Passionnante fresque dans le Sud américain des années 1920
De cette profusion de la rentrée littéraire il est toujours intéressant d’aller chercher la perle rare. Celle qui ne fait pas forcément la une des médias mais dont la lecture nous laisse un souvenir impérissable. « Nos disparus » en est le parfait exemple. Avec ce deuxième roman paru en France, Tim Gautreaux écrivain américain de 67 ans, professeur d’université et auteur d’autres écrits qui n’ont pas été traduits pour le moment, nous offre une épopée sur les rives du Mississippi à la fois rocambolesque, cruelle et émouvante. Son nom à consonance française lui vient de ses origines cajuns qu’il partage avec le héros de ce formidable roman. Avec un talent de conteur tout à fait impressionnant, il s’est nourri des histoires racontées par son père capitaine de remorqueur et son grand-père chef mécanicien de bateaux à vapeur, pour ressusciter la Louisiane des années 1920 à travers une intrigue palpitante. Si de grands écrivains sont régulièrement cités à la lecture de sa prose, comme Faulkner, Conrad ou Twain, Tim Gautreaux n’a rien à leur envier lorsqu’il nous raconte si remarquablement le Sud profond, les bourgades au bord du fleuve tantôt riches tantôt d’une écrasante pauvreté, les contrées reculées, les populations parfois arriérées, les paysages humides assommés de chaleur, le jazz naissant, les bateaux à aubes et leurs soirées dansantes mouvementées sur le Mississippi. L’histoire démarre sur un navire qui approche des côtes françaises avec à son bord 4000 soldats américains. Il touche terre à Saint-Nazaire le 11 novembre 1918 devant une foule en délire suite à la signature de l’armistice. Après quelques jours de flottement, des soldats sont envoyés pour déminer les champs de bataille. Parmi eux, nous faisons connaissance avec Sam, 23 ans, dont la famille a été massacrée en Louisiane alors qu’il avait 6 mois et qui lui-même a perdu son fils de deux ans à cause d’une mauvaise fièvre. Derrière la noirceur de certaines situations, et alors que le protagoniste est confronté aux sentiments de culpabilité, de perte, de vengeance, le fond de ce roman indispensable est empreint d’optimisme et d’humanité. Un des chocs de cette rentrée.
Nos disparus – Un roman de Tim Gautreaux – Editions du Seuil – 540 pages – 23 €.