Une pure merveille
Le pianiste et chef d’orchestre allemand Lars Vogt, directeur musical de l’Orchestre de chambre de Paris, qui est mort d'un cancer en septembre dernier à l'âge de 51 ans, nous avait offert son dernier enregistrement six mois plus tôt : Les deux concertos pour piano de Mendelssohn qu'il joue et dirige depuis son instrument. Dès les premiers accords du Concerto n° 1, Lars Vogt nous entraîne dans l’atmosphère solennelle de cette partition, alliant brio, panache, fougue et légèreté. Empreint de verve dans les passages soumis à un tempo rapide, il n’en est pas moins raffiné dans les thèmes lyriques, respectant intelligemment les proportions entre la virtuosité et la poésie. La formation qu’il dirige ne lui cède pas le pas, déployant des couleurs chatoyantes et joyeuses, notamment chez les vents. Porté par une énergie solaire, l’Orchestre de chambre de Paris se montre à la fois précis, plein d’amplitude expressive ainsi qu’attentif aux nuances que lui entonne le piano. Lars Vogt aligne les octaves, les gammes et les arpèges en les investissant dramatiquement. Il chante les passages rêveurs avec une sonorité de piano charnue, lumineuse, admirablement timbrée, phrasée de façon éloquente. Sa main gauche virevolte, soutient, relance, chante aussi et impose une pulsation rythmique irrésistible. Dans le deuxième Concerto, Lars Vogt subjugue par la finesse de son interprétation et inculque à cette page un souffle de profondeur. On se penchera sur la sonorité satinée des cordes, tout autant que sur la consistance des cuivres et la délicatesse des bois, adoucie par des demi-teintes pastel. On est ébloui par le génie de Mendelssohn, le plus précoce de l'histoire de la musique, il n'a que 22 ans lorsqu'il compose le concerto n°1 et a déjà à son actif nombre de symphonies et autres concertos ou sonates. Sa musique est parfaite de forme, de fond, d'inspiration, elle lance un pont entre les maîtres anciens (Bach surtout, mais aussi Mozart), ceux d'un présent encore palpable (Beethoven meurt quand Mendelssohn a 18 ans) et le romantisme dont il est l'un des maîtres dans le domaine symphonique avec Berlioz et Weber, avant l'arrivée de Schumann puis de Brahms. Voici un disque-testament poignant, une preuve éloquente que Lars Vogt était au sommet de ses possibilités artistiques, avec un énorme potentiel et une approche intelligente de l’interprétation et de la direction.
Ci-dessous quelques extraits de cet album magnifique :