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interviews politiques et societales

« Le judaïsme porte en ses racines bibliques les valeurs du monde rural »

Publié le par Michel Monsay

« Le judaïsme porte en ses racines bibliques les valeurs du monde rural »

Elu Grand Rabbin de France en juin dernier pour 7 ans, Haïm Korsia, 51 ans,  est aussi aumônier général des armées. Titulaire de nombreux titres universitaires dont un doctorat en histoire contemporaine, il est l’auteur de nombreux ouvrages porteurs d’un judaïsme ouvert et apaisé.

 

Quelle est la relation de votre religion avec l’agriculture et l’environnement ?

Haïm Korsia - Au début de son histoire, le peuple hébreu était essentiellement nomade et tirait sa subsistance de l’élevage des ruminants. Ainsi s’est forgée une relation très particulière avec le monde animal, empreinte de respect pour ces êtres, création du Tout-Puissant. C'est le sens de la mission que l’Eternel confie à Adam : travailler la terre et la conserver, dans sa diversité minérale, végétale et animale. Le berger de la bible est aussi porteur de valeurs humaines plus égalitaires, loin d’une société sédentaire qui hiérarchise les hommes et élève la possession au rang de valeur absolue. De nombreuses lois bibliques s’appliquent au monde de l’agriculture et de l’élevage, et ces lois sont toujours aujourd’hui respectées sur la terre d’Israël.

L’agriculture, pilier économique du royaume d’Israël dans l’Antiquité, devient source et modèle d'une certaine justice sociale. Le paysan n’est pas propriétaire de la totalité des récoltes mais doit en céder une part, certes faible, aux indigents (Lévitique XIX, 9-10). Ce rapport à la terre permet aussi l’apprentissage de la notion de reconnaissance envers le Créateur et relativise le lien entre le propriétaire et la terre ou les troupeaux possédés.

La terre elle-même fait objet d’un grand respect qui se traduit par la loi de la jachère (tous les 7 ans). La terre n’est pas un simple moyen de subsistance, exploitable à souhait et totalement épuisable ! Cette règle dite de Chemita est toujours respectée aujourd’hui moyennant quelques aménagements liés à l’agriculture moderne.

Imprégnés par les textes bibliques, les juifs ont toujours gardé ce lien fort à la Terre, témoin d’une conception digne et éthique de l’humanité et de la foi en le Créateur. Le judaïsme porte ainsi en ses racines bibliques les valeurs du monde rural.

 

Quelles sont les pratiques alimentaires spécifiques à votre religion et ont-elles évolué avec le temps ?

H.K. - Les règles alimentaires (cacherout) sont nombreuses. Révélatrices du rapport de l’Homme à la chose matérielle, ces règles ont une vocation identitaire et culturelle.

Ainsi parmi les mammifères, seuls les ruminants ongulés sont consommables. Les oiseaux appartenant aux familles des gallinacés, anatidés et colombidés sont seuls consommables. Ces animaux sont abattus rituellement. L’abattage rituel, pourtant si décrié aujourd’hui, a vocation à réduire la souffrance animale, comme l’écrit le Pr. Temple Gradin (Université du Colorado).   

Enfin, les poissons portant écailles et nageoires (téléostéens) sont aptes à être consommés. Tout autre animal est interdit. Seules les productions des animaux dits casher (aptes) sont consommables (lait, œufs….) à exception du miel. Tout produit, matière ou graisse d’origine animale, est proscrit.

Si les règles de base sont immuables, l’évolution de l’industrie agroalimentaire a nécessité une adaptation des habitudes de consommation. Ainsi la surveillance casher s’est étendue à la quasi-totalité des produits manufacturés. Le développement de certaines denrées labélisées casher va connaître un grand essor, avec la présence de logos facilement reconnaissables.

Une production particulière de fromage casher se développe pour éviter les présures d’origine animale. Le vin fait également l'objet d’une attention particulière. Boisson sacrée, le vin doit être surveillé pendant tout le temps de sa production, de la mise au pressoir jusqu’à la mise en bouteille.

 

Comment votre religion a-t-elle évolué ces dernières années notamment sur les questions de bioéthique (santé, OGM) et de biodiversité ?

H.K. - La santé et la bioéthique sont des préoccupations majeures du judaïsme. A cet égard, tout progrès en matière d'hygiène est accueilli avec enthousiasme.

La crise de la vache folle a été particulièrement significative. La transformation d’herbivores stricts en carnivores gavés de farine animale a mené à une catastrophe sanitaire sans précédent. Il a été prouvé alors scientifiquement que l’abattage rituel fut plus protecteur que l’abattage avec étourdissement préalable utilisant le pistolet à tige perforante.

Dans le domaine des OGM, le monde rabbinique ne s'est pas encore véritablement prononcé. Il existe certes une interdiction stricte de mélanger ou de greffer des espèces végétales différentes (Traité Kilaim michna 7) ou d’accouplement d’espèces animales différentes. Toutefois, dans le domaine génétique, la question demeure. Il sera essentiel de suivre l’évolution des données scientifiques, notamment l’impact des OGM sur la santé humaine.

Quant à la biodiversité, elle est un témoignage magnifique de l’existence du Créateur. Comme il est écrit « L’Eternel prit l’homme et l’établit dans le jardin d’Eden pour le travailler et le conserver » (Genèse, II, 15), l’homme a le devoir de préserver son environnement. Toute disparition d’espèce animale ou végétale doit être vécue comme un drame !

Transmettre ce patrimoine biologique à nos enfants est une mission essentielle pour nous tous. Sachons être à la hauteur de cette noble tâche !

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« Le Pacte de responsabilité et de solidarité doit engager l’ensemble de la Nation »

Publié le par Michel Monsay

« Le Pacte de responsabilité et de solidarité doit engager l’ensemble de la Nation »

Après avoir été plusieurs fois ministre, déjà sous François Mitterrand puis dans le gouvernement de Lionel Jospin et récemment dans celui de Jean-Marc Ayrault, Michel Sapin s’occupe depuis le mois d’avril des finances de la France. A 62 ans, ce proche de François Hollande nous éclaire sur les nouvelles orientations du gouvernement

 

Pourquoi le problème du chômage paraît-il insoluble et comment la politique économique du gouvernement espère-t-elle inverser la tendance ?

Michel Sapin - Après les années de crise que nous avons traversées, la croissance est encore trop faible. L’objectif du Pacte de responsabilité et de solidarité voté fin juillet est de nous donner les moyens de renouer durablement avec plus de croissance et plus d’emploi. Notre politique économique marche sur ses « deux jambes » : D’une part, baisser les charges des entreprises pour qu’elles retrouvent les marges qu’elles ont perdues au cours de ces cinq dernières années, afin de pouvoir embaucher et investir. D’autre part, assainir nos finances publiques à travers un plan d’économie inédit de 50 milliards d’euros en 3 ans, gage de crédibilité pour la France. Nous avons aussi entamé la baisse des impôts et des cotisations sociales pour les ménages qui ont des revenus proches du SMIC. Ce Pacte, nous l’avons voté avant l’été afin de donner de la visibilité et de la stabilité aux entreprises le plus tôt possible et pour les trois années à venir à partir du 1er janvier 2015.

 

Le Pacte de responsabilité et de solidarité avec sa difficile mise en œuvre apportera-t-il les résultats espérés ?

M.S. - Le Pacte de responsabilité et de solidarité doit engager l’ensemble de la Nation : C’est un effort en faveur des entreprises pour leur permettre de retrouver de la compétitivité et d’utiliser les marges reconquises pour être plus performantes et grandir, en embauchant, en innovant et en investissant.

Avec ce Pacte, les entreprises du secteur agricole, riches en main d’œuvre non délocalisable, seront elles aussi plus compétitives ! Les agriculteurs bénéficieront pleinement des exonérations de charges et de la suppression de la C3S votée cet été, qui s’appliquera intégralement dès 2015 pour les sociétés coopératives agricoles et leurs unions. Quand je parle des entreprises, je parle des entrepreneurs et des salariés qui y travaillent. Il y a des intérêts communs et un besoin d’avancer ensemble. Le premier accord dans le secteur de la chimie est encourageant. Les discussions branche par branche et au sein des entreprises vont se poursuivre et il revient désormais au patronat de se saisir du Pacte de responsabilité et de solidarité. Les entrepreneurs eux aussi, doivent passer du Pacte aux actes.

 

Pourquoi vouloir mettre en avant l’apprentissage ?

M.S. - L’apprentissage, c’est une des entrées les plus efficaces dans la vie active. 65% des apprentis sont embauchés à l’issue de leur contrat ! Le Président de la République et le Premier ministre ont notamment annoncé des mesures exceptionnelles en la matière, avec 200 millions d’euros qui permettront de financer une aide de 1000 euros pour chaque embauche d’un premier apprenti. Nous croyons à l’apprentissage, et nous y mettons les moyens.

 

Comment vont se présenter les baisses d’impôts annoncées ?

M.S. - Comme vous le savez, environ 50% des ménages ne paient pas d’impôts sur le revenu. Payer des impôts c’est être de fait dans la classe moyenne, ou aisée. Dès cette année, 3,7 millions de personnes vont sortir de l’impôt ou le voir diminuer. L’objectif est d’alléger la pression fiscale des ménages. Cette baisse d’impôts sera pérennisée l’an prochain et, comme l’a précisé le Président de la République le 14 juillet dernier, elle profitera à quelques centaines de milliers de foyers supplémentaires. Avec le Pacte de responsabilité et de solidarité, nous concilions des baisses d’impôts pour stimuler plus de croissance avec des économies pour continuer à assainir nos finances publiques. Nous gardons le cap.

 

La finance était pour François Hollande un adversaire, vous même l’avait qualifiée d’amie, qu’en est-il ?

M.S. - La finance est utile pour rapprocher la capacité de certains à financer des projets, utile aussi pour placer son épargne. Cependant, elle est capable du meilleur en étant encadrée par des règles solides, comme du pire lorsqu’elle est dévoyée vers des spéculations non maîtrisées voire frauduleuses. Elle n’est rien sans les règles qui doivent lui donner un sens, et ces règles ne peuvent pas venir des marchés financiers eux-mêmes, dont l’expérience a prouvé qu’ils n’étaient pas capables de s’autoréguler, ni même de se protéger de leurs propres excès. Voilà pourquoi le Gouvernement a bien l’intention de poursuivre ses efforts de régulation financière et de continuer à en faire une priorité politique, avec toujours ce même objectif qui guide son action depuis deux ans : encadrer les activités les plus risquées pour protéger celles qui sont utiles à l’économie réelle - ce sont ces activités que j’appelle pour ma part la « bonne finance ».

 

Que va changer la nouvelle taxe sur les transactions financières ?

M.S. - Dans le cadre du Conseil ECOFIN qui réunit chaque mois à Bruxelles les ministres des Finances des 28 Etats membres de l’Union européenne, nous avons en effet trouvé un accord concernant la Taxe sur les Transactions Financières qui concernera un groupe de 11 pays. C’est une victoire. Cette TTF entrera en vigueur dès 2016 et concernera les actions et un certain nombre de produits dérivés. Je suis attentif à ce que la place de Paris ne soit pas désavantagée. 

 

Pourquoi s’attaquer aux professions règlementées ?

M.S. - Ces professions réglementées ont généré ce que certains appellent des situations de rente ou de bénéfices excessifs. Le ministre de l’Economie Arnaud Montebourg a annoncé travailler sur une loi pour restituer du pouvoir d'achat  aux Français. Il va falloir évidemment le faire dans la concertation et trouver les bons équilibres, mais je soutiens la démarche d’ensemble.

 

Où en est votre croisade contre l’hégémonie du dollar dans les échanges internationaux ?

M.S. -  Je préfère parler d’un objectif de rééquilibrage au profit de l’euro dans les échanges internationaux. Aujourd’hui, l’utilisation du dollar dans les échanges permet à la justice américaine de se saisir et à la loi américaine de s’appliquer dès que le dollar est utilisé. Quand Airbus vend à des compagnies européennes des avions en dollars, ne peut-on pas se demander s’il ne serait pas plus simple d’employer la monnaie européenne ? La question est posée, et nous allons travailler sur ce sujet, au niveau national comme au niveau européen.

 

Pourquoi la France a-t-elle autant de mal à se réformer alors que de nombreux pays y arrivent très bien ?

M.S. - La réforme est toujours difficile ! Mais je constate que depuis deux ans nous avons fait avancer la France et que la dynamique de réformes est en œuvre. Quand j’étais ministre du travail j’ai ainsi pu faire la réforme du marché de l’emploi. L’Assemblée vient de voter la réforme ferroviaire. Avec le Pacte, qui complète le CICE, nous faisons ce que d’autres n’ont pas fait – redonner aux entreprises la compétitivité perdue entre 2002 et 2012, c’est Louis Gallois qui le dit. C’est bien la preuve que le volontarisme politique que nous déployons produit des résultats.

 

Est-ce que la réforme territoriale tourne le dos à la décentralisation comme l’a dit Hervé Gaymard ?

M.S. - C’est tout le contraire ! Nous avons besoin de régions fortes, à dimension européenne, avec des compétences renforcées, pour porter le développement économique des territoires. C’est essentiel, y compris pour la ruralité. Au-delà des discussions sur le redécoupage, il y a une volonté de réforme que beaucoup d’élus partagent. Les débats à l’Assemblée nationale, qui se sont conclus par un vote positif, l’ont démontré.

                                                                                

A lire : « L’écume et l’océan » de Michel Sapin chez Flammarion.

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« Les résultats des élections européennes nous obligent tous à changer de comportement »

Publié le par Michel Monsay

« Les résultats des élections européennes nous obligent tous à changer de comportement »

Fraîchement réélue députée européenne et maire du 7ème arrondissement de Paris, Rachida Dati qui était également vice-présidente de l’UMP jusqu’à la démission de Jean-François Copé, évoque l’avenir de l’Europe et de son parti malgré la crise qu’il traverse. L’ancienne Ministre de la Justice, qui reste une opposante farouche au gouvernement, analyse les différentes réformes à venir.

 

Quelles sont les conséquences des élections européennes ?

Rachida Dati - Les résultats des élections européennes nous obligent tous, que ce soient les parlementaires et ceux qui incarneront les institutions, à changer de comportement. Cela veut dire avoir une ligne politique plus claire et en phase avec ce qu’exigent les citoyens européens, une plus grande proximité, et des comptes à rendre de manière très régulière. Le traité de Lisbonne permet aujourd’hui que le Président de la Commission soit de la couleur politique majoritaire sortie des urnes. Le parti populaire européen (PPE) ayant gagné ces élections, notre candidat Jean-Claude Juncker doit être le Président de la Commission. Dans les orientations qu’il donnera à l’Europe, je souhaite qu'il n’y ait pas d’élargissement pour le moment, il faudrait que certaines compétences restent européennes mais que d’autres reviennent aux États ou restent au moins de leur responsabilité, comme la famille par exemple, l’Europe ne pouvant pas se mêler de tout. Dans ce qui doit changer également, il y a la réforme de Schengen avec la maîtrise des flux migratoires, et il faut réaffirmer que nous voulons une Europe avec des frontières.

 

Que signifient à la fois le désintérêt des français vis-à-vis de l’Europe et le score du FN ?

R.D. - La responsabilisé incombe aux parlementaires européens et aux dirigeants des différentes institutions qui n’ont pas su incarner l’Europe. Nous avons invité plusieurs fois M. Barroso à venir assister à des réunions publiques ou à rencontrer des citoyens, et il a toujours refusé. Il ne faut pas s’étonner ensuite que les européens se désintéressent de l’Europe puisqu’on leur tourne le dos. Cependant, l’abstention aux élections se fait majoritairement chez les jeunes pour lesquels l’Europe est une évidence et qui ne ressentent pas la nécessité de voter. Quant au score du FN, c’est d'abord l’échec de la gauche au pouvoir, mais nous avons aussi notre part de responsabilité. Aujourd’hui l’UMP n’a plus de ligne, nous sommes en train de nous restructurer et l’offre alternative n’est pas très joyeuse. Les électeurs qui ont voté FN ne veulent pas de l’Europe telle qu’elle a été incarnée jusqu’à présent. En plus, on leur parle de l’Europe uniquement lorsque c’est une contrainte. On oublie de leur rappeler que l’Union européenne a contribué à la politique agricole commune, à l’Europe de la justice avec le mandat d’arrêt européen, les conventions pour les pensions alimentaires, l’exécution des condamnations, la lutte contre le terrorisme.

 

Êtes-vous confiante en l’avenir de l’UMP ?

R.D. - Il y a des gens de qualité à l’UMP, si je n’étais pas confiante que la droite reprenne le pouvoir en 2017, j’arrêterais la politique tout de suite. Les crises majeures que nous traversons aujourd’hui nous obligent à nous remettre en cause, et vont générer quelque chose qui nous permettra de gagner la présidentielle. Comment, avec qui, pour quoi, nous allons plancher dessus. Il nous faut retravailler nos valeurs et notre corpus idéologique. Faire des propositions pour revaloriser le travail, rétablir l’autorité, réduire les inégalités dans l’école. Cela dit, l’état de la gauche n’est pas vraiment mieux. C’est même plus grave puisqu’elle est au pouvoir, nous au moins, être dans l’opposition nous permet de nous relever. Si nous ne sommes pas capables à droite comme à gauche de nous remettre en question, attendez-vous au Front National en deuxième position derrière l’abstention. Je ne veux pas d’un pays où seulement 10% de la population vote, ni d’être dirigée par des gens élus par 10% de la population.

 

Quel est votre sentiment sur la grève SNCF et celle des intermittents ?

R.D. - Avec la directive qui ouvre la SNCF à la concurrence, il faut moderniser cette entreprise publique, la rendre plus performante, plus compétitive, tout en préservant l’emploi et la qualité de service, c’est tout l’objet de la réforme ferroviaire. Sans mettre en cause le droit de grève, je peux dire que celle-ci n’est pas pertinente car nous avons besoin de cette réforme pour préserver cet outil industriel français, afin qu’il puisse résister à la concurrence.

Concernant les intermittents, la souplesse de ce régime permet de développer des projets et de la créativité sous diverses formes, mais il y a des abus à réprimer. Certaines entreprises profitent de ce statut très avantageux pour ne pas proposer de contrats à durée déterminée ou indéterminée. Il ne faut plus accepter cela afin de préserver ce régime. C’est comme pour notre système de retraites, qui est un des rares au monde à être fondé sur la solidarité et non sur la capitalisation, avec la démographie florissante il faut le réformer pour le sauver. Ces deux systèmes très protecteurs doivent évoluer pour ne pas exploser.

 

Comment réagissez-vous à ce débat sur la fin de vie ?

R.D. - Je suis très mal à l’aise quand je vois ce débat de l’intime, de la fin de vie, de la dignité, cette bagarre familiale autour d’un homme qui est en train de mourir. Légiférer dans tous les domaines y compris dans celui de l'intime et en particulier sur la fin de vie peut conduire à des tragédies humaines. La loi Leonetti est équilibrée, peut-être pouvons nous l'améliorer ou l'adapter mais n'allons pas plus loin. La médecine n’est pas là pour donner la mort. Je suis très opposée à l’euthanasie depuis toujours par conviction. J’ai travaillé pendant 5 ans en milieu hospitalier et aussi été engagée dans des associations qui proposaient des soins palliatifs. Il faut développer les soins palliatifs et soutenir les associations qui accompagnent les personnes en fin de vie, dans le respect de l’intimité et la dignité des uns et des autres. Les personnes âgées dépendantes sont souvent très isolées, je ne veux pas que l’euthanasie soit le moyen de se débarrasser de quelqu’un. Je ne suis pas favorable comme dans certains pays à avoir des critères qui permettraient de donner ou faciliter la mort.

 

La réforme territoriale annoncée va-t-elle mettre fin au gaspillage du millefeuille administratif des collectivités ?

R.D. - Cette réforme n’est pas simple. J’ai fait pour ma part la réforme de la carte judiciaire, qui n’était pas facile ! De nombreux gardes des Sceaux avaient échoué avant moi. L'objectif de cette réforme doit être la simplification territoriale et la réduction des dépenses publiques en maintenant un service public de qualité. La première chose à faire est la suppression de la clause dite de compétence générale qui permet aux collectivités de financer les mêmes choses chacune dans son coin sans le savoir et sans évaluation. C'est une source de gaspillage et de déresponsabilisation totale. Après avoir supprimé cette clause, il faut instaurer le principe de spécialisation des collectivités: attribuer des compétences propres et distinctes pour chaque type de compétence, et évidemment diminuer le nombre d'élus en conséquence !

 

Approuvez-vous le projet de loi sur la transition énergétique ?

R.D. - Il faut reconnaître que Ségolène Royal est courageuse sur des sujets extrêmement sensibles que ce soit sur l'écotaxe ou le texte sur la transition énergétique. Elle assume cette loi, la porte et l’incarne, pour un ministre c’est déjà essentiel. La transition énergétique est une nécessité, elle va dans le sens de l'évolution actuelle du monde en termes de protection de l'environnement, de réduction de la consommation d'énergie, et de diversification de la production énergétique. Le texte, à ce stade, est assez équilibré.

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« La croissance ne suffit pas, elle doit s’accompagner de progrès social »

Publié le par Michel Monsay

« La croissance ne suffit pas, elle doit s’accompagner de progrès social »

A la tête de la CFDT depuis un an et demi, Laurent Berger devrait être reconduit dans ses fonctions lors du 48e congrès de la centrale syndicale début juin. Fervent défenseur du dialogue social, ce syndicaliste dans l’âme de 45 ans, nous parle du pacte de responsabilité qu’il a signé et de différentes questions d’actualité.

 

Quel est le rôle de la CFDT et ce qui la différencie des autres syndicats, notamment la CGT ?

Laurent Berger - C’est d’obtenir des avancées pour les salariés et défendre au mieux leurs intérêts, pour plus de justice dans la société. C’est vrai à tous les niveaux. Dans l’entreprise, où par exemple à Monoprix, les caissières bénéficient désormais de 9 000 chaises adaptées à leur travail et meilleures pour leur santé et, pour la mise en rayon, les salariés se servent de chariots qui se lèvent automatiquement, leur évitant de se baisser une centaine de fois par jour. C’est le fruit de l’action de la CFDT et du dialogue social. Dans les entreprises, il y a des milliers d’exemples de cette action utile aux salariés.

Au niveau national, nous obtenons aussi des résultats pour les salariés. C’est par exemple la complémentaire santé prise en charge au moins pour moitié par l’employeur ; l’encadrement des temps partiels imposés, pour faire reculer la précarité, ou encore le compte pénibilité, pour que les salariés aux métiers pénibles partent plus tôt à la retraite. Je souhaite que toutes ces avancées s’appliquent également dans l’agriculture.

Quant à nos différences avec les autres syndicats, je pense que s’opposer, c’est important, cela fait partie de tout rapport de force, mais ça ne suffit pas toujours pour obtenir des avancées concrètes. Je préfère être capable de dire : « Je signe » car j’ai obtenu des avancées pour les salariés – même si parfois j’aurais voulu davantage – que de ne rien obtenir du tout. Ce sont deux conceptions différentes de la démocratie sociale et de l’utilité des syndicats.

 

Pourquoi 70% des français ne font pas confiance aux syndicats ?

L.B. - Nous vivons une période de crise, de défiance. Toutes les institutions perdent la confiance des Français, les politiques bien plus que les syndicats. Avec les plans sociaux, la montée du chômage, des inégalités, comment pourrait-il en être autrement ? La meilleure manière de remonter dans l’estime des Français, c’est de montrer que nous sommes un acteur efficace dans la lutte contre le chômage, que nous prenons nos responsabilités. Et surtout, que nous obtenons des résultats.

 

Quel est votre sentiment sur les deux ans de François Hollande à la tête de l’Etat, et le retournement économique qu’il promet ?

L.B. - Ce sont deux années qui ont été difficiles pour les salariés. Deux années de crises, de montée du chômage, d’absence de croissance. Mais cela a aussi été deux années de dialogue, d’accords importants (sur la Sécurisation de l’emploi, la formation, la qualité de vie au travail) qui préparent l’avenir et sécurisent davantage les salariés. Maintenant, il faut encore accentuer la mobilisation générale pour l’emploi, dont le pacte de responsabilité doit être une des composantes pour faire baisser le chômage. Chacun doit prendre ses responsabilités, assumer ses engagements, et que le patronat arrête de se plaindre car il y a urgence !

Sur le « retournement économique », je ne fais pas de pari ou d’incantation. Comme tout le monde, la CFDT veut que la situation économique s’améliore. Mais cela doit s’accompagner de progrès social. La croissance ne suffit pas, il faut s’intéresser à son contenu. C’est ce que nous appelons la croissance qualitative.

 

Qu’attendez-vous concrètement du pacte de responsabilité que la CFDT a signé ?

L.B. - Pour la CFDT, le Pacte de responsabilité doit favoriser une économie de la qualité, un autre modèle de développement, qui transforme notre modèle productif et vise le plein-emploi. Il y a deux enjeux : l’emploi et l’investissement. Il est temps d’accélérer les négociations dans les branches professionnelles ! Le pacte doit avoir des retombées concrètes en termes de formation, d’emploi, d’apprentissage, de recherche, de formation…

Il doit en être de même dans l’agriculture. Si les aides concernent également ce secteur, alors les contreparties aussi. Le pacte est l’occasion d’une remise à plat des exonérations dans l’agriculture et de les harmoniser avec les autres secteurs. Les exonérations de charges pour l’emploi de saisonniers favorisent la précarité.

 

Que pensez-vous du plan d’économies ?

L.B. - Le plan d’économies protège insuffisamment les plus pauvres. Les efforts doivent être mieux répartis et les plus riches doivent aussi y contribuer. La CFDT trouvait inacceptable le report d’un an des mesures du plan pauvreté et le gel des retraites inférieures à 1 200 euros. Nous avons été entendus sur ces deux points, mais pas sur le gel du point d’indice des fonctionnaires.

 

Quels sont les enjeux des élections européennes et vers quelle Europe souhaitez-vous aller ?

L.B. - La crise remet en cause les avancées permises par la construction européenne. Nous avons besoin d’une Europe plus sociale, qui ne mette pas les travailleurs en concurrence ; une Europe qui relève les défis d’avenir en engageant une nouvelle croissance. Enfin, une Europe plus démocratique qui donne plus de place aux citoyens dans les débats.

Il faut agir sur la question des salaires. Dans l’agriculture, ils varient fortement d’un pays à l’autre, nous demandons qu’il y ait des salaires minimum partout en Europe.

Pendant longtemps, les salariés ont perçu l’Europe comme synonyme de progrès, grâce à une harmonisation sociale par le haut, résultat d’un dialogue social en période de croissance. Mais l’effet de la crise, le chômage de masse, la baisse des revenus du travail dans les pays du sud de l’Europe, le recul de la négociation collective dans beaucoup de pays sont passés par là et ont fortement ébranlé cette perception. Nous devons donner des perspectives d’avenir à l’intégration européenne par un nouveau mode de développement économique incluant des objectifs sociaux. C’est le sens du plan d’investissement proposé par la Confédération européenne des syndicats, qui propose de mobiliser 2 % du PIB sur l’investissement économique et social.

 

Doit-on réduire le nombre de fonctionnaires et comment voyez-vous la réforme territoriale qui est promise ?

L.B. - L’action publique n’est pas qu’un coût, mais avant tout des services : écoles, hôpitaux, … Dans quel monde veut-on vivre ? Veut-on un monde sans services publics ? Certes, il faut réduire le déficit public. Mais nous avons besoin d’une réflexion globale sur les missions, avec les agents et les utilisateurs. Il faut avoir le courage de regarder quelles sont les priorités, plutôt que de passer des coups de rabot successifs. Et si des réformes sont nécessaires, elles ne peuvent plus affecter les fonctionnaires. Il vaut mieux faire des choix dans ce qui relève de l’État et ce qui n’en relève pas. La CFDT souhaite que l’on mette fin au mille-feuille territorial, avec pour objectif la qualité du service public.

 

Quelle est votre position sur la taxation des transactions financières ?

L.B. - Je suis pour une taxation des transactions financières ambitieuse, incluant la plupart des produits financiers dérivés. Ses recettes seraient orientées vers des projets de développement durable, dont une grande partie pour le développement des pays du Sud. Malheureusement, la position prise par dix pays européens le 6 mai – dont la France – est très limitée. Elle ne permet pas de faire contribuer la finance de manière significative. C’est une taxation des transactions financières au rabais. Nous voulons plus d’ambition !

 

Quel doit être le rôle de l’Etat dans le rachat d’une grande entreprise française par un groupe international, notamment pour Alstom ?

L.B. - L’État ne peut pas se désintéresser de la politique industrielle. Pour Alstom, l’enjeu est double : l’emploi et l’indépendance technologique en matière énergétique. Avec ces deux objectifs, la CFDT préfère des alliances avec d’autres groupes, plutôt que des rachats… Et que les représentants des salariés soient associés aux réflexions. Il n’y a pas d’avenir économique et social, sans un dialogue social renforcé. C’est vrai dans l’industrie, comme partout, notamment dans l’agriculture.

 

                                                                                 

Repères biographiques

Originaire de Guérande, Laurent Berger, dont la mère était auxiliaire de puériculture et le père ouvrier des chantiers navals de Loire-Atlantique, est marié et père de 3 enfants. Titulaire d’une maîtrise d’histoire, il enseigne quelques temps avant d’intégrer une association d’insertion pour les chômeurs, où il crée une section CFDT. Puis il rejoint l’union locale de la CFDT à Saint-Nazaire. Il gravit ensuite les échelons au plan régional puis national, avant d’être élu secrétaire général de la CFDT le 28 novembre 2012. 

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« L’économie sociale et solidaire est une véritable alternative économique »

Publié le par Michel Monsay

« L’économie sociale et solidaire est une véritable alternative économique »

 

A la tête de SOS, plus grand groupe d’économie sociale et solidaire avec 11 000 salariés, 330 établissements et 650 millions d’euros de chiffre d’affaires, Jean-Marc Borello prouve depuis 30 ans que le sens de l’intérêt général est compatible avec la logique entrepreneuriale.

 

Comment avez-vous fait d’une association de lutte contre la toxicomanie le plus grand groupe d’économie sociale et solidaire ?

Jean-Marc Borello - Nous avons essayé de répondre au fur et à mesure à tous les besoins fondamentaux d’abord des plus exclus, puis des gens en situation de précarité jusqu’à élargir le spectre à l’ensemble de la population. Au début, nous nous sommes occupés de toxicomanie, puis du sida, ensuite de l’accès aux soins et à l’emploi. Comme les solutions que nous avons crées fonctionnaient plutôt bien et coûtaient moins chers, nous les avons proposées petit à petit à tout un chacun, et c’est comme cela que le système s’est élargi. Nos 20% de croissance ces dernières années s’explique par notre modèle. Il est adapté à la fois à des finances publiques plus serrées et à des revenus moindres d’une plus grande partie de la population, qui se tourne de fait vers des dispositifs efficaces.

 

Que propose le groupe SOS ?

J.-M.B. - L’idée générale du groupe est de favoriser l’accès à l’éducation, aux soins, à un toit, à un travail, à travers 5 cœurs de métier qui sont : la jeunesse, l’emploi, les solidarités, la santé et les séniors. Nous gérons des hôpitaux, des centres de soins, des maisons de retraites médicalisées, des crèches, des maisons d’enfants à caractère social, différents dispositifs de placement de la protection judiciaire de la jeunesse, des établissements pour personnes handicapées, des centres d’hébergements pour les sans-abris, des entreprises d’insertion. En tout, 1 million de personnes bénéficient de nos actions chaque année.

Nous voulons d’une part avoir des établissements de qualité pour ne pas faire une médecine et une éducation à deux vitesses. D’autre part, qu’ils soient ouverts à tous, et nous faisons en sorte que dans chacun d’entre eux, même les personnes sans aucun revenu puissent quand même y avoir accès. Ceux qui peuvent payer le font, ceux qui ne le peuvent pas, la collectivité le fait pour eux, et enfin ceux qui ne le peuvent pas et pour lesquels la collectivité ne paie pas, c’est pour nous. Comme nous n’avons pas d’actionnaires, nous pouvons utiliser nos résultats pour développer nos activités sans se soucier de la distribution des dividendes.

 

En quoi avez-vous été précurseur dans l’économie sociale et solidaire (ESS) ?

J.-M.B. - Le secteur de l’ESS est en train de se professionnaliser, il représente 10% du PIB et 12% de l’emploi. Nous avons été dans les premiers il y a 15 ans à recruter des diplômés de grandes écoles pour nous aider à bien gérer l’aspect financier. Aujourd’hui tout le monde le fait dans l’ESS. Les hôpitaux, les crèches, les maisons de retraites, étant entrés dans le domaine concurrentiel, il nous fallait jouer la concurrence face à des entreprises privées lucratives, sinon nous aurions disparu. A l’image des mutuelles ou des banques coopératives, qui pour certaines ont survécues en se regroupant, nous avons toujours défendu le principe de concentration. Pour autant, nous n’avons jamais eu de politique impérialiste de développement en rachetant des associations gestionnaires, ce sont elles qui ont voulu nous rejoindre et nous avons aussi repris des structures en difficulté au tribunal, qui sans nous n’existeraient plus. La population dont nous nous occupons étant de plus en plus en difficulté avec peu de moyens, il nous fallait donc grandir et faire des économies d’échelle pour être opérationnel. Entreprendre, ce n’est pas simplement au profit des actionnaires, c’est aussi dans l’intérêt général. L’idée de l’ESS est de mettre une logique économique au service de l’intérêt général.

 

Comment voyez-vous l’avenir de l’ESS ?

J.-M.B. - L’ESS n’est pas du tout un sujet national, ce qui est toujours rassurant, c’est un mouvement mondial en plein développement appelé « social business ». Il y a un renouvellement générationnel avec des jeunes mieux formés que nous l’étions, au sein des entreprises de l’ESS, qui à l’image du groupe SOS ont l’ambition de se développer. Cela représente une véritable alternative économique, ce qui est plutôt une bonne chose compte tenu des résultats de l’économie classique ces dernières années. Ce système est innovant en termes de management, de valeurs, et je suis très confiant sur son avenir. Le projet de loi sur l’ESS devrait être voté en mai à l’Assemblée Nationale, et apportera un statut légal à ce domaine en pleine transformation. Ce qui pourrait changer d’ici le vote est le côté inclusif de la loi, que souhaitait Benoit Hamon et que je trouve intéressant, où l’on admettrait dans l’ESS des sociétés commerciales avec des distributions limitées de dividendes et une démocratie participative entre autres règles internes. Rester coincés derrière des statuts, comme certains le veulent, empêchera de s’internationaliser, et ces statuts ne sont pas toujours garants d’une vertu sans reproche. On a déjà vu des associations lucratives sans but. L’analyse des pratiques et des résultats est une garantie plus grande que celle des statuts. Avec cette loi, la Banque publique d’investissement devrait accorder aux entreprises de l’ESS, des facilités qui prennent en compte les particularités juridiques de ce secteur. Enfin, les politiques de droite comme de gauche ont compris que miser sur l’ESS était aussi le moyen de faire des économies de finances publiques.

 

Que pensez-vous du pacte de responsabilité et du plan d’économies proposé par Manuel Valls ?

J.-M.B. – Sur le pacte, je n’en pense que du bien sous réserve que le non-lucratif bénéficie dans les mêmes proportions, de cette baisse des charges patronales. Il est indispensable de faire de la relance par l’activité mais pas dans n’importe quelles conditions. Il faut aussi sauvegarder la situation des plus démunis. J’ai du mal à comprendre l’attitude du Medef qui est systématiquement dans la caricature et la provocation, je ne sais si c’est de la maladresse ou une stratégie. La raison doit revenir tant du côté patronal que syndical pour arriver à travailler ensemble. Une des explications de la réussite allemande dont tout le monde parle, est que les entreprises sont cogérées par les syndicats et les employeurs.

Quant aux mesures d’économies, elles vont dans le bon sens. Il faut se désendetter, c’est le seul moyen d’avoir une économie plus saine et moins dépendante des marchés. Cela dit, je reste sur ma fin en matière de réforme structurelle de l’Etat. On devrait faire un inventaire des missions publiques, pour qu’un certain nombre d’entre elles ne soient plus gérées par le secteur public. Renforçons la situation des fonctionnaires qui exercent les missions régaliennes, et abandonnons toute une série de missions qui coûtent extrêmement cher et ne sont pas rendues de manière optimale par les services publics. Il faut arrêter les coups de rabot sur la fonction publique et plutôt être sélectif. Autre réforme que l’on attend toujours est celle de la fiscalité, où il faudrait notamment un échelonnement un peu plus fin pour éviter les effets de seuil sur le paiement de l’impôt.

 

Quels sont les remèdes pour inverser durablement la courbe du chômage ?

J.-M.B. - Il faut impérativement que l’on retrouve 3% de croissance, on sait qu’en deçà il est très difficile de créer de l’emploi. Les emplois d’avenir sont une excellente idée, il faut continuer à avoir un traitement social du chômage, mais en même temps on doit se demander comment activer les dépenses passives. Autrement dit, comment transformer le versement d’une allocation en la capacité de créer un emploi. Au-delà de l’aspect revenu, l’activité est extrêmement importante pour un jeune, afin qu’il ne se dise pas que personne n’a besoin de lui ou qu’il n’est bon à rien. Il vaut mieux un emploi d’avenir que de percevoir une indemnité à la maison. Par ailleurs, il faudrait peut-être assouplir un certain nombre de règles en matière de législation sociale, avec cette fameuse flexisécurité que d’autres ont mis en place : la possibilité d’une plus grande flexibilité pour l’employeur et d’une plus grande sécurité pour le salarié. Il serait temps de sortir d’une logique où tout est bloqué depuis des années. Le code du travail est devenu une jungle inextricable où les meilleures volontés s’épuisent pour trouver des solutions. On ne peut pas continuer à reculer chaque fois que 4 taxis bloquent le périphérique, il faut que l’on réussisse à réformer même si c’est un peu douloureux. Ce pays adore les révolutions mais déteste les réformes.

 

                                                                               

Un parcours très atypique

Natif d’Aix en Provence dont il a gardé l’accent, Jean-Marc Borello démarre sa carrière en tant qu’éducateur spécialisé pour jeunes délinquants.  En 1981, il est nommé conseiller à la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, puis il occupe différents postes dans des cabinets ministériels jusqu’en 1987. Entre-temps, il crée en 1984 les premières associations du futur groupe SOS avant de s’y consacrer à plein-temps en 1997, et après avoir dirigé le groupe de la chanteuse et femme d’affaires Régine. En 2010, il crée le Mouvement des entrepreneurs sociaux, et aujourd’hui à 56 ans il est la plus belle réussite de l’ESS.

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« Que l’Europe devienne compréhensible par les citoyens et démocratiquement accessible »

Publié le par michelmonsay

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Vice-présidente du Mouvement démocrate et secrétaire générale du Parti démocrate européen, Marielle de Sarnez est députée européenne depuis 1999 et brigue à 63 ans un 4ème mandat. Elle sera tête de liste en Ile-de-France pour l’Alternative, alliance de l’UDI et du Modem, aux élections européennes.

 

Quels sont vos ambitions pour l'Europe ?

Marielle de Sarnez - L’enjeu pour l’Europe, pour nos pays, est de défendre un modèle de société unique au monde. C’est par exemple le combat pour un modèle agricole fondé sur l’exploitation familiale. Ce modèle est aujourd’hui menacé mais sa défense ne peut se concevoir sans une Europe agricole solide et cohérente. C’est vrai aussi dans les domaines du commerce mondial. Il n’existe aucune autre chance d’y parvenir. Ceux qui prétendent le contraire nous entraînent vers les plus grands risques. Mais il y a une grande question : que l’Europe devienne compréhensible par les citoyens et démocratiquement accessible.

                                               

Que proposez-vous pour une gouvernance efficace et simplifiée, et la relance économique des États membres ?

M.d.S. - Pour nous cette question de la participation rendue enfin possible des citoyens à la décision européenne est la question clé. L’opacité de l’Europe provient d’abord de la complexité de ses institutions et du fait que ses dirigeants sont inconnus des citoyens. Que faut-il faire ? Exactement le contraire. L’idéal serait l’élection directe d’un ou des responsables de l’UE, mais au moins faut-il que le président de l’Union tienne son pouvoir d’un processus démocratique qui associe les parlements nationaux au parlement européen. Quant à la relance économique, il est très important que la zone € se dote d’une capacité de décision politique autonome, et qu’elle fixe comme objectif son harmonisation sociale et fiscale.

 

Quelle place pour l'Europe notamment agricole dans un monde avec 9 milliards de bouches à nourrir ?

M.d.S. - Il y a deux impératifs. Celui de la garantie de la sécurité alimentaire en termes quantitatifs et qualitatifs pour les peuples européens, et que l’Europe participe à une garantie d’alimentation pour l’ensemble des peuples de la planète. Nous avons la chance d’être parmi les pays qui ont les terres les plus fertiles et le savoir faire agricole le plus évolué. Nous ne devons reculer sur aucun de ces sujets : préservation attentive des surfaces agricoles et capacités techniques. Nous croyons fermement que notre modèle français d’exploitations à taille humaine nous met en situation de défendre ces objectifs : sécurité alimentaire, qualité des aliments et capacité exportatrice. Il existe une condition à sa défense et à son développement, que les productions agricoles soient enfin payées à leur juste prix.

 

Etes-vous favorable à la poursuite de l'élargissement et pourquoi ?

M.d.S. - Non. L’élargissement sans l’approfondissement que nous réclamions a en partie grippé l’Europe. Dans le domaine agricole par exemple nous avons laissé se développer les distorsions en termes environnementaux et sociaux. Il suffit de voir comment les différences de salaires entre Allemagne et France ont mis à mal toute la filière animale. Cela ne peut pas, et ne doit pas durer. Plutôt que de continuer d’élargir, il faut donc approfondir notre Union. Et faire converger nos systèmes fiscaux et sociaux, pour mettre fin aux dumpings.

 

Eléments biographiques

Engagée très jeune en politique pour soutenir la candidature de Valéry Giscard-d'Estaing à l’élection présidentielle de 1974, Marielle de Sarnez participe à la fondation de l’UDF en 1978. Elle a notamment travaillé auprès de Jean Lecanuet, Simone Veil et Raymond Barre. En 1989, elle est nommée secrétaire générale des États généraux de l'opposition puis devient l'adjointe du secrétaire général de l’UDF François Bayrou. Lorsque ce dernier devient ministre de l’Éducation nationale, elle assume la direction de son cabinet.  Elle est l’auteur du Petit dictionnaire pour faire aimer l'Europe paru en 2009 aux éditions Grasset.

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« Nos entreprises portent des valeurs de responsabilité sociale et environnementale »

Publié le par michelmonsay

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Après avoir été députée puis sénatrice de Seine et Marne, Nicole Bricq est depuis un peu moins de deux ans, Ministre du commerce extérieur. Rencontre avec cette charentaise de 66 ans à la volonté de fer, qui est la première VRP du « Made in France » à l’étranger.

 

Quel est le rôle de votre Ministère et quelle stratégie avez-vous mise en place ?

Nicole Bricq - Je porte la politique commerciale de la France au niveau de la Commission européenne et vis-à-vis de nos partenaires étrangers, en présidant pour certains pays le dialogue d’état à état afin de régler les difficultés. Comme récemment, lorsque j’ai reçu mon homologue chinois pour préparer la visite du Président XI Jinping en France et le forum économique que nous organisons. Je lui ai indiqué que nous devions résoudre à l’amiable la procédure antidumping contre les vins français menée par la Chine. C’est désormais chose faite. Quotidiennement, j’interviens afin de lever les blocages pour les entreprises françaises à l’étranger, et puis j’ai une action très concrète qui consiste à vendre nos produits et l’image de la France.

Afin de profiter de l’augmentation de la demande mondiale adressée à notre pays qui devrait être de 5% en 2014, j’ai structuré l’offre commerciale française en la décomposant en 4 familles : mieux communiquer, mieux se nourrir, mieux se soigner, mieux vivre en ville. Il s’agit ensuite de vérifier qu’à l’intérieur de chaque famille nous avons une offre complète. Tel est le cas dans la famille alimentaire, où l’offre partant de la génétique jusqu’au produit dans l’assiette est excellente, avec un bémol sur les produits transformés. Voilà pourquoi lorsque je vais en Chine en janvier 2013, j’emmène dans ma délégation le président de la charcuterie française dans le but d’obtenir l’agrément sanitaire qui pourrait donner accès à un énorme marché. A la même époque avec le Ministre délégué à l’agroalimentaire, nous avons mis en place le comité Asie pour accroitre l’export dans cette région, et il y a deux mois, nous avons annoncé que 250 entreprises agroalimentaires bénéficieraient d’un accompagnement personnalisé à l’export.

 

Pourquoi la balance commerciale française est-elle dans le rouge depuis plus de 10 ans et quels secteurs se portent bien ?

N.B. - Nous avons un problème structurel et organisationnel. Nous ne sommes pas suffisamment montés en gamme et nos entreprises ont perdu en compétitivité. Mais nous avons une offre de qualité pour peu que nous sachions écouter la demande du client. Mon but est de réunir les entreprises d’une même famille pour les fédérer à l’étranger comme en France. Il faut appuyer sur les meilleures afin qu’elles avancent plus vite pour ne pas perdre les marchés, et donner ainsi aux autres le temps de se restructurer.

L’aéronautique avec un excédent de plus de 20 milliards d’euros est le premier poste du commerce extérieur, suivent les produits agricoles et agroalimentaires avec 11,5 milliards d’excédent puis la cosmétique, le luxe, la pharmacie. Tous ces secteurs d’excellence pourraient être encore meilleurs s’ils étaient présents dans les 47 pays où se concentre la croissance mondiale. Il faut cibler à la fois des marchés émergents et des marchés matures.

 

Quelle image notre pays doit donner, notamment à travers le « Made in France » ?

N.B. - Il faut que la France ait une image qui repose sur ce qu’elle sait faire : la recherche, la haute technologie, la créativité, la culture, le goût, la qualité. Notre image doit être en phase avec ce que l’on veut vendre. Parmi nos atouts, nous avons aussi l’assistance technique et la formation, que des pays nous demandent souvent pour améliorer leur main-d’œuvre, nous portons également des valeurs de responsabilité sociale et environnementale. Autrement dit, nous sommes capables d’apporter plus que notre savoir-faire. A noter que dans le « Made in France », il est beaucoup plus compliqué qu’avant d’avoir un produit entièrement fabriqué dans notre pays. Une voiture française par exemple a 40% d’importation, de même pour les composants d’un Airbus, mais ce qui compte c’est de garder en France la partie qui capte la valeur, c'est-à-dire la recherche, l’assemblage...

 

Que ressort-il du conseil de l’attractivité avec les grands patrons étrangers ?

N.B. – Ils veulent rester en France et nous ont tous dit : Nous avons besoin d’une France forte en Europe. D’autant que, compte tenu de la montée en puissance d’une dizaine de pays africains, nous représentons notamment pour les Etats-Unis et le Canada, la porte d’entrée vers l’Afrique. Pour garder les entreprises étrangères et en attirer d’autres, il faut simplifier. A cet effet, parmi les huit mesures qu’a annoncées le Président de la République, il y en quatre qui concernent directement mon ministère :  la dématérialisation des démarches douanières à l’export comme à l’import pour accélérer le processus ; un seul document pour payer la TVA générale et celle liée à l’import, ce qui n’obligera plus les entreprises à une avance de trésorerie. Nous mettons également en place un  « visa business » délivré en 48 heures pour les clients et les fournisseurs des entreprises françaises ou étrangères installées en France. Toutes ces mesures seront en vigueur au plus tard d’ici début 2015. Enfin, la fusion de nos deux agences, celle pour le développement international des entreprises (UBIFRANCE) et celle pour les investissements internationaux (AFII) devrait permettre une amélioration de la compétitivité de nos entreprises à l’export et de l’attractivité de la France.

 

Où en est le pacte de responsabilité ?

N.B. - Patronat et syndicats sont parvenus à un accord et ont fixé une feuille de route dans la mise en œuvre du pacte, avec des indicateurs de suivi par branches professionnelles. Ce pacte qui met dans le jeu les partenaires sociaux, à l’image du modèle allemand avec sa capacité de négocier, est une révolution culturelle.  On sort d’une logique  de conflit pour voir ce que l’on peut faire ensemble. La finalité est que les entreprises investissent. D’où le débat sur les 30 milliards de baisse des charges, 20 avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et 10 qu’il faut financer à l’intérieur de l’équilibre budgétaire. Le pacte de compétitivité en 2012 était une première étape. Les parlementaires vont avoir à se prononcer sur ce pacte de responsabilité, et les premières mesures seront mises en place très rapidement pour produire leurs fruits.

 

Où en est la lutte contre la contrefaçon ?

N.B. - Les parlementaires ont voté en février à l’unanimité la proposition de loi sur la contrefaçon qui donne des moyens supplémentaires à la douane. Pour lutter efficacement, il faut mettre aussi en place un code douanier européen. La douane française en Europe est un moteur, elle est une grande force de propositions. On parle beaucoup des opérations spectaculaires de la douane, mais il y a un travail quotidien pour faciliter le commerce et endiguer la contrefaçon. Ce mal endémique coûte chaque année 6 milliards à l’économie française et 38 000 emplois. Il n’y a pas que les sacs Hermès qui sont contrefaits, cela touche toutes sortes de produits de commerce courant, comme des médicaments, des jouets, …

 

Quel intérêt pourrait trouver la France dans un partenariat transatlantique entre l’Union européenne et les Etats-Unis ?

N.B. - L’intérêt est avant tout de réunir les deux premières puissances commerciales mondiales. Nos entreprises ont à y gagner. L’enjeu est de réussir à simplifier les formalités administratives préalables à l’exportation, d’éviter les doubles certifications, de promouvoir nos intérêts offensifs notamment dans le domaine agricole, et de faire en sorte que les Etats-Unis ouvrent leurs marchés publics. Mais je ne suis pas naïve, les discussions seront rudes, notamment sur les indications géographiques que les américains ne veulent pas reconnaître. Nous avons demandé aussi que les états gardent leur droit à réguler, alors que les Américains veulent instaurer un tribunal pour régler les conflits entre investisseurs et états. Cela va être difficile, mais si on arrive à trouver un accord, cela profitera aux deux économies. 

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« Un nouveau monde se dessine et nous ne pouvons pas nous tenir à l’écart »

Publié le par michelmonsay

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Député européen de l’Outre-mer depuis janvier 2012 où il a succédé à Elie Hoarau démissionnaire, Younous Omarjee est tête de liste pour l’Alliance des Outre-mer aux prochaines élections européennes.

 

Quelles sont vos ambitions pour l’Europe ?

Younous Omarjee - La mondialisation génère des bouleversements terribles. Le dogme du marché, devenu l’alpha et l’oméga de l’UE, nourrit un désamour grandissant entre les peuples et l’Europe. Nous avons l’impression que les politiques sont démissionnaires et que plus personne ne résiste à la finance internationale et aux grands lobbys. L’Europe pourrait être cette force d’opposition aux banques et aux grands consortiums économiques pour regagner cette souveraineté perdue. Mais il faut que l’Europe change en profondeur.

 

Que proposez-vous pour une gouvernance efficace et simplifiée, et la relance économique des pays membres ?

Y.O. - Un traité simple et efficace. Le Président de la Commission européenne, c’est le Premier Ministre européen, les commissaires européens ce sont les ministres européens, appelons-les ainsi et construisons un système politique clair que chacun puisse comprendre. Pour la relance économique après l’austérité imposée, il faudra favoriser le regain de croissance et d’emploi par l’investissement, et le désendettement des États par une inflation contrôlée. Il y a aussi un problème économique allemand. La déflation interne de son économie bloque la relance des autres pays.

 

Quelle place pour l’Europe, notamment agricole, dans un monde avec 9 milliards de bouches à nourrir ?

Y.O. - Dans un monde où nous serons 9 milliards, il n’est plus uniquement question de place mais de responsabilité. La production de céréales devra doubler. Les chiffres donnent le vertige. Nous pourrons relever ce défi en nous écartant des modèles productivistes qui cherchent la concentration des marchés. Là où une demande existe, peut s’organiser un marché dynamique. L’Europe doit poursuivre le but qui a toujours été le sien, assurer son autonomie alimentaire, et promouvoir cet objectif partout dans le monde.

 

Etes-vous favorable à la poursuite de l’élargissement et pourquoi ?

Y.O. - L’Union européenne est un espace non figé, intégrateur. Les pays des Balkans sont dans un processus d’adhésion. Un jour l’élargissement devra peut-être prendre fin, tout comme d’autres formes d’intégration naitront. Nous devrons nous poser la question de nos liens avec la Russie, l’Asie, le Moyen-Orient, l’Afrique qui sont nos voisins continentaux. Nous voyons bien, avec l’Ukraine, que l’opposition des blocs entre Russie et Union Européenne pose de graves problèmes, potentiellement néfastes pour le continent. Un nouveau monde se dessine, les États-Nations sont déjà dépassés et d’autres formes nouvelles se construisent. Ce mouvement du monde est fondamentalement intéressant, nous ne pouvons pas nous tenir à l’écart, comme d’ailleurs nous ne pourrons pas le stopper. C’est le mouvement de l’Histoire.

 

                                                                                   

Eléments biographiques

Après avoir achevé ses études en sciences politiques, Younous Omarjee est désigné en 1994 chargé de mission au Conseil général de La Réunion, dont il est originaire. Quatre ans plus tard, il devient l'assistant parlementaire de Paul Vergès, d'abord au Sénat, puis en 2004, au parlement européen. Colistier sur la liste Alliance des Outre-mer lors des européennes de 2009, Younous Omarjee est nommé député européen en janvier 2012. Au Parlement européen, il représente la circonscription Outre-mer et siège au sein du groupe Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique. A 44 ans, il brigue un second mandat.

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« Tous les pays doivent pouvoir revendiquer leur souveraineté alimentaire »

Publié le par michelmonsay

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Tête de liste aux élections européennes pour Debout la République dans le Grand Ouest, Cécile Bayle de Jessé, qui est présidente de l’association Familles rurales dans la Sarthe, est également candidate à la mairie de Mamers.

 

Quels sont vos projets pour l’Europe ?

Cécile Bayle de Jessé - Il faut remettre l'Europe sur la bonne voie, celle d'une coopération entre Nations pour le développement collectif, et conditionner la libéralisation des échanges de biens, de services et de capitaux à une réelle harmonisation des législations, pour éviter la concurrence déloyale ainsi que les dumpings sociaux ou fiscaux.

 

Que proposez-vous pour une gouvernance efficace et simplifiée, et la relance économique des pays membres ?

C.B.d.J. - Il convient de redonner le pouvoir aux représentants démocratiquement élus des peuples d'Europe : en ramenant le rôle de la Commission à celui d'un secrétariat général subordonné aux décisions du conseil européen ; en associant les parlements nationaux au contrôle des instances européennes ; en limitant la cour de justice à l'arbitrage entre les états membres. Il convient également d'appliquer strictement le principe de subsidiarité, les instances européennes n'ayant compétence que pour les sujets communs.

 

Quelle place pour l’Europe, notamment agricole, dans un monde avec 9 milliards de bouches à nourrir ?

C.B.d.J. - La faim dans le monde n'est pas liée à une production insuffisante, mais à une mauvaise organisation des marchés, souvent dominés par la spéculation. Avant d'être dévoyée par les accords de l'OMC, la PAC a fourni un bon exemple de la voie à suivre puisqu'elle a permis à l'Europe, largement déficitaire dans les années 50, d'accéder à l'autosuffisance alimentaire dans la plupart des domaines. Tous les pays, notamment ceux en développement, doivent pouvoir revendiquer leur souveraineté alimentaire et protéger une production agricole nécessaire à leur population. De plus, cette protection de l'agriculture vivrière permettrait de freiner l'exode rural massif qui frappe ces pays.

 

Êtes-vous favorable à la poursuite de l’élargissement et pourquoi ?

C.B.d.J. - Tant qu'élargissement sera synonyme d'ouverture sans contrôle, qui conduit à des délocalisations, à une concurrence déloyale et à l’explosion de trafics en tout genre, on ne peut que s'opposer à la poursuite de cette démarche. De même, il convient de s'opposer à cette autre forme d'élargissement qui résulterait du traité transatlantique.

Par contre, dans l'hypothèse souhaitable de l'évolution vers une Europe des Nations  mettant en œuvre des projets communs auxquels participent les pays intéressés, la question des limites de l'Europe est moins importante. Le marché unique et la libre circulation des biens, des capitaux et des personnes ne doit concerner qu’un noyau dur de pays avec un niveau économique et social semblable. Cependant, nous avons intérêt à favoriser la stabilité et le développement des pays de l'Europe de l'Est comme ceux de la rive sud de la Méditerranée.

 

Eléments biographiques

 

Mariée et mère de 5 enfants, Cécile Bayle de Jessé qui est diplômée en sciences économiques, s’est impliquée tout au long de sa carrière dans le monde rural et agricole de la Sarthe. Outre la présidence départementale de Familles rurales, elle a été responsable du syndicat des planteurs de betteraves, fondatrice d’un cabinet de conseil dans l’agroalimentaire, conseillère régionale et municipale. A 65 ans, elle brigue deux mandats électoraux.

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« On a trop tendance à penser que le monde doit être à l’image de la France »

Publié le par michelmonsay

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Fondateur en 1991 et directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), Pascal Boniface, également enseignant à l’Université Paris 8 et passionné de sport, intervient régulièrement dans les médias et publie des ouvrages pour nous éclairer sur les enjeux stratégiques européens et mondiaux.

 

Pouvez-vous nous présenter l’Iris ?

Pascal Boniface - L’Iris est un centre de recherches qui intervient à la fois dans le débat public et en tant que conseil pour des décideurs économiques ou politiques, dans le domaine des relations internationales et de la géopolitique. Nous réalisons des études pour les gouvernements, les entreprises et les organismes internationaux. Parallèlement, nous organisons des séminaires et des colloques, publions une revue trimestrielle, proposons une formation tant professionnelle qu’initiale pour près de 300 étudiants. Nous avons un budget annuel de 2,8 millions d’euros, une trentaine de permanents répartis dans les différentes activités de l’Iris, et une quarantaine de chercheurs extérieurs qui collaborent régulièrement avec nous. Notre conseil d’administration est composé de personnalités politiques de gauche et de droite, de dirigeants économiques et de hauts fonctionnaires. L’Iris a contribué depuis plus de 20 ans à faire admettre que les questions géopolitiques ne sont pas réservées à une élite, mais qu’elles concernent tout le monde. Nos travaux servent à nourrir la réflexion qui précède la décision politique.

 

Pourquoi avoir été l’un des premiers à mettre en avant le rôle du sport dans les relations internationales ?

P.B. - Depuis plus de 15 ans, j’essaie de faire reconnaître le sport comme une réalité géopolitique, on me riait au nez à l’époque, aujourd’hui c’est reconnu. Les JO de Sotchi, la coupe du monde de football au Qatar et la nomination par Laurent Fabius d’un ambassadeur du sport en sont quelques preuves. Dans les relations internationales il y a le « hard power », le pouvoir de contrainte économique ou militaire, et le « soft power », le pouvoir d’influence, d’être attractif. Le sport est devenu un nouveau terrain d’affrontement symbolique entre les états, c’est une façon de rayonner. Tout le monde connaît Usain Bolt ou Cristiano Ronaldo alors que très peu de gens pourraient citer le nom du Premier Ministre jamaïquain ou portugais. Au moment où la mondialisation fait perdre les repères, où les identités nationales sont un peu remises en cause, le sport vient les susciter au travers de nations qui se réunissent autour de leur champion, au-delà des querelles idéologiques et culturelles.

 

Un coût exorbitant, de nombreux scandales, est-ce que les Jeux devaient avoir lieu à Sotchi ?

P.B. - Les grandes compétitions sportives internationales ne peuvent pas avoir lieu uniquement dans les pays occidentaux. Cependant, on ne peut être que partagé pour Sotchi. Il y a des dépenses somptuaires qui ont été faites, un non-respect des normes écologiques, des appropriations de terrains à la légalité douteuse, des malversations. C’est un triomphe pour Poutine, qui a réussi avec ces Jeux à mettre de nouveau la Russie au centre de la carte du monde, même s’il a dû faire quelques concessions et devra rendre des comptes à sa société civile. Cela dit, ce ne sont pas uniquement les Jeux de Poutine, les russes sont fiers d’accueillir cette grande fête du sport. On oublie trop souvent que ce peuple a été profondément humilié dans les années 1990, quand l’URSS, cette super puissance trop imposante, s’est transformée en pays trop faibles qui ont été méprisés par le monde entier. Il y a aujourd’hui une sorte de réflexe patriotique très fort chez les russes. Le boycott était impensable. Pourquoi le sport serait-il le seul domaine où l’on imposerait le boycott alors que l’on commerce avec la Russie dans tous les autres domaines, y compris intellectuel ? Maintenant, que certains chefs d’états n’aient pas voulu s’y rendre pour ne pas accorder un blanc-seing à Poutine, c’est autre chose.

 

Pourquoi vous intéresser dans votre dernier livre aux idées reçues sur l’état du monde, et comment va-t-il en 2014 ?

P.B. - On a trop tendance à penser que le monde doit être à l’image de la France. Alors que si les anglais, les japonais, les brésiliens ne pensent pas comme nous, ce n’est pas pour autant qu’ils sont idiots ou pervers mais ils n’ont pas la même histoire. Il faut toujours se mettre à la place de l’autre pour comprendre son point de vue, cela dynamiterait beaucoup d’idées reçues qui s’imposent à force d’être répétées et non pour leur bien-fondé. Sur l’état du monde, on assiste à deux changements fondamentaux : la fin de 5 siècles de monopole occidental sur la puissance, non pas à cause d’un déclin mais parce que les brésiliens, les sud-africains, les chinois progressent et n’entendent plus se laisser dicter leur conduite. Autre grande évolution, c’en est fini du monopole des gouvernements sur l’information, avec le développement des nouvelles technologies. Il y a toujours des différences entre démocratie et régime autoritaire, mais il n’y a plus de régime totalitaire, mis à part la Corée du Nord.

 

Comment peuvent évoluer les conflits ou situations délicates dans les mois à venir ?

P.B. - Le conflit syrien est le plus sanglant de ce début de siècle et l’on voit mal comment il pourrait prendre fin rapidement. Bachar el-Assad a réussi son pari de militariser une révolution pacifique pour la transformer en guerre civile et ethnique particulièrement cruelle et violente. La solution passe par le départ de Bachar el-Assad, et on ne pourra pas l’obtenir sans un changement d’attitude de la Russie et de l’Iran à son égard. Pour cela, ces deux pays doivent être sûrs que leurs intérêts seront préservés.

Il y a aussi des inquiétudes sur ce qui se passe au Sud Soudan et en Centrafrique, où cela peut dégénérer rapidement. Le grand motif d’espoir est l’Iran, où l’on a l’impression que le conflit larvé avec l’Occident qui dure depuis 34 ans est en train de prendre fin. Enfin, l’opposition entre la Chine et le Japon à propos d’ilots inhabités est apparemment contrôlée, mais si la situation dérapait entre ces deux géants asiatiques, cela aurait des conséquences mondiales.

 

Comment jugez-vous la politique internationale de François Hollande ?

P.B. - Lui qui n’était pas considéré comme un spécialiste des questions internationales, a réussi à calmer les relations avec le Mexique, la Turquie et le Japon, mais on attend encore un grand discours fondateur sur ce que doit être la France dans le monde. A son crédit, alors qu’il était accusé de procrastination, il y a l’intervention au Mali qui a eu un gros impact à l’étranger, notamment aux Etats-Unis. Pouvoir décider une intervention en 24 heures avec 3000 hommes a impressionné, d’autant qu’elle a été couronnée de succès. En ce qui concerne la Centrafrique, l’opération était nécessaire pour éviter un nouveau Rwanda, mais plus compliquée puisqu’il s’agit d’une guerre civile. Il faudrait que les autres pays européens et africains assument leur part de responsabilité.

 

Pourquoi le peuple ukrainien se bat pour intégrer l’Union Européenne, alors que les français s’en désintéressent complètement ?

P.B. - L’Ukraine a toujours été partagée entre l’option russe et l’option européenne. Alors que les russes aujourd’hui leur promettent une aide de 15 milliards de dollars, les ukrainiens préfèrent l’Europe qui pourtant n’est pas en mesure de leur apporter cette aide. Ce peuple fait preuve d’une grande maturité politique et démocratique en voyant son intérêt sur le long terme. Aller vers l’Europe signifie pour eux, la lutte contre la corruption et les oligarchies, une gouvernance différente. Il y a actuellement un rejet du régime de Ianoukovitch et de ses liens avec la Russie qui favorisent un immobilisme politique. Souhaitons la mise en place d’élections anticipées et le départ du président ukrainien pour éviter une guerre civile.

On s’aperçoit qu’il y a un désir d’Europe en dehors de l’Europe et une fatigue de l’Europe au sein de l’Union. Les français sont très facilement critiques vis-à-vis de l’Europe et on peut craindre aux élections européennes, un fort taux d’abstention et un important vote protestataire sur la politique nationale et non européenne. Les citoyens européens se détournent de plus en plus des élections alors que le Parlement européen n’a jamais eu autant de pouvoir. Même les partis politiques constituent leurs listes en recasant ceux qui ont été battu au suffrage universel. Il y a un paradoxe incompréhensible.

 

 

Repères biographiques

Docteur en droit international, à près de 58 ans Pascal Boniface enseigne les sciences-politiques spécialisées en relations internationales à l’université Paris 8, dirige l’Iris qu’il a fondé en 1991, et se déplace une semaine par mois à l’étranger. Il intervient régulièrement dans l’émission C dans l’air sur France 5 et dans d’autres médias. Il fait également partie du Conseil de l’éthique de la Fédération française de football.

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