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interviews politiques et societales

« L’avenir de l’agriculture passe par une biodiversité en bonne santé »

Publié le par Michel Monsay

« L’avenir de l’agriculture passe par une biodiversité en bonne santé »

L’ancienne coprésidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale et députée de la Somme, Barbara Pompili, est depuis trois mois Secrétaire d’Etat chargée de la biodiversité. Cette écologiste dans l’âme nous éclaire sur le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité et la future agence française pour la biodiversité.

 

Quels sont les principaux objectifs du projet de loi pour la biodiversité et ses conséquences pour l’agriculture ?

Barbara Pompili - Le projet de loi vise à protéger et valoriser nos richesses naturelles. Il conforte la complémentarité entre agriculture et biodiversité comme un principe général dans le droit. Nous mettons une fin définitive au débat de posture qui consiste à opposer préservation de la biodiversité et agriculture. L’agriculture actuelle, comme toutes les activités humaines, a des impacts sur la biodiversité : parfois en négatif, lorsque les intrants ou les rejets dégradent la qualité de l’environnement et perturbent les écosystèmes; mais parfois aussi en positif, par exemple les prairies de fauche sont souvent très riches en biodiversité. 

Le projet de loi inscrit explicitement dans son article 2 « le principe de complémentarité entre l’environnement et l’agriculture, l’aquaculture et la gestion durable des forêts ». De manière générale, le texte encourage à faire des agriculteurs des acteurs de la préservation et de la reconquête de la biodiversité. Le développement économique français et le maintien de l’attractivité de nos territoires passent par une agriculture de qualité. Et l’avenir de l’agriculture passe par une biodiversité en bonne santé.

 

Quelle place pour l’agriculture dans la future Agence française pour la biodiversité (AFB) ?

B.P. - Cette Agence sera formée d’organismes dont certains travaillent déjà de manière très étroite avec le monde agricole: l’ONEMA, l'Agence des aires marines protégées, l’Atelier technique des espaces naturels, et les Parcs nationaux de France. Leur réunion permettra d’optimiser leurs actions, de donner plus de visibilité et de lisibilité à notre politique pour la biodiversité et de développer des partenariats avec tous les acteurs dont, bien évidemment, le monde agricole. Celui-ci sera représenté au conseil d’administration de l’AFB.

 

Comment sera mise en place l’AFB et ses déclinaisons régionales ?

B.P. - Dès l’adoption de la loi, le décret de création de l’AFB sera publié, avec une mise en place opérationnelle au 1er janvier prochain. Pour ses déclinaisons régionales, le gouvernement tient à la mise en place, région par région, d’une organisation souple, sur mesure et en fonction des demandes des exécutifs régionaux, mais aussi départementaux quand ils le souhaitent, sans imposer une structure identique partout. Ce qui compte, c’est l’efficacité de l’action. Il faut reconnaître la diversité des territoires et respecter le rythme de chacun. Plusieurs régions ont déjà fait savoir leur volonté de participer à la création d’ « agences régionales de la biodiversité ». Avec elles, les travaux vont démarrer rapidement.

 

Quels outils permettront de concilier biodiversité et activités économiques ?

B.P. - Tout autant que les outils, l’esprit est essentiel : lorsqu’est précisée la séquence « éviter – réduire – compenser » les atteintes à la biodiversité, c’est la visibilité qui est accrue pour tous les porteurs de projets, qui devront intégrer la biodiversité dès la genèse de leur projet et non, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui, comme une contrainte bloquante qui survient à la fin du processus.

De même, l’inscription dans la loi du préjudice écologique, issu de la jurisprudence de l’Erika, proposition retenue suite à un amendement de la majorité sénatoriale, vise à sécuriser les acteurs économiques, qui seront mieux à mêmes d’évaluer les risques, d’éviter les atteintes à l’environnement et de se retrouver à faire face à des conséquences mettant en péril leur activité. 

L’AFB, pour ne citer qu’un outil important parmi d’autres, permettra de renforcer les synergies entre biodiversité et activités économiques. Elle soutiendra les filières de la croissance verte et bleue dans le domaine de la biodiversité, apportera son appui et son expertise aux acteurs socio-économiques et disposera non seulement des moyens affectés aujourd’hui aux 4 établissements qui la constituent, mais aussi de crédits du programme investissements d’avenir, permettant de renforcer son action vers les acteurs économiques.

 

 

Quelques repères

Petite-fille de mineur, Barbara Pompili est originaire du Pas de Calais où elle passe son enfance à Liévin. Après des études à Sciences-Po Lille, elle rejoint les Verts en 2000 où elle travaille auprès de Noël Mamère et Yves Cochet. En 2010, elle participe au congrès fondateur d’Europe écologie les verts. Elle quitte EELV en septembre 2015, puis rejoint cette année le nouveau parti « écologistes ! » créé par François de Rugy. Entre-temps en 2012, elle est élue députée de la Somme et devient coprésidente du groupe écologiste à l‘Assemblée nationale, avant d’être nommée en février 2016 Secrétaire d’Etat chargée de la biodiversité.

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« La flexibilité dans le marché du travail est absolument indispensable »

Publié le par Michel Monsay

« La flexibilité dans le marché du travail est absolument indispensable »

Il est un des économistes les plus en vue, à la fois dans les médias, lors de conférences en France et à l’étranger, avec sa société de conseil, ses livres et son cercle de réflexion économique européen. Nicolas Bouzou, progressiste libéral modéré, apporte sur notre société une analyse pertinente qui fusionne économie et philosophie.

 

Quel est votre sentiment sur le projet de loi El Khomry et le débat qu’il suscite ?

Nicolas Bouzou - Le projet réécrit est décevant par rapport au projet original, mais il conserve des aspects positifs comme la possibilité plus importante de signer des accords en entreprise. C’est une très bonne réforme sur le fond, même si on peut lui trouver des défauts, notamment le déséquilibre en faveur de la flexibilité au détriment des aspects de formation professionnelle. En même temps cette flexibilité est absolument indispensable. Toutes les études montrent que la rigidité du marché du travail en France est un énorme problème, elle est un des facteurs responsables du chômage élevé. Je suis sidéré que les français ne soutiennent pas cette loi El Khomry. Cela traduit une vraie schizophrénie où d’un côté ils réclament une baisse du chômage, et de l’autre ne soutiennent pas les réformes qui pourraient permettre une diminution du nombre de chômeurs. Nous payons la très mauvaise qualité de la campagne électorale de 2012, où le droit du travail, qui est un sujet majeur, aurait dû être exposé et tranché à ce moment-là. Aujourd’hui le gouvernement n’a aucun soutien fort, que ce soit parlementaire, syndical ou de l’opinion publique, et il n’a pas la légitimité de faire cette réforme puisqu’elle n’était pas dans le programme de François Hollande. Heureusement la CFDT semble soutenir la version réécrite.

 

Pourquoi cette loi est si importante et comment expliquez-vous le manque de pédagogie de l’exécutif ?

N.B. - Nous avons un déferlement de nouvelles technologies avec des changements extrêmement lourds dans nos sociétés auxquels nous n’échapperons pas, ceux qui s’opposent à cette loi et refusent un peu de flexibilité sur le marché du travail n’ont rien compris à la situation. Ce refus est un combat d’arrière-garde qui traduit un échec collectif, où les médias, intellectuels, économistes et politiques n’ont pas su faire comprendre en amont le bien-fondé de cette loi. Si la France veut bénéficier de cette mutation économique et cette mutation du travail, impliquée notamment par l’intelligence artificielle, elle doit être beaucoup plus flexible.

L’erreur de François Hollande a été de vouloir faire une réforme aussi importante en fin de mandat. Le manque de pédagogie qu’on lui reproche depuis quatre ans existait déjà avant lui. La classe politique n’a aucune réflexion autour de la notion de projet. La moindre des choses lorsque vous souhaitez emmener les gens avec vous est de leur proposer un projet, au sein duquel l’économie n’est qu’un moyen. La baisse du chômage n’est pas une fin en soi mais un instrument, la fin est : quel type de société voulons-nous ? Pour ma part, je veux une société moderne dans laquelle les entreprises françaises et les citoyens réussissent à s’accaparer les nouvelles technologies, pour construire ce pays que l’on aime avec ses valeurs d’égalité et de morale. N’oublions pas cependant que la France est depuis très longtemps fâchée avec l’économie, De Gaulle pour ne citer que lui disait « L’intendance suivra ». Contrairement aux anglo-saxons où l’entreprenariat et l’économie sont la moelle épinière de ces pays, nous n’avons pas cette compréhension de l’économie, notre nation s’est construite contre les corporatismes et l’économie.

 

Faut-il être inquiet à l’approche des élections américaines et quelles sont les raisons de la montée des nationalismes américains et européens ?

N.B. - Les Etats-Unis étant toujours la première économie mondiale, la stratégie économique protectionniste et isolationniste de Donald Trump pourrait avoir des retentissements sur nos entreprises, de la même manière que les sanctions russes. Autre sujet d’inquiétude, comme l’expliquait Tocqueville en son temps, on peut considérer que la politique américaine est un indicateur avancé de la politique dans d’autres pays. Ce mouvement de fermeture intellectuelle des Etats-Unis se produit aussi en Pologne, en Hongrie voire en France, où les nationalismes se nourrissent de l’absence de discours alternatif ainsi que de la peur de l’innovation et de la mondialisation. Trump remplit le vide laissé par le parti républicain, et je crains qu’en France nous ayons le même problème avec l’absence de projet de la droite modérée qui laisse un espace colossal au FN. Le Pen tout comme Trump apportent une réponse, qui à mon sens est la mauvaise, aux perdants de la destruction créatrice et de la mondialisation où il est question de revenir au monde d’avant. Le FN veut revenir à avant la mondialisation, avant l’Europe, avant l’immigration, avec cette idée fantasmée d’un retour au passé. Cette montée du nationalisme existe même en Suisse où il n’y a pas de chômage, mais en revanche pas dans les pays où les gouvernements et les intellectuels tiennent un discours de progrès pour expliquer cette mutation et la manière d’y entrer, comme David Cameron au Royaume Uni, Justin Trudeau au Canada ou Matteo Renzi en Italie.

 

Doit-on diminuer les missions de l’Etat et par conséquent le nombre de fonctionnaires ?

N.B. - Il y a trop de charges et trop d’impôts dans notre pays. Au-delà de la question politique il s’agit d’efficacité économique, nous payons toujours le choc fiscal de 2012 avec des traces sur la croissance et sur l’emploi. Il faut donc un contre-choc avec une forte réduction des dépenses publiques. La stratégie consistant à faire des coupes dans les budgets a déjà été essayée, et il suffit d’entrer dans un commissariat, un palais de justice ou une école pour voir que l’on ne peut pas aller plus loin. Nous devons avoir un débat national sur les missions d’un état moderne, sur ce qu’il doit continuer à faire et ce qu’il doit transférer au secteur privé. Pour cela il faut revoir le statut de la fonction publique dans les fonctions non régaliennes pour faire passer des effectifs du public vers le privé. Je reviens à la notion de projet, il faut arriver à faire comprendre que ce sera aussi à l’avantage des fonctionnaires, souvent sous-payés, qui en passant dans le privé pourraient bénéficier véritablement d’un ascenseur social avec des perspectives de carrière. Parallèlement, il faut absolument augmenter les fonctionnaires mais pour y arriver ils doivent être moins nombreux, ce qui nécessite d’arrêter certaines missions. Ce n’est pas à l’Etat par exemple de faire la cuisine dans les lycées. Pour mettre en place ce type de réforme, la seule solution est qu’un candidat la présente au moment de la campagne présidentielle, et après les français votent pour ou contre.

 

Le débat public avec des arguments sérieux est-il encore possible dans notre pays ?

N.B. - Le problème du débat public en France est que la passion l’a emporté sur la raison, qui paraît plus austère et moins facile à faire passer. Il y a une fatigue démocratique, une espèce de lassitude qui permet aux passions, aux extrémistes, aux vendeurs de peurs, d’avoir un poids plus important que nous, les rationalistes. Les corps intermédiaires doivent proposer des projets détaillés pour recréer des lieux de débat en invitant des politiques, des professionnels et des représentants de consommateurs, d’où ressortiraient des propositions, comme dans les pays scandinaves. Cela permettrait que le débat ne soit pas personnalisé et passionnel, comme il l’est actuellement entre le Président de la République et l’opinion publique, avec l’élection présidentielle en point d’orgue et la déception qui s’en suit. Les collectivités locales doivent avoir beaucoup plus de compétences. Avec ces grandes régions, l’Etat doit opérer une vraie décentralisation, par exemple pour la formation professionnelle il doit déléguer complètement et non en partie. Par ailleurs, il faut obliger les salariés à voter dans les entreprises lors des élections professionnelles pour avoir une meilleure représentation syndicale. Aujourd’hui, il y a seulement 6% de votants, souvent les plus extrémistes.

 

                                                                                 

Quelques repères

Après un master de finance à Sciences-Po, Nicolas Bouzou a été analyste en chef de l’institut de prévisions Xerfi durant 6 ans. Il fonde en 2006, Asterès, sa société de conseil qui travaille auprès des entreprises, fédérations professionnelles et gouvernements. Parallèlement, il enseigne à l’école de droit et de management de l’université Paris-Assas. Il a été éditorialiste économique sur Canal + et I>Télé. Aujourd’hui à 40 ans, il écrit pour le Figaro, les Echos et le Point et on le sollicite régulièrement pour avoir son analyse à la radio et la télé. Il est aussi investi dans deux cercles de réflexion économique, l’un français (Turgot) et l’autre européen (Bélem).

 

A lire : Le grand refoulement – Nicolas Bouzou – Editions Plon.

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« Internet c’est l’audience et la presse papier c’est l’influence »

Publié le par Michel Monsay

« Internet c’est l’audience et la presse papier c’est l’influence »

Après avoir été patron de la rédaction des Echos et du Figaro, mais aussi du pôle médias de LVMH, Nicolas Beytout a fondé en 2013 l’Opinion, site Internet et quotidien papier de tendance libérale. A 59 ans, cet analyste politique habitué des médias audiovisuels est également éditorialiste sur France Inter.

 

Comment voyez-vous l’avenir de la presse et que pensez-vous des méthodes des repreneurs de titres en difficulté ?

Nicolas Beytout - La presse est en train de vivre une grande transformation, elle est à la recherche d’un modèle dont on ne connaît pas aujourd’hui les contours. La raison principale, c’est évidemment Internet, ce média capable de remplacer la totalité des autres supports, presse écrite, radio et télévision, et qui en plus fracasse les manières de fabriquer ces supports. Tous les médias traditionnels ont bien sûr développé un site web. A notre modeste échelle à l’Opinion, nous testons un modèle inverse, construit à partir d’Internet avec une extension papier quotidienne. Nous nous sommes lancés en mai 2013 en tenant compte d’un constat indiscutable : Internet c’est l’audience et la presse papier c’est l’influence. Les politiques et les chefs d’entreprise mais aussi un public encore assez nombreux continuent de lire la presse écrite quotidienne. Elle sélectionne l’information et la hiérarchise en mettant en avant les sujets les plus importants, au contraire du flux permanent d’infos en continu d’un site Internet.

On ne peut pas demander à quelqu’un qui reprend des titres de presse en difficultés d’être un mécène qui se contenterait de dépenser de l’argent au nom de la diversité d’opinions ou du maintien d’une ligne éditoriale. Le propriétaire d’un journal peut avoir son mot à dire sur le contenu, mais il doit composer avec l’indépendance des rédactions. Elle est garantie par une disposition, exceptionnelle dans le droit du travail : la clause de conscience (ou la clause de cession) qui permet au journaliste de partir avec toutes ses indemnités et avec le droit au chômage.

 

Le développement du média Internet et des chaînes d’infos ne nuit-il pas à la pertinence et au rôle des journalistes ?

N.B. - Je suis très favorable à la concurrence, même si la course à l’audience et à la réactivité donne parfois d’assez mauvaises surprises. Mais il y a toujours place pour d’autres médias et développer en profondeur les sujets. À l’Opinion, avec une ligne éditoriale basée sur le créneau libéral (qui est totalement délaissé en France alors que le libéralisme est une valeur de plus en plus partagée même à gauche), nous privilégions l’analyse et les informations à forte valeur ajoutée. Pour autant le scoop est un carburant très important pour une rédaction : c’est à la fois une performance journalistique (trouver une info que les autres n’ont pas réussi à avoir), et une manière de capter le lecteur ou l’internaute

Les journalistes fonctionnent un peu comme des éponges qui absorbent l’air du temps et le restituent, en lui donnant du sens. Ils ont incontestablement un impact sur l’évolution des opinions publiques, qu’ils peuvent orienter dans un sens ou un autre. Mais je ne crois pas que ce soit une action coordonnée.

La neutralité et l’objectivité de la presse n’ont jamais existé, et je trouve la presse aujourd’hui plus respectueuse des faits et des personnalités. Dans l’entre deux guerres ou au début de la Ve République elle était d’une violence, d’une agressivité, d’une obstination qui n’a rien à voir avec la presse actuelle.

 

Quelle est la part de responsabilité de la presse et des politiques dans les scores du FN et que doivent-ils faire pour inverser la tendance ?

N.B. - Je ne sais pas vraiment répondre à cette question : le FN est un sujet très présent dans les médias parce qu’il représente entre 28 et 30% des votes aux dernières élections, et parce que les sujets qui lui sont consacré sont très lus et consultés (on le mesure précisément avec Internet). A l’Opinion, tout en étant hostile au FN, on se rend compte que les sujets concernant ce parti sont parmi les plus consommés sur le site, même lorsqu’on met en lumière des incohérences de leur programme économique ou leur comportement. Alors, en parler ou pas ? C’est un peu la même chose que répondre à la question de la proportionnelle : malgré son poids dans la vie politique, le FN n’a que deux députés. Est-ce que leur donner l’accès à l’Assemblée Nationale au travers de la proportionnelle comme on leur a donné accès aux médias, ce serait seulement reconnaître qu’ils existent ou est-ce que ça les ferait exister davantage ?

En critiquant la classe politique républicaine, la presse n’est que le reflet de l’opinion publique qui reproche à la droite et la gauche le manque de résultats. Nous sommes dans un pays qui limoge systématiquement ses majorités à chaque élection générale depuis 1978. La France est dans une mauvaise situation et la responsabilité des politiques est importante, ce n’est donc pas complètement invraisemblable de la part d’une partie de la population de penser que la droite et la gauche sont peuplés de gens inefficaces.

Cependant, la classe politique républicaine a compris que le manque désastreux de résultats n’est plus acceptable et conduit à ce que les populistes s’approchent du pouvoir, en promettant simplement l’inverse de ce qui a été fait. En 2017, celui qui gagnera aura l’immense responsabilité de réussir, sans quoi Marine Le Pen sera élue à l’élection suivante.

 

Quel regard portez-vous sur la souffrance du monde agricole ?

N.B. - Le monde agricole a été promené par les différents gouvernements qui l’ont bercé d’illusions en lui disant : « Vous n’êtes pas obligés de vous adapter aussi vite que vous le pensez, on vous défendra toujours à Bruxelles, la France est le premier pays agricole et rien ne pourra se faire sans nous ». Si l’on regarde les chiffres des dix dernières années, on se rend compte de la profonde perte de compétitivité des exploitations françaises au profit de nos concurrents, à l’intérieur même de l’Europe. Aujourd’hui le monde agricole souffre beaucoup et je ne veux surtout pas donner de leçon, mais probablement les agriculteurs ont eu tort de croire ce qu’on leur disait. Les consommateurs veulent et voudront toujours payer moins cher pour avoir un meilleur produit. Si produire moins cher et de meilleure qualité est impossible à cause des charges sociales, des normes environnementales, des difficultés à investir ou avoir accès au crédit, de la pression de concurrents qui n’ont pas les mêmes conditions de production, alors c’est la responsabilité des gouvernements et du système économique agricole de savoir s’adapter à ses contraintes.

 

La réforme du code du travail pourrait-elle contribuer à l’inversion de la courbe du chômage ?

N.B. - Depuis trois ans tous les pays qui nous entourent ont recréé de l’emploi alors que nous continuons à en détruire. On ne peut pas déclencher de l’embauche si le fait d’avoir embauché lie les mains du patron qui crée de l’emploi. Cela fait plus de vingt ans que la France a une préférence pour le chômage. Entre un salaire minimum et un chômeur, le système français privilégie le chômeur, c’est cela qu’il faut arbitrer maintenant. Cet arbitrage doit passer entre autre par le fait qu’une personne embauchée dans une entreprise peut malheureusement perdre son emploi si l’entreprise va moins bien qu’elle n’allait au moment de l’embauche. Une réforme du code du travail qui donne cette sécurité à l’employeur dans le cas où les comptes de l’entreprise se dégradent, pourrait libérer pas mal de choses.

 

Comment expliquer l’absence de réaction des Etats-Unis et de l’Europe sur les agissements de Poutine en Syrie ?

N.B. - Obama restera un mauvais président des Etats-Unis. Sa seule vraie réforme est celle de la santé, mais il a dégradé le poids de son pays dans le monde. Notamment en Syrie, où son attitude et son manque de réaction, a ouvert un boulevard à la Russie et au régime syrien. Poutine, qui est un être cynique et un manipulateur de grand talent, en profite pour établir ses zones de conquête et favoriser ses alliés. Quant à l’Europe, sans les Etats-Unis elle ne peut rien faire.

 

                                                                                 

Quelques repères

Diplômé de Sciences-Po, il démarre une carrière de journaliste dans différents titres économiques jusqu’à intégrer Les Echos en 1981 où il reste près de 25 ans. Il y devient directeur de la rédaction puis PDG avec entre-temps un passage de 3 ans au Figaro à la tête des rédactions du groupe. On le voit régulièrement dans des émissions politiques sur TF1, la Cinq, BFM-TV, RTL, Europe 1. Aujourd’hui il intervient le samedi matin sur France Inter. Depuis 2013, il dirige l’Opinion, un nouveau type de média politique et économique, incluant Internet avec des vidéos maisons produites chaque jour et un quotidien papier.

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« Seuls 43% des Français se déclarent heureux ou très heureux »

Publié le par Michel Monsay

« Seuls 43% des Français se déclarent heureux ou très heureux »

L’ancien Ministre de l’Education nationale du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, Luc Ferry, a toujours été adepte d’un franc-parler assez rare en politique. A 65 ans, le philosophe, entre conférences et interventions récurrentes dans les médias, continue d’analyser l’actualité sans langue de bois et de provoquer le débat en dénonçant ce qui lui paraît scandaleux.

 

Quelles sont selon vous les solutions concrètes pour faire baisser le chômage de manière significative ?

Luc Ferry - On a tout essayé, sauf ce qui marche. Allez voir sur le net les statistiques du chômage sur Eurostat et vous serez édifiés. Presque tous les pays ont réussi à « inverser la courbe », et ce pour une raison simple : il suffirait d’aborder enfin rationnellement le problème du marché du travail pour régler la question, comme l’ont fait la Suisse, l’Allemagne, la Hollande ou l’Autriche. Les solutions sont aussi simples que bien connues : une indemnisation du chômage fortement dégressive qui incite au retour à l’activité ; une nouvelle législation pour le travail indépendant, qui va se substituer peu à peu, au moins partiellement, au salariat ; une refonte des contrats de travail ; une flexibilité qui facilite l’embauche ; une réduction drastique du nombre de branches, mais aussi de l’emploi public ; la fin des 35 h, certains secteurs ayant besoin de 32 h, d’autres de 43 h ; et enfin, voire surtout car c’est le plus important, une formation professionnelle performante orientée pour l’essentiel en direction des chômeurs. Le grand scandale, c’est que sur les 32 milliards de la formation professionnelle, à peine 5 vont vers les chômeurs. L’Etat doit avoir le courage de se réapproprier cette manne pour la gérer enfin rationnellement. Je reconnais que ces mesures sont difficiles à faire passer, pénibles à certains égards, mais si on préfère le chômage, il faut le dire...

 

Pourquoi la France est-elle championne de la dépression alors que nous vivons dans un pays qui a tant d’atouts ?

L.F. - Selon une récente enquête publiée sur le site du « Point », les chiffres sont accablants. Seuls 43% des Français se déclarent heureux ou très heureux, contre une moyenne de 70% sur l’ensemble des 65 pays étudiés. Au total, la France se classe au 55ème rang, juste devant des Etats dont les situations sont incomparablement plus défavorables que la nôtre. Question toute simple : pourquoi un tel taux de pessimisme ? De nombreuses études ont avancé des hypothèses, mais la mienne est la suivante : notre société est obsédée par son rapport au temps, à l’histoire, comme en témoigne entre autres sa manie obsessionnelle des commémorations et des musées. Elle est habitée tout à la fois par le sentiment aigu de sa grandeur passée, comme par la conviction que son avenir ne peut être que diminué, amoindri.

 

Quelle est votre position sur la réforme de la déchéance de nationalité et comprenez-vous le débat qu’elle suscite ?

L.F. - Franchement, ce débat est sidérant ! Imaginez-vous une seconde que des types qui se font exploser pour tuer un maximum de gens autour d’eux ou qui ne se cachent même pas le visage pour tirer dans une foule soient stoppés par la perspective de la déchéance de nationalité ? Défendre cette mesure mordicus et, pire encore, vouloir la faire entrer de force dans la constitution est aussi ridicule que la critiquer avec une sainte indignation. Désolé, mais c’est pour moi, un non sujet.

 

Comment analysez-vous la montée du Front National dans la société française ?

L.F. - Le vrai ressort du FN, c’est l’impuissance publique. Tout à leurs obsessions tacticiennes, les partis traditionnels n’ont toujours pas eu le courage de dresser le bilan, il est vrai calamiteux, de leur impuissance face à l’insécurité, au chômage comme au sentiment de déréliction qui s’empare d’une frange croissante de nos concitoyens. Bien plus, ils continuent avec une obstination confondante, à ne rien comprendre aux motivations réelles qui animent les électeurs du Front national. Faute de saisir les causes véritables de la lame de fond qui porte le FN aujourd’hui à l’orée du pouvoir, ils sont incapables de lui répondre sérieusement. Inlassablement, ils évoquent la « peur », « l’inquiétude », voire « l’angoisse » de ceux qui votent pour les Le Pen sans percevoir qu’il s’agit de tout autre chose : d’une colère noire, pour ne pas dire d’une haine bouillonnante envers une classe de gouvernement  qui s’est montrée incapable de résoudre la question de l’emploi, alors qu’une réforme du marché du travail était à la fois urgente et possible, comme d’enrayer la montée de l’islamisme dans les banlieues. Où est passé le désormais célèbre « Kärcher » qui devait nettoyer les quartiers ? Qu’en est-il de la promesse solennelle d’inverser la courbe du chômage ? On n’a rien vu, rien de rien. Voilà ce que pensent, disent et même hurlent haut et clair les électeurs du FN. Il est temps de les entendre sur ces chapitres, même si les réponses proposées par le FN sont absurdes.

 

L’apparition de kamikazes sur le sol français complique forcément la capacité d’empêcher des attentats, est-on condamné à vivre en état d’urgence permanent ?

L.F. - Nous allons devoir entrer dans une société à l’israélienne, un monde où il nous faudra accepter très démocratiquement de rogner un peu de nos libertés au profit  d’un peu plus de sécurité. Cela fera hurler la gauche bien pensante, mais c’est inévitable, et quand un nouvel attentat aura lieu, ce qui arrivera quasi inévitablement, chacun comprendra qu’il faut bien s’y résoudre. C’est  pénible à dire, mais c’est  la vérité.

 

Que doivent faire les musulmans de France pour combattre l’islamophobie qui s’est amplifié après les différents attentats de 2015 ?

L.F. - Le problème est d’abord dans les têtes, et cela pose une question cruciale : ceux qui se revendiquent de l’Islam doivent-ils tout spécialement se désolidariser de Daech ? Est-ce à eux plus qu’aux autres de manifester contre la barbarie qui se réclame de leur religion ? Il y a quelques semaines de cela, le Conseil français du culte musulman a heureusement répondu par l’affirmative en invitant les 2500 mosquées de France à consacrer leurs prêches aux attentats. Il faut aller plus loin. Si des centaines de milliers de musulmans défilaient dans tout le pays contre les déviations fanatiques, en criant « not in my name ! » (pas en mon nom) comme certains musulmans l’ont fait aux Etats-Unis, la France entière serait derrière eux. A la fois soulagée et fière de ses compatriotes, elle applaudirait des deux mains. Le plus  inquiétant, aujourd’hui, c’est que cette conviction de bon sens ne soit pas partagée.

 

Que faut-il changer à l’école puis au collège pour minimiser l’échec scolaire et quel est votre sentiment sur la réforme des collèges ?

L.F. - L’actuelle réforme des collèges est réellement une catastrophe. Elle consiste, avec une espèce de rage folle, à casser tout ce qui marche, les classes internationales, les options latin et grec ou encore les bourses au mérite, au nom d’un égalitarisme particulièrement borné. Je suis désolé de le dire, mais c’est la réalité. Si on veut améliorer les choses, il faut commencer par l’école primaire. 35% de nos jeunes arrivent au collège en difficulté de lecture, c’est le problème numéro Un. C’est là qu’il faut mettre le paquet comme je l’avais fait en dédoublant les classes de cours préparatoire partout où c’est nécessaire, car 80% des enfants qui n’apprennent pas à lire au CP n’apprennent jamais à lire. Hélas, cette mesure qui donnait des résultats formidables a été supprimée quinze jours après mon départ...

 

                                                                                  

Quelques repères

Agrégé de philosophie et de sciences politiques, docteur d’Etat en sciences politiques, ancien ministre de la Jeunesse, de l’Education nationale et de la Recherche de 2002 à 2004, Luc Ferry est l’auteur de nombreux ouvrages traduits dans plus de 30 pays. Il est aujourd’hui chroniqueur au Figaro et à Radio Classique, mais aussi Président d'honneur du comité scientifique sur le numérique et le big data de l'Ecole Polytechnique d'Assurance. Parmi les conférences qu’il donne régulièrement, il y a les jeudis philo de Luc Ferry au théâtre des Mathurins où il propose à partir des grands auteurs, des instruments nécessaires à la compréhension de notre époque.

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« L’Occident n’a pas d’antiterrorisme au sens strict »

Publié le par Michel Monsay

« L’Occident n’a pas d’antiterrorisme au sens strict »

Eminent spécialiste en criminologie, domaine dont il est professeur au CNAM de Paris, à New-York et à Pékin, Alain Bauer a été consulté par tous les ministres de l’Intérieur depuis les années 1980 jusqu’à aujourd’hui, après avoir été conseiller du Premier Ministre Michel Rocard. Il intervient dans de nombreux pays comme conseil de gouvernement, de services de police ou de renseignement, et a écrit une cinquantaine d’ouvrages sur les questions de sécurité et de terrorisme.

 

Les attentats de Paris vont-ils changer la donne en matière de contrôle aux frontières ?

Alain Bauer - Dès le lendemain des attentats, le Président de la République a annoncé que les frontières seraient mieux contrôlées, ce qui était déjà prévu dans le cadre de la COP 21, mais il est impossible de totalement les fermer. Pour mémoire, la France occupée par les nazis réussissait quand même à avoir des interstices pour laisser passer armes et résistants. L’Europe avec la chute du Mur de Berlin, en 1989, pensait que le monde n’était plus composé que de Bisounours. Nous avons alors supprimé nos frontières intérieures et sous-traiter nos frontières extérieures à des pays qui n’en avaient pas les moyens. La libre-circulation est un confort pour temps de paix, aujourd’hui il faut savoir ce que l’on veut et être cohérent. Soit contrôler les frontières en aidant massivement les pays de première ligne, soit les fermer, soit réduire Schengen aux Etats capables de tenir leurs frontières, soit continuer la libre-circulation et accepter que des terroristes en profitent aussi.

 

Que sait-on exactement de l’Etat islamique et peut-on en venir à bout ?

A.B. - L’Etat islamique (EI) est une structure entièrement construite autour des anciens de l’armée de Saddam Hussein, une sorte de sainte alliance des sunnites qui se bat d’un côté contre les chiites majoritaires en Irak et de l’autre contre les kurdes. Leur objectif initial était de faire payer aux américains le retour de l’Iran chiite sur la scène internationale. L’EI a eu dès le départ le soutien des monarchies sunnites du Golfe et l’alliance des tribus locales irakiennes. En prenant Mossoul en juin 2014, ils ont récupéré beaucoup d’armes, d’argent et se sont autonomisés avec la ressource régulière du pétrole et tous les trafics possibles. Il s’agit bien aujourd’hui d’un Etat avec un territoire à cheval sur la Syrie et l’Irak, une organisation, des ministères, une monnaie qui est le dinar en or, un système de communication et une armée mercenaire d’environ 50 000 soldats. Mais la guerre n’est pas un jeu vidéo où des avions à des milliers de km de la France envoient des bombes sans que personne ne réponde, elle n’est pas à sens unique. Une fois que l’on a décidé, malgré les mises en garde de l’EI, qu’on doit intervenir sur le terrain Irakien, puis Syrien, pour abattre l’Etat islamique, il faudra des moyens considérables, aider les kurdes, l’armée irakienne au sol, et retourner les tribus locales. Sans parler du problème des alaouites du Président Assad.

 

Quelle est votre analyse à propos du terrorisme perpétré en France cette année ?

A.B. - L’assassinat d’Hervé Gourdel en septembre 2014 en Algérie a été le premier avertissement de l’EI à la France à ne pas venir s’occuper de leurs affaires sans quoi nous le paierions très cher. L’EI lance des appels réguliers pour recruter des futurs combattants à venir sur leur territoire défendre le califat, tout en précisant : Si on vous en empêche, si vous n’y arrivez pas, alors attaquez les occidentaux chez eux. Le terrorisme a beaucoup évolué, nous sommes passés d’un terrorisme singulier, centralisé et étatique jusqu’en 1989 à des terrorismes de plusieurs niveaux : des terrorismes d’état ou régionalistes qui ont à peu près disparus, des terrorismes hybrides avec des « gangsterroristes », mi-criminels mi-terroristes, ils sont souvent sont très autonomes et n’hésitent à prendre des initiatives, avec comme prototype initial Khaled Kelkal en 1995, puis Merah, Kouachi, Coulibaly et beaucoup de ceux du 13 novembre. Le mode opératoire de ces terroristes est artisanal, souvent désordonné et extrêmement déterminé. Egalement des terroristes de proximité, « lumpenterroristes » au sens marxiste du terme, spontanés et peu prévisibles. Et même des terroristes honteux, incapables d’assumer leurs actes.

Les groupes terroristes d’aujourd’hui sont souvent des nébuleuses sans sommet. C’est une erreur d’analyse de penser qu’en supprimant le sommet, on atteint les organes vitaux. Malgré la mort de Ben Laden, ce qu’il reste de ce qu’on appelle improprement Al-Qaïda continue imperturbablement à lancer des opérations comme celle de Bamako le 20 novembre. Ce cycle terroriste que nous vivons, comme tous les autres qui l’ont précédé, prendra fin par une réponse politique au plan international. Il faut regarder ces événements en perspective dans un temps qui est naturellement long. Arrêtons d’être amnésique, nous vivons dans un univers marqué par l’immédiateté avec un cerveau qui fonctionne en mode Twitter, mais ce n’est pas le vrai monde.

 

Que faut-il changer dans le renseignement français ?

A.B. - Nous mettons trop d’individus dans les fichiers par précaution et sans hiérarchisation de dangerosité, alors que nous n’avons pas les moyens de surveiller tout le monde. Il faut changer la culture du renseignement intérieur. La France comme le reste de l’Occident, n’a pas de renseignement antiterroriste au sens strict, elle a du contre-espionnage et de la lutte contre le crime organisé. Dans ces deux métiers, le temps est votre allié pour remonter la filière, et le secret est une obligation pour ne pas affoler la cible et protéger vos sources. Dans l’antiterrorisme le temps est votre ennemi et il faut tout partager. Comme ce sont les mêmes services qui font tout, ils deviennent schizophrènes. Il faut donc des analystes pour mieux appréhender les problématiques de l’antiterrorisme. Le renseignement extérieur l’a bien compris, alors que l’intérieur commence tout doucement à le faire sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy et Manuel Valls. Ce problème du renseignement français s’est concrétisé lors des attentats du 13 novembre avec un désastre au niveau de la prévention, et un extraordinaire succès à Saint-Denis avec des indicateurs, du terrain, de la coordination internationale et de l’échange d’informations.

 

Quelles sont les racines de cette radicalisation de jeunes français et que faut-il faire pour éradiquer le problème ?

A.B. - Ces français qui dérivent vers le djihadisme sont à la recherche d’un idéal, ils ont un problème d’identité entre deux cultures, ou pas de culture du tout, et une absence de reconnaissance. Pour devenir un héros, avant il fallait travailler, gagner de l’argent, être un chercheur, maintenant il suffit de passer à la télé. Ces jeunes qui veulent exister, utilisent l’élément majeur du terrorisme : la communication. Regardez Abaaoud, un terroriste sanglant qui avait sa page Facebook, et se montrait sur Youtube en paradant avec des cadavres attachés qu’il trainait à l’arrière de sa voiture. Il faut rétablir des règles avec des sanctions intégratrices et non éliminatrices à la fois dans l’Education nationale et dans la magistrature. Le laxisme généralisé dans la réponse à la délinquance amène des individus à se dire que tout est permis. Vous noterez qu’il y a eu de nombreuses perquisitions, dont beaucoup dans les espaces annoncés comme sensibles et aucune réaction d’hostilité, comme si enfin l’Etat faisait ce qu’on lui demande. C’est la démonstration que lorsque l’Etat revient, il est respecté, jusqu’à présent c’était une certaine lâcheté qui était le problème. Mais il faudra équilibrer le sécuritaire et le social, l’éducatif et le répressif à terme.

Tous ceux qui expliquent que la laïcité est une neutralité devraient relire la loi de 1905. L’Etat doit comprendre qu’il ne s’agit pas de séparation entre l’église et lui-même mais de libre exercice du culte sous le strict contrôle de l’Etat du point de vue de l’ordre public. Tout ce qui a été toléré par une République molle ne doit plus l’être, il y a des limites d’ordre public. Il faut réapprendre ce qu’a été la construction de la Nation dans toute sa diversité, et retrouver une colonne vertébrale à la République.

 

                                                                                  

Quelques repères

En plus d’être professeur de criminologie, Alain Bauer a été conseiller entre autre de la police de New-York après les attentats du 11 septembre, où il a contribué à créer un service de renseignement spécialisé dans l’antiterrorisme, qui est aujourd’hui encore unique en son genre. Il a également présidé des organismes publics de recherche stratégique, de réforme de la sécurité publique. Écrits en français, en anglais, en chinois et en italien, ses ouvrages font référence en la matière. A 53 ans, il est le seul professeur de criminologie en France.

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Nicolas Hulot, Envoyé spécial du Président de la République pour la protection de la planète

Publié le par Michel Monsay

Nicolas Hulot, Envoyé spécial du Président de la République pour la protection de la planète

 

« Sortez de votre indifférence, ne regardez pas le monde se défaire derrière vos ordinateurs »

 

Devenu écologiste au fil des expériences et des rencontres que son métier de journaliste globe-trotter lui a procurées avec son émission Ushuaia, Nicolas Hulot alerte depuis 25 ans avec sa Fondation sur l’urgence d’agir pour éviter une catastrophe écologique. A quelques jours de la COP 21, il en remet une couche pour que ce rendez-vous essentiel soit une réussite.

 

Pourquoi lancez-vous un appel citoyen à quelques jours de la COP 21 ?

Nicolas Hulot – Sans une très forte mobilisation citoyenne en France, pays hôte de la conférence, mais aussi dans le monde entier, je crains que les politiques ne soient pas à la hauteur. La responsabilité exclusive du succès de la COP 21 appartient aux chefs d’état. Voilà pourquoi nous lançons un appel avec la Fondation pour la nature et l’homme afin de demander aux citoyens d’adresser par le biais des réseaux sociaux et en signant l’appel, un message direct, radical, exigeant, aux chefs d’état pour leur dire : osez, écrivez l’Histoire à Paris et transformez vos verbes en actions pour ne pas laisser passer cette petite fenêtre qui nous permet encore d’agir. Cet appel a pour destinataire principalement les chefs d’états des 15 pays qui représentent 70% des émissions de gaz à effet de serre, ou ont les capacités économiques pour se doter des instruments permettant de mettre en œuvre les objectifs, qui seront je l’espère actés à Paris. Il s’agit d’un appel à la transparence, à la vérité, à la précision, à la cohérence. Dans le petit manifeste que j’ai écris avec la Fondation, nous avons listé une feuille de route qui fait consensus pour tous ceux, notamment les économistes, qui se sont penchés sur les nécessités et les impératifs de basculer vers une économie bas-carbone, et sécuriser les promesses d’aides que nous avons vis-à-vis des pays les plus vulnérables, leur permettant de s’adapter au changement climatique qu’ils subissent d’ores et déjà.

 

Quels sont les enjeux de la crise climatique que nous traversons ?

N.H. - La crise climatique peut être une formidable occasion de penser le monde comme un immense espace de solidarité et elle nous y contraint, ou bien de nous entêter dans un modèle qui n’est plus la solution mais le problème et s’enfoncer dans la résignation. Aucun citoyen, où qu’il soit et quelles que soient ses difficultés quotidiennes, ne peut rester à l’écart de ce rendez-vous que l’Humanité a avec elle-même. Pourtant un sondage récent montre que seulement 13% des moins de 30 ans ont conscience de l’importance des enjeux. Je dis à ces jeunes : sortez de votre indifférence, ne regardez pas le monde se défaire derrière vos ordinateurs.  Au-delà des barrières culturelles, économiques, sociales, politiques que nous entretenons avec une gourmandise indécente compte-tenu de la situation, car il s’agit bien des conditions d’existence de l’humanité comme je l’ai entendu dans la bouche des chefs d’état à l’assemblée générale des Nations Unies, le constat unanime ne suffit plus. Jamais la mobilisation n’a été aussi forte, mais il faut passer maintenant à l’étape suivante en établissant une stratégie pour agir précisément. Tous les outils existent déjà, il manque juste une volonté collective et coordonnée.

N’oublions pas que les pays insulaires et les pays du Sud en général subissent les effets d’un phénomène qu’ils n’ont pas provoqué. Ce changement climatique étant la conséquence d’un modèle dont ils n’ont pas profité et parfois même qui s’est mis en place à leur détriment. Cette ultime injustice, dans un monde où les inégalités ne cessent de s’accumuler, peut provoquer une humiliation supplémentaire. La semaine prochaine, nous réunissons avec M. Le Drian un certain nombre de ministres de la défense pour rappeler qu’à Paris se joue aussi la stabilité du monde. Attention que le fatalisme des uns ne provoque pas le radicalisme des autres.

 

Qu’opposez-vous à ceux qui traînent les pieds voire qui sèment encore le doute ?

N.H. - Aujourd’hui, aucun état ne conteste la responsabilité humaine des changements climatiques, les faits sont probants et ceux qui continuent à semer le doute injurient les victimes. C’est avant tout pour eux que je me bats avec autant d’énergie, pour ces hommes, femmes et enfants du Sahel que j’ai rencontrés, poussés à l’exode par la désertification. Aussi pour cette femme au Maroc qui m’a chargé de rappeler aux dirigeants qu’ils vont décider à Paris de qui va mourir ou pas, ou cet homme aux Philippines qui avait échappé au typhon Haiyan et m’a dit qu’en se réveillant et en regardant autour de lui il avait regretté d’avoir survécu. Ce qui va se décider lors de la COP 21 n’est pas un enjeu optionnel, il va affecter pour le meilleur ou pour le pire tout ce qui a de l’importance à nos yeux.

Les états vont devoir s’engager chacun en fonction de ses capacités, et d’ailleurs souvent ceux qui ont les engagements les plus ambitieux sont déjà victimes des changements climatiques. Regardez le différentiel d’engagement entre l’Ethiopie et le Canada, il y a de quoi vous mettre mal à l’aise. Les grands émetteurs de gaz à effet de serre doivent, dès le sommet du G20 qui se tient en Turquie 15 jours avant la COP 21, parvenir à un accord sur le prix du carbone, pour que les investisseurs intègrent le risque carbone et basculent des milliers de milliards de dollars vers l’économie bas-carbone, ce qui la rendrait de fait compétitive.

 

Pourquoi est-il urgent de changer de modèle économique ?

N.H. - Comment voulez-vous que nous réussissions à rétablir les équilibres climatiques tant que nous serons dans des situations totalement schizophrènes ? Regardez la difficulté d’honorer les promesses de Copenhague pour aider les pays du Sud à hauteur de 100 milliards de dollars par an d’ici 2020, alors que dans le même temps nous continuons à allouer 650 milliards chaque année en subventions et exonérations aux énergies fossiles. Les états doivent impérativement basculer progressivement vers les énergies renouvelables. De même si l’on soumettait à une petite taxation insignifiante de 0,01%, les transactions financières et en particulier les produits dérivés spéculatifs, on obtiendrait quatre fois les 100 milliards dont on a besoin. Chaque année dans le monde nous émettons 50 milliards de tonnes de CO2, si nous fixions le prix de la tonne à 4 dollars, cela donnerait deux fois ce que l’on a promis aux pays vulnérables. Evidemment, certains me traitent d’utopiste mais elle est où l’utopie ? Elle est bien plus de penser que nous allons pouvoir vivre en paix en laissant se combiner la pauvreté et les conséquences des changements climatiques. Entre 2000 et 2020 la désertification accentuée par ces changements va pousser aux portes de l’Europe 60 millions de personnes, pensez-vous que la stabilité européenne économique, démographique et politique pourra y résister ?

 

Quelle est la place des écosystèmes dans ce combat ?

N.H. - Si nous continuons à laisser, avec une totale indifférence, nos écosystèmes partir en fumée, comme les 18 millions d’hectares de forêt dévastés en 2012, nous n’avons aucune chance de rétablir les équilibres climatiques. Il ne suffit pas de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, nous devons réhabiliter les écosystèmes. Si nous voulons, comme le propose Monique Barbut, préparer la nourriture pour le milliard et demi d’humains supplémentaires d’ici 2050 et en même temps lutter contre la désertification, il faut réhabiliter les sols. Nous avons suffisamment de terres agricoles dégradées pour le faire, et ce serait la manière la plus efficace et la plus économique d’y parvenir.

 

La France est-elle exemplaire sur le climat et quelle est votre position sur le nucléaire ?

N.H. - La France n’est pas en situation de donner des leçons mais pas non plus en situation de rougir. Si tous les pays avaient déjà inscrit leurs propres engagements pour la COP 21, comme on l’a fait dans la loi sur la transition énergétique, ou s’étaient dotés d’une taxe carbone, je serais un peu plus rassuré. La France a pris aussi des engagements pour cesser ses crédits export au charbon, et même s’il y a encore des incohérences comme ces permis d’exploitation de gisement pétrolier, beaucoup de mesures vont dans le bons sens. Il faudrait également une réforme de la fiscalité, qui a trop tendance à taxer le positif comme le travail ou les produits vertueux plutôt que le négatif comme les impacts environnementaux ou les prélèvements des ressources naturelles.

Pour le nucléaire, notre pays s’est engagé, et j’y ai beaucoup contribué, à réduire à 50% sa part de nucléaire dans la production d’électricité d’ici 2025, ce qui historiquement, compte-tenu des choix énergétiques de la France, est une petite révolution. Au niveau mondial, le nucléaire ne peut être en aucun cas une réponse aux enjeux climatiques, pour la simple et bonne raison qu’il faudrait construire une centrale tous les 15 jours pendant 50 ans, ce qui transformerait la probabilité d’un accident majeur en certitude.

 

                                                                                  

Quelques repères

Après avoir commencé sa carrière comme photoreporter, il bifurque vers le journalisme et l’animation, d’abord à France Inter puis à la télé. En 1987, il crée sa fameuse émission Ushuaia sur TF1 où il est acteur d’aventures qu’il fait vivre aux téléspectateurs. Durant 25 ans, il parcourt le monde pour montrer les merveilles de la nature mais aussi sa fragilité. Dès 1990, il décide de mettre sa notoriété qui ne cesse de croître au service de la protection de l’environnement en créant sa fondation. Son combat n’a jamais cessé et en 2012 François Hollande le nomme envoyé spécial pour la protection de la planète. A 60 ans, il est un acteur international incontournable sur l’urgence climatique.

 

A lire : Osons de Nicolas Hulot – 93 pages - 4,90 €.

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Christophe Barbier, directeur de L’Express

Publié le par Michel Monsay

Christophe Barbier, directeur de L’Express

« Approfondir les sujets les plus importants et donner les clés pour comprendre »

 

A la tête de L’Express depuis 9 ans, Christophe Barbier, dont la parole est très prisée, aime partager son opinion sur les sujets d’actualité. En plus de son édito vidéo quotidien sur le site de L’Express, il en livre un autre tous les matins sur iTélé et se fait régulièrement inviter sur les plateaux télé comme celui de C dans l’air.

 

Qu’a changé l’arrivée des médias numériques dans le rôle d’un hebdomadaire comme l’Express ?

Christophe Barbier - Avant l’arrivée des médias numériques, une heure après le bouclage les hebdomadaires perdaient 8 jours, maintenant lorsque nous avons un scoop ou un document de 800 pages, il y a le site Internet. Nous avons gagné une puissance et une audience formidables avec notre site, qui nous a par ailleurs rendu addict à l’information chaude. Néanmoins, cela pose un défi économique, les recettes étant très maigres malgré 7 millions et demi de visiteurs uniques par mois. Comme il est impossible aujourd’hui d’échapper à l’information où que vous soyez, le rôle d’un news hebdomadaire est de faire le tri dans tous les sujets d’actualité pour approfondir les plus importants et donner les clés pour comprendre. Pour en revenir au site, je dis à mes journalistes : vous devez informer le plus vite possible. Mais dans « possible », il y a tout le travail journalistique qui est incompressible, il vaut mieux être 20 minutes après le concurrent plutôt que d’écrire une bêtise. C’est pour cela qu’une grande majorité du public qui s’informe sur le Net fait confiance à des grandes marques comme Le Monde, Le Figaro, L’Express et quelques autres plutôt qu’à n’importe quoi point com ou Twitter.

 

Doit-il y avoir des limites à la liberté d’expression ?

C.B. - J’ai longtemps soutenu qu’il ne devait pas y en avoir si ce n’est la loi, on peut dire tout ce que l’on pense et le cas échéant les tribunaux sont là pour trancher lors de procès en diffamation. J’ai changé d’avis à cause de Dieudonné, qui a inventé une perversité nouvelle en faisant de la propagande antisémite sous couvert d’humour, dont il se servait comme bouclier anti-poursuites. Ses propos n’étant en aucun cas des blagues mais des convictions. A un moment donné, le législateur ou le pouvoir politique, et Manuel Valls l’a fait avec courage, doit intervenir pour dire non : vous outrepassez la liberté d’expression, vous la retournez contre le droit et nous vous interdisons de continuer. C’est terrible d’être obligé d’en arriver là.

 

Que pensez-vous du traitement médiatique de la crise des réfugiés ?

C.B. - Je crains que la crise ne soit trop complexe pour un traitement médiatique. Il sera forcément sommaire. Même le journal le plus sérieux n’est pas assez pointu pour rendre compte de toute la complexité de ce qui se passe sur le terrain en Syrie, jusqu’aux réfugiés qui s’implantent dans certains pays alors que d’autres sont plus rétifs à les recevoir. Il y a un traitement émotionnel par l’image, comme celle du petit garçon mort sur une plage turque. Il fallait évidemment publier cette photo, qui donne l’information que cet enfant s’est noyé en voulant passer, et provoque un choc planétaire qui fait bouger les lignes géopolitiques sous la pression d’un mouvement démocratique. Les médias traditionnels doivent se sentir ni coupables ni fiers, puisque maintenant avec les médias sociaux ce genre de phénomène leur échappe, mais si la photo du petit Aylan permet que l’on intervienne en Syrie pour libérer ce peuple, il s’agira d’un engrenage vertueux.

 

Faut-il craindre pour le respect et l’indépendance de la presse après le rachat de journaux et de télés par des hommes d’affaires surpuissants ?

C.B. - Il y a, face à ce nouveau capitalisme et ces nouveaux actionnaires, un nouveau rapport de forces à créer pour que le respect et l’indépendance soient garantis. On a connu des magnats de la presse politiquement inféodés, puis il y a eu des industriels qui ont racheté des médias pour gagner de l’argent et avoir de l’influence, aujourd’hui il s’agit d’industriels indépendants du pouvoir politique et de l’Etat qui ont besoin de contenus pour leur offre de télécommunications. Une fois la guerre des prix terminée entre les principaux concurrents, la différence se fera par le contenu pour asseoir leur domination. C’est la baisse du nombre de lecteurs ou d’auditeurs et par conséquent d’annonceurs qui a provoqué le retrait des anciens actionnaires. Le rachat de L’Express est d’ailleurs symbolique, nous sommes passés d’un imprimeur à un groupe de câbles et téléphonie. Ces nouveaux actionnaires, chez nous comme ailleurs, ont engagé une restructuration économique qui est tragique, à cause des plans sociaux, mais inévitable, et en même temps ils ont pris le pouvoir en plaçant leurs équipes, c’est la règle brutale mais intangible et incontestable du capitalisme.

Contre la surpuissance étatique ou économique, il y a des lanceurs d’alerte cà l’image de Snowden et des mouvements comme Anonymous. Nous sommes à l’âge paléolithique d’une organisation des opinions mondiales qui servira de contrepoids. L’ONU a été créé pour gérer le monde de l’après-guerre, elle sera un jour remplacée par un parlement mondial qui gèrera le monde de l’après mondialisation et permettra de lutter contre toutes sortes de dérive.

 

Que peut-on attendre de la COP 21 ?

C.B. - On peut attendre que sur le fond du diagnostic partagé, mise en danger de la planète si l’on ne change pas les comportements humains, l’unanimité soit faite, ce qui n’était pas le cas en 2009 à Copenhague. Il faut arriver par la signature d’un accord à montrer qu’il y a désormais un phénomène planétaire, même si tous les états traînent les pieds, ceux qui peuvent payer comme ceux qui veulent se développer. Je suis néanmoins optimiste car la mobilisation des citoyens est infiniment supérieure à Copenhague, malgré la crise et le chômage. Les médias et les corps intermédiaires en parlent énormément, il n’y a plus un enfant qui ne soit pas au courant. La mobilisation des entreprises est sans commune mesure, si une d’entre elles veut faire du profit en polluant, elle perd ses consommateurs, fournisseurs et employés. A partir du moment où les entreprises poussent, les politiques les écoutent. A ce propos, le trio Hollande, Royal, Fabius a joué son rôle, Obama a besoin d’une grande et belle sortie au-delà de Cuba et de l’Iran, sur un thème Nord-Sud où il pourrait avoir un bilan satisfaisant, et Xi Jinping, qui est sur un modèle économique vacillant avec des problématiques environnementales extrêmement fortes, est un peu obligé d’agir.

 

Comment l’Europe doit-elle s’y prendre pour mieux gérer la crise des migrants ?

C.B. - L’Europe à 28 n’est pas capable de gérer la crise des migrants, il faut à tout prix repartir d’une Europe à moindre géométrie, à 8 ou 10 ou en tout cas pas plus de 19. Sur ces pays-là, et à commencer par le couple franco-allemand, il faut fusionner nos politiques pour équilibrer la répartition. L’Allemagne et la France ont deux sociétés différentes, une a besoin de migrants pour sa main-d’œuvre, l’autre a un problème de chômage, une qui par mauvaise conscience est accueillante et l’autre qui par repli identitaire ne l’est pas. Avec cette Europe resserrée, il faut redessiner les contours de Frontex avec des frontières extérieures fermées et repenser une politique d’accueil, filtrée et cohérente. Les dirigeants de ces nations doivent accepter de parler de l’Islam, qui est en arrière-pensée de l’opinion.  Aux gens qui sont méfiants vis-à-vis des migrants musulmans, il suffit de leur rappeler qu’ils se font massacrer par Daech et ne sont pas des terroristes mais des victimes. Cela dit, c’est une donnée du problème qui n’est pas assez courageusement abordée par les politiques.

 

Pourquoi l’Europe ne parvient-elle par à se mettre d’accord pour défendre militairement ses intérêts, notamment pour venir à bout de Daech ?

C.B. - Aucun pays n’est volontaire pour intervenir en Syrie, au Mali ou ailleurs si ce n’est la France. A la limite ce serait possible si les autres payaient, mais non seulement ils ne paient pas, notamment l’Allemagne, mais ils nous empêchent de retirer de notre PIB et du calcul des 3% de déficit l’effort militaire que l’on fait pour eux. L’Europe devrait être capable de prendre une décision commune pour des interventions rapides afin de protéger ses intérêts en dehors de ses frontières, par exemple contre le terrorisme, exécutée par les pays qui ont la capacité à le faire et payée par les autres.

Pour venir à bout de Daech, il faudra combattre au sol mais comme aucun pays occidental ne le veut, la seule solution est d’organiser une coalition des pays voisins équipée, formée et subventionnée par les occidentaux. Durant la seconde guerre mondiale pour vaincre Hitler, on a conclut un accord avec l’un des pires dictateurs qui soit, Staline, en passant par-dessus des divergences géopolitiques monumentales bien plus fortes que celles entre Obama et Poutine. Pourquoi ne nous entendons-nous pas avec les Russes pour agir, il sera toujours temps ensuite de trouver la meilleure solution pour la Syrie, évidemment sans Bachar al-Assad.

 

                                                                                  

Quelques repères

Journaliste politique passé par l’Ecole Normale supérieure en obtenant une maîtrise d’Histoire, il démarre sa carrière au Point puis à Europe 1, avant de rejoindre L’Express où il devient chef du service politique à 29 ans. Dix ans plus tard, il est nommé directeur de la rédaction. Parallèlement, on le voit souvent à la télé, soit pour un édito et une interview politique sur LCI tous les matins jusqu’en 2011 et depuis sur iTélé, soit en étant invité à C dans l’air, au Grand journal de Canal + ou ponctuellement ailleurs. Il est aussi passionné de théâtre, et d’ailleurs il lui arrive de jouer ou de mettre en scène. A 48 ans, alors que L’Express vient d’être racheté par Patrick Drahi, il doit faire face à un douloureux plan social au sein de sa rédaction.

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« Je veux que les jeunes générations puissent découvrir ces beaux métiers artisanaux »

Publié le par Michel Monsay

« Je veux que les jeunes générations puissent découvrir ces beaux métiers artisanaux »

Nommée le 17 juin, Secrétaire d’Etat au commerce, à l’artisanat, à la consommation et à l’économie sociale et solidaire, Martine PInville nous accorde en exclusivité sa première interview. La députée de Charente dresse un bilan des actions menées dans ces secteurs sous François Hollande et nous confie ses projets.

 

En cette période de soldes, comment se porte le pouvoir d’achat des français ?

Martine Pinville - La moitié des Français s’est rendue dans les magasins dès le premier jour des soldes et leur affluence est stable par rapport à l’été dernier. Le contexte économique est difficile, mais la croissance repart et elle permettra aux Français de retrouver confiance, de retrouver du pouvoir d’achat et de mieux profiter de tout ce que les commerçants leur proposent. En tant que Ministre de la consommation, je suis très attentive à ces questions et c’est pourquoi la loi Consommation, qui redonne des marges de manœuvre, du pouvoir d’achat et des protections aux consommateurs, est un réel levier de transformation de la vie de nos concitoyens.

 

Où en sont les promesses de François Hollande dans les domaines dont vous avez la charge ?

M.P. - La mission qui m’a été confiée par le Premier Ministre au sein de ce Gouvernement, est plurielle : le commerce, l’artisanat, la consommation, l’économie sociale et solidaire et la démocratisation du tourisme et des vacances. Tous ces secteurs concernent l’économie de la proximité. Dans presque tous ces domaines, comme le Président de la République s’y était engagé pendant sa campagne, une loi a été votée. Une loi est un outil pour changer les choses, pour améliorer la réalité de chacun. Telle est ma conception de la politique, telle est la volonté de notre Gouvernement, au service de la Cité.

La loi Consommation permet par exemple de résilier son assurance-emprunteur pour une autre offre moins coûteuse, de trouver des tests de grossesse et du liquide d’entretien pour lentilles de contact dans n’importe quel commerce, ou de savoir si des pièces détachées seront disponibles pour réparer le produit que l’on achète. Il s’agit de la vie quotidienne et concrète, cela concerne tout le monde !

 

Y-a-t-il eu des avancées significatives en matière d’artisanat et de commerce ?

M.P. - La loi Artisanat-Commerce-TPE permet de limiter la hausse des loyers commerciaux, d’étendre le bail dérogatoire de 2 à 3 ans pour aider les jeunes commerçants qui veulent s’installer, de clarifier la qualité du statut d’artisan, de reconnaître les métiers d’art et ainsi de les valoriser, ou encore de protéger les produits manufacturés des artisans par des Indications Géographiques.

Promouvoir des savoir-faire est une chose, il faut aussi favoriser leur transmission. Je veux que les jeunes générations puissent découvrir ces beaux métiers artisanaux et qu’ils puissent être accueillis et formés par des maîtres d’apprentissage. Le Président de la République a fait de la jeunesse sa priorité, et les mesures en faveur de l’apprentissage sont nombreuses et concrètes.

Avec la mention Fait Maison, le titre rénové de Maître-Restaurateur, la Fête de la Gastronomie, le nouveau statut d’artisan pour les cuisiniers et les fromagers, je veux mener une politique de valorisation globale. La gastronomie est une marque de fabrique pour notre pays, je dirais même qu’elle est notre identité, au sens fort de ce mot. Elle a une dimension économique, en rassemblant de nombreux professionnels dans des filières d’excellence, de la terre à l’assiette, à qui je veux rendre hommage. Elle a aussi une dimension civique, en rassemblant nos concitoyens autour de valeurs de convivialité, de culture, de partage.

 

Qu’apporte la loi Economie Sociale et Solidaire ?

M.P. - Le sens de la coopération, nous le retrouvons aussi dans cette loi qui permet de reconnaître, de soutenir et de valoriser des entreprises qui allient performance économique et utilité sociale, dans un esprit collectif, démocratique et participatif. La loi modernise le régime des coopératives, sécurise les financements des associations, favorise le recours aux entreprises d’insertion par l’activité économique, promeut l’entreprenariat social, ou encore donne la possibilité aux consommateurs de vérifier auprès des distributeurs, des fabricants ou des producteurs les conditions dans lesquelles les produits qu’ils commercialisent en France sont fabriqués. Il y a beaucoup d’autres mesures qui sont prises et la publication des décrets se terminera bientôt. 

En particulier, dans le domaine agricole, la loi a permis de compléter l’action des coopératives agricoles à destination d’action d’intérêt collectif. Les coopératives d’utilisation de matériel agricole peuvent désormais réaliser des travaux agricoles ou d’aménagement rural pour le compte des communes, celles de moins de 3 500 habitants, ou de leur intercommunalité. De même, les exploitants agricoles et les sociétés d’exploitation agricole peuvent réaliser, depuis le 1er aout 2014, des opérations de déneigement ou de salage, au profit des communes ou des départements.

Par ailleurs, dans l’accès au tourisme et aux vacances pour tous, l’Agence Nationale des Chèques-Vacances a par exemple créé des plateformes numériques pour promouvoir des offres accessibles et de qualité pour les familles et pour les jeunes de 18 à 25 ans. Un autre exemple qui relie les différents volets de mon portefeuille ministériel : les chèques-vacances, dont nous avons simplifié l’accès dans les TPE et les PME.

 

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur vos projets ?

M.P. - Beaucoup a été fait, beaucoup reste à faire ! Je vais vous donner quelques pistes en cours au sein de ma feuille de route. Dans le commerce par exemple, nous poursuivrons le travail engagé pour favoriser la revitalisation commerciale et artisanale de nos centres-bourgs. Pour l’ensemble des TPE et des PME, nous allons continuer à travailler sur le régime social des indépendants, avec la deuxième phase de la Mission parlementaire de septembre, et renforcer le développement du numérique. Dans l’artisanat, je veux poursuivre la politique de valorisation des métiers et des savoir-faire, je veillerai également à préparer la modernisation de certaines professions ou encore à mettre en place de nouveaux Pôles d’Innovation pour l’Artisanat dans les prochains mois. Dans la Consommation, de nombreux décrets sont en cours de publication, comme la liste d’opposition au démarchage téléphonique ou l’extension de la garantie légale des produits de 6 mois à 2 ans.

Dans le « tourisme pour tous », je veux que nous puissions renforcer les liens entre les ministères, notamment sociaux, pour accentuer le soutien au départ en vacances. Enfin, dans l’Economie Sociale et Solidaire, je souhaite mener des actions qui améliorent le quotidien de nos concitoyens, car c’est un domaine où mon intervention est transversale. Au niveau national, je veux que l’ESS puisse se développer davantage, et au niveau international, je ferai la promotion de la loi française pour convaincre nos partenaires de notre modèle et développer les coopérations. Nous sommes un pays pionnier, donc je veux porter ici et dans le monde, ces valeurs qui nous définissent et qui nous aideront à mieux nous inscrire dans l’avenir.

 

Les TPE et PME respirent-elles mieux sous François Hollande ?

M.P. - Les TPE ont un rôle précieux dans notre paysage économique et social, parce qu’elles sont des viviers d’emplois et de savoir-faire dans nos territoires. Cette dynamique des TPE, nous la soutenons, nous l’accompagnons.

Grâce au Crédit d’Impôt-Compétitivité-Emploi, les TPE peuvent réduire depuis le 1er janvier l’équivalent de 6% de la masse salariale de 2014 pour tous les salaires inférieurs à 2,5 SMIC.

Le Pacte de responsabilité s’inscrit dans la politique de compétitivité des entreprises que notre Gouvernement mène depuis le début du quinquennat, en supprimant la cotisation à la sécurité sociale de l’employeur d’un salarié au SMIC. La C3S est également supprimée pour les TPE, ainsi que pour de nombreuses PME.

Le plan présenté par le Premier Ministre le 9 juin a un seul objectif : l’emploi. Il s’agit d’abord de faciliter l’embauche du premier salarié, et le franchissement ensuite des seuils de 11, 20 ou 50 salariés. Nous voulons également apporter plus de souplesse dans l’utilisation des contrats de travail, et lever les incertitudes liées au recours aux prud’hommes. Nous renforçons enfin notre dispositif de lutte contre les fraudes au détachement. Ces mesures sont complémentaires de toutes celles qui concernent la simplification, la transmission et la reprise des TPE.

 

                                                                                  

Quelques repères

Fidèle à son département de naissance, la Charente, Martine Pinville en est députée depuis 2007 et réélue dès le 1er tour en 2012. Lors des législatives 2007, elle est exclue du PS pour s’être maintenue face au candidat parachuté par le parti, avant d’être réintégrée en 2009. Tant à l’Assemblée nationale qu’au sein du PS, elle est une spécialiste des questions sociales et de santé. Fidèle également à François Hollande, elle vient d’être nommée Secrétaire d’Etat à 56 ans. L’ancienne contrôleuse des impôts connait bien les TPE-PME et la législation fiscale.

 

Interview parue dans L'Information Agricole

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« La formation à la démocratie commence avec les enfants »

Publié le par Michel Monsay

« La formation à la démocratie commence avec les enfants »

Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, directeur d’enseignement et écrivain

 

Les nombreux ouvrages écrits par Boris Cyrulnik, où il explore admirablement l’âme humaine en mêlant la science à un vrai talent de plume, ont toujours rencontré un très large public. Ses travaux de neurologie et d’éthologie ont débouché sur les théories de l’attachement et lui ont permis de développer le fameux concept de résilience.

 

Quatre mois après, quel regard portez-vous sur les attentats, la marche républicaine et ce terrorisme qui se propage ?

Boris Cyrulnik - Les rassemblements du 11 janvier ont été un partage émotionnel digne sans agression ni slogan antimusulman. Ils ont empêché une réaction brutale aux attentats. Cela dit, ces attentats ont été interprétés de manière différente par les uns et les autres, notamment Marine Le Pen qui a sauté sur l’occasion pour renforcer son discours anti-immigration. Le terrorisme a toujours existé, même dans l’Antiquité, car c’est un moyen très avantageux de faire la guerre et d’imposer ses idées en sacrifiant très peu d’hommes, à condition qu’ils meurent de manière spectaculaire pour induire un climat de terreur. Aujourd’hui, le terrorisme est l’arme d’une minorité qui utilise l’islam à des fins totalitaires, alors que l’immense majorité des musulmans n’a rien à voir avec ces gens-là.

Au Moyen-âge, il y avait les Berserk en Europe du Nord qui avaient pour mission de tuer le plus de gens possible pour gagner le paradis, de même au XIXe siècle en Extrême-Orient avec la course de l’amok. Dans les deux cas l’épidémie s’est éteinte lorsque les autorités religieuses ont expliqué que ce n’était pas un moyen de gagner le paradis. Puisqu’aujourd’hui c’est au nom de l’Islam que ces actes sont commis, peut-être s’arrêteront-ils lorsque les responsables religieux musulmans énonceront la loi musulmane, en disant que ce n’est pas comme cela que l’on sert Allah. Je pense qu’ils ont du mal à le faire parce qu’il y a plusieurs islams et pas de hiérarchie comme dans la religion catholique. Il faudrait créer une université coranique en Occident, où des autorités musulmanes diraient clairement que le terrorisme n’appartient pas à l’Islam.

 

Quelles sont les racines de ce terrorisme et pourquoi des jeunes français sont-ils candidats à cette barbarie ?

B.C. - Dès qu’un pays est en détresse, les sectes accourent pour vendre aux gens une idéologie facile : Engagez-vous pour nous et vous irez au paradis. Comme ces gens sont malheureux, ils acceptent et meurent en souriant ou sont exploités. Boko Haram, c’est la victoire d’une secte, mais il y a aussi des pays du Proche-Orient qui sont gouvernés par des politiciens sectaires qui utilisent l’Islam pour imposer leur loi. Quand on est en détresse, on a besoin d’un bouc émissaire, et les boucs émissaires parfaits ont toujours été le juif, le fou et l’étranger. Actuellement, on voit réapparaître un antisémitisme qui trouve un terrain favorable notamment en France, où des jeunes déculturés qui se disent musulmans se laissent convaincre d’assassiner des enfants juifs dans des écoles, ou tuer des gens au hasard dans un supermarché casher.

Ces jeunes qui sont candidats au terrorisme, parmi lesquels on trouve des chrétiens dont les familles sont stupéfaites de voir leurs enfants se convertir à l’islam avec le désir de mourir, ont avant tout un désir d’engagement. Ils arrivent à l’âge où un adolescent a besoin de s’engager sexuellement et socialement. Hors dans notre société, les jeunes sont de mieux en mieux élevés, même ceux-là, mais il y a une défaillance pour provoquer leur engagement. Intellectuellement, ils sont plutôt bons mais ils n’ont pas d’indépendance sociale avant l’âge de 25-30 ans, donc ils flottent. Alors qu’ils auraient besoin d’intensité, qu’elle soit émotionnelle, sexuelle, religieuse ou sociale. Ces jeunes sont perdus, ils n’ont pas de travail, ne font pas d’études et deviennent des proies pour les sectes et autres organisations terroristes, qui leur proposent de s’engager dans l’islam. L’escroquerie consiste à les convaincre de mourir pour qu’Allah soit encore plus grand. Cette escroquerie révèle les manquements de notre société, qui laisse ces adolescents flotter et ne leur permet pas de s’engager.

 

Quel est votre sentiment sur le projet de loi sur le renseignement que certains jugent dangereuse pour nos libertés ?

B.C. - Je rentre de New-York, qui était il n’y a pas si longtemps une ville dangereuse, où l’on se promène aujourd’hui dans pratiquement tous les quartiers en toute sécurité. La raison : augmentation des caméras et des renseignements généraux. Cependant, le fond du problème est ailleurs, il faut éduquer les jeunes, les adultes, empêcher le communautarisme, renforcer les rencontres entre religions. Cela dit, comme il y aura d’autres attentats, si les responsables politiques ne font rien aujourd’hui, on le leur reprochera. Internet est une atteinte beaucoup plus grave à nos libertés que les renseignements généraux et les caméras. On peut bien me filmer, je m’en moque éperdument, je n’ai rien à me reprocher, alors qu’Internet, qui est un merveilleux outil de communication, peut se transformer en boite à ordures. Quelqu’un lance une rumeur infondée, absurde, et il y a toujours des gens qui viennent la confirmer, il y a là un réel danger. Internet est aussi le principal outil des organisations terroristes pour recruter des jeunes sans repères.

 

Que retenez-vous des rapports rendus au Président de la République sur l’engagement républicain ?

B.C. - La formation à la démocratie commence avec les enfants. Il faut renforcer l’autorité tout en donnant aux enfants un lieu pour la contester. L’interdit n’est pas l’empêchement. Il faut par ailleurs lutter contre l’élitisme. Lorsque j’ai fait médecine, 13% des étudiants étaient des enfants de pauvres, aujourd’hui ils ne sont que 2%. La sélection se fait par le quartier et par l’argent, il faut donc mettre des profs et des grandes écoles dans tous les quartiers. Quant à l’abstention, elle est provoquée par le comportement des politiques. A l’Assemblée Nationale par exemple, lorsque quelqu’un prend la parole, les députés poussent des cris d’animaux comme dans une classe avec des sales gosses. Dans ses conditions, comment voulez-vous que les gens s’intéressent au débat politique ?

 

Y-a-t-il une solution pour mettre fin au drame des migrants ?

B.C. - Ces gens-là sont désespérés et agressés en permanence, ils sont exploités par leur famille, par les passeurs, puis par le pays d’accueil. Les familles des migrants africains se cotisent pour envoyer un des leurs en Europe, tout comme les algériens autrefois qui étaient envoyés en France où ils étaient exploités par l’industrie française. Ils vivaient comme des pauvres et envoyaient tout leur argent en Algérie, aujourd’hui ils sont malades, à la retraite, ne savent toujours pas parler français et sont méprisés par leurs enfants, qui eux vont dans les écoles françaises et disent : mon père est un minable, il s’est fait exploiter par tout le monde. La seule solution pour aider les migrants est de contribuer au développement de leur pays d’origine et à la reconstruction d’une culture, afin qu’ils puissent y vivre dignement.

 

Pourquoi avoir créé l’institut de la petite enfance ?

B.C. - Nous avons commencé il y a 2 ans avec 4 instituts mais nous sommes tellement sollicités partout en France, que nous allons certainement devoir élargir le pool d’enseignants en formant des psychologues, médecins, éducateurs aux théories de l’attachement pour qu’eux-mêmes puissent développer de nouveaux instituts. Le rôle de ces instituts est de mieux former les professionnels de la petite enfance à ces théories. Il y a en France une culture tellement intellectuelle, que par exemple certains psychologues avec 10 ans d’études n’ont jamais tenu un bébé dans les bras.

On sait maintenant que c’est durant l’enfance préverbale, autrement dit avant la troisième année, que les enfants acquièrent la stabilité affective et la confiance en eux. Tous les pays qui ont engagé des réformes pour améliorer la petite enfance ont diminué l’illettrisme, 1% d’illettrés dans les pays d’Europe du Nord, 15% en France. Ces réformes ont également fait chuter les tentatives de suicide des adolescents, la délinquance, et ont appris aux enfants à établir des relations ni soumises ni révoltées. Les brésiliens ont décidés de faire les mêmes réformes, les résultats ne se sont pas fait attendre. Nous savons comment faire pour que les enfants prennent le plaisir d’apprendre. Pourtant depuis des années, nous avons été reçus par les gouvernements de droite et de gauche, qui nous disent que c’est important, convaincant et qui ne font rien. Comme nous ne savons pas faire de scandale, les choses ne bougent pas.

 

                                                                                

Quelques repères

Après le drame qui a marqué son enfance et laissera des traces tout au long de sa vie, où ses parents juifs sont morts à Auschwitz et où lui a réchappé par miracle à une rafle à Bordeaux, Boris Cyrulnik est devenu neuropsychiatre pour comprendre. Il a été basé à l’hôpital de Toulon une grande partie de sa carrière, où il a également dirigé des recherches. Aujourd’hui à 77 ans, il est encore directeur d’enseignement à l’université de Toulon. Ses livres, en plus de rencontrer un formidable succès, sont au programme d’un grand nombre d’universités étrangères dans lesquelles il est souvent invité. Médiatique et populaire malgré lui, notamment pour le concept de résilience, cet homme tranquille à la voix douce a su toujours rester simple et clair dans son discours et dans ses écrits.

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« Nous ne voulons pas d’une Europe uniforme mais unie »

Publié le par Michel Monsay

« Nous ne voulons pas d’une Europe uniforme mais unie »

Quatre fois ministre sous trois Présidents différents, Michel Barnier s’est longtemps investi pour la Savoie en étant député, sénateur, président du conseil général et l’homme clé des J.O. d’Albertville en 1992. Son autre engagement fort est l’Europe, où il a été député, commissaire et aujourd’hui conseiller spécial pour la sécurité et la défense auprès de la Commission européenne.

 

Que va changer l’arrivée de Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission européenne ?

Michel Barnier - La Commission de M. Barroso, à laquelle j’ai appartenu en étant chargé du marché intérieur de 2010 à 2014, a dû faire face à la crise financière et au risque d’explosion de la zone euro en raison de la Grèce. Il y avait une volatilité générale des marchés, pas de confiance entre nous et pas de confiance des autres régions du monde dans l’Europe. Si vous ne commencez pas par rétablir de la stabilité, rien n’est possible. Nous l’avons fait, cela nous a pris 4 ans, et aujourd’hui Jean-Claude Juncker a raison de mettre l’accent désormais sur l’investissement et la croissance. Il arrive avec de nouvelles méthodes qui devraient se traduire par davantage de collégialité et de rapidité dans les décisions. La Commission joue un rôle de "Premier Ministre européen" en quelque sorte, en proposant des budgets, des politiques, des lois, des débats aux deux chambres décisionnaires : le Conseil européen et le Parlement européen.

 

Pourquoi l’Europe est-elle vécue encore aujourd’hui par les français comme une contrainte voire un problème ?

M.B. - Les contraintes et les directives liées à l’Europe ont toutes été élaborées avec l’accord de la France, chacun doit donc assumer ses responsabilités. Je trouve dangereux la déconnexion entre l’action démocratique des institutions européennes  pour élaborer des lois qui nous concernent tous, et le débat national. Les élus devraient se saisir des propositions de lois européennes pour ouvrir des débats locaux afin qu’il y ait une information, un dialogue, des critiques, et ensuite les transmettre aux ministres français et aux députés européens. Nous avons trop souvent considéré que la politique européenne était de la politique étrangère, beaucoup d’hommes politiques aiment dire lorsqu’il y a un problème que c’est la faute de Bruxelles, et nous n’avons pas créé de courroie de transmission entre l’échelon européen, l’échelon parisien et l’échelon local. Il n’est pas trop tard pour que cela change, l’Europe est toujours en construction et je pense que les français ont compris que si nous ne restons pas ensemble, nous européens, nous sommes foutus.

Aussi, la construction européenne ne peut pas être trop simple. Si c’est simple c’est uniforme, et nous ne voulons pas d’une Europe uniforme mais unie. Le prix à payer pour que chacun des 28 pays garde son identité est une certaine complexité des instituions européennes.

 

Qu’allez-vous conseiller à la Commission européenne  en matière de sécurité et de défense après les récents attentats ?

M.B. - Ces menaces violentes venues de l’organisation appelée état islamique et d’Al-Qaeda avec des points d’appui parmi nos propres citoyens, comme on l’a vu récemment avec les attentats de Charlie hebdo, du magasin Hyper Casher, ou au Danemark et au musée juif de Bruxelles, exigent des réponses communes. Les services nationaux de renseignements doivent coordonner davantage leurs efforts, le contrôle des frontières doit être plus rigoureux et il faut accélérer la mutualisation de tout ce qui est lié à la sécurité européenne. Sans copier les américains, il faut néanmoins ne pas être naïf. Un exemple: nous devons avoir les outils de contrôle de l'identité des passagers aériens, nous savons très bien que ces terroristes prennent l’avion.

Nous sommes aussi plongés dans une autre crise, à l'est de l'Europe avec l'agression russe en Ukraine. Cela nécessite également de revoir les moyens  européens en matière de défense. Ici, la clé préalable est que nous ayons une politique étrangère commune. Si nous ne réfléchissons pas ensemble en amont, nous ne pouvons pas aboutir dans l’urgence à des positions communes au moment où la crise se déclenche. C’est comme cela que l’unité européenne a explosé lors de la guerre en Irak. La solution réside dans le travail qui se fait patiemment et commence à porter ses fruits dans le service diplomatique extérieur commun. La question diplomatique et militaire est un sujet sensible qui est au cœur de la souveraineté nationale, elle est régie par la règle de l’unanimité au sein de l’Union avec un droit de veto, mais nous devons avancer.

 

Dans quels domaines l’Europe peut-elle faire des progrès à 28 ?

M.B. - Si nous n’agissons pas ensemble, chacun des pays européens sera définitivement sous-traitant et sous influence des chinois et des américains. Nous devons trouver des accords à 28 dans des domaines comme l’énergie, le numérique et l’industrie. Pourquoi n’aurait-on pas la même audace pour préserver une base industrielle européenne comme celle que l’on a eue pour créer la politique agricole commune ? Je voudrais que l’on retrouve l’esprit de la CECA, la communauté européenne du charbon et de l’acier, toute première étape de l’Europe en 1952. Il nous faudrait cette audace aujourd’hui dans le monde tel qu’il est, où nous devons réduire notre dépendance énergétique à l’égard des russes, des pays d’Afrique et du Proche-Orient. La mise en œuvre du plan Juncker, un programme d’investissements de 300 milliards d’euros, devrait favoriser la relance de l’économie européenne, notamment dans les domaines que je viens d’évoquer.

 

Les efforts demandés à la France vous semblent-ils justifiés, et à la Grèce ?

M.B. - Pourquoi la France serait-elle incapable de faire les efforts que les autres pays ont faits ? Avec une dette qui va atteindre 95% de son PIB, la France fait partie des plus endettés. Le chômage de notre pays est dû à l’absence de réformes qui permettraient à ceux qui investissent d’avoir envie de le faire chez nous. Le poids des charges et des impôts, l’instabilité fiscale sont des problèmes propres à la France, et ce n’est pas Bruxelles qui le dit mais Louis Gallois dans son rapport il y a deux ans. Ce rapport, fait par un homme de gauche qui sait ce qu’est l’entreprise, dit exactement ce qu’il faut faire, il devrait être le livre de chevet de tout Premier Ministre. On en trouve des éléments dans la loi Macron mais nous n’allons pas assez vite ni assez loin. Nous ne pouvons pas continuer à payer notre fonctionnement d’aujourd’hui sur le dos de nos enfants.

Les efforts qui sont demandés à la Grèce doivent être plus justes, mieux répartis, il faut éviter de toucher des populations déjà très fragiles. Ce que paient les grecs aujourd’hui, c’est 30 ans de gouvernance entachée par la fraude, la corruption et l’absence de réformes. Le pays est entré trop vite dans la zone euro alors qu’il n’était pas prêt, d’autant qu’il avait fourni des chiffres faux, mais aujourd’hui il n’a pas d’autre solution que d’y rester. Nous devons être solidaires en ajustant les efforts et en donnant du temps à la Grèce, tout en préservant la ligne pour que le pays rembourse le plan de soutien de 240 milliards d’euros qui lui a été accordé.

 

Quelle est selon vous la bonne solution pour combattre le FN ?

M.B. - Le FN est fort parce que les autres sont faibles. Il ne faut pas stigmatiser les électeurs, qui souvent expriment une déception dans leur vote, mais plutôt tenter de retrouver leur confiance par un comportement exemplaire. En faisant ce que l’on dit, en ne promettant pas tout à tout le monde, en étant rigoureux. Le FN se nourrit de la colère, de la souffrance, du chômage, de l’exclusion. Il faut donc que ce pays en faisant les réformes nécessaires, en s’appuyant sur l’Europe, retrouve de l’emploi. Beaucoup de familles ne voient pas d’avenir pour leurs enfants. Ce ne sont pas des slogans mais des arguments qui permettront de combattre le FN, en démontrant à quel point leur programme économique est absolument insensé. Quitter l’Europe, abandonner la PAC, sortir de l’Euro et se retrouver tout seul, aurait pour conséquence de faire perdre 20 % de leur argent à tous les épargnants français, de nous mettre dans la main des marchés financiers, et nous perdrions également tout ce qu’il nous reste de souveraineté et d’indépendance. Il faut faire appel à l’intelligence des citoyens en leur expliquant les dangers des théories du FN.

 

                                                                    

Quelques repères

Originaire de l’Isère et diplômé de l’Ecole supérieure de commerce de Paris, il se consacre à la Savoie, dont il devient à 27 ans, le plus jeune député de l’hémicycle. Il est ensuite Président du Conseil général puis sénateur, et bien évidemment l’homme des JO d’Albertville avec Jean-Claude Killy. Il entame une carrière ministérielle en 1993, à l’environnement, puis plus tard aux affaires européennes, aux affaires étrangères et enfin à l’agriculture. Très impliqué dans la construction européenne, il est député européen puis deux fois commissaire. Aujourd’hui à 64 ans, également membre du Conseil d’Etat, il vient d’être nommé conseiller spécial auprès de la Commission européenne pour la sécurité et la défense. 

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