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Quand Jane Campion revisite le western, c'est magnifique

Publié le par Michel Monsay

Quand Jane Campion revisite le western, c'est magnifique

Jane Campion renvoie les mythes américains à leur violence fondatrice et les cowboys à leur toxicité dans un western sensuel, d'une maîtrise absolue de la mise en scène et du cadre. Loin des colts, des pistoleros et des duels, le cow-boy est ici rendu à son statut originel de garçon vacher et de propriétaire terrien. Jane Campion fut la première réalisatrice à obtenir la Palme d’or à Cannes, c'était en 1993 pour La Leçon de piano. Avec The power of the dog, elle vient d'obtenir le Lion d’argent à Venise, et confirme sa capacité à faire des miracles, les deux derniers en date nous avaient laissés sans voix, la superbe série Top of the lake et le fascinant Bright star. Tant de beauté, de perfection dans les plans comme en toutes choses, nous fait regretter à la fois que la cinéaste ne soit pas plus féconde, apparemment lassée par le manque d'audace de l'industrie cinématographique, et que ce film soit visible uniquement sur Netflix et pas sur grand écran. Ce qui se joue dans The power of the dog, c’est la cruauté et ses raisons d’être, la pression exercée par l’existence sur l’âme humaine. À l’instar des plus grands récits mythologiques, deux frères que tout oppose s’affrontent. Entre eux, la violence est indirecte. Le mépris et la crasse de l’un viennent se frotter à la pureté et à la douceur de l’autre. Alternant les cadres grandioses sur les vastes étendues et les gros plans sensuels, charnels, la cinéaste affirme une volonté dampleur rare doublée dune attention précieuse aux détails, créant ainsi un jeu sur les échelles où se côtoient indistinctement limmense et linfime, le général et le particulier. Des mains qui s’affairent sur une corde, des gouttes de sang sur un épi de blé, prennent autant dimportance et de sens, que des montagnes enneigées ou baignées de soleil. Le travail sur la lumière dépasse largement la seule prouesse esthétique, il a un rôle crucial sur le plan narratif. Les choix d’éclairages tendent à modifier la vision des personnages, parfois même changer leurs relations, voire leurs rapports de force au détour dune scène pivot. Le film se pose en fresque intimiste et anti-démonstrative où les non-dits, la suggestion, limplicite sont dune précision impressionnante, régie selon une temporalité lente, patiente et elliptique. Le récit morcelé en chapitres comme autant de saisons, voit lenvironnement évoluer, la nature naître, muter et mourir, au même rythme que les relations humaines. Ce souffle romanesque saccompagne dune certaine sécheresse émotionnelle qui nexclut pas une forme de lyrisme, loin de maintenir le spectateur à distance, elle lemporte au contraire dans un subtil engrenage machiavélique et vénéneux. Les comédiens sont excellents, citons principalement Benedict Cumberbatch, Jesse Plemmons, Kirsten Dunst et Kodi Smit-McPhee. Film de paradoxes, fausses pistes et faux-semblants, The power of the dog ausculte autant la domination masculine que la vulnérabilité des hommes, et lorsque c'est Jane Campion qui est derrière la caméra, c'est du grand art.

A voir sur Netflix.

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Fascinante plongée empreinte de liberté dans la Russie profonde et l'altérité

Publié le par Michel Monsay

Fascinante plongée empreinte de liberté dans la Russie profonde et l'altérité

Grand Prix du Festival de Cannes, ce film finlandais dont l'action se déroule en Russie dans les années 90, qui met en scène deux personnages que tout oppose et qui doivent cohabiter dans un train, est une merveille de film existentiel et ferroviaire. Pourvu d'un humour ravageur qui n'est jamais l'ennemi de la profondeur et de la délicatesse, le cinéaste Juho Kuosmanen, bien aidé par ses deux comédiens incandescents (Seidi Haarla et Yuriy Borisov), signe un enthousiasmant road-movie dans un train qui traverse des contrées enneigées et quelque peu sinistres. La mise en scène agile de Juho Kuosmanen les suit avec affection, et parvient à faire éprouver le mouvement instable dans lequel ils sont pris dans ce train et sur ces rails d'une autre époque. De sa cadence brinquebalante et emballante, sans jamais laisser prise à la mélancolie, qui pourtant menace, Compartiment N°6 explore avec une simplicité déconcertante mais si émouvante ce rapprochement de deux solitudes. Tant et si bien que, le périple achevé, on quitte ses personnages à regret. D'autant que l'on a eu le bonheur de la découverte et du voyage, comme certains films nous l'offrent parfois, dans la Russie profonde sans un filtre enjoliveur. On aimerait être comme cette fille qui n'a peur de rien et se lance sans appréhension dans un voyage vers l'inconnu fascinant, à la rencontre de personnages improbables et à l'exploration de territoires moins balisés qu'à l'accoutumée. Merci au Festival de Cannes de nous ouvrir chaque année des fenêtres vers de nouveaux horizons et de nouveaux cinéastes.

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Un faux biopic lumineux au parfait dosage entre humour, tendresse et admiration

Publié le par Michel Monsay

Un faux biopic lumineux au parfait dosage entre humour, tendresse et admiration

L'actrice et réalisatrice Valérie Lemercier revisite la vie et la carrière d'une certaine Céline Dion, dans un film libre et enchanteur, aux antipodes des conventions du biopic. Dans « Aline », elle s'amuse et nous amuse en dépeignant certains aspects ridicules de la vraie Céline Dion, sa passion pour le kitsch, son mauvais goût à toute épreuve, son ego surdimensionné, mais elle dresse avant tout un portrait amoureux de son modèle avec beaucoup de sincérité. Un modèle dont elle apprécie les chansons et la personnalité, bien plus secrète et énigmatique que ne le prétend la légende people. Drôle et émouvant, délirant et respectueux, le film jongle habilement avec les paradoxes. Il donne l'occasion à l'actrice Valérie Lemercier, de s'en donner à cœur joie puisque, par la grâce des effets spéciaux, elle incarne Aline à tous les âges de sa vie, y compris enfant, et cela nous rappelle son irrésistible séquence de l'école des fans avec Jacques Martin. Au-delà de cette belle idée, elle trouve ici son plus beau rôle et on ne peut que saluer sa performance physique, émotionnelle et sa fantaisie. Une mention particulière à l'exceptionnelle prouesse vocale de Victoria Sio, chanteuse remarquée notamment dans la comédie musicale "Le roi soleil", qui prête sa voix à Valérie Lemercier pour les parties chantées. Le film est tout entier traversé par une fougue, une vitalité, une passion pour ses personnages et ses formidables acteurs québecois, qui vous entraînent dans un tourbillon joyeux. Valérie Lemercier, adepte du pas de côté qui la rend si singulière, a une passion pour les décalages en tout genre, et ça se confirme ici avec ce faux biopic, qui est le film le plus inspiré et convaincant de sa carrière. Que l'on apprécie ou pas Céline Dion, impossible de ne pas céder au charme d'Aline Dieu et au pari ambitieux et réussi de Valérie Lemercier.

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Un grand Ridley Scott

Publié le par Michel Monsay

Un grand Ridley Scott

A 83 ans, Ridley Scott à qui l'on doit tant de films inoubliables, "Alien", "Gladiator", "Blade runner", "American gangster", "Thelma et Louise", "Mensonges d'état", etc., a toujours une grande soif de cinéma et continue d'enchaîner les films. Pourtant avec "Le dernier duel", on pourrait penser que la boucle est bouclée, vu que son très beau premier film s'intitulait "Les duellistes", il n'en est rien, Ridley Scott fourmille d'idées et un autre film sort dans 15 jours. Il raconte ici une affaire de viol au Moyen Âge, mais son récit féministe est on ne peut plus contemporain. C'est aussi le récit historique du dernier duel judiciaire autorisé par le Parlement en France. Mais c'est avant tout l'histoire, tristement actuelle, d'une culture du viol omniprésente, dans laquelle la femme est toujours perdante. La virtuosité de la reconstitution historique saute aux yeux et nous offre une saisissante peinture du Moyen-Âge. Costumes, décors, éclairages et ambiances éblouissent par leur sobre et spectaculaire réalisme. Au delà des qualités techniques d'un réalisateur perfectionniste, le parti pris narratif, qui fait penser au sublime "Rashomon" de Kurosawa, confère au récit une puissance remarquable. Le film de Ridley Scott est à la fois épique tout en étant dans l'intimité, puisqu'il passe par les arcanes de la société patriarcale de l'époque où l'on n'accorde aucune importance à la parole de la femme, où les hommes, aussi braves et courageux soient-ils au combat, prennent des femmes comme ils prennent des terres. Magistralement filmé et composé de scènes à la beauté photographique indéniable, "Le dernier duel" est aussi porté par trois comédiens au sommet de leur art, Jodie Comer, Matt Damon et Adam Driver rivalisent de nuances et de finesse dans leur jeu, qui varie selon le point de vue du récit. Tout en racontant le Moyen-Âge, le film est très moderne sans être anachronique. C'est aussi une leçon de cinéma dans laquelle Ridley Scott démontre qu'une scène d'action n'est jamais aussi prenante, si on a bien pris le temps d'en déployer les enjeux. Le cinéaste, après quelques films de moindre intérêt, revient à son meilleur niveau avec cette œuvre puissante, féministe et passionnante.

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Le génie de Balzac merveilleusement adapté

Publié le par Michel Monsay

Le génie de Balzac merveilleusement adapté

Xavier Giannoli, dont on avait déjà apprécié "L'apparition", "Marguerite", "A l'origine" ou "Quand j'étais chanteur", réussit sans doute ici son meilleur film, tout à la fois féroce, romantique et traversé d'un souffle digne des grands cinéastes américains ou d'un Visconti. Il signe une éblouissante adaptation, aux accents contemporains, du roman-phare de La Comédie Humaine, le chef d’œuvre de Balzac, qui est adapté pour la première fois au cinéma. Une mise en scène brillantissime, une très belle photographie, une distribution éclatante, un rythme effréné pour traduire le cynisme de la Restauration et le ballet des ambitieux. C'est un film qui est constamment en mouvement, à la narration très fluide, extrêmement riche. C'est comme un miroir de notre époque qui traduit la tyrannie de l'information, du pouvoir néfaste de la rumeur, des banquiers qui achètent les journaux et où l'opinion publique se négocie, devient une marchandise. Tous les comédiens sont absolument merveilleux et les répliques sont cinglantes, c'est extrêmement bien écrit, le cinéaste s'étant adjoint les services de Jacques Fieschi, grand scénariste du cinéma français.  Xavier Giannoli évite tout académisme dans son adaptation risquée d'un monument de la littérature, il échappe à tous les pièges, s'autorise quelques libertés, pour nous offrir une fresque historique ambitieuse et assez sombre, sidérante d'invention et de virtuosité, qui brille autant pour la stupéfiante reconstitution d'une époque que pour la mise en lumière des origines des fake news, du buzz et de la polémique qui polluent tant notre société contemporaine.

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Merveilleux portrait d'une femme imprévisible mais si touchante

Publié le par Michel Monsay

Merveilleux portrait d'une femme imprévisible mais si touchante

Ce nouveau film de l'excellent cinéaste norvégien, Joachim Trier, dont on avait adoré "Oslo 31 août", oscille entre comédie romantique, quête existentielle et drame amoureux, comme un mélange de Woody Allen, Ingmar Bergman et Jean-Luc Godard. Illuminée par l'éblouissante Renate Reinsve à la palette de jeu impressionnante, Prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes ô combien mérité, ce film, à travers un scénario d'une finesse psychologique remarquable et une mise en scène très inventive, brosse le portrait sublime dans sa simplicité et pertinent dans sa modernité d'une femme contemporaine et indépendante, aussi solaire que mélancolique et pour le moins indécise, mais avec un appétit de vivre qui la pousse à ne faire aucun compromis ni avec elle, ni avec les autres, au risque de se perdre. Cette Anaïs Demoustier nordique traîne tous les cœurs après elle. Ils en sortent en morceaux. On lui pardonne tout. Ses caprices sont la règle. Le sérieux sera pour demain. Julie est libre, changeante, irrésistible. Le film embrasse son époque et en particulier la génération des trentenaires, pour souligner ses doutes, ses vertiges et ses aspirations avec un élan vital communicatif. Joachim Trier, qui excelle à analyser la psychologie humaine, signe un mélodrame bouleversant, qui brille par la justesse et le réalisme des situations et par ses dialogues percutants. Une douce mélancolie plane sur les douze chapitres encadrés d'un prologue et un épilogue, que le réalisateur enchaîne avec l’aisance d’un romancier touché par la grâce.

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Une comédie musicale tendre, déjantée et mélancolique

Publié le par Michel Monsay

Une comédie musicale tendre, déjantée et mélancolique

Les frères inclassables du cinéma français, Jean-Marie et Arnaud Larrieu, de "Peindre ou faire l'amour" à "21 nuits avec Pattie", fidèles à leur patte fantaisiste, mettent en scène, pour leur septième film,  une comédie musicale drôle et attachante à la nonchalance poétique, dont les chansons sont écrites par la fine fleur des auteurs-compositeurs français : Dominique A, Jeanne Cherhal, Etienne Daho, Philippe Katerine, et Bertrand Belin, qui pour la première fois fait l'acteur et s'en sort merveilleusement bien. Les frères Larrieu enchantent leur ville natale, Lourdes, d’un charme de guinguette qui donne envie de croire aux miracles. Le regard pétillant, les réalisateurs s’amusent de l’aspect gentiment désuet de cette ville de pèlerinage et multiplient les clins d’œil vers la bigoterie organisée. On peut penser à Jacques Demy sur plusieurs aspects, notamment pour le romanesque provincial, mais ici ce sont les comédiens qui chantent eux-mêmes et de ce fait cela est moins léché, mais plus naturel et plus touchant. Chapeau à eux de s'être prêté au jeu, et derrière l'excellent Mathieu Amalric, complice de longue date des cinéastes, chacun des comédiens apporte sa dinguerie comme l'indispensable Denis Lavant, ou son émotion à l'image de la lumineuse Mélanie Thierry et l'étonnante Josiane Balasko. Les faux- semblants, les mensonges qu’on préfère s’inventer pour fuir une réalité trop morose sont au pouvoir dans cette comédie touchée par la grâce qui nous enchante autant qu'elle nous émeut, et dont on apprécie le ton et la saveur.

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Une œuvre puissante et dérangeante

Publié le par Michel Monsay

Une œuvre puissante et dérangeante

Le cinéaste belge de 46 ans, Joachim Lafosse, a l'habitude de porter à l'écran les difficultés des couples, voire même leur désintégration, que ce soit dans "A perdre la raison", avec Emilie Dequenne et Tahar Rahim, ou "L'économie du couple" avec Bérénice Béjo et Cédric Kahn. Dans "Les intranquilles", on retrouve cette atmosphère suffocante qui existaient déjà dans les deux films précités et que le réalisateur parvient à créer ici avec des plans très serrés sur les visages, en suivant les personnages caméra à l'épaule dans un mouvement perpétuel, en les isolant de leur environnement, pour être au plus près du malaise qui va s'installer au fil de l'intrigue. Joachim Lafosse excelle dans ce cinéma de la destruction. Dès les premières minutes de son long-métrage, il installe une tension qui ne quittera plus le récit jusqu’à la fin. L'histoire qu'il nous raconte agit telle une déflagration, grâce à une mise en scène à la fois frontale et pudique et l'interprétation exceptionnelle de Damien Bonnard et Leïla Bekhti. Mélodrame à la beauté sans apprêts et à la sensibilité à vif, « Les Intranquilles » avancent comme une chorégraphie de regards déchirante, où Joachim Lafosse épouse le point de vue inquiet, puis perdu du personnage féminin. Puisant dans son histoire personnelle, son père était bipolaire, Joachim Lafosse signe un drame rigoureux et d’une grande sobriété, qui à la fois bouleverse et met mal à l'aise devant la complexité de cette maladie.

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Un suspense de haut vol

Publié le par Michel Monsay

Un suspense de haut vol

Entre thriller paranoïaque et film d'enquête, "Boîte noire" happe le regard et l’ouïe dès les premières images pour ne plus nous lâcher. Il rappelle "Le chant du loup", où là aussi le personnage central, doté d'une oreille exceptionnelle, parvenait à décrypter des sons qui échappaient aux autres. On peut penser également aux polars anxiogènes et paranos des années 70, comme "Conversation secrète" de Coppola ou "Blow out" de Brian De Palma. En nous plongeant au cœur du BEA, le bureau d'enquêtes et d'analyses de l’aviation civile qui intervient dès le moindre incident mais aussi en cas de catastrophe aérienne, le réalisateur Yann Gozlan s'appuie sur un scénario très documenté et bien construit pour entretenir un suspense haletant aux ressorts multiples. Propulsé dans un univers mystérieux et méconnu car ultra spécialisé dont le grand public se retrouve toujours exclu de fait, le spectateur se passionne immédiatement pour ce qu'il découvre à l'écran. D'autant que la réalisation, la photographie, le réalisme de l'intrigue, les lieux parfois lugubres où se déroule l'action du film contribuent à créer une tension permanente, sans parler du pouvoir d'incarnation des comédiens, à la tête desquels Pierre Niney est à nouveau impeccable. Au-delà des énormes enjeux économiques dans cet univers de l'aéronautique que le film met en lumière, il y est aussi question de la montée en puissance de l’intelligence artificielle, de l’automatisation des vols, des menaces de piratage informatique, sans oublier les causes potentielles d'un crash : erreur humaine, défaillance technique ou acte terroriste. De quoi vous dégouter de prendre l'avion ! Malheureusement toutes ces pistes font écho à des catastrophes survenues, et le film possède tous les ingrédients pour justement brouiller les pistes et nous passionner pour cette quête de vérité très efficace.

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D'une beauté et d'une ambition rares

Publié le par Michel Monsay

D'une beauté et d'une ambition rares

On avait laissé l'excellent cinéaste québécois Denis Villeneuve il y a quatre ans avec le très réussi "Blade runner 2049", qui avait suivi un autre film emballant : "Premier contact" en 2016. Ces deux œuvres étaient déjà encrés dans l'univers de la science-fiction, genre que le réalisateur est en train de totalement révolutionner, si l'on y ajoute ce formidable "Dune", en y apportant sa virtuosité et sa sensibilité. Le talent de ce réalisateur de 53 ans nous été apparu au préalable dans plusieurs thrillers, comme "Sicario", dont la précision de la mise en scène et de la direction d'acteurs faisaient merveille, de même qu'une fascinante atmosphère sombre dans laquelle baignaient ses films, voilà pourquoi l'adaptation du fameux roman de Frank Herbert par Denis Villeneuve était tant attendue. On peut tout de suite dire que le résultat est largement à la hauteur de l'attente, on y retrouve tout ce qui fait la force du langage cinématographique du réalisateur, qui se sert de cette histoire futuriste pour nous tendre un miroir sur notre monde actuel, notamment d'un point de vue écologique et politique. Entre le roman de Herbert et le cinéma de Villeneuve, les passerelles thématiques abondent : La place des femmes dans une société patriarcale, la spécificité d’un langage, l’expérience du temps, les conflits de générations ou même, d’un pur point de vue de mise en scène, la confrontation dans un même cadre d’un humain à son environnement. Ne refusant jamais le spectacle et ses images iconiques lorsque le réclame la dramaturgie, Villeneuve réussit toujours à replacer l’humain au cœur de la mécanique. Un crédo passant par une incarnation visuelle naturaliste, parfois jusqu’au dépouillement. Loin de toute fantasmagorie, sans refuser pour autant une certaine étrangeté, de splendides gros plans sur des visages, voire une certaine luxuriance (le travail du chef opérateur est impressionnant, certaines séquences s'apparentant à des tableaux de maître), Dune crée une quotidienneté par laquelle le monde de Herbert se fait palpable, organique, plus proche que jamais de nous. D’autant que sa pertinence thématique, sur les enjeux écologiques de la surexploitation des ressources et les mécanismes de la colonisation, ajoute à ce sentiment de proximité et de contemporanéité. Dune, monumental d’ambition et d’ampleur, parvient alors à une illusion troublante d’intimité, notamment dans ce duo mère-fils, que Thimotée Chalamet et Rebecca Ferguson rehaussent avec brio, d'ailleurs tous les acteurs sont irréprochables. Dans la droite continuité de sa filmographie, Denis Villeneuve extirpe du roman un traitement inédit, bien supérieure à la version de David Lynch, continuant la réalisation sensorielle qu’il avait déjà expérimentée dans Premier contact et plus encore avec Blade Runner 2049 avec qui Dune partage nombre de similitudes à travers son apparente épure, l’absence de pyrotechnie inutile et la vision singulière d’un cinéaste décidément parmi l’un des plus admirables de sa génération. Ce projet de mise en scène se prolonge au sein du découpage technique, précis, minimaliste et anticonformiste. Le cinéaste ne fait jamais retomber la tension et nous entraîne dans un monde âpre, sublimé par une esthétique stupéfiante de maîtrise, que l'on admire dans les cadrages, l’architecture des décors et l’agencement méticuleux des éléments graphiques. Dune est l’accomplissement d’un cinéaste esthète qui n’aura de cesse de surprendre, parasitant chaque genre appréhendé, du drame psychologique à la science-fiction, avec une imagerie frappante et un regard passionné, il parvient à concilier grosse production et vision d'auteur.

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