac, il choisit médecine avant tout pour être libre et à son compte, mais en 3ème année la rencontre à Bichat avec Marian Apfelbaum, le plus grand nutritionniste mondial de l’époque, est déterminante : « Evidemment j’admirais le professeur qui en plus était très médiatique, mais j’avais été gros durant mon enfance et ma mère qui l’était aussi, avait consulté tous les charlatans de Paris, j’avais donc un intérêt particulier pour cette discipline. » On peut dire aujourd’hui que l’élève a copié le maître.

 

Les bases du métier

A cette période, la discipline n’est pas du tout répandue, très peu en vivent et Jean-Michel Cohen va d’abord travailler au laboratoire de recherches de l’université Bichat puis dans l’industrie pharmaceutique sur de la nutrition parentérale. Les dix années passées à la fac restent un très grand souvenir : « C’était le début de la nutrition et tout s’est fait à cette période, depuis la fin des années 1980 il ne s’est rien produit de nouveau. C’était fabuleux, chaque jour amenait son lot des surprises, nous avons commencé à comprendre le mécanisme cellulaire de surpoids, l’impact du cholestérol et des triglycérides, et nous avons découvert le premier gène de l’obésité. »

Il s’installe ensuite à son compte en étant l’un des premiers à créer un centre médical pluridisciplinaire en région parisienne. Le régime qu’il propose à ses patients n’est pas une méthode, comme beaucoup de ses confrères, mais l’application de règles élémentaires de nutrition pour manger équilibré. L’accompagnement régulier étant un facteur primordial dans un régime, le Dr Cohen s’est depuis doté d’un site Internet pour créer de la stimulation et encourager les patients. Malgré l’apport efficace des nouvelles technologies, le moment qu’il préfère reste la première fois qu’il rencontre un patient, découvre son histoire et essaie de comprendre.

 

Insatiable

 

Le cordonnier étant le plus mal chaussé, le célèbre nutritionniste ne s’applique pas vraiment les règles qu’il dicte aux autres, et alterne périodes de régime et d’euphorie alimentaire : « Depuis que je suis un personnage public, je passe ma vie au restaurant dans des contextes conviviaux, ce qui ne me déplait pas. On ne fait maigrir que ceux qui ont besoin ou envie de maigrir. » Toujours à la recherche de nouveaux projets, il en a plusieurs qui pourraient se concrétiser prochainement : « Il est possible que je m’occupe de la restauration de la SNCF, que je lance un encas de régime avec Danone, j’ai un projet de pain avec un boulanger pour New-York, d’autres autour de la santé avec Lagardère, et je vais aussi continuer à écrire. J’ai besoin de nouveauté, d’excitation, je n’arrive pas à vivre calmement sinon au bout d’une semaine je deviens dépressif, je tourne en rond. »

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De sa voix grave et chaleureuse …

Publié le par michelmonsay

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En ayant la meilleure audience du paysage radiophonique à 12h30 avec « Carnets de campagne » sur France Inter, Philippe Bertrand, ce bavard discret mais enthousiaste, passionné de culture et de ruralité, tend son micro aux porteurs d’initiatives locales qui font bouger la France. Que ce soit dans cette émission ou dans les précédentes qu’il a animées sur la même radio depuis 1996, il a toujours privilégié une parole authentique sur le ton de la connivence avec une indéfectible bienveillance.

 

Cela fait près de 7 ans que Philippe Bertrand présente « Carnets de campagne » tous les jours de la semaine à 12h30 sur France Inter, où après une introduction sur la région dont ses interlocuteurs sont issus, il donne la parole durant un quart d’heure à des personnes ayant des initiatives locales qui dynamisent la ruralité et les territoires périurbains. Le principe pour les trouver est de demander aux auditeurs de lui envoyer des informations sur des actions sociales, culturelles ou économiques, dont ils seraient témoins. Avec sa petite équipe, pour éviter la lassitude après plusieurs années, ils sont devenus plus exigeants sur le contenu et sont portés par un vent de colère devant des situations inacceptables : « Nous aimons mettre en avant par exemple les mouvements coopératifs, lorsque des salariés reprennent une entreprise pour la sauver, ou les solutions alternatives pour faire face à la déprise agricole. Ma motivation est toujours aussi forte notamment quand je vois ma région, le Nord de la Côte d’or, qui est aujourd’hui désœuvrée. Les exemples que l’on glane et valorise sont autant de respirations pour moi, et je me dis à chaque fois qu’il existe des solutions. » Deux raisons le confortent dans le bien-fondé de son émission, l’importance croissante de l’économie sociale et solidaire qu’il valorise depuis le début, et l’exode urbain que tous les observateurs s’accordent à reconnaître.

 

Une belle réussite

Avec 1 300 000 auditeurs en moyenne, il peut se targuer d’avoir la meilleure écoute de ce créneau horaire devant toutes les stations. Philippe Bertrand aime l’interactivité de la radio, et l’idée de solliciter les auditeurs pour recueillir des initiatives porteuses d’espoir a été un succès dès la première année avec 8000 propositions reçues, qui s’est confirmé depuis. D’autant que mettre en avant les gens qui font bouger la France, pour reprendre le titre de son livre, s’est avéré gratifiant pour l’animateur, qui reçoit régulièrement du courrier témoignant des conséquences positives en termes de création d’emplois ou de commandes fermes, pour de nombreux projets après le passage à l’antenne. « Ma vocation, dit-il, est de mettre en relation mes contemporains avec bienveillance, de transmettre et d’échanger, j’ai toujours été curieux. Les auditeurs apprécient ma proximité et le fait que je sois à contrecourant de l’information quotidienne. »

En plus de « Carnets de campagne » qui devrait entamer une 8ème saison à la rentrée, il anime chaque été au mois d’août une émission hebdomadaire. Cette année, ce sera une invitation à l’émerveillement que provoque la nature.

 

Aventure télévisuelle peu épanouissante

De son expérience à la télé sur France 3 de 1998 à 2001, Philippe Bertrand en garde un souvenir mitigé : « La télé est un outil de création fabuleux mais il y a une sorte de théâtralisation des propos où l’on perd le caractère authentique des choses, et aussi cette sempiternelle loi d’audience au jour le jour qui est infernale. En plus, à part quelques exceptions, la télé est une machine à mouliner le vide et vu l’argent que cela coûte, cela devrait être interdit. Le service public audiovisuel doit avoir des comptes à rendre à son Ministère de tutelle et au public quant à la cohérence de sa programmation. » Il a néanmoins présenté une émission de débat d’une heure en direct tous les 15 jours sur une péniche, « Tapage »,  où à la manière de « Droit de réponse » de Michel Polac, cela partait dans tous les sens. Puis surtout, un magazine littéraire durant deux ans intitulé « Texto », où les livres étaient présentés différemment, avec des comédiens et des auteurs filmés dans des lieux en rapport avec l’ambiance du roman en question.

 

France Inter comme une évidence

« Tapage » a été un peu inspiré de sa première émission sur France Inter en 1996, « Zinzin », débat loufoque, inédit, surprenant et interactif entre deux invités et les auditeurs, qu’il a animé avec succès pendant 3 ans, avant d’enchainer avec un magazine culturel « Trafic d’influences ». Ensuite avec « Dépaysage », il partait à la découverte de pays par la littérature et des récits de voyages, et dans « Quand j’serai grand » l’animateur interrogeait des personnalités sur leur parcours et leur vocation. Cette fidélité à France Inter et au service public est naturelle pour lui, qui dès son adolescence écoutait déjà les différentes stations de Radio-France, et a choisi d’y faire carrière : « C’est un secteur non-marchand au contraire des autres radios, « Les grosses têtes » par exemple ne me font pas rire. Ce que j’aime à la radio au contraire de la télé où tout est beaucoup plus apprêté, c’est que l’on parle comme dans la vie, en tout cas dans la plupart des émissions. On ne vous voit pas, mais on sent beaucoup de choses par la voix. » Il est évident que ce support convient parfaitement à cet animateur qui se définit comme étant plutôt réservé, timide et naïf.

 

La ruralité ancrée au plus profond

Très attaché à son village bourguignon de 335 habitants, Aignay-le-Duc, où il adorait faire du vélo entre les bouses de vaches et où il a passé une enfance merveilleuse qui a fondé son amour de la ruralité, Philippe Bertrand envisage d’y revenir, même s’il y a toujours une maison familiale, de manière plus régulière pour éventuellement un engagement local : « Je suis très heureux d’être porteur d’informations positives, de créer des passerelles mais il me manque la concrétisation par moi-même sur le terrain et si possible chez moi, de toutes ces initiatives que je relaie à l’antenne. Localement, l’action politique me semble vraiment intéressante. Ma région aurait besoin d’une prise en main dynamique avec un vrai programme, pour sortir de l’inertie alarmante dans laquelle elle est plongée. »

Fasciné par Paris lorsqu’il n’y habitait pas ou aujourd’hui en prenant du recul, il a beaucoup plus de mal à y vivre au quotidien, se sentant au fond de lui profondément rural même s’il admet ne pas être sûr de pouvoir se passer de la capitale.

 

De la philo à la radio

Largement influencé par son frère de huit ans plus âgé et sa bande d’amis, c’est en étant toujours fourré dans leurs pattes qu’il s’est ouvert précocement à la culture sous toutes ses formes, que l’on retrouvera plus ou moins directement tout au long de son parcours. Il aurait rêvé de faire de la musique, mais la qualité des cours dispensés par son prof de philo en terminale et l’attirance qu’il éprouve à l’époque pour le mouvement des nouveaux philosophes, lui font choisir des études de philosophie qu’il suivra jusqu’au DEA à Dijon, pendant lesquelles il découvre le micro à l’antenne d’une radio associative. Il enseigne ensuite durant 3 ans en remplacement dans des lycées privés, puis postule lors du développement de la radio locale Radio-France Bourgogne à Dijon. Comme beaucoup d’animateurs locaux de l’époque, il apprend le métier sur le tas, et après 3 ans il part pour Radio-France Provence à Aix en Provence où il y restera 8 ans. Au bout de quelques temps, il monte à Paris l’été pour participer à des émissions sur France Inter et à des ateliers de création radiophonique où il se fait remarquer. Puis à l’automne 1996 alors qu’il a 38 ans, on lui propose d’avoir son émission sur l’antenne de France Inter, ce sera « Zinzin » tous les soirs de la semaine à 20h.

 

Une cohérence même hors antenne

Lorsqu’il pose son micro, Philippe Bertrand joue régulièrement du piano pour son plaisir, alimente son blog qui est un complément de son émission « Mes carnets de campagne » et continue de se passionner pour la ruralité en lisant sur le sujet, en ayant des projets locaux ou en participant à des colloques. Idéalement, il aimerait avoir un pied à Paris et un autre dans sa campagne. A 54 ans, son émission le passionne toujours et il n’envisage pas de l’arrêter, même s’il aimerait bien que d’autres médias prennent le relais pour mettre en avant cette France associative et coopérative qui essaie de trouver des solutions. Il a reçu plusieurs propositions de la télé dans ce sens, mais rien de très original. Pour l’avenir, une émission musicale le tenterait bien, et peut-être un jour, même s’il le dit aujourd’hui sur le ton de la boutade, devenir maire de son village.

 

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Un ton naturel

Publié le par michelmonsay

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Après avoir creusé son sillon et prouvé sa valeur à France 3 Ouest, Francis Letellier a rejoint la rédaction nationale en 2006 pour présenter Soir 3 week-end, et depuis deux ans 12/13 Dimanche, le rendez-vous politique de la chaîne. A 48 ans, sa simplicité, sa spontanéité et sa passion de la politique en font un des journalistes télé les plus attachants, qui avec une approche très concrète des sujets s’affirme de plus en plus dans le paysage audiovisuel.

 

Le décalage de rythme, induit par la présentation depuis 6 ans de Soir 3 les vendredis, samedis et dimanches, a un double effet sur Francis Letellier. Il apprécie, à l’inverse de l’effervescence de la semaine, la quiétude de la rédaction le week-end qui lui permet de mieux se concentrer sur son travail, mais il aimerait aussi sortir de ce décalage en pratiquant des horaires plus normaux. Pour cela, faut-il encore qu’une place se libère et qu’il corresponde aux critères sélectifs : « Je suis agacé lorsque l’on parle de diversité à l’antenne, il s’agit de minorités visibles, autrement dit ethniques. C’est bien de voir des gens aux origines culturelles différentes, mais le problème est qu’ils sont tous issus de classe moyenne supérieure. Pourquoi ne pas avoir de diversité sociale à l’antenne avec des enfants d’ouvriers ou d’agriculteurs ? » Ce fils de producteur laitier revendique une approche du métier et une appréhension des sujets, différentes de ses collègues. Il n’a pas fait Sciences-Po comme beaucoup de journalistes politiques, mais s’est plutôt construit sur le terrain durant une quinzaine d’années pour France 3 Ouest. De ce fait, il se sent plus près des préoccupations des français et a parfois des réactions iconoclastes qui s’avèrent quelques semaines après plutôt judicieuses.

 

Adaptation réussie

Lors de son passage en 2006 d’une télé régionale à une rédaction nationale, il a dû s’adapter : « En région cela reste assez familial, alors qu’au niveau national vous devenez un enjeu, ce que vous dites a encore plus d’importance et vous êtes davantage visible, il faut donc s’habituer à ce que l’on parle de vous. De même avec les politiques, ils sont différents selon que vous les interviewez sur leurs terres ou à Paris, où ils sont dans un rôle et sur leur quant à soi. » Au fil des années, Francis Letellier a appris à les faire sortir de cette posture, tout en gardant une fausse candeur et en posant des questions concrètes et non pas globales, presque sur le ton d’une conversation. Sa méthode est payante puisque « 12/13 Dimanche » le magazine politique de France 3 qu’il a créé il y a deux ans, enregistre de beaux succès d’audience avec en moyenne 1 million de téléspectateurs. Ce face à face avec un politique, d’une durée de 25 minutes chaque dimanche à 12h10, a remplacé « Soir 3 politique » qui était une interview de 8 minutes en supplément du JT le dimanche soir. Il aime la mise en danger que représente cet exercice plus personnel par rapport à la présentation d’un JT, où l’invité peut le bousculer voire le rabrouer à tout moment, mais où la proximité du journaliste, sa spontanéité, son côté décontracté font la différence.

 

L’alchimie d’une bonne interview

Totalement libre dans l’orientation des interviews, il met cependant en garde de ne pas en abuser : « Le risque est de se sentir trop libre et d’en faire un exercice égocentrique, comme Jean-Jacques Bourdin par exemple, et le jour où un invité vous parle mal ou préfère aller sur une autre chaîne, vous le prenez comme une mise en cause personnelle. Les meilleures interviews sont faites par des journalistes qui ont un point de vue sans pour autant le montrer. Comme disait Charles Péguy : Il faut apprendre à penser contre soi. » Francis Letellier ne supporte pas les politiques qui viennent pour ne rien dire si ce n’est paraphraser ce qu’ils racontent déjà depuis des semaines. Se sentant bien dans son rendez-vous dominical devenu incontournable pour les politiques, et dans son JT du Soir 3 week-end avec une bonne audience et une équipe soudée et cohérente, l’envie d’aller voir ailleurs ne le taraude pas plus que ça. Avoir un JT ou un rendez-vous politique plus exposé n’est pas une fin en soi pour lui, il préfère un JT ou une émission qui ait sa patte, sorte des codes et apporte quelque chose de nouveau.

 

La carte de la proximité

Avec son Soir 3, il assume pleinement le contenu du journal qu’il a écrit lui-même, et en accord avec son équipe, le choix des sujets, parfois que l’on ne voit nulle part ailleurs ou avant tout le monde, le week-end étant plus propice pour prendre des risques. Il a ainsi été le premier à parler de l’affaire de la viande de cheval, de l’affaire Cahuzac lorsque la justice Suisse a commencé à s’intéresser au dossier, et de celle du grand rabbin de France qui a triché sur ses diplômes. Au-delà de la primeur du scoop qui est de moins en moins possible avec la multiplication des chaînes d’info continue, Francis Letellier aime surprendre avec les sujets proposés et essaie de personnaliser son JT, en ayant un ton non pas froid comme de nombreux présentateurs, mais au contraire où l’on sent que le journaliste s’implique dans ce qu’il dit. Les téléspectateurs apprécient sa simplicité et son accessibilité. L’évolution de l’information le laisse partagé : « L’arrivée de toutes ces chaines d’info est une émulation, mais lorsque l’on les regarde avec leurs bandeaux qui défilent, c’est très fatigant. On a envie de leur crier stop pour que l’on ait le temps de réfléchir à quelque chose. Un événement chasse l’autre et cela empêche d’aller au fond des sujets, ce qui participe au discrédit des politiques qui n’ont plus la maîtrise du temps. »

 

L’attrait de l’inattendu

S’il s’est retrouvé devant les caméras, c’est à l’école de journalisme de Strasbourg où Francis Letellier a appris son métier, qu’on lui a fait comprendre qu’avec son physique qui prenait bien la lumière, il était fait pour la télé. Cette télé qui l’a tant fait rêver lorsque ses parents en avaient acheté une alors qu’il était enfant, est à la base de sa vocation. Déjà à l’époque, il était attiré par le rythme de l’actualité et ses événements inattendus, qui contrastait avec la quiétude de la campagne. Après une maîtrise de langues à Caen et l’école de journalisme de Strasbourg, il décroche son premier contrat à Brest pour FR3 Bretagne en 1990, où il présente le journal régional durant 6 mois. Ce rendez-vous de 19h dans la ruralité est souvent très apprécié, à tel point qu’il revoit ses parents s’arrêter de travailler avant la traite des vaches pour regarder le journal régional. Pas un hasard non plus s’il s’oriente vers la politique : « Elle est très présente dans le monde rural et agricole, mon grand-père était conseiller municipal et mon père avait des engagements syndicaux. » Etre fils d’agriculteurs a commencé à créer un décalage à partir du lycée à Saint-Lô où il était entouré de citadins, cela s’est accentué ensuite à Caen puis à Strasbourg : « A force d’être à part, je pense que cela m’a aidé à tracer mon parcours, avec ce sentiment paysan de savoir où l’on va et de continuer à creuser son sillon quoiqu’il arrive. »

 

Mi-citadin mi-rural

Même s’il sent en lui un bon sens paysan, il n’a jamais envisagé de devenir agriculteur. À la fois à cause de la difficulté et l’ingratitude du métier, et pour avoir été marqué par la sécheresse de 1976 et surtout par la crise des quotas laitiers, qui a contraint ses parents à arrêter leur activité de producteur de lait dans le bocage normand près de Vire, et a causé une violente désertification rurale. Pour autant, il a besoin de rester connecté avec les réalités de la campagne, et pour cela il passe deux ou trois jours en début de semaine dans sa maison près de Dinan, achetée à l’époque où il travaillait en Bretagne : « En terminant Soir 3 le dimanche soir, la promesse de pouvoir quitter Paris et d’aller voir autre chose, est géniale, mais je ne pourrai pas me passer ni de la ville ni de la campagne. » Lorsqu’il ôte son costume de journaliste, il devient contemplatif, aime nager, retourne régulièrement dans sa Normandie natale pour voir ses parents ou des amis, et garde un goût prononcé pour le débat. Concernant son avenir, il se voit bien continuer à la fois une émission politique hebdomadaire, qui pourrait être un peu plus longue, et un JT pour ne pas perdre le rythme du quotidien et s’intéresser à toutes sortes de sujet : « J’ai besoin de l’info et de la drogue du quotidien, être tout le temps en éveil, si à 9h le matin je n’ai pas lu les journaux, j’ai l’impression d’avoir raté ma journée. »

 

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Un franc-parler généreux

Publié le par michelmonsay

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Avec une singularité et une honnêteté intellectuelle assez rares, Roselyne Bachelot a connu l’une des plus belles carrières politiques qu’une femme n’ait jamais eues en France : Conseillère générale puis régionale, députée à l’Assemblée Nationale puis au Parlement européen et enfin trois postes ministériels, à l’écologie, à la santé puis aux affaires sociales. Depuis 6 mois, elle s’est reconvertie avec succès en chroniqueuse dans l’émission Le grand 8.

 

En mettant un terme à sa carrière politique il y a un peu moins d’un an, Roselyne Bachelot pensait prendre six mois sabbatiques, mais les nombreuses propositions qu’elle a reçues au bout d’une semaine pour travailler dans les médias, l’ont décidée à franchir le pas. Sa liberté de ton et son aisance sur les plateaux télé lui avaient déjà valu d’être sollicité tout au long de son parcours. Elle a finalement choisi de rejoindre Laurence Ferrari sur D8: « Je ne voulais pas que ce soit la télévision du service public, ayant été ministre juste avant, cela pouvait prêter à confusion, la malveillance étant la chose du monde la mieux partagée. J’ai été attirée par l’aventure que représentait une émission qui démarrait, mais aussi par D8 avec son slogan : « La nouvelle grande chaîne », j’ai trouvé cela intéressant. Le fait que Le grand 8 ne soit présenté que par des femmes a fini de me convaincre, d’autant que nous sommes pilotées par Laurence Ferrari, une professionnelle que je respecte. Je me suis toujours bien entendue avec les femmes, je les trouve plus simples, plus travailleuses, moins arrogantes. »

Cette émission quotidienne démarrée en octobre 2012 permet à Roselyne Bachelot de parler d’autre chose que de politique. Même s’il en est question régulièrement, elle intervient aussi sur des sujets plus légers, ce qu’elle apprécie énormément après 30 années axées à servir son pays et sa région. Son nouveau métier, l’ancienne ministre le prend à cœur et ne veut surtout pas de traitement de faveur, elle participe comme ses quatre collègues à toutes les étapes de l’élaboration de l’émission.

 

Une lucidité qui ne se dément pas

Sa décision d’arrêter la politique était prise de longue date, qu’elle explique par un bon mot : « les vieux messieurs en politique, c’est triste, mais les vieilles dames, c’est pathétique. » Cet humour décapant qu’on lui connait, est semble-t’il génétique puisque son père pratiquait le même, et que son fils en a hérité. Elle continue néanmoins à 66 ans à avoir des engagements citoyens en étant membre du Haut Conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes, et en s’occupant d’associations sur le handicap ou la lutte contre le sida. En septembre dernier, elle a participé durant deux mois aux travaux de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique aux côtés de Lionel Jospin et douze autres membres : « J’ai notamment beaucoup milité pour la proposition stipulant que les anciens présidents de la République ne soient pas au Conseil constitutionnel, c’est une anomalie grotesque, une insulte au bon sens et à l’éthique. »

Un peu moins d’un an après la publication de son livre « A feu et à sang » qui a provoqué une polémique et des commentaires assez durs dans son propre camp, Roselyne Bachelot ne regrette rien, bien au contraire au vu de qui s’est passé ensuite avec l’élection à la présidence de l’UMP, qu’elle juge catastrophique. Sa critique du fonctionnement de son parti et de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy était courageuse, lucide et prémonitoire : « Pour se reconstruire, la droite ne pourra pas faire l’économie d’un devoir d’inventaire. L’UMP a été un cartel électoral qui ne s’est constitué sur aucune base idéologique, et n’a résolu aucun des conflits internes au parti sur des sujets primordiaux. Depuis 2002, nous avons refusé de nous remettre en question, d’entreprendre un travail de fond, cela a eu pour conséquence de nous faire perdre tous les pouvoirs. »

 

Eveil très précoce à la politique

Dès sa naissance, Roselyne Bachelot ne fait rien comme les autres puisqu’elle vient au monde un 24 décembre à minuit, à Nevers près du village où ses grands-parents sont éleveurs de charolais. Elle passe toutes ses vacances dans la ferme familiale et en garde ses meilleurs souvenirs d’enfance. Une enfance par ailleurs très studieuse à Angers, avec des parents rigides et une scolarité chez les religieuses, où elle est à la fois une très bonne élève et une meneuse extrêmement dissipée. Elle commence le piano à 3 ans  et demi et en joue durant de nombreuses années, la musique dès lors prend une place essentielle qui ne faiblira jamais. Après avoir rêvé d’être professeur, puis d’entrer à Sciences-Po, sa mère la convainc d’opter pour une voie scientifique. La jeune bachelière choisit pharmacie et entame des études qui la mèneront à un doctorat. C’est avec bonheur qu’elle exerce ce métier jusqu’à ce que de nouvelles responsabilités l’appellent.

La politique a toujours été présente dans la vie de Roselyne Bachelot, le général De Gaulle l’a embrassée sur la joue lors d’un meeting alors qu’elle était âgée de 9 mois et accompagnait son père, ancien résistant qui sera député durant 20 ans. Tout au long de son enfance, elle colle des affiches, distribue des journaux, écoute les conversations des grands, mais ce n’est qu’après avoir constitué son foyer et élevé son garçon, qu’elle envisage à 30 ans une carrière politique.

 

Les échelons gravis un à un

D’abord candidate sur une liste municipale en 1977, elle se lance pour son propre compte 5 ans plus tard lors des élections cantonales : « Mon père a voulu mettre la barre très haut : Il ne faudra pas que l’on puisse dire que tu es ma fille, donc tu vas te présenter dans un canton ancré à gauche où tu n’as aucune chance. J’ai fait une campagne à la Obama à une époque où cela ne se faisait pas, en arpentant tout le territoire du matin au soir pendant 6 mois. Le soir de ma victoire, un notable de droite m’a dit : Si l’on avait su que c’était possible, on aurait envoyé un homme. » Voilà comment a démarré la carrière de la conseillère générale qui deviendra ensuite conseillère régionale, avant d’être élue députée puis députée européenne avec une fidélité indéfectible à sa région : « Je ne suis pas une nomade en politique ni une fleur coupée dans un vase mais une plante de pleine terre, je suis profondément attachée au Maine et Loire. »

Sur de nombreux sujets, Roselyne Bachelot sera en désaccord avec sa famille politique mais elle se sent profondément gaulliste, n’a jamais été attiré par la gauche et préfère être une éclaireuse pour son propre camp, qui souvent s’est rangé à son avis par la suite, comme pour la loi Evin, le Pacs, la loi sur la parité et bientôt le mariage pour tous, elle en est persuadée.

 

Une femme dans l’arène politique

Féministe de longue date comme sa mère et sa grand-mère, elle s’est vite rendu compte qu’être une femme en politique est un gros handicap, mais cela lui a permis aussi de garder sa liberté, son intégrité en ne faisant jamais partie d’une écurie. Consciente de sa singularité, elle se revendique intellectuelle à la fois en écrivant, son prochain livre sera consacré à Verdi, et en faisant des choix raisonnés et conditionnels lorsqu’elle soutient quelqu’un. Par contre, elle ne se reconnait pas dans l’originalité vestimentaire qu’on lui prête : « L’apparence pour un homme ou une femme politique est importante, c’est une forme de respect d’être bien habillé lorsque l’on va à la rencontre des électeurs, mais j’ai toujours été irritée par la démesure que cela prenait dans nombre de sujets qui m’étaient consacrés. Lors de la campagne européenne de 2004, tous les articles commençaient par la description de mes toilettes. La femme est souvent réduite à son apparence et cela n’a pas  changé aujourd’hui avec les différentes ministres. De plus, il y a une pipolisation de la presse dite sérieuse, s’expliquant sans doute par les difficultés du secteur qui conduisent à vouloir plaire à d’autres publics. »

 

La consécration ministérielle

Ses nombreux engagements écologiques, sanitaires et citoyens l’ont conduite à se voir confier 3 postes ministériels. Tout d’abord en 2002, Jacques Chirac la nomme Ministre de l’écologie. Durant 2 ans, elle écrit avec d’autres la charte de l’environnement, fait voter la loi sur les risques naturels et technologiques, parvient à apaiser le monde de la chasse. Puis en 2007, Nicolas Sarkozy la nomme Ministre de la santé. Elle y reste 3 ans et demi, période où elle s’occupe entre autre de la gestion de la grippe A et fait voter la loi Bachelot, appelée aussi loi hôpital, patients, santé et territoire. Fin 2010, elle devient Ministre des affaires sociales mais la proximité de la fin de mandat empêche les grandes décisions, même si elle retient celle sur l’autisme déclarée grande cause nationale 2012, et l’augmentation de 30% des crédits pour le plan de lutte contre la violence faite aux femmes.

De toutes ces années, son meilleur souvenir reste le débat parlementaire, où elle s’est toujours efforcée de respecter les députés quels que soient leur bord : « Chacun d’entre eux, détient une parcelle brillante de la démocratie. » Et de conclure lorsqu’elle regarde dans le rétroviseur : « Je suis fière de la construction de ma vie, qui est caractérisée par l’honnêteté et la générosité. J’ai toujours essayé dans tout ce que je faisais, de donner un petit morceau de mon cœur. »

 

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Derrière la désinvolture …

Publié le par michelmonsay

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Découvert il y a 17 ans avec ses fameuses interviews décalées qui provoquaient l’hilarité, Raphaël Mezrahi a mené son bonhomme de chemin entre radio, télé, one-man-show et théâtre en imposant un univers absurde et taquin. La 1ère Nuit de la déprime, qu’il vient d’organiser avec une pléiade de grands noms de la chanson française, devrait lui apporter un second souffle et de nombreux projets.

 

Tout auréolé du succès de la 1ère Nuit de la déprime qui a dépassé toutes ses espérances, Raphaël Mezrahi organisateur, producteur et animateur de cette soirée, a réussi un formidable pied de nez à tous ceux qui courent après le bonheur. Ce spectacle qui affichait complet depuis bien longtemps et que l’on pourra voir en DVD prochainement, a vu défiler durant 3h 15 aux Folies Bergère une trentaine d’artistes comme Véronique Sanson, Michel Jonasz, Adamo, Alain Chamfort entre autres, et des plus jeunes comme Thomas Dutronc, Amel Bent ou Nolwenn Leroy, venus chanter des chansons tristes. Durant une trentaine de secondes, Gérard Lenormand a entamé « La ballades gens heureux », il s’est fait siffler et Raphaël Mezrahi lui a fait comprendre qu’il plombait l’ambiance et lui a demandé de partir.

S’il a réussi à réunir une telle affiche sans radio ni télévision, l’humoriste l’explique par l’importance qu’il accorde à l’humain, à l’affect, ce qui a généré au cours de cette soirée à la fois une sincérité et une osmose des artistes entre eux et avec le public. Quant à un éventuel passage télé du spectacle, son créateur attend de voir, ne se faisant aucune illusion sur ce média : « Les gens de la télévision ont 5 ans de retard, ils prennent les téléspectateurs pour des abrutis et ne prennent par contre aucun risque. Tous mes concepts ont toujours été rejetés par les dirigeants de chaînes jusqu’à ce que je rencontre un fou, Patrick Sébastien, qui après avoir vu 3 maquettes d’interviews que j’avais réalisées avec Thierry Rey, Jean-Pierre Pernaud et Pierre Arditi, me donne carte blanche dans son émission « Osons » en 1995 sur TF1. Je m’étais dit alors : génial, je vais passer du RMI à l’ISF ! »

 

Les fausses interviews

Avant qu’il ne soit connu du grand public, il piège ainsi 136 personnalités dans des interviews déconcertantes en posant des questions absurdes, en relisant indéfiniment ses notes ou en ayant des comportements décalés. S’il s’est inspiré de l’interview de Françoise Sagan par Pierre Desproges, qui est son idole, il y a rajouté l’esprit de Darry Cowl, Jean Carmet, Harpo des Marx Brothers et un côté surréaliste. Les interviewés ont des réactions qui vont du fou-rire à l’agacement sans que jamais cela ne se termine mal. Il n’y a pas de méchanceté chez Raphaël Mezrahi, uniquement de la taquinerie et beaucoup de tendresse. Tout est énormément préparé jusqu’aux réactions de la personnalité. Dès les premières diffusions sur TF1 en prime time avec 11 millions de téléspectateurs, c’est un franc succès pour les interviews, mais il n’y aura que trois numéros de l’émission dans sa globalité, dont les provocations sont critiquées. Canal+ voyant que cela marche très bien, après avoir refusé le concept quelques mois auparavant, propose à Raphaël Mezrahi de rejoindre l’émission Nulle part ailleurs, où il restera deux ans.

Un peu plus tard, il continue avec Laurent Ruquier dans « On a tout essayé » sur France 2, en s’attaquant cette fois à des personnalités étrangères. Il réalise 17 interviews dont Brad Pitt, Britney Spears et surtout James Brown, qui lui laisse un souvenir un peu plus ému que les autres, où il finit l’entretien sur les genoux du parrain de la soul en chantant « Sex machine ». Au-delà de l’admiration qu’il a pour le chanteur, il y a sa passion inconditionnelle de la musique.

 

L’importance de la musique

L’un des tous meilleurs moments de sa carrière reste l’émission musicale qu’il  anime tous les week-ends de l’été 2011 en fin de soirée sur France Inter, accompagné d’invités et où il assure la programmation avec sa propre discothèque. Cette opportunité lui a été proposée en compensation de sa participation qui n’aura duré que 4 jours à la matinale sur la même radio, où on lui avait demandé un billet d’humour quotidien sur l’actualité, exercice qui ne lui correspondait absolument pas. Cela dit, la direction de cette station a eu un gros problème de positionnement en 2010 avec les humoristes, puisque Stéphane Guillon, Didier Porte et Gérald Dahan ont également été remerciés suite à leurs billets matinaux. Pour Raphaël Mezrahi, c’est un moindre mal qui lui a permis de faire ce qu’il aime le plus, partager son amour de la musique, à l’image de son maître absolu Georges Lang, qui officie dans les nocturnes sur RTL depuis 40 ans.

Cette passion, on la retrouve dans cette 1ère Nuit de la déprime dont la réussite est telle que son initiateur envisage une suite à Bercy peut-être, mais elle existait déjà dans un spectacle théâtral et musical intitulé « Monique est demandée caisse 12 », que Raphaël Mezrahi a créé en 2008 au Théâtre du Rond-point, repris l’année suivante au Théâtres des Variétés puis à la Cigale en 2010. C’est en enregistrant des sons, activité qui le passionne aussi, que lui vient l’idée d’écrire une pièce sur la vie dans un supermarché avec l’humour décalé qui le caractérise.

 

Un côté touche à tout

Tout en ayant réussi à faire dans sa vie uniquement ce dont il avait envie, cet artiste à l’apparence nonchalante aime la suractivité. Il y a évidemment la télé et la radio où il participe aux émissions de ses amis Laurent Ruquier et Michel Drucker sur Europe 1, ou bien lorsqu’il est invité à commenter un match de foot sur Eurosport : « C’était Troyes contre Sochaux, le score était nul et à deux minutes de la fin, j’entre sur le terrain avec un micro et demande à un joueur : « A ton avis tu comptes marquer quand à peu près ? », j’ai été interdit de terrain pendant un an par la Ligue de football. » Il s’essaie également au one-man-show durant quelques années où il apprend ce qu’est la scène, mais l’aventure théâtrale avec d’autres comédiens lui plaît davantage.

A côté de cela, il crée une société de production qu’il appelle « Troyes dans l’Aube prod », en hommage à sa ville, pour palier à l’incompréhension que suscite ses projets et pour produire un humoriste inconnu, Arnaud Tsamère, auquel il croit d’entrée. Bien lui en a pris, son poulain a aujourd’hui une très belle côte, et la Nuit de la déprime lui a apporté de très nombreux retours médiatiques et des possibilités de projets, avec l’éventualité d’un film, d’une pièce de théâtre et qui sait peut-être une émission musicale; il aimerait tant revivre cette expérience.

 

Un troyen dans le show-biz

Né à Sousse en Tunisie, il arrive à l’âge d’un an à Troyes, où il passe une enfance paisible. Il garde encore à l’heure actuelle un attachement pour sa région, avec ses parents qui y habitent toujours et en ayant lui-même une maison. Passionné dès l’âge de 10 ans pour le son, l’électronique, le bricolage, sa curiosité le pousse à faire ensuite des études dans plusieurs directions. Après du commerce international, un Deug d’histoire de l’art, une licence de cinéma à la Sorbonne avec Eric Rohmer comme prof, de fil en aiguille il se retrouve stagiaire à TF1 et propose au bout de 3 semaines un sujet, qui passe à l’antenne à la grande surprise de ses camarades. Une fois que ce touche à tout a mis un pied à la télé, il devient tour à tour documentaliste, directeur de casting et journaliste en créant peu à peu son univers bien particulier, jusqu’au jour où Patrick Sébastien tombe sous le charme de ses interviews.

Aujourd’hui à près de 49 ans, cet amoureux des animaux, de la nature et de la musique conclue sa propre interview en laissant apparaître un aspect moins connu de sa personnalité : « J’essaie de faire au mieux pour vivre tranquillement sans prétention. Lorsque j’organise quelque chose, je fais tout pour que les autres soient bien, ce que je vais gagner m’est égal, je pense que je ne serai jamais riche et cela n’a aucune importance. Je suis entier en tout cas. »

 

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Héros au cœur tendre et à la droiture exemplaire

Publié le par michelmonsay

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Recordman de sélections en équipe de France masculine de football avec laquelle il a remporté la Coupe du monde 1998, l’Euro 2000 et a été finaliste de la Coupe du monde 2006, Lilian Thuram est sans conteste l’un des plus grands défenseurs de l’Histoire du foot. A tout juste 41 ans, il se consacre totalement à sa fondation créée en 2008 après avoir mis fin à sa carrière de joueur, pour lutter contre le racisme par l’éducation.

 

Autant lorsqu’il était footballeur qu’aujourd’hui avec sa fondation, Lilian Thuram reconnaît avoir eu la chance de toujours être dans le plaisir, celui d’un terrain de jeu jusqu’à l’âge de 36 ans, et maintenant en travaillant sur les notions de racisme et d’égalité qui sont très importantes pour lui. Elles ont d’ailleurs été présentes tout au long de son parcours à partir du moment où il a quitté sa Guadeloupe natale pour arriver en région parisienne à 9 ans : « Certains de mes camarades m’appelaient la noiraude, du nom d’une vache noire très stupide dans un dessin animé de l’époque. Cela m’attristait et je ne comprenais pas pourquoi la couleur noire était chargée aussi négativement. J’ai grandi avec les discussions chez moi entre les adultes expliquant ce qu’ils avaient vécu, mais aussi avec l’image du gardien de but noir Joseph-Antoine Bell en France, à qui certains supporters jetaient des bananes. Plus tard durant ma carrière en Italie, le public imitait le cri du singe lorsqu’un joueur noir avait le ballon. Voilà pourquoi l’envie de créer cette fondation, c’est l’histoire d’une vie. »

Très tôt, il a eu la chance de rencontrer des historiens, des scientifiques qui lui ont expliqué ce qu’était le racisme et ses fondements, favorisant ainsi sa réflexion sur le sujet sans développer de colère : « J’ai été en quelque sorte vacciné, et avait à la limite de la compassion pour les personnes aux comportements racistes. »

 

L’éducation contre le racisme

Comprendre que le racisme est culturel, lié à l’Histoire et basé sur une construction politique et économique, a permis à Lilian Thuram d’apprivoiser le problème. Il est persuadé que l’important est d’en parler, de ne pas rester passif, que le sujet ne soit pas tabou, et aujourd’hui avec sa fondation il essaie de déconstruire ce mécanisme du racisme nourri de préjugés qui nous conditionnent à penser. Parmi ceux-ci : « La hiérarchisation qui positionnait dans un passé récent les personnes de couleur noire, comme le chaînon manquant entre le singe et l’homme. » Une des actions principales de sa fondation est de prémunir les enfants susceptibles de subir le racisme, de la même manière qu’il l’a été, pour leur éviter de perdre l’estime de soi et tomber dans la violence.

Cela par le biais d’outils pédagogiques comme le DVD intitulé « Nous autres » : « Il s’agit entre autre d’expliquer aux enfants qui ne savent pas pourquoi il existe des personnes de couleurs différentes, que c’est uniquement une adaptation au climat, et déconstruire ainsi cette notion de race qui existe encore dans l’imaginaire collectif. » De plus en plus d’écoles demandent les différents outils de la fondation, et Lilian Thuram se déplace régulièrement dans toutes sortes d’établissements scolaires en France mais aussi à l’étranger pour échanger avec les enfants et leur professeur, en se servant de sa notoriété pour capter leur attention.

 

Contribuer à une prise de conscience

Dans cette même logique, il a aussi écrit des livres comme « Mes étoiles noires » pour rendre hommage à des personnages qui l’ont aidé à se construire, et mettre en lumière que l’Histoire des populations noires n’a pas commencé avec l’esclavage. Il a été commissaire général de l’exposition « Exhibitions : L’invention du sauvage » au musée du quai Branly à Paris qui a connu un beau succès durant le premier semestre 2012 : « Dans les années 1930, on allait voir des noirs au zoo du jardin d’acclimatation, que l’on présentait comme des sauvages, et même encore jusqu’en 1958 à l’exposition universelle de Bruxelles. »

Pour l’ancien footballeur, le racisme le plus violent, même s’il juge lâche celui des stades, est inconscient et émotionnel comme lorsqu’une personne va refuser un travail ou un appartement à quelqu’un de couleur à cause d’aprioris qu’il ne contrôle pas. Combattant de toutes les inégalités, il ne comprend pas qu’en 2012 des personnes soient prêtes à descendre dans la rue pour interdire l’égalité des droits aux homosexuels : « Cela nous renvoie à ceux qui ne voulaient pas la fin de l’esclavage, l’égalité selon la couleur de peau, le droit de vote pour les femmes. » Il n’hésite pas à s’investir dans plusieurs formes d’engagement amenant à une prise de conscience des problèmes, comme le collectif Roosevelt. Dans la continuité de son action il a été nommé ambassadeur de l’Unicef, pour lequel il va au moins une fois par an sur le terrain : « En voyant les problématiques dans le monde, cela amène une autre réflexion sur votre propre pays. » Il a par ailleurs refusé un ministère que lui proposait Nicolas Sarkozy, étant en désaccord avec sa politique et sentant que le Président voulait se servir de lui.

 

L’amour du foot dans ce qu’il a de plus noble

Son comportement irréprochable en tant que footballeur, à la fois dans le respect de porter le maillot de l’équipe de France et dans l’engagement physique tant à l’entraînement que durant les matchs, le rendait totalement légitime lorsqu’il s’est indigné du fiasco au mondial 2010 et de la grève des joueurs. Quoiqu’il fasse autant durant sa carrière qu’avec sa fondation, Lilian Thuram s’est toujours donné les moyens de le faire le mieux possible, voilà pourquoi aujourd’hui il rencontre et s’entoure de nombreux scientifiques pour faire passer un message irréfutable.

Toujours amoureux du football même s’il n’y est plus du tout impliqué, ce sport roi est pour lui une métaphore de la vie : « Le foot business est ni plus ni moins le reflet de notre société capitaliste. On s’attarde trop sur le salaire d’Ibrahimovic ou sur les problèmes entre joueurs et entraîneurs, alors que le plus passionnant se passe sur le terrain, où chaque joueur quelque soit le niveau participe au spectacle avec sa part de responsabilité. C’est un jeu d’équipe certes, mais où chacun peut devenir un soliste, peut se mettre à disposition de ses coéquipiers pour souffrir ensemble, gagner ensemble, il y a énormément de valeurs qui passent à travers le football dont les enfants peuvent profiter. »

 

Le cheminement d’un joueur à l’exigence hors du commun

Le jeune Thuram a commencé très tôt en Guadeloupe à taper dans un ballon, et tout s’est enchaîné sans qu’il ne se rende compte de la carrière qu’il se construisait, en n’ayant de cesse jusqu’à la fin de se remettre en cause pour progresser. Il signe son premier contrat professionnel à 18 ans au club de Monaco, où deux hommes vont l’aider à poser les bases de sa façon de voir le foot et la vie en général, l’entraîneur Arsène Wenger et le joueur Claude Puel. Durant ses six années dans la Principauté, il devient un défenseur de dimension nationale, puis internationale avec sa première sélection en équipe de France en 1994, pour laquelle il jouera 142 fois. Deux ans plus tard, il prend la direction de l’Italie où il reste une décennie, divisée à part égale entre Parme, où il atteint sa plénitude, et la Juventus de Turin. Son transfert de l’un à l’autre fait de lui le 2ème footballeur français le plus cher de tous les temps derrière Zidane. Cette longue période, pendant laquelle sont nés ses enfants, a laissé des traces affectives et il se sent encore aujourd’hui un peu italien. Autant la Juventus qu’ensuite Barcelone où il finit sa carrière, lui font toucher le plus haut niveau. Juste récompense pour celui qui est devenu l’un des tous meilleurs défenseurs au monde. Sa capacité d’adaptation et de mise à disposition du collectif, l’ont fait jouer toute sa carrière en équipe de France en tant qu’arrière droit, alors qu’en club il était défenseur central, son poste de prédilection.

 

Quel palmarès !

Lorsqu’on lui parle de la fabuleuse épopée de 1998 et 2000 où il gagne coup sur coup avec l’équipe de France la coupe du Monde et le championnat d’Europe, il l’analyse avec le recul comme un moment magique hors du temps : « Cela restera gravé en moi toute ma vie, de même que je serai toujours reconnaissant envers mes coéquipiers de m’avoir permis de réaliser un rêve d’enfant. Je n’oublierai jamais la finale contre le Brésil, la liesse avec le public sur les Champs-Elysées, la victoire à l’Euro deux ans plus tard, mais aussi l’échec lors de la coupe du Monde 2002 où nous manquions d’humilité. » Pour beaucoup, Lilian Thuram c’est aussi les deux seuls buts de sa carrière avec les Bleus, qu’il marque contre la Croatie pour qualifier la France en finale. Sans oublier la coupe du Monde 2006, où les Bleus arrivent une nouvelle fois en finale qu’ils perdent injustement sur un coup de tête, et où ce fabuleux défenseur gagne 95% de ses duels sur l’ensemble de la compétition.

 

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