Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

interviews politiques et societales

« Comment la pensée libérale permet-elle de poursuivre le bien commun ? »

Publié le par michelmonsay

Axel Kahn 011

 

Généticien et essayiste renommé, à 69 ans Axel Kahn, qui a occupé plusieurs hautes responsabilités scientifiques, a écrit de nombreux livres de vulgarisation sur la médecine et de réflexion philosophique, est toujours autant sollicité par les médias pour la pertinence de sa parole sur un grand nombre de sujets.

 

Qu’avez-vous souhaité mettre en lumière dans votre dernier livre* ?

Axel Kahn – Ce livre fait le point sur l’équilibre entre les règles de l’économie et le bien commun à travers l’Histoire, des premières sociétés humaines à la crise actuelle. Je m’intéresse depuis très longtemps en dehors des projets scientifiques, à ce qui nous fait humain. J’ai étudié précédemment la relation à l’autre, l’amitié, l’amour, le rire, l’art, la science, le sens du beau et cette fois j’ai voulu me concentrer sur l’échange des biens. Ils ont commencé dans des temps très anciens par le partage, le troc, puis l’introduction de la monnaie, jusqu’à l’évolution de l’économie vers le libéralisme, avec une difficulté fondamentale : Comment la pensée libérale, qui définit l’homme comme étant égoïste et cupide, permet-elle de poursuivre le bien commun ? Deux courants vont coexister jusque dans les années 1980, celui originel qui affirme que la société se doit de veiller sur certains objectifs de l’ordre du bien commun, et celui né à la fin du XIXe siècle considérant que les vices privés font les vertus publiques. Cette 2ème école dite néoclassique prend le pouvoir à l’aide de Ronald Reagan et Margaret Thatcher en desserrant toutes les règlementations. La crise des subprimes de 2008 et celle de la dette publique sont les conséquences directes de ce changement de donne. Les flux financiers vont progressivement dépasser les autres mouvements économiques, et aujourd’hui la masse de ces flux est 50 fois plus importante que celle du marché des biens et des services.

 

Pourquoi le libéralisme néoclassique est-il responsable de la crise ?

A.K. - L’idée de base était de diminuer les recettes des états pour libérer le capital, mais s’il est relativement facile de baisser les impôts des tranches supérieures, ça l’est beaucoup moins de réduire les salaires et ralentir les dépenses sociales. D’autant que le renflouement espéré des caisses de l’Etat par la stimulation de la croissance est battu en brèche par l’évasion fiscale, les paradis fiscaux, la prise de pouvoir par l’économie purement financière et les délocalisations. Tout cela débouche sur la création des dettes nationales, qui vont augmenter rapidement par un effet boule de neige avec les intérêts des emprunts, vu que l’on impose aux pays d’emprunter auprès de banques privées. Pour combattre la dette, il faudrait autoriser à emprunter aux banques centrales dans la limite des 3% autorisés du déficit budgétaire, créer une légère inflation, et optimiser l’efficacité de la dépense publique. On a vu par le passé que le laisser-faire dans l’histoire du libéralisme aboutit au désastre, il faut donc impérativement rétablir des règles. La seule possibilité est qu’un très grand bassin économique, celui de l’Europe, le décide, poussé par ses citoyens avec la perspective de laisser un monde meilleur à leurs enfants, ce qui n’est pas le cas en ce moment.

 

Quel est votre sentiment sur l’économie sociale et solidaire (ESS) ?

A.K. - J’y suis favorable, mais il y a 3 aspects : En cas de crise économique majeure comme en Argentine il y a une dizaine d’années, l’ESS est une ressource pour survivre. Elle peut aussi être un moyen de gagner de la solidarité au niveau d’une communauté, et de récupérer des marges de manœuvre par rapport à la contrainte du tout financier. Le 3ème aspect est plus problématique, car l’ESS va de pair avec le développement des communautarismes, et de fait ne favorise pas les échanges. L’ESS est un phénomène très important, mais je ne pense pas qu’elle soit capable à elle toute seule de modifier les paramètres géopolitiques et les grands courants économiques.

 

Pourquoi avoir traversé la France à pied et qu’avez-vous constaté ?

A.K. - C’est après avoir lu « Chemin faisant » de Jacques Lacarrière il y a une trentaine d’années que je m’étais promis de faire une grande traversée de la France. Avec la vie très active que j’ai eue, il était difficile de dégager auparavant 3 mois pour le faire, et je suis donc parti en mai dernier de la pointe des Ardennes pour aller jusqu’au Pays Basque en 72 étapes sur 2100 km. L’année prochaine je repars, cette fois de la pointe du Raz jusqu’à Menton. Ma motivation première était d’aller au contact de la beauté de la nature, et d’essayer de partager le bonheur éprouvé en écrivant ensuite un livre de cette aventure, qui sortira en 2014. Dans cet ouvrage, je témoigne  des trois France que j’ai rencontrées, une aussi belle que je l’espérais, une France agricole en bonne santé avec une optimisation d’utilisation des différents terroirs, et sur les 2/3 de mon parcours, une France industrielle terriblement éprouvée par la succession des crises.

Quel que soit le contexte même dans les régions qui vont bien, je n’ai pas rencontré une seule personne qui avait un regard positif sur les perspectives d’avenir. Tous ceux que j’ai croisés durant trois mois se sont fermés à tous les discours, sauf celui du FN qui présente comme avenir le passé, autrement dit on abandonne l’Euro, on quitte l’Europe, on renvoie les étrangers chez eux, ce qui à leurs yeux pourrait réenchanter l’avenir. Il n’y a pas de doute que ce phénomène très impressionnant connaîtra une manifestation politique dans les prochaines échéances électorales.

 

Quelles seraient les solutions pour redonner vie aux territoires sinistrés ?

A.K. - Aujourd’hui, les éléments nécessaires à un rebond des territoires sinistrés par la désindustrialisation, seraient la rapidité de connexion informatique et de l’accès géographique, mais aussi le niveau de formation. Le problème est que ces 3 éléments sont inférieurs au reste de la France. A côté de cela, il y a des pistes à explorer notamment dans la transformation des déchets végétaux en hydrogène ou en énergie, le développement des biomatériaux, mais il faut aussi stopper les modèles absurdes qui sont en place. Comme par exemple dans la filière bois, des entreprises chinoises venant en France acheter massivement des troncs d’arbres, qui nous reviennent ensuite sous formes de meubles et autres produits transformés.

 

Quelles réflexions cette plongée dans la ruralité vous a-t-elle inspirées ?

A.K. - Sur le plan agricole, j’ai remarqué qu’il n’y a plus de déprise et que là où le terroir est plutôt pauvre, il y a un développement très intelligent de créneaux  autour de la typicité d’un territoire. Un autre élément fondamental de la réalité paysanne est la fierté d’être ce que l’on est, le désir de s’engager pour témoigner de ce que l’on apprécie tant dans son terroir. Cependant, comme il faut dix fois moins de bras pour travailler dans l’agriculture qu’il en fallait il y a 30 ans, cette bonne santé agricole n’évite nullement la désertification des campagnes. Outre les préoccupations économiques dans la ruralité, il s’agit de trouver comment arriver à y faire vivre un tissu humain, vu que 90 % de la population est partie. La seule production de richesses agricoles ne suffit pas à être heureux, et le suicide reste une réalité qui n’est pas toujours lié à la pauvreté mais à l’isolement ou une certaine misère culturelle. On commence à constater néanmoins une revitalisation rurale, avec des villages qui renaissent grâce à un mix de populations comprenant agriculteurs, jeunes retraités, et étrangers ayant décidé de s’installer en France. Le tout recréant une vie communautaire et du pouvoir d’achat, incitant les commerçants à rester ou à revenir.

 

 

Une vie bien remplie

Docteur en médecine et docteur ès sciences, Axel Kahn abandonne la médecine à 48 ans pour se consacrer à la recherche génétique, mais aussi à celle sur le cancer et sur la nutrition. Il a été président de la commission du génie biomoléculaire, de la commission à Bruxelles des sciences de la vie, membre de nombreuses instances internationales et du comité consultatif national d’éthique. Il a fondé en 2001 l’Institut Cochin, un institut de recherche de 700 personnes, et il a terminé sa carrière comme président de l’université Paris-Descartes.

Même s’il est retraité, Axel Kahn est toujours président du comité éthique et cancer, de la fondation internationale de recherche appliquée sur le handicap et d’une association de biotechnologies. Il est bien sûr plus que jamais essayiste, mais aussi conférencier, marcheur et il est possible qu’il prenne la présidence de quelque chose d’important prochainement …

 

 

* « L’homme, le libéralisme et le bien commun » chez Stock.

Partager cet article
Repost0

« Le moment est peut-être venu de se dire que le pessimisme français est exagéré »

Publié le par michelmonsay

Claudia-Senik-004.JPG

Professeur à l’université Paris-Sorbonne et à l’Ecole d’économie de Paris, Claudia Senik a publié une étude dont on a beaucoup parlé sur la mesure du bien-être dans l’économie, qui constate et tente d’expliquer le « malheur » français.

 

En quoi consiste l’étude que vous menez depuis plusieurs années ?

Claudia Senik - En analysant les données de l’enquête sociale européenne auprès des populations pour mesurer leur bien-être subjectif, on s’aperçoit que le fait d’habiter dans un pays plutôt qu’un autre a un impact énorme sur le bien-être déclaré par les gens. Il en ressort que les Français, à niveau de vie égal, sont moins heureux que la plupart des Européens voire des habitants des pays de l’OCDE. Ce phénomène s’appuie sur un large faisceau d’observations concordantes, mais il est aussi confirmé par d’autres enquêtes sur le bien-être émotionnel, par des indices plus élevés de détresse mentale et par une forte consommation de psychotropes. A force de se dire que ça va mal, ça va vraiment mal. Mais ce n’est pas un effet de langage : dans mon étude, j’ai observé que la langue française n’était pas responsable de ce pessimisme. Au Canada par exemple, les francophones sont plus heureux que les anglophones.

 

Quel constat en tirez-vous ?

C.S. - Je me suis demandée si les causes de ce mal-être français étaient objectives ou si elles relevaient davantage de la culture, des mentalités. Il est indéniable que le chômage et la croissance agissent sur le moral des Français, mais il n’y a pas que cela. Si l’on suit deux immigrés venant de la même région du monde, on se rend compte que celui qui vit en France n’est pas moins heureux que celui qui s’est installé dans un autre pays européen. Le malheur français ne peut donc pas être uniquement attribué aux circonstances objectives du pays ; il y a bien une attitude culturelle qui entre en jeu. Ce malheur français est totalement incompréhensible vu de l’étranger tant notre pays possède un très grand nombre d’atouts. Cela dit, l’intérêt que l’on porte aujourd’hui à mon étude me laisse penser que peut-être le moment est venu de se dire que ce pessimisme est exagéré, et de prendre les mesures pour en sortir.

 

Comment s’explique ce pessimisme français ?

C.S. - Il y a plusieurs pistes à explorer pour la recherche future. La principale est le rapport au temps. Concernant le passé, il y a une nostalgie, un sentiment de perte de puissance, de grandeur. La France n’est plus ce qu’elle était sur le plan international au niveau économique, diplomatique, culturel. Concernant l’avenir, les Français restent attachés à leur modèle égalitariste, jacobin, mais dans la mondialisation ce modèle est mis à mal. La vie économique est une série de chocs et la France n’a plus autant les moyens de les compenser, ayant plus de mal à taxer certaines personnes ou certains facteurs plus mobiles. On ne peut plus demander autant à l’Etat qu’avant, l’économie est moins étatiste, plus concurrentielle et de nombreux secteurs ont été privatisés et dérèglementés. Comme les Français sont habitués à attendre beaucoup de l’Etat, c’est très frustrant. Par ailleurs, cette attitude culturelle négative est certainement nourrie par la persistance du chômage, que l’on n’a jamais réussi à résorber depuis 1973, ce qui donne l’impression qu’il y a des problèmes que l’on ne résout pas.

 

Le bonheur et l’argent sont-ils finalement indissociables ?

C.S. – Oui, mais la recherche a montré que ce qui compte ce n’est pas seulement le niveau absolu de ce qu’on possède mais la comparaison par rapport aux autres. Or  la France n’est plus dans le peloton de tête de l’Europe du point du revenu moyen par habitant, et ce recul a forcément un impact négatif. Les perspectives futures sont aussi très importantes dans le sentiment de bien-être, et sans projet les Français ne peuvent pas non plus se réjouir en envisageant leur avenir. De plus, être malheureux ou pessimiste a un coût. Des expériences montrent que des gens de bonne humeur, qui se sentent bien, sont plus productifs, plus portés à prendre des risques. Au contraire, les pessimistes entreprennent moins de projets et de ce fait engrangent moins les bénéfices de l’innovation, ce qui, en retour, renforce leur pessimisme.

 

Dans votre étude, vous parlez d’un élitisme trop étroit à l’école qui crée des situations d’échec ?

C.S. - Nous avons ce modèle d’école qui nous est envié, produisant une élite extraordinaire, et il y a d’ailleurs énormément de scientifiques français dans les universités étrangères. Cela est très bien, mais ce modèle a été conçu avant que la massification scolaire ne se produise, et de fait une grande partie des élèves est laissée de côté par ce type d’excellence qu’on leur demande. Les mauvaises notes et appréciations génèrent de la frustration et un manque de confiance chez ces enfants, qui, au fur et à mesure des années, deviennent pessimistes sur leurs capacités. Jusqu’à présent, la porte de l’élite (en gros celle des Grandes Ecoles) était beaucoup trop étroite. Mais la situation est en train de changer progressivement et à bas bruit, avec la création de bi-licences sélectives et exigeantes dans les universités, qui offrent des débouchés aux étudiants.

 

En quoi l’école, du primaire au secondaire, fait-elle fausse route ?

C.S. – Tout simplement parce qu’il n’y a que les maths et le français qui comptent, le reste n’ayant aucune valeur. Le problème est que tout le monde n’est pas sur le même format, et que les élèves qui ont du talent dans d’autres matières ne sont absolument pas reconnus. Il y a aujourd’hui une certaine disjonction entre ce que l’on demande à l’école et la réussite professionnelle. Le jour où l’on fera sérieusement à l’école de la musique, des projets collectifs, du sport, du dessin ou d’autres matières dites « d’éveil », cela permettra à des élèves de recevoir pour une fois un regard d’admiration de leur professeur et de leurs camarades. Je trouve que la réforme des rythmes scolaires va dans le bon sens. En échange des heures supplémentaires faites le mercredi, les journées ont été raccourcies le mardi et le vendredi pour mettre en place des activités périscolaires. C’est une bonne chose que d’autres matières entrent dans l’école, à condition que cela soit fait sérieusement, pas comme une récréation.

 

Etes-vous favorable à l’enseignement en anglais à l’université?

C.S. - Cela dépend bien entendu des disciplines. Mais certaines matières comme l’économie ou les sciences devraient être enseignées en anglais à l’université, pour préparer les étudiants à la réalité de la vie active dans ces disciplines où tout se lit et s’écrit en anglais. Il y a un gros problème avec les langues pour les jeunes Français, notamment l’anglais qui est le principal outil de communication international, et dont le niveau est insuffisant.

 

Comment expliquez-vous le manque de popularité de François Hollande?

C.S. - Je ne comprends pas la dictature de la popularité imposée par les sondages. Un Président ne doit pas gouverner pour être populaire, il le devient éventuellement au vu des résultats de son action.

 

 

Claudia Senik en quelques mots

Ancienne élève de l’Ecole normale supérieure, agrégée de sciences sociales et des universités, docteur en économie, à 49 ans Claudia Senik est devenue une invitée très courue des médias, suite à la publication de son étude sur le malheur français et de son retentissement auprès de la presse anglo-saxonne. Après avoir travaillé durant 10 ans sur la transition vers le marché des pays anciennement socialistes, elle s’est intéressée à une approche plus subjective de l’économie, permettant d’introduire un peu de philosophie et de sociologie. Elle travaille notamment sur la question du rapport entre le revenu, les inégalités et le bonheur.

Partager cet article
Repost0

« Nous devons tous avoir le même objectif : mener la bataille de l’emploi »

Publié le par michelmonsay

c-MEDEF---Pierre-Gattaz---Elections-03-07-2013--97-.jpg

 

Depuis deux mois qu’il a été élu à la tête du Medef pour succéder à Laurence Parisot, Pierre Gattaz tient un discours résolument offensif. Rencontre avec le patron des patrons pour avoir sa vision des sujets majeurs de l’actualité.

 

Repères biographiques

Le moins que l’on puisse dire est que le fils a suivi la voie du père. Pierre Gattaz, à l’image d’Yvon son père, est devenu en 1994 chef de l’entreprise familiale Radiall, spécialiste de composants électroniques, qui est aujourd’hui une importante société internationale. A 54 ans, il est également patron du Medef sous une présidence socialiste, comme Yvon le fut à la tète du CNPF (l’ancêtre du Medef) en 1981 sous François Mitterrand. 

 

Quelle est aujourd’hui l’identité du Medef et votre objectif à sa tête ?

Pierre Gattaz : Le Medef, c’est plus de 700 000 entreprises rassemblées dans 80 fédérations, auxquelles adhèrent 600 syndicats professionnels, et 148 Medef territoriaux et régionaux. Ces deux réseaux complémentaires assurent une représentativité maximale des entreprises partout en France et dans tous les secteurs d’activité. Nous sommes le premier réseau professionnel et territorial de France.

Je veux aujourd’hui un Medef de combat mais de combat pour l’emploi, pour l’économie, je suis bien évidemment contre les combats de rue. Ma méthode, c’est la pédagogie, le dialogue et l’action pragmatique mais concrète en prise avec l’entreprise. Notre objectif est de remettre la France en mouvement et redonner confiance à chaque Français. C’est dans cet esprit que j’ai lancé le projet « France 2020 - Faire gagner la France » à l’Université d’été du Medef. Nous avons 5 défis à relever : celui du futur à inventer, celui du numérique, celui de la mondialisation avec 3 milliards de personnes à équiper, l’Europe à finir de construire et le défi de l’audace créatrice. Mais ces défis, nous ne pourrons les relever que si la classe politique s’emploie à nous donner un environnement fiscal, social et environnemental attractif.

 

Le dialogue est-il plus difficile avec un gouvernement socialiste ?

P.G. : Le Medef a toujours travaillé avec les gouvernements quels qu’ils soient. Notre mouvement, par définition, ne fait pas de politique, sa mission est de défendre l’entreprise et de tout mettre en œuvre afin qu’elle puisse se développer pour créer de la richesse et de l’emploi. Or il est de la responsabilité du gouvernement de mettre en place un environnement fiscal, social, environnemental favorable. A partir de là,  la nécessité d’entretenir un dialogue constant avec le gouvernement et de travailler avec lui s’impose. Lorsqu’un gouvernement agit pour l’emploi, nous applaudissons. Lorsqu’il met l’emploi en danger, nous réagissons, mais dialoguons efficacement. Pierre Moscovici est venu débattre avec moi à Jouy-en-Josas lors de la dernière université d’été du Medef. Nous avons convenu de travailler, lui et moi,  tous les 15 jours à Bercy. C’est également dans cet esprit que j’ai proposé à François Hollande, lors de notre rencontre en juillet, un « Pacte de confiance » : Le gouvernement nous crée un environnement réglementaire, économique et législatif propice,  les entreprises, elles, s’engagent à construire un avenir pour notre pays et à tout mettre en œuvre pour ramener le taux de chômage à 7 % à l’échéance 2020. Ce dialogue, je veux aussi le mener avec les organisations syndicales, de manière ouverte. Nous devons tous avoir le même objectif : mener la bataille de l’emploi.

 

Quel est l’état de santé des entreprises françaises ?

P.G. : Les entreprises françaises sont asphyxiées par une fiscalité et des charges sociales beaucoup trop élevées, ligotées par un environnement législatif et réglementaire paralysant.  Elles sont terrorisées par un code du travail trop complexe générateur  d’erreurs et  trop contraignant. Cette accumulation est contre-productive et quand l’entreprise et l’esprit d’entreprendre sont en danger, c’est notre avenir commun qui est compromis. Un chiffre résume tout : Les entreprises françaises ont une marge de 28 % contre 40 % en moyenne dans l’UE. Elles supportent 100 milliards de charges de plus que leurs homologues européennes : 50 milliards en impôts et 50 milliards liés au coût du travail. Alors certes, le CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) va dans le bon sens, mais ce n’est qu’un premier pas, c’est  insuffisant. Quant au choc de simplification annoncée, il doit aller au-delà de la seule simplification administrative. Les entreprises françaises ont besoin d’un environnement que j’appelle « 5S », c’est-à-dire simplifié, stabilisé, souple socialement, serein fiscalement et sécurisé.

 

Quelle sont les solutions pour faire baisser le chômage ? 

P.G. : Il n’y a pas 36 solutions, il n’y en a qu’une : l’entreprise. L‘entreprise est LA solution au chômage. Qui crée de l’emploi ? Ce sont les entreprises. Cessons de jouer sur les mots, de parler « d’emplois aidés », financés par les impôts. Le seul emploi qui vaille, le seul qui soit pérenne, le seul qui rapporte et ne coûte rien à la collectivité, est un emploi créé par le marché, par les clients, donc par l’entreprise. Un emploi qui soit lui-même créateur de richesses, non pas un emploi financé par nos impôts et par nos charges. Mais pour créer de l’emploi, il faut de la croissance. Et pour créer de la croissance, il faut des entreprises compétitives, innovantes, qui aient le soutien et la confiance de la puissance publique. Cette logique pragmatique devrait être l’obsession de notre gouvernement, sa ligne de conduite. Pour relancer durablement l’emploi, les pouvoirs publics doivent agir sur la compétitivité coût, qui regroupe quatre paramètres : le coût du travail, le coût de la fiscalité, le coût de la complexité et de la rigidité administrative et  le coût de l’énergie. Il y a un lien direct entre l’emploi et la compétitivité coût.

 

Comment voyez-vous la réforme des retraites qui se profile ?

P.G. : Nous avons besoin d’une vraie réforme structurelle qui remette les choses dans l’ordre pour plusieurs  années. La situation est dramatique, la France est à la croisée des chemins : nos régimes sont déficitaires de 15 milliards d’euros par an et si rien n’est fait d’ici à 2020, nous allons accumuler un déficit de 200 milliards d‘euros. Nous devons donc agir et agir en profondeur. Dans cette perspective, la seule solution acceptable et durable est de jouer sur deux paramètres : la durée de cotisation qu’il faut augmenter de 41 à 43 ans à l’horizon 2020 et  l’âge légal qu’il faut faire passer de 62 à 63 ans. Or que nous propose le gouvernement ? Une hausse des taxes et des cotisations. C’est-à-dire une non-réforme. Ce faisant, on ne règle rien. Comment croire en effet que seules les cotisations des entreprises et des salariés vont pouvoir combler les 200 milliards de déficit ? En cédant une fois de plus à la facilité de la hausse des cotisations, le gouvernement obère la relance et donc l’emploi : 0,1 % de hausse de cotisation, c’est à terme 6 à 10 000 chômeurs supplémentaires.

 

Le projet de loi de Finances 2014 tel qu’il se dessine vous paraît-il bon ? 

P.G. : Le PLF 2014 est un mauvais signal envoyé aux entreprises, qui devrait se traduire pour elles par une augmentation de 2,5 milliards de prélèvements supplémentaires. Cela montre une fois de plus l’incapacité du gouvernement à s’engager dans une véritable politique de réduction des dépenses publiques. Je préconise une baisse de charges de 100 milliards d’euros sur 5 ans, soit une diminution de 1,7 % du budget de l’Etat. N’importe qui dans son entreprise, ou même dans son foyer, est capable de baisser ses dépenses de 1,7 %. Mais pas les pouvoirs publics ? A qui peut-on faire croire cela ? Nous attendons du gouvernement l’engagement d’ouvrir des Assises de la fiscalité, nous sommes prêts à y participer. A une condition, toutefois : elles doivent être corrélées à un engagement résolu de baisse des prélèvements, et donc des dépenses publiques. Il est indispensable de  revoir notre fiscalité avant le PLF 2015. Il existe actuellement 147 taxes diverses qui pèsent sur les facteurs de production. Cette surtaxation généralisée des entreprises entretient de manière dramatique la dynamique du chômage. 

Partager cet article
Repost0

« Nous avons besoin les uns des autres du premier au dernier jour de notre vie »

Publié le par michelmonsay

Serge-Guerin-007.JPG

 

Spécialiste des séniors, des enjeux intergénérationnels et de l’accompagnement, Serge Guérin auteur d’une vingtaine d’ouvrages, intervient régulièrement dans la presse écrite et à la radio pour valoriser le rôle de nos anciens et des aidants. A 51 ans, l’éclectisme de ce docteur en sciences de la communication l’amène aussi à enseigner dans une école de commerce, à Sciences-Po, à s’investir pour l’écrit sous toutes ses formes, en attendant de confronter ses idées à la réalité du terrain aux côtés d’Anne Hidalgo.

 

Quel est votre sentiment sur la réforme des retraites annoncée pour la rentrée ?

Serge Guérin - Je crains que l’on revienne une nouvelle fois sur les mêmes solutions avec toujours un manque d’ambition et d’imagination pour régler le problème du financement, soit en rajoutant des cotisations, soit en rallongeant la période de travail, soit en baissant le montant des retraites. On peut trouver une vraie logique à ce que l’on travaille plus longtemps étant donné que l’on vit plus vieux, mais il faut tenir compte de ceux qui ont démarré leur carrière plus tôt et des sept ans d’écart d’espérance de vie entre un cadre supérieur et un ouvrier spécialisé. D’un autre côté, pousser à ce que les séniors travaillent plus longtemps se fait au détriment des plus jeunes, et peut aussi augmenter le nombre des séniors au chômage. A l’inverse, je ne pense pas que l’on ait réglé le problème de l’emploi avec les préretraites, généralement le poste est supprimé par choix d’automatisation ou de productivité. Il ne faut pas oublier aussi qu’une personne en activité crée de l’emploi et lorsqu’on la sort de l’activité, elle en crée moins.

Pour en revenir aux retraités qui sont 15 millions aujourd’hui, il est impossible d’en parler globalement. Certains ont des revenus importants notamment patrimoniaux ou d’héritages et pourraient être plus taxés, mais la majorité d’entre eux ont des pensions assez faibles, 1300 € en moyenne par mois pour les hommes et moins de 1000 € pour les femmes. Un million de retraités vivent sous le seuil de pauvreté, 400 000 sont au minimum vieillesse, donc baisser les retraites ne serait pas très prudent. De même, augmenter les cotisations dans une période déjà rude risquerait de casser ce beau système de solidarité intergénérationnelle de retraites par répartition, pour aller vers un système ultralibéral de capitalisation.

 

Y a-t-il alors une solution pour avancer sur le problème des retraites ?

S.G. - La retraite par points est certainement une réponse intéressante. Elle permet plus d’équité en lissant les différentes situations, et permet aussi à chacun de comprendre et contrôler ce qui va lui arriver, alors qu’aujourd’hui personne n’est capable de dire quelle sera sa retraite. Le problème est que cela prendrait du temps à mettre en place et à équilibrer le financement, d’autant qu’il y a de moins en moins de cotisants, notamment avec le chômage, et de plus en plus de retraités. Cela dit, il faut arrêter de penser que ces retraités représentent uniquement un coût pour la société. Ils sont très présents dans le monde associatif en produisant du lien social, 32% des maires de nos communes sont des retraités qui contribuent à faire vivre la ruralité, sans parler de toutes les petites tâches invisibles accomplies par les séniors pour leur entourage et au-delà, qui ne sont pas valorisées mais qui font tellement de bien au pays. Tout comme les aidants, ils sont entre 9 et 10 millions de bénévoles de tout âge dont un tiers de retraités, auprès de personnes handicapées, malades ou âgées, qui font économiser 164 milliards d’euros à la collectivité. Rapport aux 7 milliards d’euros manquant pour équilibrer les retraites, peut-être que la collectivité pourrait faire un effort financier et valoriser un peu plus les séniors en arrêtant de les considérer comme inutiles parce qu’ils n’ont pas une activité salariée. Ceux que l’on appelle les inactifs sont parfois plus actifs que certains actifs et ont une utilité bien plus intéressante pour la société.

 

Dans notre société individualiste, est-il utopique d’espérer changer notre rapport aux séniors ?

S.G. - Cette culture de l’individualisme qui règne aujourd’hui n’a pas réussi à supprimer le don, la solidarité, le monde associatif, les aidants. Il ne faut pas attendre de solution générale mais plutôt se tourner vers les multiples initiatives locales, et c’est le rôle des collectivités territoriales, des syndicats, des bailleurs sociaux de les soutenir voire de les générer. La crise est une chance formidable pour nous faire bouger et sortir de notre petit confort, arrêtons le fatalisme. Je suis peut-être un optimiste, mais les pessimistes à quel moment font-ils avancer la société ? La prise de conscience du vieillissement de la population nous conduit déjà à inventer des villes, des territoires ruraux plus adaptés, plus agréables à vivre pour les séniors, d’autant que c’est un problème qui nous touche tous. Il faudrait aussi plus de prévention et d’accompagnement auprès des plus fragiles, cela apporterait moins de consommation de médicaments et de frais d’hospitalisation. La canicule de 2003 avec ses 15 000 victimes a contribué à changer les mentalités. Aujourd’hui, toutes les collectivités se sont équipées, ont des systèmes de veille, et l’on remarque plus d’attention à l’autre.

 

Que pensez-vous des contrats de génération et plus globalement du délicat problème de l’emploi ?

S.G. - L’invention sémantique est excellente, elle fait passer une solidarité entre générations alors que jusqu’à présent nous étions dans un système d’opposition notamment avec les préretraites où l’on mettait les vieux dehors pour faire la place aux jeunes. J’ai fait plusieurs études sur le sujet, la réalité montre que les jeunes demandent plus de soutien des anciens sur l’apprentissage du métier, et les anciens plus de soutien des jeunes sur les nouvelles technologies. Ce contrat de génération valorise cette réciprocité que l’on minimisait, mais il ne faut pas se faire trop d’illusions sur le nombre d’emplois que cela va créer. De manière plus globale, le marché n’est pas capable aujourd’hui de trouver 5 millions d’emplois, il faut arrêter avec le mythe du retour de la croissance. Quoique l’on fasse, il y a plein de gens qui n’iront pas dans l’emploi, si on leur trouve des tâches utiles qui leur permettent de contribuer en se sentant utile, ce sera déjà très bien. A côté de cela, il y a des emplois qui ne répondent pas à une logique de marché mais à une logique de besoin social, avec des métiers d’aide à la personne dans tout ce que cela comprend, ou de l’aménagement rural notamment numérique. Ce serait là un bel investissement public qui pourrait permettre à plus de personnes de s’installer dans la ruralité, il suffirait de faire des économies sur des niches fiscales dont je ne vois pas bien l’utilité.

 

Que doit faire le Président pour parvenir à sa France de demain, écologique, solidaire et qui combat les thèses populistes ?

S.G. - Le populisme ne se combattra pas avec un discours moralisateur, surtout venant de personnes protégées qui ne sont pas sur le terrain. Michel Rocard avait une très belle formule : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde mais doit en prendre sa part », c’est très beau mais il faut admettre que notre pays ne peut pas tout faire. L’écologie n’a d’avenir que dans l’écologie sociale, au Président de faire comprendre au pays qu’au-delà du développement durable et de la sauvegarde de la planète qui sont évidemment importants, il y a une logique économique. Si l’on renforce la filière des éoliennes et du photovoltaïque, on réindustrialise aussi. Quant à la France solidaire, c’est déjà bien de le dire, je n’en peux plus d’entendre parler d’une France de compétition où l’on s’oppose les uns aux autres. Il ne faut pas oublier que nous sommes en interdépendance, nous avons besoin les uns des autres du premier au dernier jour de notre vie. François Hollande pourrait peut-être inventer un ministère des solidarités pour mettre en valeur toutes les actions.

 

Le niveau de la presse s’est-il dégradé avec les nouvelles technologies et sont-elles un danger pour l’écrit et les livres ?

 

S.G. - On a la presse que l’on mérite, qui est aussi liée à notre niveau d’exigence. Cela dit, quand Moïse Millaud fonde Le Petit Journal en 1863, il est beaucoup question de faits divers. L’âge d’or de la presse écrite était avant 1914 avec 4 quotidiens qui tiraient à plus d’un million d’exemplaires. Puis la radio est arrivée et à chaque nouveau média, on croit que cela va tuer l’écrit mais il est toujours là et reste une valeur majeure, on ne peut pas penser sans écrire. On ne lit pas le papier de la même façon que l’on lit sur l’écran, on s’ouvre au monde différemment. Reconnaissons tout de même qu’avec les nouvelles technologies, on écrit beaucoup plus qu’avant même si le niveau n’est pas toujours exceptionnel. Pour ce qui est des livres, je ne comprends pas que l’on donne des subventions énormes à Amazon et qu’on leur permette de ne pas payer leurs impôts, au lieu d’aider les petits libraires notamment dans la ruralité, qui sont parfois le seul acteur culturel local, et pour certains qui vont avec leur camionnette faire le tour des villages. 

Partager cet article
Repost0

« A l’horizon de 2030, plus personne ne doit mourir de faim »

Publié le par michelmonsay

Pascal-Canfin-005.JPG

 

Diplômé de Sciences-Po Bordeaux, Pascal Canfin, après avoir été journaliste économique, député européen puis avoir fondé l’ONG Finance Watch, contrepouvoir des lobbys financiers, est depuis plus d’un an Ministre chargé du développement. A près de 39 ans, cet écologiste qui se sent bien là où il est, pousse à ce que l’économie et l’écologie soient de plus en plus imbriquées dans les décisions gouvernementales.

 

En quoi la politique de développement de François Hollande est-elle différente de celle de Nicolas Sarkozy ?

Pascal Canfin - Notre politique de développement doit concilier la lutte contre la pauvreté et la soutenabilité mondiale. Nous prenons les doctrines de l’agence française de développement (AFD), qui est notre principal opérateur, et nous les révisons les unes après les autres. Par exemple dans le domaine énergétique, la priorité a été donnée aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique. Par ailleurs, plus aucun investissement agricole pour le Sud ne sera financé par l’AFD s’il ne respecte pas une politique de responsabilité sociale et environnementale. Nous avons adopté un principe de zéro déforestation nette et nous ne financerons plus la recherche, l’achat, la promotion ou la multiplication de semences génétiquement modifiées. Autre différence, nous mettons beaucoup plus l’accent sur les enjeux de transparence de notre aide. Nous sommes en rupture avec la Françafique, il n’y a plus de cellule Afrique autonome à l’Elysée ni de Ministère de la coopération, mais à la place un Ministère du développement.

 

L’aide au développement est-elle moins prioritaire du fait de la crise ?

P.C. - Le gouvernement a fait le choix volontariste de ne pas faire supporter les effets de la crise par les plus pauvres dans le monde. Avec notre aide de 9,35 milliards d’euros, qui comporte des prêts et des dons, nous sommes présents dans plus de 100 pays. En 2013, nous avons stabilisé les crédits au développement, en y affectant 10% des revenus de la taxe française sur les transactions financières. Cela va nous permettre par exemple de financer l’accès aux soins de 2 millions d’enfants au Sahel. Nous sommes les premiers au monde à avoir mis en place cette taxe et à y consacrer une part au développement. J’insiste également beaucoup sur la transparence dans un souci d’efficacité de l’aide, de légitimité et de responsabilité vis-à-vis des contribuables français. A titre d’expérience pilote, tous les projets financés par la France pour assurer le développement du Mali seront sur un site Internet, donc consultables à la fois par les maliens et par nos concitoyens, qui pourront vérifier la mise en œuvre des projets. Si cette expérience est concluante, mon ambition est de la généraliser sur l’ensemble de notre aide.

 

Que fait la France pour éviter de nouvelles émeutes de la faim comme en 2008 ?

P.C. - L’action de la France contre la faim dans le monde et pour éviter des ruptures d’approvisionnement est multiple : nous sommes le premier pays au monde à avoir interdit dans notre loi bancaire, la possibilité pour les banques françaises de spéculer sur les matières premières agricoles.  Nous travaillons avec la communauté économique des états de l’Afrique de l’Ouest sur la constitution de stocks de sécurité pour lisser les à-coups. L’objectif est de trouver en Afrique les modalités de production qui permettent d’augmenter les rendements de manière écologiquement soutenable, en intégrant les impacts du changement climatique, qui est la première menace sur la sécurité alimentaire. La France soutient activement l’engagement de la communauté internationale pour qu’à l’horizon 2030, plus personne ne meurt de faim.

 

Quel bilan tirer de l’intervention française au Mali ?

P.C. – Sur le plan militaire, nous avons réussi à restaurer l’intégrité de l’ensemble du territoire malien. Nous étions les seuls à pouvoir intervenir, nous avons pris nos responsabilités. Nous sommes intervenus à la demande des autorités maliennes, et avons eu le soutien de  l’ensemble de la communauté internationale sur le plan politique, et du peuple malien. Il fallait absolument empêcher les groupes terroristes de prendre le contrôle du Mali. Depuis le début du mois de juillet, une opération de maintien de la paix sous l’égide des Nations Unies a commencé à prendre le relais de la France.

En ce qui concerne le développement, nous avons réussi à mobiliser la communauté internationale lors de la conférence des donateurs de Bruxelles qui a permis de débloquer plus de 3 milliards d’euros pour le développement du Mali et la restauration de ses services publics pendant les deux prochaines années

 

Quelles sont les avancées significatives à l’issue du sommet du G8 ?

P.C. - Depuis le G20 en avril dernier jusqu’au G8 en juin, l’action concertée des Etats-Unis, de la Grande Bretagne, de la France et de l’Allemagne a permis d’enregistrer des victoires très importantes dans la lutte contre l’évasion fiscale, assurant un échange d’informations fiscales et bancaires entre tous les pays du monde. Au G8 de Londres, il a été décidé de créer un registre des trusts pour savoir qui se cache derrière ces sociétés écrans, afin de ne pas limiter la portée de ces échanges d’informations. L’autre avancée significative de ces derniers mois est l’extension de la transparence dans les industries extractives, comme le pétrole ou le gaz. Nous avons voté en Europe une loi qui oblige les entreprises européennes de ces secteurs à rendre publique l’ensemble des revenus tirés de l’exploitation des ressources naturelles, pour éviter la corruption et le transfert de ces richesses vers des paradis fiscaux. Trop souvent aujourd’hui la population locale ne voit que les inconvénients de ces extractions. Les Etats-Unis font de même, le Canada vient d’annoncer qu’il travaillait à rejoindre ce cadre réglementaire, la prochaine étape est de faire en sorte que le Japon, l’Australie et la Chine se soumettent à cette obligation de transparence.

 

Quel rôle jouent les écologistes au sein de la majorité présidentielle et vous-même au gouvernement ?

P.C. - Nous sommes au gouvernement pour peser sur les orientations, notamment en ce qui concerne la transition énergétique, qui est un levier pour sortir de la crise, et dont les conclusions du grand débat national seront arbitrées à l’automne. Nous plaidons également pour la mise en place d’une fiscalité plus forte sur les pollutions, dès le projet de loi de finances 2014. Il s’agit non pas d’impôt supplémentaire, mais de faire en sorte que notre système fiscal taxe davantage la pollution et moins le travail, ou bien encourage certaines consommations sous forme d’aides ou de crédits d’impôt, et cela à pression fiscale constante. Les pays les plus compétitifs en Europe, comme le Danemark ou la Suède, ont intégré cette contrainte et en ont fait un facteur positif pour l’emploi et l’économie. Le potentiel de création d’emplois en France de la transition écologique est de 600 000 d’ici 2030. Nous souhaitons avec Europe Ecologie Les Verts que le gouvernement prenne davantage en compte la nouvelle donne environnementale. Notre compétitivité de demain résidera dans notre capacité à produire des biens à haute valeur ajoutée écologique, et qui seront moins chers en consommant moins d’énergie. Voilà notre chemin vers la prospérité. Nous poussons pour ne pas rater ce marché-là : A titre d’exemple, les bus ayant les meilleures normes environnementales, que les villes européennes achètent dans le cadre de marchés publics, sont des bus chinois, c’est quand même incroyable.

 

Sur un sujet comme l’Europe qui a divisé les écologistes, comment vous positionnez-vous ?

P.C. - La politique européenne de François Hollande commence à porter ses fruits puisque nous avons obtenu un délai de deux ans sur la réduction du déficit public à moins de 3%. Je considère que le fait d’avoir ratifié le pacte budgétaire européen (TSCG) a permis à la Banque centrale européenne de dire qu’elle interviendrait quoiqu’il arrive pour sauver l’euro, à condition que chaque pays tende vers l’équilibre budgétaire. Le TSCG était la contrepartie demandée entre autres par l’Allemagne ou les Pays Bas, aux mécanismes de transferts financiers vers les pays européens en difficulté. Nous commençons à réorienter l’Europe, même si cela reste insuffisant. Nous devons aller plus vite, je pense notamment à la taxe européenne sur les transactions financières qui n’est toujours pas en place. C’est pour cela, que sur ce sujet comme sur les autres, nous préférons être sur le terrain, à l’intérieur du gouvernement et non en spectateurs, afin de le pousser à être le plus ambitieux possible.

Partager cet article
Repost0

Interview du Maire de Paris

Publié le par michelmonsay

86416-HenriGaratportraitnov-corr.-recadre.jpg

 

Après avoir été député de Paris puis sénateur, Bertrand Delanoë est depuis 2001 maire de la capitale, dont il a amélioré la qualité de vie et l’attractivité par des mesures courageuses qui n’ont pas entamé sa popularité. A près de 63 ans, alors qu’il a décidé de ne pas se représenter aux municipales de 2014, il nous parle de ces 12 années qui ont transformé Paris et de ce qu’il reste à faire, mais aussi de quelques sujets d’actualité.

 

Quel bilan tirez-vous de vos deux mandats et quelles sont les actions dont vous êtes le plus fier ?

Bertrand Delanoë : Être Maire de Paris est à la fois passionnant et exigeant. Pendant ces douze années au service des Parisiens, j’ai pu participer aux transformations d’une ville que j’aime et qui est entrée de plein pied dans le XXIe siècle. C'est de ce mouvement retrouvé de Paris dont je suis le plus fier. En premier lieu je pense au progrès qui a précédé et conditionné tous les autres : l'assainissement de la vie politique dans la capitale. C'est ensuite l'importance de ce que nous avons réalisé en termes de logement qui me vient à l'esprit. Les 70 000 logements sociaux que nous avons financés et les 30.000 logements intermédiaires que nous avons attribués, ont participé à préserver et entretenir de la diversité sociologique à Paris. Je n'oublie pas bien sûr la promotion d'un art de bien vivre en ville, dont les 70.000 mètres carrés d'espaces verts, la restitution des berges aux Parisiens et aux amoureux de Paris, vélib', autolib' sont des exemples emblématiques. C’est à ce mouvement retrouvé que Paris doit sa vitalité démographique : selon l’INSEE, notre ville a gagné plus de 110.000 habitants entre 2002 et 2012 ce qui représente 15.000 familles en plus, après avoir perdu le quart de sa population pendant quatre décennies ! Pour résumer, je dirai que je suis fier d'avoir fait progresser dans le même temps l'attractivité et la solidarité d'une capitale dont la vocation passe par le dynamisme et la générosité.

 

Dans la continuité de votre action pour diminuer le nombre de voitures, faut-il rendre le centre de Paris payant ou limiter les diesels ?

B.D. - J'ai toujours considéré qu'il serait injuste de rendre le centre de Paris payant parce que cette mesure pèserait sur les Parisiens et les Franciliens les plus modestes. Nous avons opté depuis 2001 pour un meilleur partage de l'espace public entre tous ceux qui l'utilisent : voitures, piétons et cyclistes. Cela passe par le développement des transports les plus doux et les moins polluants comme vélib' et autolib', mais également par un soutien très fort aux transports en commun. Tous ces efforts ont porté leurs fruits. La pollution de l’air a considérablement baissé à Paris, comme en attestent la disparition de plusieurs polluants particulièrement néfastes comme le soufre et le plomb, la forte diminution des oxydes et dioxydes d'azote, et la baisse de 9% des gaz à effet de serre. J'ajoute que contrairement aux idées reçues, ce qui a été gagné en partage de l’espace public et en qualité de l’air n’a pas été perdu en fluidité. Alors qu’entre 2001 et 2010 le nombre de voitures circulant à Paris a diminué de 25%, la vitesse de circulation est restée stable autour de 16 km/h. Qu’on prenne sa voiture, qu’on marche, qu’on utilise les transports en commun ou qu’on fasse du vélo, on circule donc aujourd’hui à Paris dans des conditions normales pour une grande métropole. Ces bons résultats ne nous dispensent pas de poursuivre la lutte contre la pollution. La problématique des particules fines, qui est une conséquence de la diésélisation du parc automobile français depuis dix ans, nous impose de trouver de nouvelles solutions. C'est ce que nous faisons avec pragmatisme mais détermination, en répondant à un seul impératif : celui de la santé des Parisiens et des Franciliens.

 

Que pourriez-vous faire pour que les prix des loyers à Paris redeviennent abordables ?

B.D. - Depuis 12 ans nous agissons pour diversifier le logement parisien. Mais comme je l’ai dit grâce à son dynamisme, son rayonnement, sa générosité, Paris attire. C'est la raison principale pour laquelle le nombre de demandeurs de logement a considérablement augmenté, passant de 100 000 à 135 000 entre 2001 et 2013, 30% d'entre eux n’habitant pas encore Paris ! J’ai milité très tôt pour l’encadrement des loyers dans le parc privé. Cette mesure d'intérêt général rejetée par Nicolas Sarkozy pendant cinq ans a  fait l’objet d’un décret en août 2012. Elle devrait être transcrite dans la loi en juin prochain. Elle était nécessaire mais ne sera sans doute pas suffisante pour endiguer la hausse des prix du marché. Il reviendra au prochain maire de Paris d'amplifier ce qui a été fait pendant 13 ans et d'inventer de nouvelles solutions.

 

Quels sont les atouts de Paris par rapport à d’autres grandes villes ?

B.D. – Avec sa qualité de vie, son engagement pour le développement durable, ses 600 entreprises créées chaque semaine, ses nombreux équipements de proximité, son statut de capitale européenne de l'innovation, son taux de chômage très inférieur à la moyenne nationale, sa fiscalité raisonnable, Paris figure dans le peloton de tête de tous les grands classements internationaux. Ce qui est difficile à Paris, c’est de trouver des espaces où construire. Lorsque le Maire de Berlin me dit qu’il envie la santé financière de Paris et son attractivité, je lui réponds que j’envie l’abondance de terrains disponibles dans sa ville !

 

Quelle est votre position sur le travail le dimanche et sur les rythmes scolaires ?

B.D. - Je crois qu’il est important que le citoyen dispose d’au moins une journée par semaine pour se recentrer sur l’essentiel en dehors de toute contrainte. Par ailleurs, la consultation des riverains et l’accord entre les entreprises et les syndicats doivent être des préalables à toute extension du travail dominical. Dans tous les cas, le travail le dimanche doit être rigoureusement encadré et constituer non la règle mais l’exception. Pour ce qui est de la réforme des rythmes scolaires, je suis heureux qu’elle ait été adoptée par le conseil de Paris, car elle constitue un réel progrès pour les petits Parisiens et pour l’école. La Ville met tout en œuvre pour que cette rentrée 2013 soit une belle réussite. 

 

N’est-ce pas un risque de changement de majorité et de vote sanction contre le gouvernement  de ne pas vous représenter aux municipales malgré votre popularité ?

B.D. - Je crois que les Parisiens sont contents d’avoir vu Paris changer ces douze dernières années, et qu’ils comprennent ma décision de ne pas cumuler les mandats dans le temps. En 2014, ils devront vraisemblablement faire le choix entre une candidate qui veut servir Paris et une autre qui veut s’en servir pour sa carrière. Dans ce contexte et avec l'exigence démocratique qui les caractérise, je crois qu'ils voteront pour élire un maire et non sanctionner un gouvernement.

 

Comment expliquez-vous le mécontentement des français à l’égard du Président, et dans ce contexte difficile était-ce le bon moment pour légiférer le mariage pour tous ?

Depuis 2008, la France est plongée dans une crise d’une extrême gravité. Il est normal que les Français s’impatientent et ce d’autant plus que l’élection de François Hollande a soulevé beaucoup d’espérance. Mais le changement pour lequel ils se sont prononcés ne peut s’inscrire que dans la durée. Dans ce contexte le gouvernement n'a qu'un chemin à emprunter : celui de l'unité, de l'humilité et du sérieux. En ce qui concerne le mariage pour tous, je suis heureux et fier d’appartenir à une famille politique qui a eu le courage de mener à son terme un progrès si fondamental. Et je ne vois pas en quoi les progrès sociétaux seraient contradictoires avec la lutte contre le chômage !

 

Pourquoi êtes-vous impliqué dans la journée de sensibilisation du 23 juin autour de l’élevage, organisée par la FNSEA à Paris ?

B.D. - La capitale sait tout ce qu’elle doit au monde agricole. Je soutiens donc totalement la démarche de la FNSEA pour promouvoir un élevage de qualité. C’est dans cet esprit que j’ai soutenu l’organisation de la Nuit verte en avril 2012 ainsi que celle du barbecue géant sur le parvis de l’Hôtel de Ville en avril dernier. Un des objectifs du Plan Climat adopté par la municipalité en 2007 est d’augmenter progressivement la part d’agriculture biologique dans la restauration collective. L’expérience d’éco-pâturage menée en avril dernier dans le XIXe arrondissement avec quatre brebis de la Ferme de Paris laisse entrevoir des rapports nouveaux entre Paris et l’élevage. J’ai bon espoir que les éleveurs puissent trouver des solutions avec le gouvernement pour faire face à l’augmentation permanente du prix des matières premières. Paris est au côté des éleveurs dans leur combat pour que vive leur beau métier.

 

Partager cet article
Repost0

« Il ne s’agit pas d’austérité mais de bonne gestion »

Publié le par michelmonsay

Agnes-Verdier-Molinie-003.JPG

 

Diplômée d’histoire économique contemporaine, Agnès Verdier-Molinié après avoir été quelques temps journaliste d’investigation au Figaro, à l’Express et à France Info, a rapidement rejoint l’iFRAP* en tant que chercheur en 2002 avant d’en devenir la directrice. A 34 ans, ses écrits et son expertise passionnée des politiques publiques en font une invitée régulière des médias.

 

Pouvez-vous nous présenter votre fondation ?

Agnès Verdier-Molinié - Créée en 1985, l’iFRAP a d’abord été une association loi 1901 avant de devenir en 2009 une fondation d’utilité publique. La reconnaissance de notre travail a permis d’amplifier la finesse de nos études, qui sont publiées chaque mois dans notre revue. Nous avons acquis au fil des années une pertinence dans le domaine des politiques publiques, avec toujours une cohérence dans nos propos en ayant été dans les premiers à parler de la dette et du déficit. Nous sommes cités par l’ensemble de la presse sans exception, et aujourd’hui comme sous les précédents gouvernements, des cabinets ministériels et des parlementaires font appel à nous. Notre rôle est de dire sans dogmatisme comment est utilisé réellement l’argent public, et d’analyser sans tabous le fonctionnement des services publics pour savoir s’ils sont réellement au service de l’intérêt général. Pour éclairer le jugement des français, nous représentons en quelque sorte un contrepouvoir face au discours des élus qui déclarent être contre toutes sortes de privatisation devant les caméras, et font l’inverse dans la gestion de leurs communes.

 

Comment recevez-vous le rejet par les urnes de la fusion alsacienne ?

A.V.-M. - C’est dommage, cette fusion aurait pu être un laboratoire de la révision nécessaire des échelons locaux, mais il n’y a pas eu assez de mobilisation des élus, des syndicats ni même du gouvernement, alors que François Hollande parle de simplification, pour bien vendre les bénéfices de cette fusion pour l’Alsace. L’intérêt général doit primer sur les guéguerres entre partis politiques. Puisque visiblement, on ne peut pas encore fusionner les échelons, il faut avoir une vraie réflexion sur la décentralisation, et mieux préciser les missions de l’Etat et de chaque échelon. Nous avons en France un sureffectif de 700 000 fonctionnaires qui est le résultat d’un empilement. De l’Etat à la commune en passant par l’intercommunalité, le département et la région, à tous les niveaux chacun peut décider de dépenser pour la culture, de même pour le tourisme, l’éducation, la communication, les transports et ainsi de suite. Cette organisation n’est pas cohérente et crée une concurrence entre les financeurs qui peut s’avérer pernicieuse, chaque domaine devrait être géré par un seul échelon.

 

Vous préconisez dans votre livre** 60 milliards d’économie par an, doit-on aller vers l’austérité ?

A.V.-M. - Tous les plus grands économistes mondiaux préconisent un mix budgétaire avec un équilibre entre baisse des dépenses publiques et augmentation des impôts, alors qu’en France nous agissons uniquement sur le second levier sans jamais réduire les dépenses. Il y a 60 milliards de dépenses inutiles que l’on pourrait éviter sans que cela nuise à la qualité de nos services publics. Il suffit de voir nos voisins européens qui ont des services publics aussi bons que les nôtres mais moins chers. Le fait que l’Etat, la Sécurité Sociale et les collectivités locales ne soient pas obligés d’être compétitifs, ne doit pas leur faire oublier que l’argent qu’ils dépensent à été durement gagné et prélevé sur les entreprises et les ménages. Il ne s’agit pas d’austérité mais de bonne gestion. Comme l’a dit François Hollande : « A-t-on des meilleurs services publics avec 57% du PIB qu’avec 52%, la réponse est non ». Nous avons dérapé sur la dépense sans pour autant être capable de créer de la richesse. En plus, nous avons à la fois dégoûté les français de prendre des risques et de créer leur propre entreprise, mais aussi dégoûté les plus aisés d’investir dans des sociétés françaises ou des jeunes talents, en préférant notamment les inciter à placer leur argent dans des œuvres d’art pour ne pas être taxé à l’ISF. Il existe de très nombreuses manières de s’engager pour l’intérêt général qui ne passent pas forcément par dépenser de l’argent public. Le très bon exemple de l’école créée par Xavier Niel, le patron de Free, n’est pourtant pas bien vu par l’Education Nationale. Si l’on ne veut pas que la France reste en dehors d’un mouvement où l’on réinvente les services publics partout dans le monde avec une idée de transparence, de données ouvertes, il va falloir avoir un discours plus objectif pour revoir leur gestion et le statut de la fonction publique.

 

Faut-il réformer le fameux modèle social français ?

A.V.-M. - Le modèle social français n’est plus envié dans le monde, il est arrivé à bout de souffle. Comme le dit très bien Thierry Migaud, Président de la Cour des comptes : « Une somme d’intérêts particuliers a pris le pas sur l’intérêt général ». Si chacun ne réfléchit qu’à l’aune de son propre poste et de son périmètre à conserver, le pays ne pourra pas avancer. A l’image du mille-feuille territorial, il existe aussi un mille-feuille d’aides avec toute une bureaucratie, à l’inverse d’autres pays qui ont un seul guichet pour aider globalement un foyer fiscal. Cet empilement d’aides a lui aussi un côté pernicieux en n’incitant pas au retour à l’emploi ou en poussant à ne pas déclarer son activité afin de ne pas les perdre. Pour une plus grande clarté des dispositifs, éviter les fraudes et apporter un peu de justice, il faut fiscaliser toutes les aides. Est-il normal qu’un individu gagnant 2000 euros par mois par son travail paie des impôts, et un autre touchant la même somme par des aides n’en paie pas. Nous sommes entrés dans un schéma où l’on demande toujours aux mêmes de payer alors qu’en contrepartie ils auront de moins en moins de droits et d’aides, notamment pour les allocations familiales. Il ne faut pas s’étonner alors qu’ils décident de s’en aller dans un autre pays ou de frauder, et cela ne concerne pas uniquement les plus gros revenus. Il n’est pas sain pour la société de monter les français les uns contre les autres.

 

Que pensez-vous des mesures de transparence annoncées par le Président Hollande ?

A.V.-M. - La publication des patrimoines et des revenus est une bonne chose, de nombreux pays le font déjà, elle va dans le sens de la transparence mais ne doit pas engendrer pour autant une mise au pilori de ceux qui ont le plus. Par contre, il est préoccupant de constater que la plupart des ministres n’ont pas un centime investi dans des entreprises françaises, alors qu’ils nous parlent de redressement productif à longueur de temps. Autre motif d’inquiétude, la possible interdiction d’activité aux parlementaires issus du privé, si c’est le cas il faudrait également demandé à ceux issus du secteur public de démissionner du statut de la fonction publique. La faute de Jérôme Cahuzac ne doit pas conduire à jeter l’opprobre sur tout ceux qui ont une activité privée. Veut-on une Assemblée Nationale composée uniquement d’agents publics ? Déjà, 70 à 80 % des membres des cabinets ministériels n’ont vécu que dans le secteur public. Il serait bien de parler de parité public-privé dans la représentation nationale, et de manière plus globale sur les listes électorales.

 

Le non-cumul des mandats et le problème des paradis fiscaux sont-ils aussi des priorités ?

A.V.-M. – Le non-cumul des mandats est une mesure importante, un parlementaire qui est aussi élu local, ne va pas vouloir que l’on fusionne les échelons ni que l’on supprime certains financements de l’Etat vers les collectivités locales. Ce projet de loi risque malheureusement de traîner encore, n’oublions pas qu’il y a au Parlement 80% de cumulards. La question des paradis fiscaux et des banques est une question en soi mais ne va pas résoudre nos problèmes. Arrêtons de toujours chercher des boucs émissaires, la France a une fiscalité exagérée qui pèse sur les entreprises et les ménages, et ne permet pas de créer de la richesse ni de la croissance. Il faut pousser les banques et les assurances à investir l’épargne des français dans les TPE, les PME et dans l’économie réelle, alors qu’elles proposent uniquement du livret A et de l’immobilier défiscalisés qui ne sont pas créateurs d’emplois. Pourtant, l’emploi est censé être la priorité des français et du gouvernement. Il faut rendre son attractivité fiscale à la France. Celui qui prend le risque d’investir dans une jeune entreprise devrait avoir la garantie de ne pas être taxé sur les plus-values, voilà comment on incite les gens, avec une carotte pas en leur tapant dessus. Il faut sortir des idéologies et se confronter avec la réalité pour savoir ce que l’on doit faire pour la France.

 

 *Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques

** « 60 milliards d’économie ! Oui …mais tous les ans » Editions Albin Michel.

 

Partager cet article
Repost0

« Il faut parler aux jeunes de la malbouffe, de la qualité des produits, de la valeur de la terre »

Publié le par michelmonsay

JC_TORTORA.jpg

 

Passionné d’information et d’économie, Jean-Christophe Tortora est devenu patron de presse à 22 ans dans son Sud-ouest natal. Après plusieurs succès régionaux, il a repris La Tribune début 2012, qui est d’ores et déjà la 2ème marque économique en France. A 36 ans, s’il est ambitieux ce petit-fils de maraîchers a su garder les pieds sur terre, en faisant le choix de mêler la modernité du numérique avec son attachement aux territoires.

 

Quelle image avez-vous du monde agricole ?

Jean-Christophe Tortora – Malgré la mondialisation et ses contraintes, les nouveaux critères liés à l’Europe ou à l’organisation mondiale du commerce, le monde agricole a su se moderniser et évoluer dans un environnement pas toujours favorable. Pourtant, il y a un manque de reconnaissance de la part des français mais aussi des médias, d’un secteur qui est un atout pour notre pays et qui le sera encore demain avec une production propre et de qualité. Si en termes d’innovation, on est peut-être plus attiré par ce que l’on va envoyer à des milliers de kilomètres dans le ciel, c’est oublier l’importance des capacités agricoles dans les enjeux de nutrition et de traçabilité des aliments. Il est à constater qu’au fil des années, c’est un monde qui a perdu de sa puissance, mais grâce aux réponses qu’il peut apporter aux problématiques d’avenir, il est possible que le monde agricole revienne en force, c’est en tout cas ce que je lui souhaite.

 

Comment est considéré le monde agricole dans votre secteur d’activité ?

J.-C. T. – Parler du monde agricole n’est pas un réflexe de la part des acteurs de la finance et de la politique à Paris, l’enjeu est assez dilué. Par contre dès que je vais à Bordeaux, Toulouse ou autre ville en région, les responsables politiques sont très conscients du poids économique de l’agriculture et de son importance dans la vie locale. C’est regrettable d’observer cette France à deux vitesses et deux visions, qui d’ailleurs n’existe pas uniquement dans la perception du monde agricole, mais pour moi qui suis un ardent défenseur de l’économie réelle, l’agriculture qui en est un élément essentiel doit être protégée et développée.

 

Que proposeriez-vous pour un meilleur dialogue entre urbains et agriculteurs ?

J.-C. T. – Déjà dans les écoles, on devrait inculquer aux plus jeunes l’importance du secteur agricole, parler de la malbouffe, de la qualité des produits, de la valeur de la terre. Les parents ont également un rôle éducatif à jouer dans ce sens. Pour ma part, j’ai eu la chance de grandir dans une famille avec des grands-parents maraîchers, on m’a donc transmis ce savoir-là. Il semblerait qu’il y ait une prise de conscience collective autour du bien-manger, il faut l’amplifier avec des initiatives comme celle de la région Midi-Pyrénées, qui a créé il y a 10 ans à Toulouse le salon de la qualité alimentaire, SISQA, qui chaque année est un énorme succès. Il faudrait démultiplier le concept partout en France pour recréer du lien entre le monde rural et le monde urbain. Cela permettrait de se rendre compte qu’il ne faut pas les opposer mais qu’au contraire ils ont besoin l’un de l’autre.

 

Pourriez-vous nous présenter votre parcours et votre actualité ?

J.-C. T. – Après avoir fait une école de journalisme et une école de commerce à Toulouse, j’ai créé plusieurs titres régionaux sur le terrain de l’économie en devenant patron de presse à 22 ans. Lorsque j’ai repris La Tribune il y a un an, j’ai souhaité être le premier à passer d’un quotidien papier à un quotidien numérique. La presse étant une industrie qui va mal, il fallait être dans un choix de rupture, nous avons décidé de proposer un quotidien en ligne chaque soir à 21h30 à tous nos abonnés, avec en plus un hebdomadaire papier le vendredi. Je voulais aussi une Tribune très proche de l’économie réelle et des territoires, nous avons implanté 10 bureaux en région. Nous sommes le seul média économique à avoir non pas des correspondants mais des salariés dans les dix plus grandes villes françaises. Cela contribue à rééquilibrer cette aberration : 5 à 6 % du contenu des médias économiques parlent des régions alors que 70 % du PIB est réalisé en dehors de l’Île de France. Nous souhaitons aussi ouvrir notre site à tous les acteurs économiques qui veulent prendre la parole, afin que le débat démarre sur La Tribune, à l’image du mouvement des Pigeons il y a quelques mois.

 

Partager cet article
Repost0

« C’est avec les agriculteurs que l’on pourra changer les choses, et non pas contre eux »

Publié le par michelmonsay

IMAGES-1-8323-copie.jpg

Photo de Jean Frémiot

 

En ayant fait le choix de rester fidèle à sa campagne berrichonne, Jean Frémiot fait partie de ces rares artistes ruraux qui n’ont pas répondu aux attraits de la grande ville. A tout juste 42 ans, ce photographe poursuit une réflexion esthétique et philosophique autour de la place de l’humain dans notre société, notamment à travers la transformation des paysages.

 

Quelle image avez-vous du monde agricole ?

Jean Frémiot – A la fois une image optimiste : comme les agriculteurs ont pu au lendemain de la guerre, engager la révolution verte, je crois qu’avec un maximum de pédagogie, ils vont pouvoir réajuster leur méthode de culture et d’élevage en fonction des nouvelles exigences environnementales. Mais aussi une image négative en partie due à ce qui est arrivé à mes enfants : J’habite dans une zone arboricole, et mes deux fils ont été chacun à leur manière intoxiqués par des produits phytosanitaires. Celui qui a sept ans, a subi trois opérations lourdes à cause d’une intoxication alors qu’il était encore dans le ventre de sa mère, et celui qui a dix ans, a un retard mental qui est probablement dû aux pesticides. Ce n’est pas pour autant qu’il faut rejeter la faute uniquement sur les agriculteurs comme étant des pollueurs, ils sont d’ailleurs les premières victimes de ces produits. Encore une fois, il faut énormément de pédagogie et c’est avec les agriculteurs que l’on pourra changer les choses, et non pas contre eux.

 

Comment est considéré le monde agricole dans votre secteur d’activité ?

J.F. – Les artistes voient le monde agricole de loin en étant un peu enfermés dans leur problématique esthétique et intellectuelle, sans avoir un regard vraiment concerné et critique sur l’agriculture. Ils sont souvent citadins et rares sont ceux installés dans la ruralité. De fait ils ont encore l’image d’Epinal d’une paysannerie d’un autre siècle avec une nature sauvage, alors qu’il s’agit aujourd’hui d’une industrie avec une nature domestiquée, entretenue et travaillée par la main de l’homme. Leur regard est rempli d’incompétence, et il n’y a pas beaucoup de ponts entre la culture et l’agriculture. Je le déplore, la problématique agricole étant fondamentale.

 

Que proposeriez-vous pour un meilleur dialogue entre urbains et agriculteurs ?

J.F. – On ne peut pas demander aux agriculteurs qui sont toute l’année dans leurs champs ou au cul des bêtes, de penser des ponts entre monde urbain et monde rural, c’est le rôle des intellectuels. Les artistes, écrivains, journalistes qui vivent dans la ruralité et ont ainsi des liens avec les paysans, ont le devoir de construire ces ponts en étant, comme je le suis, militant associatif ou animateur d’événements culturels en milieu rural, dans le but de faire de la pédagogie sur les territoires.

 

Pourriez-vous nous présenter votre parcours et votre actualité ?

J.F. – Après avoir fait le conservatoire pour devenir musicien de jazz, du jour où j’ai eu un appareil photo entre les mains j’ai revendu mon saxophone, suis entré aux Beaux-arts à Bourges et depuis j’ai toujours un appareil photo avec moi. Aujourd’hui, mon travail est exposé dans des galeries ou festivals, comme récemment à Montpellier, ou prochainement à la galerie Maubert à Paris en mai, et surtout à Ainay Le Vieil près de Saint-Amand-Montrond en septembre. Cette exposition importante pour moi sera articulée autour de mon cheminement ces cinq dernières années, d’une réflexion sur le paysage et ses transformations à une autre sur le paysage animal, où j’utilise le matériau premier que sont les vaches comme élément du paysage. Mon fil conducteur sur 20 ans de travail, au-delà du souci esthétique, tourne autour de l’humain, dans ce qu’il fait de la société. Si je m’attache autant aux paysages, ce n’est pas uniquement pour leur beauté mais aussi parce qu’ils sont façonnés par l’homme dans un but économique, celui de nourrir l’humanité. Mon travail vise à émouvoir le spectateur, le bousculer et le faire réfléchir sur sa place au monde.

 

Partager cet article
Repost0

« Les enjeux environnementaux sont une très bonne opportunité pour redonner du sens à nos vies »

Publié le par michelmonsay

Tristan-Lecomte-1.JPG

 

Après avoir été un des pionniers du commerce équitable en créant Alter Eco en 1998, Tristan Lecomte vient d’être nommé entrepreneur social de l’année avec sa nouvelle société Pur Projet, un collectif qui aide les entreprises à régénérer les écosystèmes dont dépend leur activité. A 39 ans, ce passionné de nature et d’écologie nous livre sa vision pointue du monde agricole.

 

Quelle image avez-vous du monde agricole ?

Tristan Lecomte – En raison des problèmes de durabilité des filières, des dérèglements climatiques mais aussi de l’augmentation significative de la population et de ses changements de consommation, le monde agricole et les sources d’approvisionnement vont devenir un enjeu majeur. On voit aujourd’hui des groupes industriels qui commencent à s’intéresser de nouveau à leurs filières agricoles, à investir pour régénérer les écosystèmes, et réconcilier ainsi leur propre développement économique avec l’équilibre écologique. Après avoir puisé le maximum des écosystèmes, les avoir dopés artificiellement avec des intrants de synthèse, on se rend compte des limites de ce modèle qui coûte cher, a un horizon de temps limité, qui en plus a causé de multiples dommages et a aujourd’hui un rendement décroissant.

Dans les 20 prochaines années, le monde agricole va connaître une mutation aussi importante que celle survenue après la seconde guerre mondiale, qui le mènera vers une agriculture verte. Comme il y a des produits à vendre, toute la recherche scientifique jusqu’à présent a été orientée vers le chimique, alors qu’avec du vivant et des techniques naturelles, on peut augmenter les rendements dans une vision circulaire sans déchets. Dans un contexte de crise pour le modèle agricole et de réforme du système d’aides, la création des marchés de services environnementaux pour préserver la biodiversité, qui représente le plus beau gisement d’emplois pour les années à venir, est une opportunité pour que l’agriculteur diversifie ses sources de financements et en tire un réel bénéfice.

 

Comment est considéré le monde agricole dans votre secteur d’activité ?

T.L. - Il y a le bon côté avec de très belles initiatives pour une agriculture nouvelle, et des jeunes qui se lancent dans l’activité agricole. A côté de cela, il y a également l’image de campagnes désolées avec des générations d’agriculteurs qui ne sont pas renouvelées, entraînant la perte de savoirs-faires. Enfin il y a l’agrobusiness avec les grands producteurs, qui sont mécanisés, endettés, et qui pulvérisent des produits chimiques à tout va.

 

Que proposeriez-vous pour un meilleur dialogue entre urbains et agriculteurs ?

T.L. - Des rencontres, des débats publics et au moment des vacances, ne pas hésiter à rechercher des échanges avec les agriculteurs. Nous les consommateurs, en ayant dit oui aux produits de l’agriculture intensive, avons contribué à son développement et son maintien. Alors que si nous demandons à notre agriculture, comme on l’entend beaucoup aujourd’hui, des produits sains, tracés, locaux, avec de la saveur, les agriculteurs pourront faire leur mutation et orienter leurs objectifs prioritairement vers la qualité plus que vers la quantité.

 

Pourriez-vous nous présenter votre parcours et votre actualité ?

T.L. – Tout a commencé lorsque j’étais étudiant à HEC, j’avais monté une association qui existe toujours, Solidarité France- Népal, dans le but d’envoyer des étudiants aider les népalais à devenir acteurs de leur propre développement. Puis après deux ans chez L’Oréal, j’ai crée en 1998 Alter Eco, une entreprise de commerce équitable, que j’ai dirigé durant douze ans. Depuis 2008, je m’occupe de Pur Projet où il s’agit d’assister les entreprises dans la régénération des écosystèmes de leur filière, notamment avec l’agroforesterie. Tous ces enjeux environnementaux sont une très bonne opportunité pour redonner du sens à nos vies en tant qu’individu, et du sens aux métiers et au rôle des entreprises dans notre société. Les agriculteurs bio avec lesquels nous sommes partenaires, nous disent tous que leur métier a de nouveau un sens beaucoup plus profond, ils travaillent vraiment la terre et ne balancent pas de pesticides dès qu’il y a un problème.

 

Partager cet article
Repost0

<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 > >>