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interviews politiques et societales

« Les valeurs républicaines se perdent »

Publié le par michelmonsay

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Elle s’est fait connaître en étant présidente de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, puis en devenant Secrétaire d’Etat à la jeunesse et à la vie associative du gouvernement Fillon. Avant cela, Jeannette Bougrab avait fait une brillante carrière universitaire en obtenant un doctorat de droit public et en étant maitre des requêtes au Conseil d’Etat. Elle est aujourd’hui à 39 ans assez logiquement avocate, et vient d’écrire un livre dans lequel elle porte un regard douloureux sur la République.

 

L’Information Agricole – Que ressentez-vous après l’annulation par la Cour de cassation du licenciement d’une employé voilée de la crèche Baby-loup ?

Jeannette Bougrab - Une grande tristesse de voir une digue céder devant les revendications communautaires. La laïcité est un principe constitutionnel qui permet de vivre ensemble quelle que soit la confession et l’origine. C’est aussi un principe émancipateur pour les femmes, et lorsqu’on voit la Cour de cassation expliquer que ce principe  ne s’applique pas dans les établissements privés, il s’agit là d’un recul. Les hautes juridictions sont parfois coupées des réalités. Ce pays que l’on aime tant avec ses valeurs universelles, tend à disparaître au profit d’un modèle communautariste anglo-saxon. La crèche Baby-loup à Chanteloup les vignes (commune du 78 où avait été tourné « La haine » de Mathieu Kassovitz) tenait par miracle compte-tenu des pressions et des violences qu’elle subissait, notamment de milieux intégristes. Après cette décision, les menaces et les appels anonymes sont montées d’un cran. Déjà avant, le personnel était injurié, leurs pneus régulièrement crevés, on leur faisait le sourire kabyle, signe qu’ils allaient être égorgés. On ne s’imagine pas de telles situations en France, ce quartier est devenu  une zone de non-droit. Nous allons être obligés de fermer la crèche, et 120 familles modestes ou monoparentales vont se retrouver sans mode de garde. Il y a une telle omerta que personne n’ose s’opposer à certains groupes de la population.

Aujourd’hui, il appartient au législateur de créer une loi pour affirmer clairement le principe de laïcité au moins dans les établissements de la petite enfance, comme cela a été fait pour l’école. On doit protéger les enfants en laissant à l’entrée de la crèche ses croyances religieuses et toute manifestation ostentatoire.

 

I.A. – Craignez-vous que cette décision de justice fasse jurisprudence ?

J.B. - Cet arrêt de la Cour de cassation va renforcer les revendications communautaires qui existent déjà sur les salles de prière, les horaires adaptés au ramadan. Il y a en milieu hospitalier, des hommes qui refusent que leur femme soit auscultée par un homme, certains d’entre eux ont même fait de la prison pour avoir battue leur femme à cause de cela, il y a aussi des aides-soignantes qui refusent de prodiguer des soins à des hommes. Du coup dans certains hôpitaux, des femmes gynécologues consultent en priorité des patientes musulmanes pour éviter des problèmes. Au nom d’une culpabilité postcoloniale et d’une interprétation erronée de l’Islam, on abandonne ce qui faisait l’essence de la République en anticipant des revendications communautaires qui ne sont pas toujours exprimées. Comme par exemple la ville du Havre jetant des tonnes de mousses au chocolat qui contiendrait de la gélatine de porc, alors qu’il y a des gens qui meurent de faim en France et que l’on parle de couper les subventions européennes aux associations caritatives. Autre exemple, les horaires de piscine aménagés pour exclure la mixité. On est dans une situation qui ne dit pas son nom, ce contrat social a été modifié sans l’aval des français, et tant que les politiques cèderont à des revendications communautaires pour récupérer des voix, les choses iront de mal en pis.

 

I.A. – Quel message voulez-vous faire passer dans votre livre* ?

J.B. - C’est d’abord un livre pour rendre hommage à mes parents harkis, en particulier à mon père, caporal-chef dans l’armée française, qui avait toutes les raisons de détester la France et qui au contraire n’a cessé de la chérir. Je pense que c’est important de connaître l’histoire de ces gens qui ne savaient ni lire ni écrire, et ont inculqué à leurs enfants l’amour de la patrie, de l’école. Ils incarnaient les valeurs républicaines bien plus que certains milieux parisiens. Ces valeurs malheureusement se perdent aujourd’hui et nous sommes une poignée avec Elisabeth Badinter ou Manuel Valls à essayer de les défendre. A force de céder sur un certain nombre de principes républicains, compte tenu d’une situation économique très difficile et sans prendre de véritables mesures, le réveil va être difficile et beaucoup voteront pour l’extrême droite.

 

I.A. – Quelle est la réalité, un après les assassinats perpétrés par Merah, de l’islamisme en France et dans les pays arabes ?

J.B. - Il y a une véritable installation de courants fondamentalistes dans les quartiers, une centaine de français font le djihad en Syrie, d’autres au Mali, et quand on remet en cause les services de l’Etat avant de remettre en cause Mohamed Merah, ça me pose un problème. On ne peut justifier l’ignominie par une détresse sociale, mes parents ont échappé au massacre en Algérie, ont été accueillis déplorablement en France, jamais mon père n’a basculé dans la délinquance ou le fondamentalisme. L’humain possède toujours un libre-arbitre, et trouver chaque fois des excuses au pire, ne participe pas à rendre service à la République. C’est dans l’école que se trouve la réponse pour endiguer l’islamisme, et en même temps l’Etat doit avoir une politique très ferme, en n’hésitant pas à expulser les personnes prêchant des valeurs qui ne sont pas les nôtres.

Concernant les pays arabes, la culpabilité d’avoir soutenu des dictateurs ne doit pas nous pousser à soutenir des islamistes. Ces partis ont gagné le pouvoir grâce à l’argent des saoudiens et des qataris qui leur a permis de financer des œuvres sociales, et lorsque l’on connaît la misère en Tunisie et en Egypte, les islamistes ont pu récolter ainsi les voix populaires. Il n’y a pas d’islamisme modéré, l’application de la charia signifie une inégalité entre les hommes et les femmes, le port du voile, la lapidation.

 

I.A. – En matière d’éducation, comment réagissez-vous aux réformes engagées ?

J.B. - Il y a 300 000 enfants qui sortent chaque année du système scolaire sans diplôme, et je trouve stupide de supprimer l’apprentissage à 14 ans. Pour tous ces gamins qui sont en échec, c’est une voie essentielle, même s’il y a des choses à améliorer comme la somme de paperasserie décourageante dès que l’on veut faire un apprentissage.  En Allemagne, qui a l’un des taux de chômage les plus faibles pour les jeunes, l’axe fort de la vie professionnelle est l’apprentissage. Par ailleurs, on ne peut pas demander à l’école de lutter contre l’échec scolaire si l’on n’accompagne pas financièrement les familles, notamment les monoparentales ou celles avec plus de 4 enfants. On a le sentiment que l’on veut opposer des catégories. Une chose est sûre, on ne peut pas faire peser sur les classes intermédiaires tous les efforts de la société française

Sur la réforme des rythmes scolaires, certaines collectivités locales n’auront pas les moyens de l’assurer, et je vois plusieurs communes de gauche reporter au maximum sa mise en application. Pour ma part, j’y suis favorable et lorsque j’étais Secrétaire d’Etat à la jeunesse, j’avais travaillé avec Boris Cyrulnik sur le mal-être à l’école dont l’une des raisons provient des rythmes scolaires, mais aussi de la notation. Pour autant, je ne suis pas sûr que notre pays soit prêt à ces réformes. Dès que l’on veut toucher à quelque chose dans le domaine de l’Education, c’est toujours très compliqué. On a l’impression qu’à chaque fois que Vincent Peillon bouge, on parle de gaffe.

 

I.A. – Quels sont les points sur lesquels vous attendez des avancées concernant les droits des femmes ?

J.B. - L’écart de salaire moyen entre les hommes et les femmes est de 28%. En plus les femmes sont les premières victimes des plans de licenciement et du chômage en général, vu que le simple fait d’être une femme est la première cause de discrimination au travail. Sans compter qu’il n’existe pas suffisamment de modes de garde pour leur permettre de travailler. Il faut que les syndicats jouent leur rôle en matière de lutte contre les discriminations. Lorsque j’étais présidente de la Halde, jamais un syndicat ne m’a saisi pour une discrimination raciale ou liée à un état de grossesse, mais uniquement pour une discrimination à l’appartenance syndicale. Quant à  la parité, on est obligé d’adopter une loi pour la faire respecter dans le conseil d’administration des grandes entreprises, et même lorsqu’une loi paritaire existe déjà, elle n’est pas appliquée, regardez l’Assemblée Nationale. De même dans la haute fonction publique, il y a très peu de femmes, c’est une constante dans la société française, qui est malheureusement très conservatrice. Il ne faut pas uniquement des dispositifs pour le secteur privé, le secteur public doit être exemplaire et il ne l’est pas.

                                                                              

 

* « Ma République se meurt » Editions Grasset.

 

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« Le sens de l’intérêt général domine sur toute considération partisane »

Publié le par michelmonsay

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L’un est depuis 9 ans président de la région Champagne-Ardenne, soutien de la majorité présidentielle, et l’autre est depuis 18 ans député-maire UMP de Troyes et président de sa communauté d’agglomération. Regards croisés de Jean-Paul Bachy et François Baroin sur Troyes, la région Champagne-Ardenne, l’Etat et la politique territoriale.

 

Pouvez-vous nous présenter la région Champagne-Ardenne, la ville de Troyes et son agglomération, en soulignant leurs atouts notamment agricoles ?

Jean-Paul Bachy – La Champagne-Ardenne est une région très vaste où l’espace rural occupe des territoires immenses, avec une population  de 1 350 000 habitants et une densité de 53 habitants/km². Notre région est une photographie de l’agriculture française dans son ensemble et sa diversité. Près de 10% de la population active relève du secteur primaire, ce qui représente plus du double de la moyenne nationale. Pour ne citer que deux exemples : le champagne, dont le chiffre d’affaires pour 2012 reste très élevé, est en tête des exportations de la viticulture française avec une solide réputation dans le monde entier, et 80% de la production nationale de luzerne vient de Champagne-Ardenne.

François Baroin – La ville de Troyes a 60 000 habitants, son agglomération comporte aujourd’hui 18 communes avec au total 130 000 habitants, soit  près de la moitié de la population de l’Aube. Deuxième pôle urbain de la Champagne-Ardenne derrière Reims, nous avons développé 3 axes stratégiques : l’enseignement supérieur avec 10 000 étudiants, le développement des voies de communication avec l’électrification ferroviaire et la bataille pour le canal à grand gabarit jusqu’à Nogent sur Seine, enfin la diversification économique avec les investissements faits autour des parcs d’activité. La ville a une identité extraordinairement affirmée qui s’est brassée au fil des générations autour de sa période d’opulence avec le textile, de ses souffrances avec les délocalisations, et aujourd’hui de son avenir qui s’appuie sur sa richesse patrimoniale, sur sa jeunesse et sur son développement économique avec une réelle capacité d’attraction.

L’agriculture a été une des principales sources de richesse du développement de Troyes et de son agglomération. L’Aube est une terre céréalière très performante, avec une viticulture dynamique, une AOC pour le Chaource, et bien sûr le champagne dont l’organisation multipartite est exemplaire par son autodiscipline et par le fait que la Champagne est une des régions les mieux identifiées au monde.

 

Parlez-nous de votre action et vos projets pour la région et pour Troyes ?

J.-P.B. - Je me suis toujours attaché à faire en sorte que tous nos territoires travaillent ensemble. Malgré sa grande superficie, notre région reste modeste mais dispose de potentiels exceptionnels. Ils ne peuvent être développés et reconnus que dans la cohérence. J’ai enregistré des progrès en 9 ans, mais il reste encore un énorme challenge à relever notamment pour impulser des coopérations entre les principaux pôles urbains de la région. Je souhaite que l’agglomération troyenne s’intègre dans une dynamique de réseau de villes aux côtés de Reims.  Parmi les projets les plus porteurs pour l’avenir, il y a la coopération entre les Universités de Reims et de Troyes. Il y a aussi, en lien avec la Picardie, le pôle de compétitivité industries/agro-ressources. Ce pôle développe des applications industrielles innovantes de raffinerie végétale, génératrices de valeur ajoutée et d’emplois. La région ne se porte pas si mal puisqu’elle enregistre en 2012, un excédent de  2 milliards d’euros de la balance commerciale, alors que globalement, la France accuse un déficit de 67 milliards.

F.B. – Je pense avoir réussi avec mon équipe à donner de la vie et de l’élan en multipliant par deux la population étudiante, et en matière d’urbanisme en achevant le secteur sauvegardé, en réunifiant le centre-ville, en rénovant la totalité des quartiers en difficulté, et en aménageant des espaces publics de proximité. Pour les projets, nous allons poursuivre la requalification et la rénovation urbaine dans la ville, et l’élargissement et le développement économique de l’agglomération.

 

Qu’attendez-vous du Président Hollande au niveau régional ?

J.-P.B. - Notre région, de par sa faible densité de population, a des charges structurelles plus lourdes qu’ailleurs. Cette faible densité a pour conséquence un coût par élève dans les lycées ou par voyageur dans les TER, plus élevé que dans d’autres régions. Nous avons donc besoin de la solidarité des pouvoirs publics. La Champagne-Ardenne a des retards importants sur ses infrastructures. Je pense à l’électrification de la liaison ferroviaire Paris-Troyes-Chaumont ou aux investissements universitaires.

F.B. – Un traitement objectif, équitable, neutre, avec la confirmation des engagements que nous nous étions efforcés de prendre lorsque j’étais Ministre de l’économie, pour le développement des infrastructures. Comme, semble-t’il, c’est un élément de soutien à la croissance pour le Président Hollande, je ne doute pas qu’il y parviendra.

 

Que signifie pour vous une bonne politique territoriale ?

J.-P.B. - Elle se résume en deux mots : modernisation et solidarité. Améliorer la qualité de vie et l’offre de services à la population est essentiel dans une région comme la nôtre, où il existe de très fortes inégalités. La situation financière des collectivités est difficile. Voilà pourquoi nous attendons beaucoup de l’acte III de la décentralisation, et du débat à l’automne sur la prochaine loi de finances. Je plaide pour que l’on donne les moyens aux collectivités territoriales de poursuivre leur vocation de soutien à l’investissement, en leur rendant leur autonomie. N’oublions pas que 75% de l’investissement public est fait par les collectivités.

F.B. – Celle qui laisse la liberté aux collectivités de s’administrer de manière libre et autonome. Celle qui consiste pour l’Etat à être aux côtés des territoires innovants, créatifs, et qui mènent des politiques correspondant à des missions de service public. L’argent public est rare pour l’Etat mais aussi pour les collectivités locales, et transférer des compétences supplémentaires sans transférer les moyens financiers, ce qui entrainera une augmentation des impôts locaux, est une politique que je combattrai. Je suis profondément attaché au partenariat collectivités locales, Etat, Europe. Les financements croisés ont été un levier évident pour le développement de territoires comme les nôtres, sans fronts de mer, sans montagne et avec des zones urbaines de taille moyenne.

 

Quel regard portez-vous sur le contexte économique et social, et sur la réforme des rythmes scolaires ?

J.-P.B. - La grande difficulté de la période, que connaissent tous les pays européens quelle que soit la majorité politique, est d’arriver à concilier le nécessaire retour à l’équilibre budgétaire, et la relance de l’activité économique qui suppose un certain nombre de dépenses et d’investissements. On peut regretter la frilosité du système bancaire vis-à-vis des PME, alors que les banques ont été soutenues par des crédits publics sans précédent. Sur la réforme des rythmes scolaires, il faut veiller à concilier le point de vue  des familles pour adapter le rythme de scolarisation de leurs enfants à leur vie familiale. En contrepoint, il faut tenir compte du coût de la prise en charge des élèves par les collectivités territoriales lorsqu’ils ne sont pas à l’école. Il faut pour cela prendre le temps d’une vraie concertation.

F.B. – Les agitations de M. Montebourg qui envoie du rêve avec des paroles et pas d’actes, contribuent à nourrir la radicalité de mouvements sociaux et on peut comprendre que certains syndicalistes aient eu le sentiment d’avoir été bernés par le gouvernement. Cette politique d’à peu-près commence à m’inquiéter et à devenir dangereuse. Notre département a été très touché dans les années 1980, où il perdait 1000 emplois par an. Cela a duré 20 ans avec des plans sociaux, des fermetures d’usines, mais nous avons appris à nous battre sans résignation et à diversifier l’offre d’activités économiques. Nous avons accompagnés de très nombreuses entreprises vers des solutions, mais il y a des situations malheureusement que l’on n’a pas pu sauver.

Pour la réforme des rythmes scolaires, sur le fond, je l’avais mise en place au début de mon premier mandat à Troyes, nous avions alors un soutien financier de l’Etat, mais au bout de trois ans il s’est désengagé et ce n’était plus tenable. Le coût pour les collectivités est un paramètre important. Quant à la méthode, le Ministre de l’Education fait preuve de beaucoup d’arrogance et ne se rend pas bien compte de la nécessité du dialogue. Il ne peut pas imposer cette réforme et dire que c’est aux collectivités locales de payer. Si l’Etat affirme une ambition élevée pour l’Education Nationale, il doit s’en donner les moyens lorsqu’il engage une réforme, et comme ce n’est pas le cas, je pense que l’avenir de cette réforme est hypothétique. 

 

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« L’Assemblée Nationale doit redevenir une véritable ruche »

Publié le par michelmonsay

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Après avoir été Ministre de la ville du gouvernement Jospin, Président du Conseil général de Seine Saint-Denis et huit fois député de ce département, Claude Bartolone est devenu en juin dernier à 61 ans, Président de l’Assemblée Nationale. C’est dans ce lieu qu’il connaît si bien depuis son premier mandat en 1981, que le 4ème personnage de l’Etat nous livre son sentiment à l’approche de cette nouvelle année, sur la vie parlementaire, politique et économique de la France.

 

Quels sont le rôle et le pouvoir de l’Assemblée Nationale ainsi que ceux de son Président ?

Claude Bartolone - L’Assemblée est d’abord là pour voter la loi. Et je fais en sorte de rappeler au gouvernement qu’il faut donner du temps aux parlementaires et en finir avec les textes à examiner en urgence. Ce que l’on connaît moins de l’Assemblée est son rôle de contrôle du gouvernement, d’évaluation des politiques publiques et de réflexion sur les grandes évolutions de la société. Avec les commissions d’enquête, les missions d’information et d’autres instruments, l’Assemblée est au cœur de l’efficacité de l’action publique.

Tous mes prédécesseurs, de gauche comme de droite, ont laissé leur trace, et j’ai l’humilité de croire que je marche dans leurs pas. Cela dit, je m’efforce de présider comme je suis, avec ce qu’il faut d’autorité, de loyauté et de liberté. Il faut de l’autorité pour pouvoir couper la parole à des ministres trop bavards ou tenir cet hémicycle qui donne quelquefois le sentiment de rugir ! Il faut de la loyauté car je n’oublie jamais que la majorité a été élue sur les propositions du président de la République et qu’elle doit soutenir la politique menée. Il faut enfin de la liberté vis-à-vis du gouvernement pour remplir la grande mission d’un président de l’Assemblée : Protéger l’opposition.

 

Qu’avez-vous entrepris depuis votre entrée en fonction ?

C.B. - Dès mon investiture, j’ai voulu adresser un signe aux Français pour réinstaller la confiance. Gel du budget de l’Assemblée pour cinq ans, baisse de mon indemnité de 30%, réduction de l’indemnité représentative de frais de mandats des députés de 10%, contrôle de la Cour des comptes sur nos finances, transparence sur la réserve parlementaire. Jamais une réforme de cette ampleur n’avait été menée sous la Vème République. J’en suis très fier. Par ailleurs, je suis parti en guerre contre les « comités Théodule », ces centaines et centaines de commissions qui coutent cher au pays et marchent sur les plates-bandes du Parlement. Je réclame la suppression de 30% de ces comités pour que leur travail revienne à l’Assemblée qui doit redevenir une véritable ruche. Et d’ailleurs, pour le clin d’œil, nous avons même décidé d’installer des ruches sur les toits de l’Assemblée ! En 2013, nous produirons « le miel du Palais Bourbon ».

 

Comment analysez-vous le comportement des députés de droite depuis cinq mois ainsi que la crise à l’UMP ?

C.B. - En tant que président de l’Assemblée, je ne critique jamais la façon qu’a l’opposition de s’opposer. Je suis là pour protéger ses droits. Après, je suis intraitable sur l’image que nous donnons collectivement aux Français. Autant je suis pour une démocratie vivante et pourquoi pas bruyante, autant je ne tolère pas que des députés dégradent l’image de l’Assemblée juste pour être vus à la télé ! J’ai averti. Si cela devait continuer, je prendrais des sanctions, y compris financières.

La démocratie, ça aime l’équilibre. En face de la majorité qui agit, nous avons besoin d’une opposition qui contredit. Or aujourd’hui, l’état de l’UMP ne permet pas cet équilibre, et nul ne doit s’en réjouir. La nature a l’horreur du vide, et dans le trou béant que laisse la droite républicaine, je crains que les extrêmes ne viennent s’engouffrer. Tout doit être fait pour éviter cela. La droite doit se ressaisir. Mais à nous aussi, par le rythme des réformes et des résultats obtenus, de démontrer aux Français que, oui, la politique ça sert à quelque chose.

 

Certains au sein de la majorité font entendre des voix dissonantes, comment y réagissez-vous ?

C.B. - Toute initiative venant fragiliser l’action du gouvernement est regrettable. Dans ce climat de crise, de doutes et de peurs, la division est un poison. À côté de cela, il faut entendre ce qui est dit par nos partenaires. Autant il y en a certains qui jouent au « plus à gauche que moi tu meurs » pour se mettre en scène, autant il y en a d’autres qui nous disent des choses. Et ces choses-là, il faut les écouter, sauf à vouloir gouverner reclus. Il est indispensable de réaffirmer sans cesse la ligne politique qui sous-tend notre action et dans laquelle chacun peut, avec sa propre identité, se sentir à l’aise : La reconstruction économique au service du progrès social. Donnons sa chance au dialogue dans la majorité. C’est ce que je m’efforce de faire à l’Assemblée.

 

Comment jugez-vous les premiers mois du Président Hollande et du gouvernement dans le contexte économique et social très difficile ?

C.B. - Compte tenu de la brutalité de la crise, tout ce qui devait être fait a été fait. Pour ma part, dès l’été, j’avais défendu trois priorités pour la France : l’emploi, l’emploi et l’emploi ! C’est bien ce dont il est question avec l’action du président Hollande, de la majorité parlementaire et du gouvernement qui en est issu. Notre horizon, c’est la bataille pour l’emploi. Pour cela, nous activons tous les leviers à la fois. L’emploi par des politiques actives : Les fameux « emplois d’avenir » et demain les « contrats de génération ». L’emploi par la reconstruction de l’économie française avec le pacte de compétitivité qui va permettre de muscler nos entreprises. L’emploi par une nouvelle façon de réformer : Avec la conférence sociale, nous voulons associer toutes les forces du pays à la bataille pour l’emploi. L’emploi enfin, en faisant confiance aux territoires de France, à leur capacité d’investissement public.

 

Que pensez-vous du Prix Nobel de la paix décerné à l’Europe sur fond de crise et de désaccord budgétaire, ce désaccord peut-il mettre en péril la PAC ?

C.B. - L’Europe… Vous savez, je ne suis ni un « euro béat » ni un « euro sceptique ». Je suis un « euro exigeant » ! A ce titre, la France n’acceptera jamais que soit remise en cause la politique agricole commune. Au-delà du désaccord budgétaire européen, la vraie question qui se pose est celle de l’idée que nous nous faisons de la suite de l’histoire européenne. L’Europe, ça ne peut pas être seulement la rigueur. Le jour où s’installe cette idée, il n’y a plus de construction européenne et il n’y a plus d’Europe. La France doit peser pour bâtir une Europe plus à l’écoute des peuples qu’elle ne l’est aujourd’hui, une Europe plus protectrice, notamment de notre agriculture, moins naïve face aux géants, mieux armée dans la compétition internationale. Je salue la démarche de François Hollande qui, depuis le printemps, a engagé la France sur ce chemin. Il sera long. Il est vital.

 

Vous qui êtes le 4ème personnage de l’Etat, que souhaitez-vous à la France pour 2013 ?

C.B. - Hélas, la crise ne va pas s’envoler le 31 décembre à minuit, mais n’enterrons pas cette année 2013 avant même qu’elle ne soit née. 2013 sera ce que nous en ferons. Il faut croire en notre pays, en sa capacité à se relever. La France, ce n’est pas rien ! Nous avons une économie puissante, des savoir-faire que le monde nous envie, nous avons une grande agriculture, une qualité de service public unique au monde, une recherche performante, un commerce et un artisanat riches ! Et puis, nous savons vivre, en France ! Nous sommes attachés à notre terroir comme nous savons nous ouvrir aux beautés du monde. Tous ces atouts, il faut les préserver. Pour cela, quelles que soient les difficultés, nous avons besoin de garder notre cohésion nationale, de croire en notre capacité de rebond. C’est ce que je souhaite à la France en 2013. 

 

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« Il y a en France deux millions d’enfants pauvres »

Publié le par michelmonsay

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Après une carrière professionnelle internationale dans des grandes entreprises agroalimentaires et électroniques, mais aussi un engagement associatif naturel notamment pour les enfants, Gérard Bocquenet a rejoint depuis 5 ans l’Unicef dont il est le directeur général en France. Il nous explique par le menu les missions à travers le monde et sur notre territoire de cette organisation essentielle qui fête ses 66 ans, et nous présente aussi l’ONG Reporters d’espoir dont il est président.

 

Quel est le rôle de l’Unicef dans le monde d’aujourd’hui ?

Gérard Bocquenet - Présent dans tous les pays de la planète de manière permanente, étant ainsi à pied d’œuvre en cas d’urgence, l’Unicef travaille en liaison avec les gouvernements pour influer sur leur politique afin que les enfants vivent mieux. C’est une agence de l’ONU, qui a pour objectif de défendre les droits des enfants, et leur venir en aide à travers quatre grands axes. Tout d’abord, la survie de l’enfant, 7 millions d’enfants de moins de 5 ans sont morts en 2011, très souvent de causes évitables. Ce chiffre qui reste insoutenable était de plus de 20 millions il y a 20 ans, il est en constante régression, montrant ainsi les progrès effectués partout dans le monde. Nous avons des situations extrêmement contrastées selon les pays et parfois à l’intérieur même de certains d’entre eux, où les populations rurales éloignées des centres de soins ont des taux de mortalité infantile bien plus élevés que les populations urbaines. Des enfants y meurent encore de la rougeole, de la dysenterie, du paludisme ou de maladies respiratoires. Nos équipes luttent également contre la malnutrition aigüe dans plusieurs pays d’Afrique et d’Asie. 

 

Au-delà de la survie de l’enfant, sur quels domaines intervenez-vous ?

G.B. - Le deuxième axe est l’éducation. Une fois que les enfants ont 5 ans, le vrai défi de la planète est de les amener à l’éducation, ce qui favorisera le développement de nombreux pays, en particulier d’Afrique subsaharienne. L’éducation des filles est un vrai challenge dans des pays comme le Pakistan, l’Afghanistan et quelques autres, où cela devient très compliqué de maintenir les petites filles dans les écoles. La troisième action prioritaire de l’Unicef concerne la protection de l’enfant contre toutes sortes de traites, de mauvais traitements ou d’exploitations, comme le travail des enfants, l’exploitation sexuelle des enfants, les violences courantes ou l’incorporation dans des milices armées. Il y a aujourd’hui 250 000 enfants soldats un peu partout dans le monde.

Le quatrième axe est la lutte contre le virus du sida, dans laquelle l’Unicef travaille à l’élimination de la transmission entre la mère et l’enfant, pour réduire le nombre de décès infantiles dû à la contraction du virus. Cela est possible grâce à des protocoles médicaux déjà utilisés dans les pays du Nord. Parallèlement, nous prenons en charge avec nos partenaires sur le terrain, notamment en Afrique, les orphelins du sida, et nous effectuons un gros travail de prévention à destination de la jeunesse, en particulier les filles, qui dans certains pays ont une première relation sexuelle alors qu’elles sont encore très jeunes.

 

Quelle est l’action de l’Unicef en cas de situation d’urgence ?

G.B. - Notre travail de fond est basé sur des actions de développement dans les domaines que j’ai évoqués avec une variable d’ajustement selon les pays, et il est complété par des actions spécifiques en cas d’urgence. Nos équipes agissent comme actuellement en Syrie avec discrétion pour aider les enfants et par extension les populations, tout en évitant de se mettre en danger. Nous avons reconstruit et rouvert des écoles détruites par le conflit, nous travaillons avec le Haut commissariat aux réfugiés pour l’accueil dans les pays voisins des syriens qui fuient, et avec la Croix-Rouge locale sur des programmes de santé.

La situation des enfants est également dégradée dans tous les pays qui connaissent de manière régulière des conflits armés comme l’Afghanistan, le Soudan, la Somalie, la bande de Gaza ou d’autres, et dans ceux qui souffrent de la sécheresse et par conséquent de malnutrition comme les états du Sahel et de la corne de l’Afrique. Ces fléaux induisent le problème des populations déplacées qui est une des priorités de l’Unicef. Autres priorités, l’eau et l’assainissement, 1 milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable et 2 milliards et demi n’ont pas une solution d’assainissement convenable. Nous travaillons toujours quel que soit le sujet avec des ONG internationales et locales pour être le plus efficace possible.

 

Comment se situe la France et quel mandat l’Unicef y a-t-elle ?

G.B. - Il existe une quarantaine de pays dans le monde pour lesquels l’Unicef considère qu’il n’y a pas besoin d’un programme de terrain, ce qui ne signifie pas pour autant que tous les problèmes liés à l’enfance soient résolus dans ces pays. La France évidemment en fait partie, sans être dans le peloton de tête dominé par les pays scandinaves et la Suisse. Nous avons recensé 2 millions d’enfants pauvres sur notre territoire, avec un accroissement de la pauvreté en milieu urbain induisant des conséquences sur la scolarité et la santé. Autre élément sensible, le comité des droits de l’enfant de l’ONU a souligné il y a 3 ans que l’Etat français ne menait pas une véritable politique cohérente de l’enfance, et avait une justice des mineurs inadaptée. L’Unicef a d’ailleurs toujours plaidé pour une séparation de la justice des mineurs de celle des adultes, tant au niveau des tribunaux que des centres de détention.

Notre mandat en France est de sensibiliser voire d’influer l’ensemble de la société à travers les pouvoirs publics, le Parlement, les partis politiques, les grandes associations, les entreprises, les fédérations et clubs sportifs, sur des sujets de nature économique et sociale en rapport avec la situation des enfants. Même si nous ne menons pas d’action concrète sur le terrain nous restons très attentifs à ce qui se passe.

 

Pouvez-vous nous parler de trois symboles forts de l’Unicef que sont les villes amies, les cartes de vœux et les ambassadeurs ?

G.B. - Le concept des villes amies des enfants existe un peu partout dans le monde et continue de s’étendre. En France, 227 ont reçu le label en s’engageant à mener une politique en faveur de l’enfance avec des critères définis par l’Unicef. Cela permet d’échanger des bonnes pratiques entre les villes et nous, mais également pour les villes entre elles qui peuvent ainsi améliorer leur action.

Les cartes de vœux sont très associées à l’image de l’Unicef et nous continuons toujours à en vendre beaucoup, notamment grâce à nos 6000 bénévoles en France, d’autant que nous avons maintenant des versions digitales que l’on peut envoyer par mail. La générosité des français à l’égard de l’action de l’Unicef n’a pas baissé malgré la crise.

Quant aux ambassadeurs, nous choisissons des personnalités connues du grand public qui en prêtant leur notoriété permettent de relayer efficacement notre action auprès des grands médias. En France nous en avons six : PPDA, Mimie Mathy, le rappeur Oxmo Puccino, Lilian Thuram, l’orchestre philarmonique de Radio-France et son chef Myung-Whun Chung qui est ambassadeur international, et le golfeur Jean Van de Velde. Nous essayons de mener avec eux au moins une mission de terrain par an. L’Unicef a des ambassadeurs dans chaque pays, et en plus une trentaine d’ambassadeurs internationaux.

 

Quelle est la raison d’être de Reporters d’espoir ?

G.B. - Cette ONG est née en 2003 du constat que les médias français ne diffusaient que des informations négatives et anxiogènes, ne traitant quasiment jamais des solutions. Lorsqu’un problème quel qu’il soit se présente n’importe où sur la planète, qu’une solution est trouvée et l’on constate que l’on peut la dupliquer ailleurs, le rôle de Reporters d’espoir est de communiquer à travers les médias cette solution au plus grand nombre. Par exemple en Guinée, des producteurs de sel ont amélioré leurs techniques grâce à des paludiers de Guérande. De nombreux journalistes jeunes et plus chevronnés voire célèbres nous soutiennent depuis le début. De ci de là nous sentons une amélioration malgré la morosité ambiante, avec des initiatives comme le hors-série que Libération en association avec Reporters d’espoir sort chaque année en décembre, intitulé « Le Libé des solutions », qui fait partie de leurs meilleures ventes annuelles. Autrement dit, lorsque l’on apporte des informations porteuses de solutions, le public est au rendez-vous.

 

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« En tant que femme, on est plus regardée et attendue au tournant, parfois un peu caricaturée »

Publié le par michelmonsay

 

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Interview réalisée dans le cadre d'un dossier sur les femmes

 

Première femme à avoir traversé l’Atlantique puis le Pacifique à la rame, mais aussi à avoir accompli un tour du monde à la voile en solitaire à contrecourant, Maud Fontenoy s’est reconvertie naturellement dans la préservation de l’élément qu’elle connaît si bien. Sa fondation qu’elle a créée en 2008, alerte, sensibilise, transmet autour de la nécessité de protéger les océans.

 

Quel a été votre parcours en quelques mots pour parvenir à votre activité ?

Maud Fontenoy - Ce qui m’amène aujourd’hui à essayer de sauvegarder les océans, est le fait que je les connais bien pour avoir passé dessus plus de temps que sur terre. Je suis partie en mer avec ma famille alors que j’avais à peine une semaine. Durant mon enfance j’ai toujours habité sur un bateau et appris à aimer les océans, que j’ai parcouru ensuite dans le cadre de mes aventures. Il m’est apparu naturel de m’engager dans la protection du grand bleu mais aussi dans l’éducation et la sensibilisation de la jeune génération.

 

Avez-vous rencontré des difficultés en tant que femme ?

M.F. - Les femmes sont peu nombreuses dans le milieu maritime. Comme mes aventures étaient des premières féminines, que ce soit à la rame dans l’Atlantique Nord puis dans le Pacifique et à la voile pour le tour du monde à contrecourant, elles m’ont permis de prouver que ce n’était pas qu’une question de gros bras mais de volonté et de détermination. En tant que femme, on est plus regardée et attendue au tournant, parfois un peu caricaturée. Pendant mon tour du monde, comme j’étais sponsorisée par L’Oréal, je disais que je m’épilais les jambes en mer et mettais de la crème antirides, ce qui a beaucoup fait rire les marins. Cela ne m’a pas empêché lorsque j’ai démâté de réparer mon mât et de réussir à boucler mon tour du monde. C’est sûr que l’on ne nous attend pas là, et pour trouver des sponsors lors de ma première traversée à la rame alors qu’aucune femme ne l’avait fait et que l’on s’attendait à voir arriver un gros gabarit, il m’a fallu redoubler d’arguments convaincants.

 

Que demande-t-on de plus ou de différent à une femme, dans les milieux où vous êtes ?

M.F. - On se dit qu’une femme a moins de chances de réussir ces aventures en mer vu sa morphologie, et on va lui demander d’être rassurante quant à ses performances physiques. Au fur et à mesure, on parvient à démontrer qu’il y a aussi l’organisation et la gestion de l’aventure qui sont très importantes. On adapte également un peu les bateaux à sa taille, même si pour mon tour du monde le mien faisait 26 mètres, 30 tonnes, avec un mât de 32 mètres de haut, et qu’il n’était pas franchement adapté à mon gabarit.

Dans la sauvegarde de l’environnement, on rencontre autant de femmes que d’hommes, mais il y a quand même une sensibilité très féminine pour tout ce qui touche cette cause. Les femmes, en gérant davantage les enfants, leur nourriture, leur santé, se sentent énormément concernées.

 

Quelles sont vos plus grandes satisfactions en tant que femme ?

M.F. - J’ai été très fière de réaliser ces 3 premières féminines, et voir par l’abondant courrier que j’ai reçu comment toute une génération de femmes a été portée par mes aventures, qui leur ont donné beaucoup d’énergie pour croire en elles et en leurs projets. Aujourd’hui, ma satisfaction au quotidien est d’arriver à consacrer du temps à mon petit garçon autant qu’aux autres. Je suis également heureuse de voir que le travail de ma fondation porte ses fruits, avec des enfants de plus en plus sensibilisés par les programmes éducatifs que l’on met en place.

 

Comment percevez-vous le métier d‘agricultrice et son évolution ?

M.F. - A l’image de celui de marin pêcheur, c’est un métier physiquement dur où l’on s’attend à voir plus des hommes que des femmes, un métier de l’ombre qui n’est pas assez valorisé et pourtant Dieu sait comme il est difficile. C’est un merveilleux métier que de produire quelque chose qui va nourrir d’autres humains.

Les femmes aujourd’hui sont agricultrices au même titre que les hommes, elles gèrent les exploitations aussi bien, ont la force physique pour le faire et sont respectées. J’espère aussi que l’agriculture saura se développer en préservant l’environnement.

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« Nous allons créer un observatoire national des violences faites aux femmes »

Publié le par michelmonsay

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Après avoir été porte-parole de Ségolène Royal, en 2007 et pour les primaires socialistes de 2011, Najat Vallaud-Belkacem le devient pour François Hollande durant la campagne présidentielle, et aujourd’hui pour le Gouvernement, dont elle est la benjamine à près de 35 ans. Tout comme l’appétence qu’elle a montrée pour la fonction de porte-parole, on la sent totalement déterminée à faire évoluer les droits des femmes, dont le Président lui a confié le Ministère.

 

Pourquoi François Hollande a recréé ce Ministère ?

Najat Vallaud-Belkacem - Depuis 1986, il n’y avait plus de Ministère des droits des femmes de plein exercice, alors qu’il est indispensable pour prendre à bras le corps un certain nombre de sujets qui sinon ne sont pas traités. Mon objectif est de conscientiser la société sur le fait que contrairement à une idée reçue, les inégalités entre les femmes et les hommes existent et se sont même creusées. D’un point de vue professionnel, avec des écarts de rémunération en moyenne de 27%, un développement du temps partiel subit et de secteurs d’activités où les femmes sont très présentes, avec des conditions de travail et de rémunération particulièrement difficiles. Nous avons aussi perdu du terrain sur le droit des femmes à disposer de leur corps, avec la fermeture de 150 centres d’accueil IVG ces 10 dernières années. Sur la question des violences faites aux femmes, les moyens ne sont pas là pour mettre en œuvre la très bonne loi adoptée en 2010 sur une initiative partagée entre la gauche et la droite, en particulier pour accompagner les femmes qui cherchent à se sortir des violences conjugales.

 

Comment allez-vous travailler ?

N.V.-B. - Le retour de ce Ministère permet de remettre la focale sur ces sujets, avec un travail dans la transversalité avec l’ensemble des ministères, qui permet d’avoir des moyens et d’impliquer les acteurs dans la proximité. Comme par exemple former les magistrats et les policiers à la spécificité des violences conjugales. Pour être efficace sur tous ces sujets, je ressuscite le comité interministériel aux droits des femmes qui n’avait plus fonctionné depuis 12 ans, et qui se réunira en octobre sous la présidence du Premier Ministre, pour voir comment nous pouvons dans tous les domaines faire avancer les droits des femmes.

Nous avons la chance d’avoir un Président et un Premier Ministre qui sont convaincus du sujet, et ne se bercent pas d’illusions sur la soi-disant égalité entre les hommes et les femmes. Cette illusion est très présente dans la société et elle est l’un des freins contre lesquels il faut se battre le plus souvent.

 

Quelles sont les principales mesures que vous souhaitez mettre en œuvre rapidement ?

N.V.-B. - La conférence sociale des 9 et 10 juillet a mis l’accent sur la nécessité d’être plus efficace dans les dispositifs de sanctions, à l’égard des grandes entreprises qui ne respectent pas l’égalité professionnelle. Nous souhaitons également accompagner les PME dans la mise en œuvre de cette égalité. Comme elles n’ont pas les moyens dont disposent les grandes entreprises pour expérimenter des pratiques innovantes, nous les aideront à s’approprier ces pratiques. Nous allons créer à l’automne un observatoire national des violences, chargé d’étudier et connaître les faits. L’inexistence d’études perpétue le silence et donc le tabou autour de ce phénomène, et n’incite pas les femmes à parler. L’observatoire aura aussi pour mission de prévenir, d’accompagner, de proposer des politiques publiques, de généraliser des expérimentations qui marchent. Tout cela en lien avec les collectivités locales, c’est un sujet que l’on traite beaucoup dans la proximité. Nous travaillons avec la Ministre des affaires sociales et de la santé, pour mettre en place un accès équilibré sur l’ensemble du territoire à un service IVG, et sur la question de la contraception des mineures.

Les sujets du harcèlement sexuel et de la prostitution vous tiennent aussi particulièrement à cœur ?

N.V.-B. - Sur le harcèlement sexuel, il y avait un vide juridique et nous venons de faire adopter au Parlement un projet de loi. Ce nouveau texte est beaucoup plus protecteur, il définit de manière plus précise et plus large les faits de harcèlement, qui sont beaucoup plus nombreux que l’on pourrait le croire, certaines études parlent de 300 000 par an. Désormais, le harcèlement sexuel sera puni de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende.

Aujourd’hui, 80% des personnes en situation de prostitution sont victimes de la traite, des réseaux et sont étrangères. Notre rôle est de trouver comment protéger ces personnes, comment prévenir leur entrée en prostitution, comment les aider à en sortir et trouver un emploi. Nous devons poursuivre le travail de réflexion sur tous les angles de ce sujet, pour réduire le nombre de portes d’entrée dans la prostitution. Il faut améliorer la prévention en termes d’information, d’éducation à la sexualité dans les établissements scolaires, et d’éducation au respect entre les garçons et les filles.

 

Quelle est la situation des femmes dans le monde agricole ?

N.V.-B. - On a le sentiment d’une mutation ces dernières années, jusqu’alors les femmes d’agriculteur élevaient les enfants, géraient les tâches domestiques, aujourd’hui elles sont davantage l’alter ego des hommes dans la conduite de l’exploitation, voire la pilotent elle-même. Durant la conférence sociale, nous avons évoqué la problématique des retraites extrêmement faibles dans le secteur agricole, en particulier pour les épouses d’agriculteur dont beaucoup sont en situation de grande pauvreté. Nous voulons travailler sur la formation professionnelle et en particulier l’enseignement agricole afin d’améliorer certains sujets, notamment pour les jeunes filles. J’ai un déplacement en ce sens au mois de septembre en Aquitaine et en Limousin. Même si le monde agricole a des codes particuliers, on y retrouve pour les femmes, les difficultés que l’on connaît dans le reste de la société.

 

Comment jugez-vous votre rôle de Porte-parole du Gouvernement et les premiers mois du nouvel exécutif ?

N.V.-B. - C’est un exercice d’exactitude où lorsqu’on n’a pas l’information précise, on préfère ne pas répondre sans que ce soit de la langue de bois. Cela demande un énorme travail en amont pour se tenir informé de tous les dossiers de l’ensemble des ministères. Contrairement à la fonction de porte-parole de campagne, il n’y a pas de place au lyrisme, à l’interprétation personnelle, au sens de la formule, on se doit d’être très précis.

Le collectif budgétaire que l’on est en train d’adopter découle de l’ardoise que nous a laissée le précédent gouvernement, avec la nécessité de remettre de la justice dans les contributions des français à l’effort collectif, et en même temps faire face à toutes les dépenses non budgétées par nos prédécesseurs. Les engagements annoncés par François Hollande pour les trois premiers mois ont été respectés. Confronté à une situation difficile, notamment avec les plans sociaux, le gouvernement démontre à la fois une capacité à répondre à l’urgence avec des mesures comme le plan automobile, et à s’inscrire dans la durée avec la conférence sociale et des concertations sur différents sujets importants. Nous ne sommes pas là pour gérer à la petite semaine mais pour réformer structurellement le pays.

 

On parle de rentrée sociale difficile, d’efforts à venir, quels sont les projets du Gouvernement sur ces sujets ?

N.V.-B. - Nous voulons mettre fin à une anomalie du précédent mandat qui consistait à faire payer moins ceux qui avaient le plus, avec le bouclier fiscal et la réforme du barème de l’ISF. Il faut remettre de la justice dans le système fiscal, lutter contre la fraude et l’exil fiscal pour récupérer un certain nombre de recettes. Egalement, réfléchir en termes de dépenses pertinentes sur des secteurs stratégiques comme l’industrie, en soutenant l’innovation, la recherche, la technologie, et en luttant contre les délocalisations pour donner des bases plus saines à notre économie, relancer la croissance et l’emploi. Il faut toujours lier cette réflexion à ce que fait François Hollande au niveau européen.

L’abrogation de la TVA sociale a indiqué la voie que souhaite prendre le Président pour épargner les classes moyennes et populaires, en leur redonnant du pouvoir d’achat. Par ailleurs, une réflexion a été lancée pour savoir comment garantir la pérennité de notre système social. Concernant les entreprises en difficulté, la tonalité du débat a changé puisque nous essayons de remettre autour de la table systématiquement tous les acteurs concernés, pour envisager toutes les solutions possibles. Parfois, il faudra imposer la reprise par un repreneur viable, c’était une proposition de loi de François Hollande alors qu’il était dans l’opposition, nous allons l’adopter.

 

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« On pourrait croire que nos métiers artistiques sont exempts de sexisme, mais c'est malheureusement faux »

Publié le par michelmonsay

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Interview réalisée dans le cadre d'un dossier sur les femmes suivi d'un portrait réalisé en septembre 2009

 

Depuis une dizaine d’années et la sortie de son 1er album, Jeanne Cherhal est l’une des artistes les plus attachantes de la chanson française. Après avoir reçu une Victoire de la musique décernée par le public en 2005, ses 2 derniers disques d’une très belle richesse musicale avec des textes mêlant subtilement émotion et humour, ont été vivement salués par la critique. A 34 ans, la chanteuse semble pleinement épanouie, notamment sur scène où elle montre une énergie et une sensibilité enthousiasmantes.

 

Avez-vous rencontré des difficultés en tant que femme durant votre parcours ?

Jeanne Cherhal - On pourrait croire que nos métiers artistiques sont exempts de sexisme, mais c'est malheureusement faux. J'ai la chance d'être ma propre « chef » et de me sentir respectée dans mon milieu, mais bien entendu, il y a toujours des hommes pour lesquels il est difficile d'admettre qu'une femme est leur égale, ou qu'elle est dans une situation d'autonomie.

Ça va de l'ingénieur du son qui vous accueille dans une salle, et au lieu de vous demander ce que vous souhaitez, s'adresse à l'un de vos musiciens ou techniciens parce que le langage technique ne serait pas l'apanage d'une femme; au type d'une maison de disque qui vous fait des avances déguisées sous couvert d'humour; en passant par le journaliste qui se permet des questions d'ordre privé quand il ne le ferait sans doute pas avec un homme. Il faut alors remettre rapidement les pendules à l'heure ! Comme dans tous les milieux.

 

Que demande-t-on de plus ou de différent à une femme dans le milieu où vous êtes ?

J.C. - Ce que l'on demande à un artiste comme à une artiste, c'est d'être singulier, de véhiculer de l'émotion, de créer, de parler aux gens. Mais j'ai l'impression qu'implicitement, on attend d'une femme une « sociabilité » pas forcément exigée chez un homme. Un chanteur un peu ours passera pour un être secret, tandis qu'une chanteuse ourse sera soupçonnée de dédain, ou de prétention mal placée.

 

Pourriez-vous nous confier quelques unes de vos plus grandes satisfactions en tant que femme ?

J.C. - Personnellement, j'ai eu l'impression de me réaliser lorsque j'ai produit un album toute seule, par exemple le dernier, Charade. Je n'avais pas de musiciens, le travail instrumental n'a reposé que sur moi. Je n'étais pas sûre de pouvoir le faire, alors une fois que le disque est sorti, j'ai été plutôt fière. Enfin, cette fierté a duré deux jours !

Par ailleurs en tant que femme, je me souviens avoir été invitée à la Journée internationale contre l'excision et les mutilations génitales, car j'avais écrit une chanson à ce sujet, « On dirait que c'est normal ». A la fin d'une grande réunion avec de multiples intervenants, ma chanson a été diffusée dans l'amphithéâtre, et toutes les femmes africaines qui étaient venues témoigner l'écoutaient avec beaucoup d'attention. J'ai rarement eu une telle émotion!

 

Comment percevez-vous le métier d’agricultrice, voyez-vous une évolution ces dernières années ?

J.C. - Je le perçois comme un métier difficile, épuisant et nécessitant un vrai amour de son travail. Je suis assez mal placée pour en parler car il n'y a pas d'agricultrices dans mon entourage proche, mais j'ai l'impression en effet que ce métier est en mutation.

Je me trompe peut-être, mais il me semble qu'il y a quelques années encore, une agricultrice était considérée avant tout comme une femme d'agriculteur, et devait à la fois avoir des compétences en comptabilité, travailler aux côtés de son mari et ne pas compter sur un salaire. Aujourd'hui j'ai l'impression qu'une évolution s'opère et qu'une femme agricultrice a désormais la possibilité d'exercer son talent pour elle-même, en travaillant avec et non plus pour ou grâce à son mari. C'est en tout cas un choix de vie que j'admire.


 

Portrait réalisé en septembre 2009

 

 

 

Plus pointilleuse et peut-être plus exigeante avec l'expérience, Jeanne Cherhal en plein enregistrement de son quatrième album qui sortira en janvier 2010, préfère se donner le temps nécessaire pour être totalement convaincue par son disque fini. De l'écriture à la réalisation et l'enregistrement, elle s'occupe de tout : "J'ai envie de creuser musicalement, notamment au niveau des arrangements." Elle a changé sa manière de travailler, en morcelant l'enregistrement et non plus en l'enchaînant durant trois semaines d'affilée. Dès que deux ou trois chansons sont écrites, elle entre en studio. L'enregistrement va s'étaler sur près d'un an, lui donnant ainsi un recul qui n'était pas possible auparavant.

Par ailleurs, elle a changé de maison de disques, en passant du label indépendant Tôt ou tard à Barclay, maison au prestigieux catalogue : "Avant de signer chez Barclay, j'étais déjà attirée par les artistes de ce label, et je me suis rendue compte que les gens qui y travaillent, ont un regard artistique très aiguisé dont je me sens vraiment proche."

 

Une évolution naturelle

Ce nouvel album qui sera plus fouillé musicalement, avec une tendance pop, Jeanne Cherhal l'a composé davantage à la guitare, il sera moins dans un format traditionnel avec couplet et refrain. Pianiste de formation, elle a toujours privilégié cet instrument au moment de créer une mélodie. La guitare est venue par la suite, elle lui ouvre aujourd'hui des horizons musicaux et harmoniques différents. Pour la première fois, elle a démarré l'écriture des chansons par les notes, puis sont venus les mots. Elle reconnaît que la musique sera plus présente dans cet album : "Avant, elle me servait à accompagner mes textes, il fallait tout le temps que je raconte un truc, aujourd'hui il y a de vrais passages musicaux."

 

De la solitude et des rencontres

L'un des moments qu'elle aime par-dessus tout dans son métier, est celui où elle vient de terminer la création d'une chanson et qu'elle en est contente : "C'est jubilatoire, j'ai encore l'impression de servir à quelque chose", elle ajoute à propos de son métier : "Il est solitaire dans l'aspect créatif, où j'ai besoin d'être dans ma bulle, mais le reste du temps je ne l'envisagerai pas sans toutes ces rencontres qui me font avancer, et les relations fortes avec les musiciens et techniciens lors des tournées."

A ce propos, Jeanne Cherhal réclame de plus en plus à son producteur d'aller chanter à l'étranger, même si cela est plus compliqué à organiser : "J'adore découvrir des pays en faisant ce que j'aime le plus au monde, chanter. On est partis 3 semaines en Afrique centrale dans 5 pays différents, l'expérience humaine a été fabuleuse. J'ai également un souvenir très émouvant  d'un concert à Beyrouth, où les affiches avaient été arrachées, et pourtant le soir la salle était remplie."

 

La portée d'une chanson

Jusqu'à présent, elle n'a laissé à personne le soin de lui écrire une chanson, par pudeur ou frilosité, elle ne se reconnaît pas dans les mots des autres. Pourtant les sujets abordés dans ses chansons ne sont jamais prémédités : "Quand je commence un texte, je ne sais jamais de quoi il va parler, je me laisse emporter par la musicalité des mots, et ensuite ça prend sens." S'il paraît évident qu'elle aime l'humour, elle donne à ses chansons, un point de vue volontairement féminin sur le monde sans se sentir pour autant engagée : "Une chanson n'est pas un bulletin d'information ni un programme politique, c'est avant tout une émotion, un bout de vécu." Ses influences vont de Barbara à Serge Gainsbourg, en lorgnant vers un aspect plus rock avec la chanteuse anglaise P.J. Harvey.

Par souci d'honnêteté, elle a besoin de se sentir concernée personnellement par ce qu'elle chante, voilà pourquoi elle n'abordera jamais certains thèmes comme elle l'a fait récemment en écrivant pour Amandine Bourgeois, la Nouvelle star 2008. Jeanne Cherhal a adoré ce nouvel exercice d'écrire pour les autres, qui lui permet de faire tomber les barrières qu’elle se fixe. Cette chanson intitulée "Etranger" sur la douleur de ne pas avoir connu son père durant l'enfance, elle ne se sentait pas de la chanter et a été bluffée par l"interprétation de la jeune artiste, dont elle a tout de suite apprécié le charisme, l'humilité et le talent. A l'écoute, on reconnaît tout de suite la patte de Jeanne Cherhal. Cette réussite devrait certainement donner le jour à de nouvelles collaborations.

 

Une fille très scène

La scène a toujours été très présente dans la carrière de Jeanne Cherhal, dès ses débuts où elle se produit seule avec son piano jusqu'à sa dernière tournée internationale en 2007 et 2008. Malgré l'expérience de 10 années de concerts et une incontestable renommée, le trac est présent comme au premier jour au moment de se produire devant un public, quelque soit la taille de la salle. Pourtant, la jeune nantaise se fait vite remarquer, on lui propose de participer au Printemps de Bourges un an seulement après son premier concert. Elle y rencontre son futur tourneur et sa future maison de disques.

Son premier album en 2002 est tout naturellement un enregistrement public. Depuis, elle a découvert l'univers du studio avec tout ce que l'on pouvait y faire, et à chaque nouveau disque, elle se fait un peu plus plaisir en osant de nouvelles trouvailles. Dès le second intitulé "12 fois par an", elle reçoit le grand prix du disque de l'Académie Charles Cros et une Victoire de la musique.

 

S'enrichir avec les autres

Il y a beaucoup de fraîcheur et de liberté dans la manière dont Jeanne Cherhal conçoit son métier. Elle n'hésite pas à répondre à des sollicitations juste pour le plaisir, et sortir régulièrement du cadre très formaté album, promo, tournée que suivent la plupart des artistes. Ainsi avec J.P. Nataf l'ancien chanteur du groupe "Les Innocents", elle a fondé un duo où ils interprètent des reprises dans des bars ou des premières parties. De même avec Katel une jeune chanteuse amie : "On a travaillé une douzaine de titres, des chansons françaises des années 1968-69, pour les chanter à l'occasion d'un concert unique. C'est du temps, ce n'est pas lucratif, mais j'adore çà." Elle a également participé au conte musical de Louis Chédid, "Le soldat rose", et parmi ses autres rencontres et collaborations, elle garde un souvenir ému du duo enregistré avec Jacques Higelin, intitulé "Je voudrais dormir".

 

Un élan artistique

L'étudiante qui se destinait à devenir prof de philo, délaisse du jour au lendemain le mémoire qu'elle prépare pour l'obtention de sa maîtrise, afin de se lancer dans la chanson. En faisant du théâtre amateur parallèlement à ses cours, elle croise un jeune auteur compositeur interprète. C'est la révélation : "J'ai compris à ce moment-là que c'était ça que je voulais faire, écrire des chansons." Après avoir rêvé d'être danseuse étant enfant, elle en fait tous les jours durant 4 ans dès l'âge de 9 ans, elle apprend ensuite le piano avec un prof durant une année puis préfère continuer toute seule son apprentissage. Cet instrument va devenir l'élément central de sa création musicale, même si aujourd'hui elle tend à s'émanciper.

Récemment, Jeanne Cherhal a eu l'occasion également de pousser un peu plus loin son expérience de comédienne, en étant l'une des interprètes de la pièce de théâtre "Les monologues du vagin", et en jouant dans deux courts métrages. Ce n'est pas pour autant qu'elle se considère lancée dans cette carrière : "Je suis tellement critique vis à vis des comédiennes qui chantent, que je me demande si j'ai une réelle légitimité là-dedans. Si ça doit se faire ça se fera, mais je ne vais pas le provoquer." La danse n'a pas non plus disparu de sa vie, puisqu'elle continue à en faire pour le plaisir, du classique elle est passée au contemporain.

Parisienne depuis seulement 5 ans, elle s'est totalement acclimatée à la capitale alors qu'elle arrivait tout droit d'une maison en pleine campagne de la région nantaise : "Je vis aujourd'hui dans un quartier du XXe qui ressemble à un village, je connais tous mes voisins et je prends le métro en évitant les heures de pointe. Je profite de la vie parisienne de manière privilégiée." A 31 ans, elle est bien dans sa vie et en particulier dans son métier, et il y a fort à parier que 2010 pourrait bien être l'année Jeanne Cherhal. 

 

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« Je n’ai pas souffert d’être une femme pour la bonne raison que je n’ai jamais voulu le pouvoir »

Publié le par michelmonsay

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Interview réalisée dans le cadre d'un dossier consacré aux femmes

 

Après avoir appris le métier aux côtés de Françoise Giroud et Jean-Jacques Servan-Schreiber à l’Express, Catherine Nay rejoint Europe 1 où elle est journaliste politique et éditorialiste depuis 37 ans. Elle a toujours su préserver sa liberté et imposer un statut à part avec les livres qu’elle a consacrés avec succès aux hommes politiques, notamment François Mitterrand et Nicolas Sarkozy.

 

Quel a été votre parcours pour parvenir à ce que vous êtes aujourd’hui ?

Catherine Nay - Un jour, alors que j’étais adolescente et voyageais en train avec ma mère et mes frères, il y avait une femme assez jolie dans le couloir, qui fumait accoudée à la fenêtre entrouverte, elle était pour moi l’image de la liberté et je me disais qu’elle devait être journaliste. J’ai toujours voulu faire ce métier pour m’échapper et être indépendante. Afin d’y parvenir, étant originaire de Dordogne, je savais que je ne devais pas faire mes études à Bordeaux mais à Paris. Après avoir convaincu mes parents, j’y suis partie après le Bac avec une amie, où j’ai essayé plusieurs options d’études avant d'entamer une licence de droit. J’ai vite compris que l’indépendance était économique. Ayant jeté mon dévolu sur l’Express que je trouvais moderne, j’y ai fait un stage, puis en 1968 j’ai arrêté ma licence en 3ème année pour devenir journaliste.

L’ambition de ce 1er newsmagazine était de traiter l’actualité autrement que dans un quotidien, avec des papiers incarnés, en y mettant de la pâte humaine et en proposant des portraits. Françoise Giroud pensait que les hommes politiques parleraient plus facilement à des journalistes femmes pourvu qu’elles ne soient pas trop bêtes. Nous étions trois pour la politique avec chacune son pré carré, je m’occupais de la droite. Cela a été merveilleux d’apprendre le métier aux côtés de Françoise Giroud. Je suis resté 7 ans à l’Express, puis en 1975 j’ai intégré Europe 1 et comme dans le fond j’étais un peu timide, je n’étais pas tentée par la télévision.

 

Dans ce métier difficile et plutôt masculin qu’est la radio, avez-vous rencontré des difficultés en tant que femme ?

C.N. – Assez vite, j’ai voulu écrire des livres à la fois pour prendre du recul sur l’actualité, et comme j’étais la seule fille au service politique d’Europe 1, pour me démarquer des garçons et m’imposer. Je me disais si mes livres marchent, j’aurai un statut qui m’évitera les corvées inintéressantes, comme aller tendre un micro à la sortie du conseil des ministres ou aller attendre à 23h à Roissy le retour d’un politique en déplacement. J’aime par-dessus tout le travail de longue haleine qu’est l’écriture d’un livre, en menant une grosse enquête durant des années. Mon premier livre paru en 1980, « La double méprise » sur la difficile relation entre Giscard et Chirac, s’est bien vendu et de ce fait a changé ma vie. Je ne peux pas dire que ma carrière a été difficile puisque dans le fond j’ai fait ce que j’ai voulu, sauf que j’ai eu des patrons avec lesquels je ne m’entendais pas comme Jérôme Bellay, qui m’a ignoré durant 9 ans à défaut de pouvoir me virer. Dans le métier de journaliste, il y a deux formes de carrière, les solistes et les chefs d’orchestre, j’ai toujours préféré la première même si je participe beaucoup à la vie de la rédaction. Comme femme, j’ai réussi dans un milieu d’hommes en travaillant beaucoup et en préservant ma liberté grâce au succès de mes livres et au bonheur que j’ai eu à les concevoir, notamment « Le noir et le rouge » sur Mitterrand. Je n’ai pas souffert d’être une femme pour la bonne raison que je n’ai jamais voulu le pouvoir.

 

Comment percevez-vous le métier d’agricultrice ?

C.N. – Tout d’abord un grand respect pour ces femmes qui font un métier très dur. J’ai toujours été fasciné par la capacité d’adaptation des agriculteurs. On a l’impression d’un métier éternel qui ne change pas, alors qu’aujourd’hui beaucoup ont des ordinateurs et sont au fait des dernières décisions de Bruxelles. Même si dans certains secteurs cela paraît plus facile, la vie de femmes d’agriculteur est un vrai apostolat avec peu de loisirs, beaucoup de contraintes, des sacrifices pécuniaires, surtout qu’à la télévision leur est proposée toute une gourmandise de la vie dont elles sont exclues. Je suis frappé par leur intelligence, leur bon sens et leur solidité. C’est un métier qui ne doit pas se perdre et j’admire celles qui veulent bien continuer ou prendre la relève.

 

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« Il n’y a pas de liberté sans Etat, et je crois à la nécessité d’un Etat capable d’imposer l’intérêt général »

Publié le par michelmonsay

Jean-Louis Debré 009

 

Interview réalisée en janvier 2011 mais toujours d'actualité.

 

Gaulliste affirmé très proche de Jacques Chirac, Jean-Louis Debré a toujours eu un vrai sens de l’Etat dans ses différentes fonctions, Ministre de l’Intérieur, Président de l’Assemblée Nationale et aujourd’hui du Conseil Constitutionnel. A 66 ans, il est à la tête de cette cour suprême dont on parle de plus en plus, et qu’il nous fait découvrir par le menu.

 

Pouvez-vous nous expliquer l’évolution du Conseil Constitutionnel dont le rôle et le pouvoir se sont considérablement étendus ?

Jean-Louis Debré - Apparu en 1958 avec la constitution de la Ve République, le Conseil Constitutionnel (CC) s’est imposé peu à peu dans l’architecture institutionnelle. Au départ, il avait pour mission de veiller au bon fonctionnement du régime parlementaire et statuer sur le contentieux des différentes élections. Progressivement, il a affirmé un contrôle de la constitutionnalité des lois et l’on a ouvert sa saisine, initialement réservée au Président de la République, au Premier Ministre et aux présidents des assemblées, en 1974 aux députés et sénateurs, puis en mars 2010 aux citoyens. Aujourd’hui le CC examine les lois soit avant leur promulgation, quand il est saisi par les autorités politiques, soit à l’occasion d’un procès civil, pénal, commercial, lorsqu’un citoyen demande que l’on vérifie si la loi qu’on lui oppose est toujours constitutionnelle. Le rôle du CC est d’examiner que les lois nouvelles ou anciennes ne portent pas atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. Il peut alors confirmer une loi, l’annuler ou mettre des réserves d’applications. Il y a désormais 3 cours suprêmes : La Cour de Cassation, le Conseil d’Etat et le Conseil Constitutionnel.

 

Comment s’organise le CC ?

J.-L.D. - Nous sommes une petite administration avec 60 personnes qui travaillent dans cette maison, tous personnels confondus. Le CC est composé de 9 membres désignés pour 9 ans, 3 par le Président de la République, 3 par le président de l’Assemblée Nationale et 3 par le président du Sénat, plus les anciens Présidents de la République. Depuis la réforme constitutionnelle, le rythme de travail est passé d’une séance tous les 10 jours à pratiquement tous les matins, de ce fait Jacques Chirac et Valery Giscard d’Estaing ne peuvent pas toujours être présents. D’autant que j’ai institué la règle d’assister aux audiences de plaidoirie pour venir aux délibérés.

 

Depuis quand ce nouveau droit donné aux citoyens de saisir le CC est-il effectif et qu’a t’il changé ?

J.-L.D. - La réforme s’applique depuis mars 2010, nous avons été saisis de 100 questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) et avons annulé 30% des lois. Tout citoyen peut saisir le CC à condition que ce soit dans le cadre d’une instance juridictionnelle. Le recours est d’abord examiné par la Cour de cassation ou le Conseil d’Etat pour être sûr qu’il est sérieux et conditionne le fond du débat, puis il est soumis au CC. Les décisions que nous rendons doivent être d’une parfaite transparence, les citoyens peuvent désormais assister aux audiences soit au siège du CC soit sur notre site Internet, qui reçoit 1 million de visiteurs chaque année. Je fais très attention que le CC n’apparaisse pas comme l’expression du gouvernement des juges, notre mission n’est pas de réécrire la loi mais de gommer ce qui nous apparaît contraire à l’ordre républicain. Notre instrument le plus utile est la gomme et non pas le crayon. Lorsque l’on change la jurisprudence, il ne faut pas ajouter une instabilité juridique. La législation ne doit pas changer au gré des modes ou des circonstances. Nous nous devons d’être le point fixe de l’Etat, et ne jamais donner raison à un clan contre un autre.

 

Quelles sont les principales décisions du CC faisant suite à des QPC ou des saisines parlementaires depuis votre entrée en fonction ?

J.-L.D. - Parmi les décisions significatives que nous avons prises, il y a celle concernant les pensions de retraite des anciens militaires ayant servi la France, où il existait une distorsion entre la pension d’un français et celle d’un étranger. Nous avons annulé la procédure de garde à vue, considérant que les droits de la défense n’étaient pas respectés. De même, la rétention douanière qui permettait de mettre en garde à vue quelqu’un durant 24h sans faire attention là aussi aux droits de la défense. Nous avons également annulé l’hospitalisation sans consentement, 75 000 personnes chaque année en sont l’objet dans une procédure sans garanties suffisantes. Nous avons supprimé les tribunaux maritimes datant de Colbert, qui allaient contre un principe du droit français.

Par ailleurs, dans le cadre de la saisine parlementaire, nous avons annulé la taxe carbone au motif qu’il n’y avait pas d’égalité des citoyens dans les charges publiques. Une partie de la loi Hadopi 1, au motif que la liberté d’expression n’était pas suffisamment garantie sans sanction possible. Egalement la rétention de sûreté au nom de la non rétroactivité des peines.

 

Après toutes ces hautes fonctions exercées, comment pourrait-on définir la patte Jean-Louis Debré ?

J.-L.D. - J’ai en moi l’héritage de mon père Michel Debré, qui m’a transmis le sens de l’Etat. Il n’y a pas de liberté sans état, et je crois à la nécessité d’un état capable d’imposer l’intérêt général. Lorsque j’ai été Ministre de l’Intérieur, j’étais au cœur du fonctionnement de l’Etat, d’autant que c’était au moment des attentats terroristes avec une tension permanente pour essayer de les empêcher. Puis en étant Président de l’Assemblée Nationale, je n’ai jamais pris parti pour un côté de l’hémicycle par rapport à l’autre, ni en votant un texte ni en favorisant le droit de parole. Pour moi, que vous soyez de la majorité ou de l’opposition, vous êtes avant tout un député de la Nation et vous avez les mêmes droits. J’ai d’ailleurs été ému lorsque j’ai quitté mes fonctions, c’était la première fois dans l’histoire de la République que cela arrivait, quand l’ensemble des députés s’est levé pour m’applaudir et me remercier. De même aujourd’hui au CC, je continue à me situer dans la tradition gaulliste de rassemblement. L’Etat n’appartient à personne, il n’est pas la chose d’un clan politique.

 

En 1995, vous disiez que si la presse arrêtait de parler des attentats, il n’y en aurait plus, aujourd’hui Brice Hortefeux continue dans cette voie avec les voitures brûlées, comment voyez-vous le rôle de la presse ?

J.-L.D. - La liberté de la presse est essentielle pour la respiration d’une démocratie, mais nous sommes entrés dans un monde hyper médiatisé. Un événement peut entraîner par sa médiatisation des effets néfastes. On est vis-à-vis du terrorisme et des trafiquants de drogue, dans une guerre très difficile, et il ne faut pas oublier la responsabilité des journalistes à l’égard de la société. Je suis opposé à toute censure, mais face à un certain nombre de phénomènes d’entraînement, chacun doit avoir le sens des conséquences de ce qu’il écrit ou ce qu’il dit.

 

Comment construisez-vous vos romans ?

J.-L.D. - Je n’ai pas suffisamment de talent pour tout inventer, par conséquent je suis observateur de la vie politique et de la lutte acharnée pour le pouvoir depuis ma plus jeune enfance. Avec l’effondrement des idéologies et la médiatisation de la vie politique, on assiste aujourd’hui davantage à un combat de clans, voire de personnes, et à un spectacle où on donne l’impression, on sème une image. En politique, on rencontre très peu d’originaux et beaucoup de copies, j’ai toujours été amusé par ces personnages qui voudraient et parfois se croient être des originaux, mais qui n’en n’ont ni le talent ni l’intelligence. Tout cela inspire mes romans, dans lesquels j’essaie de dire deux choses : La première est que l’histoire politique montre qu’il y a un ménage à 3 qui fonctionne mal entre la justice, la police et la politique. La seconde est que parfois lorsqu’un fait divers croise l’itinéraire d’un homme politique, cela devient une affaire d’Etat alors que ça devrait rester un fait divers.

 

Pourquoi écrivez-vous autant ?

J.-L.D. - L’écriture est un complément à l’action politique. Dans les fonctions que j’ai exercées, on est toujours dans l’immédiat, dans la parole, dans la réponse instantanée. Il faut à un moment fixer son raisonnement, structurer sa pensée et prendre du recul sur les événements, l’écriture permet tout cela. Les romans m’apportent la liberté et les essais historiques me permettent de m’instruire, de découvrir, en rendant hommage aux hommes et femmes connus ou moins connus qui ont fait la République et ce que nous sommes aujourd’hui. Jusqu’à la veille de ma mort j’essaierai toujours d’apprendre.

 

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« Il y a des excès dans l’agriculture mais nous avons tous notre part de responsabilité »

Publié le par michelmonsay

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Autant comédien de cinéma et de théâtre qu’humoriste de one-man-show, Didier Bénureau est l’un des meilleurs comiques de sa génération. A 55 ans, son humour caustique n’en finit pas de caricaturer les travers de ses contemporains, en créant des personnages hauts en couleurs et irrésistibles.

 

Pouvez-vous nous parler du métier d’humoriste ?

Didier Bénureau - C’est une question de nature, j’ai d’abord joué de la guitare puis j’ai voulu devenir comédien mais l’humour m’a vite rattrapé. J’ai commencé à écrire des sketches, une  pièce comique et j’ai intégré le Théâtre de Bouvard en 85. Déjà à l’armée lors d’une journée portes ouvertes, alors que je n’avais rien demandé, on m’avait proposé d’être clown dans un spectacle pour enfants. L’humour est la façon la plus évidente pour moi de m’exprimer, en dénonçant la bêtise, les défauts de la nature humaine, les travers de la société. Je plante une situation, pose un personnage et m’amuse à m’en moquer, sans pour autant régler des comptes. Lorsque des gens pas visiblement d’accord avec ce que je pense, se marrent de ce que je leur propose, j’estime avoir atteint mon objectif. Dans mes sketches qui ont un aspect théâtral, il y a différents niveaux de lecture, certains vont rire uniquement sur une grosse blague, d’autres sur le personnage, le texte, la situation et les subtilités apportées par mon jeu. Le plus jubilatoire est d’être sur scène en train de jouer un texte que j’ai écrit, et se sentir en phase avec le public quand il rit aux situations qui moi-même me font rire.

 

Quel regard portez-vous sur le monde agricole ?

D.B. - Bien qu’élevé en région parisienne, j’ai passé toutes les vacances de mon enfance dans la maison familiale située dans un petit hameau près de Saintes, au milieu des champs, des vignes et des forêts. J’y retourne régulièrement et aujourd’hui encore nous avons des champs cultivés par un cousin, et je connais là-bas des viticulteurs qui vendent leur vin blanc pour la fabrication du Cognac. J’aime une agriculture raisonnée, je pense que la nature se respecte et suis attristé par le productivisme et les saloperies que l’on met dans les champs. Un paysan beauceron m’a dit texto : « Je n’ai pas besoin de la terre pour faire pousser mes céréales, elle n’est qu’un support, c’est tout ce que je mets dedans qui fait que ça pousse. Le consommateur à toujours vouloir payer moins cher, nous contraint de procéder comme cela pour s’en sortir. » C’est vrai qu’il y a des excès dans l’agriculture mais nous avons tous notre part de responsabilité en tant que consommateur. Cela dit, il y a une prise de conscience et une évolution en cours qui est toute à l’honneur des agriculteurs. J’ai vu des vignerons plus heureux et plus fiers de fabriquer des bons produits bien faits dans une agriculture raisonnée, que ce qu’ils faisaient auparavant.

 

De quoi est faite votre actualité ?

D.B. - Je tiens le rôle principal d’une comédie policière loufoque intitulée « Cassos » qui vient de sortir au cinéma. En octobre, il y aura la sortie DVD de mon dernier spectacle, « Indigne » distribué par France Télévision. Puis du 27 novembre au 1er décembre à la Cigale de Paris, je vais proposer un spectacle sous forme de best of de tout ce que j’ai fait depuis 15 ans, avec mes meilleurs sketches et des musiciens sur scène. Enfin en septembre 2013, je vais jouer au théâtre du Palais-Royal avec Michel Aumont et Claire Nadeau, une comédie que j’ai écrite intitulée « Mon beau-père est une princesse ».

 

Avez-vous un sketch sur le monde agricole ?

D.B. – J’en ai un qui s’appelle « Le paysan du 3ème millénaire » dont voici un extrait : Je nettoie mes 400 hectares de vigne avec du Zerox 3000, ça te tue tout, il n’y a plus une brindille. J’ai fait poser du lino qui imite la pelouse et pour aller dans la vigne, il faut mettre les patins. Ca te nettoie aussi la nappe phréatique, l’eau des rivières est toute bleutée et il faut voir les bestiaux qu’on y trouve. Les anguilles, les gardons, les carpes, tout ça c’est fini, aujourd’hui on y pêche la hyène ou le chenapan, ça te fait comme des sardines de 85 kilos … A mes poules, je leur donne des gélules rouges, elles me défèquent des gélules vertes que je donne aux canards, qui me défèquent des gélules jaunes que je donne aux cochons, qui me défèquent des petites limaces fluorescentes, je jette ça en terre et ça me donne des choux-raves de 50 kilos … A la coopérative dans leur laboratoire, ils font des mutations. Ils te fabriquent le poulet cochon, avec un gros cul de cochon et toute la viande du porc, et devant il y a un petit bec de poulet, ça te fait comme une grosse limace de 150 kilos nourri exclusivement à la bille fluo plastique. Tu peux couper la viande directement dessus, il ne sent rien le poulet cochon, et deux jours après ça repousse…

 

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