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Une chronique sociale déchirante

Publié le par Michel Monsay

Une chronique sociale déchirante

C’est un film que l’on suit le souffle coupé, une heure et trente-trois minutes durant. L’Histoire de Souleymane est un thriller urbain haletant aux allures de documentaire, qui résonne très longtemps encore après son générique de fin. Tout, dans l’écriture, la facture visuelle et sonore, comme dans l’interprétation de ce film, est conçu pour mettre notre sens empathique en action et nous faire éprouver, émotionnellement, physiquement, psychologiquement ce qu’endurent les personnes en situation irrégulière et en lutte pour leur survie. Après deux documentaires tournés au Vietnam, Ceux qui restent et Les Âmes errantes, et deux très bons longs-métrages de fiction réalisés sur le sol africain, Hope et Camille, Boris Lojkine, normalien et agrégé de philosophie, creuse son sillon : son cinéma, travaillé par la guerre et les situations extrêmes, est poignant, remuant, mobilisant. Pour écrire le scénario de L’Histoire de Souleymane, qu’il cosigne avec Delphine Agut, il a effectué une copieuse enquête de terrain et rencontré de nombreux livreurs parisiens sans papiers. Il s’est aussi inspiré de la propre vie de son interprète, Abou Sangare, primé au dernier Festival de Cannes dans la section Un Certain Regard et dont la situation aujourd’hui n’est toujours pas régularisée. Abou Sangare habite l’écran avec une intensité rare. Sa présence, ses regards, sa photogénie, sa justesse de jeu, ses silences habités sont bouleversants. Derrière la caméra, l’équipe technique image et son, qui a tourné une bonne partie du film à vélo, réussit également un tour de force : faire converger le cinéma et le réel et porter cette émulsion à son point de juste équilibre. Avant de quitter Souleymane, nous assisterons à son dialogue avec une employée de l’administration incarnée par Nina Meurisse, grande actrice que Boris Lojkine avait déjà dirigée dans Camille. On ne dira rien de cette séquence si ce n’est qu’elle est inoubliable. L’Histoire de Souleymane dessille le regard et aide à combattre l’indifférence. Un film important, essentiel en ces temps d'extrême droitisation.

Publié dans Films

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Ce dessin de Charb est malheureusement toujours d'actualité

Publié le par Michel Monsay

Ce dessin de Charb est malheureusement toujours d'actualité
Ce dessin de Charb est malheureusement toujours d'actualité
Ce dessin de Charb est malheureusement toujours d'actualité
Ce dessin de Charb est malheureusement toujours d'actualité

Publié dans Chroniques

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On a rarement fait mieux en matière de rock

Publié le par Michel Monsay

On a rarement fait mieux en matière de rock

Avec Led Zeppelin, Deep Purple est le plus grand groupe de hard rock de l’Histoire. Highway star de 1972 qui est joué ici en 1984 avec les 5 membres historiques du groupe en est la parfaite démonstration. Ian Gillan au chant, une voix exceptionnelle, Jon Lord certainement le meilleur claviériste du rock, Ritchie Blackmore, un guitariste virtuose, Ian Paice, l'un des tous meilleurs batteurs rock, et de même pour Roger Glover à la basse. C'était ça la force de Deep Purple, la qualité remarquable de ses composantes, chacun au top dans son domaine. Autre performance renversante des 5 dans Child in time, enregistré à la BBC en 1970.

Publié dans Chroniques

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Une série puissante qui met en lumière les failles du système judiciaire coréen

Publié le par Michel Monsay

Une série puissante qui met en lumière les failles du système judiciaire coréen

Juvenile Justice aborde avec justesse la question méconnue de la criminalité violente qui gagne certains jeunes Coréens. Au-delà de l’aspect procédural, la série s’attarde sur l’environnement sociologique de chaque personnage, accusé ou victime. Face à la multitude de cas et de points de vue présentés, elle trouve son équilibre en se recentrant systématiquement sur l’impassible juge Sim, incarnée par la formidable Kim Hye-soo, à la fois rigide et touchante. Avec brio, ce drame judiciaire déconstruit le concept de l’enfant innocent et interroge la responsabilité de la société dans cette délinquance précoce. Ces jeunes sont souvent confrontés à l'absence de domicile, la négligence parentale, la maltraitance et la violence sexuelle. Outre le cinéma coréen qui fait partie des tous meilleurs au monde, le pays du matin calme produit aussi des séries de qualité comme celle-ci ou comme Deserter pursuit notamment. Juvenile justice brille effectivement par sa réalisation efficace, son interprétation juste même pour les rôles secondaires, et sa mise en lumière bien sentie du problème de la criminalité des mineurs.

Juvenile justice est à voir ici ici sur Netflix pour 5,99 € avec pub et 13,49 € sans pub, un mois d'abonnement sans engagement.

La bande-annonce ci-dessous est en vo, mais en regardant la série sur Netflix vous aurez les sous-titres en français.

Publié dans replay

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Malheureusement ça devait arriver

Publié le par Michel Monsay

Malheureusement ça devait arriver
Malheureusement ça devait arriver
Malheureusement ça devait arriver
Malheureusement ça devait arriver
Malheureusement ça devait arriver

Il sera à jamais le meilleur joueur de tennis de tous les temps avec Novak Djokovic et Roger Federer. À chacun sa préférence. Même si on s'y attendait depuis quelques temps, l'annonce de la retraite de Rafael Nadal ne peut que chagriner les amoureux de sport. Il suffit de regarder son palmarès époustouflant : 22 titres en tournoi du Grand Chelem (dont 14 Roland-Garros), il n'y a que Djokovic qui a fait mieux avec 24, 36 tournois ATP 1000, un titre de champion olympique, pour un total de 92 trophées remportés dans sa carrière. Qui d'autre que ses éternels rivaux pour parler de Rafael Nadal :

Novak Djokovic : Rafa, un seul post n'est pas assez pour exprimer tout le respect que j'ai pour toi et pour ce que tu as accompli pour notre sport. Tu as inspiré des millions d'enfants qui se sont mis au tennis grâce à toi et je crois que c'est le plus grand accomplissement que quelqu'un puisse souhaiter, salue le Serbe dans son message. Ta ténacité, ta dévotion, ta rage de vaincre seront racontées pendant des décennies. Ton héritage vivra pour toujours. Il n'y a que toi qui puisses savoir tout ce que tu as enduré pour devenir une icône du tennis et du sport tout court. Merci de m'avoir toujours poussé à la limite de mes capacités dans notre rivalité qui m'a le plus impactée en tant que joueur, poursuit Djokovic. Ta passion pour représenter l'Espagne a toujours été remarquable. Je te souhaite le meilleur au revoir à Malaga en Coupe Davis. Je serai là pour rendre hommage à ton extraordinaire carrière.

Roger Federer : Quelle carrière, Rafa ! J'ai toujours espéré que ce jour n'arrive jamais. Merci pour tous ces souvenirs inoubliables et tous tes accomplissements dans ce jeu que nous aimons. Cela a été un honneur absolu.

Un ancien champion, Mats Wilander, porte un regard sur les trois : Dans le tennis, Roger Federer a amené le flair. Novak Djokovic, lui, est au‐dessus de tout le monde niveau palmarès. Mais pour moi, personne n’a apporté plus que Nadal dans une des composantes essentielles du tennis, à savoir la passion. La passion est désormais indissociable de notre sport. On peut le voir à travers Carlos Alcaraz, et même parfois chez Jannik Sinner. Ces gars aiment la bagarre et je pense qu’ils le doivent à Rafael Nadal. L’élément le plus important dans le sport, c’est la passion.

Merci pour tout Rafael Nadal, car en plus d'avoir été un sportif d'exception qui nous a régalé durant 20 ans de son talent prodigieux, il est aussi une très belle personne, comme le rappelle ici Roger Federer.

Publié dans Chroniques

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Touchante adaptation des quatre filles du docteur March

Publié le par Michel Monsay

Touchante adaptation des quatre filles du docteur March

Cette adaptation du roman de Louisa May Alcott opte pour la joie, la nostalgie et un élégant classicisme dans cette minisérie britannique de 2017, inédite à la télévision française. États-Unis, fin XIXᵉ. La guerre civile fait rage entre le Nord abolitionniste et le Sud esclavagiste. S’emparer de cette chronique initiatique constituait un réel défi compte-tenu des nombreuses adaptations au cinéma. Pour le relever, Heidi Thomas, fine plume du paysage audiovisuel britannique a opté pour une narration classique. Rompue à l’exercice et au genre romantico-historique, celle dont la marque de fabrique est de faire du neuf avec du vieux parvient à faire souffler un irrésistible vent de fraîcheur, teinté d’une pointe de nostalgie, dans les trois épisodes que compte cette minisérie. Et c’est bien là toute la force de sa proposition. Autant les fans du roman que les nouveaux venus seront emportés par l’étonnante modernité d’une œuvre où il est bien question d’émancipation féminine. Cette minisérie vaut également pour son romanesque, sa délicieuse galerie de portraits et le soin mis à éviter de tomber dans l’écueil du sentimentalisme, voire de la niaiserie, propre à certaines adaptations. Le mérite en revient aussi aux comédiennes et comédiens qui incarnent parfaitement leur personnage, avec une mention particulière pour l'excellente Emily Watson, qui de Breaking the waves en 1996 à la série Chernobyl ou au téléfilm Une femme de confiance nous bouleverse à chacune de ses prestations, mais aussi pour la jeune Maya Hawke, fille d’Uma Thurman et d’Ethan Hawke, qui pour son premier rôle en 2017 était impressionnante de justesse.

Little women est à voir ici ou sur le replay d'Arte ou ci-dessous vous avez les trois épisodes.

Publié dans replay

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Émouvant nocturne indien féminin et subtilement féministe

Publié le par Michel Monsay

Émouvant nocturne indien féminin et subtilement féministe

Comme pour tisser un lien avec la forme documentaire de son précédent film, l'indienne Payal Kapadia ouvre All We Imagine as Light, son premier long-métrage de fiction, sur des voix anonymes témoignant de leur expérience de vie citadine. À Mumbai anciennement Bombay, le rythme est intense, chaotique, et le temps semble ne jamais s’arrêter dans une perpétuelle fuite en avant. La cinéaste accompagne ses paroles d’un travelling laissant entrevoir des habitants qui s’activent autour de plusieurs étalages de marché, sans que notre regard puisse réellement se poser sur ces visages inconnus. Si le film s’embarque ensuite dans une véritable fiction, le récit n’en demeure pas moins en prise constante avec le réel. Mumbai nous est présentée comme un endroit où le désir et l’amour affleurent, mais sont sans cesse empêchés. Cette société aux règles intransigeantes n’est jamais personnifiée. Aucune figure d’autorité qui viendrait nous rappeler l’ordre et la morale n’a sa place à l’écran. Cela étant, la cinéaste n’a pas besoin de les faire intervenir et les femmes entre elles se chargent de veiller à ce que quiconque ne sorte du droit chemin. All We Imagine as Light impose sa force politique en évitant tout bruit et fracas. Au contraire, c'est avec une lente détermination qu'il affirme sa foi en une société où les sentiments sont les seules boussoles. Si le film a l’ampleur d’un grand roman réaliste, à sa manière de s’attacher à des destins avalés par la ville et ses forces sociales, il n’avance que par succession de touches subtiles et impressionnistes, faisant monter l’émotion par gradation ascensionnelle. Le bonheur est-il ne serait-ce qu’envisageable, pour les trois femmes au centre de All We Imagine as Light, aux existences contraintes par les forces économiques, le qu’en-dira-t-on, la tradition. Ne faire qu’entrevoir cette liberté, la désirer, ébaucher sa mise en place, est déjà d’une audace folle face aux injonctions sociales, religieuses et familiales. Payal Kapadia ne fait pas qu’extraire ces trois anonymes de la foule très dense de Mumbai. Elle les dote d’une sensorialité poussée dans ses retranchements, qui donne à sa chronique pleine d’espoir cette saveur si particulière et charmante, notamment grâce à la plus jeune des trois femmes. Grand Prix du Festival de Cannes, All We Imagine as Light est également d'une vraie beauté visuelle, dessinant en sous-texte et à bas bruit ce qu’une Inde plus tolérante, moins misogyne, moins dure, pourrait être, loin de celle qu'impose l’actuel Président Modi.

Publié dans Films

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Magnifique Isabelle Carré dans un grand rôle féministe du répertoire classique

Publié le par Michel Monsay

Magnifique Isabelle Carré dans un grand rôle féministe du répertoire classique

La serva amorosa est une comédie familiale et dans ce genre, c'est une sorte de chef-d'œuvre. L'extraordinaire Isabelle Carré dans la peau de Coraline, dirigée par Catherine Hiegel, qui avait tenu le rôle il y a quelque trente ans à la Comédie française, est au-delà de l'éloge. Dans un décor mobile à volonté, toute à la fois bouleversante et brutale, sensuelle et volontaire, parfois gouailleuse ou fine Florentine, elle promène sur la scène son dégoût de l'injustice. Il faut l'entendre répéter à l'envi cette merveilleuse injonction quand tout semble aller pour le pire : « Parlons de choses plus gaies ! » ou « Allons, un peu de bonne humeur ! ». Si séduisante lorsque, habillée de noir en clerc de notaire, tricorne sur le crâne, elle ouvre enfin les yeux de ce pauvre vieil Ottavio abusé par sa seconde épouse. Coraline raisonne, argumente sans relâche. Le riche négociant Pantalon ne s'y trompe pas lorsqu'il déclare : « Mais c'est une panthère, cette femme-là ! Elle fait le chat qui dort et puis, tout à coup, elle sort ses griffes ! » Le vrai sujet de la pièce, ce sont les motivations de Coraline et le titre, à ce point de vue, est trompeur. « Amorosa », peut-être, mais bien plus que cela : la « serva » sort de sa condition de domestique, elle est avant tout une femme. « Mais quelle femme ! », marmonne Pantalon. Et on se souvient de sa dernière tirade : « Que vive notre sexe, et que crèvent sur l'heure ceux qui oseraient encore en dire du mal ! » Voilà qui est dit, et bien dit. Catherine Hiegel n'est pas du genre à transposer les classiques dans un présent factice. Quand le rideau s'ouvre sur la première scène de La Serva amorosa, au théâtre de la Porte Saint-Martin, le public est résolument plongé dans l'époque de Goldoni : un XVIIIe siècle pastel représenté par des toiles peintes et des cloisons mobiles avec, en fond de scène, un panorama de Vérone. Vêtus de sobres costumes d'époque, les personnages du Molière italien s'animent sur un rythme de farce, avec une pointe de mélancolie qui ira grandissante. Ex-comédienne surdouée du Français, Catherine Hiegel a Goldoni chevillé au cœur après l'avoir joué à de multiples reprises, notamment sous la férule du maître Giorgio Strehler. Elle a ainsi profondément intégré la dimension subversive de l’œuvre du dramaturge italien. Non seulement cette pièce de 1752 inverse la hiérarchie maître et serviteur, une domestique manipule tout le monde et redresse les torts, mais par son intelligence et sa bravoure, son héroïne surpasse en tout point les hommes. D'une comédie classique faussement légère, Catherine Hiegel fait un brûlot féministe. Elle s'appuie sur une artiste de haut vol pour incarner la Serva amorosa : Isabelle Carré déploie un jeu très moderne, mélange de détermination, de vélocité, d'humour à froid et de tendresse rentrée qui confère au personnage une dimension épique. L'ensemble de la troupe n'est pas en reste et contribue pleinement à la très belle réussite de la pièce.

La serva amorosa est à voir au Théâtre de la Porte Saint-Martin jusqu'au 4 janvier.

Publié dans Théâtre

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Une grande tristesse

Publié le par Michel Monsay

Une grande tristesse
Une grande tristesse
Une grande tristesse
Une grande tristesse
Une grande tristesse
Une grande tristesse

Il était le plus doué et celui que l'on préférait de la bande, et malheureusement c'est lui qui s'en va le premier à 72 ans. Michel Blanc, pilier surdoué de la troupe de café-théâtre du Splendid composée de Josiane Balasko, Marie-Anne Chazel, Christian Clavier, Gérard Jugnot, Thierry Lhermitte, est resté indissociable du personnage de Jean-Claude Dusse, loser attachant des comédies cultes Les Bronzés (1978) et Les bronzés font du ski (1979), de Patrice Leconte. Dusse, c'est ce moustachu pâlichon qui ne suscite que l'indifférence. Il est le plus touchant de cette bande d'affreux, le seul qui, par-delà les gags, inspire un peu de compassion aux spectateurs. De ses plans drague foireux qui n'atteignent jamais leur conclusion à ses tentatives de suicide, Dusse rate absolument tout. Mais il a accepté son sort, cette fatalité de loser qui le poursuivra toujours. S'il réussit quoique ce soit un jour, ce sera forcément sur un malentendu. Après Les bronzés font du ski où il se retrouve coincé sur un télésiège à chanter « Quand te reverrais-je, pays merveilleux… » en 1979, Michel Blanc va décliner cet archétype dans trois comédies qu'il coécrit avec Patrice Leconte : Viens chez moi, j'habite chez une copine (1980), Ma femme s'appelle reviens (1981) et Circulez, y'a rien à voir (1982). Puis dans son premier film de réalisateur Marche à l'ombre, énorme succès de 1984. Toujours moustachu, le Michel Blanc du début des années 1980 donne un visage à la France qui a raté le train des Trente Glorieuses. La France dans la dèche, qui squatte les canapés des potes et zone devant les flippers, en attendant une vague combine foireuse à la place d'un boulot de plus en plus rare. Michel Blanc joue ce gars-là, « épais comme un sandwich SNCF », comme le chante Renaud dans la B.O. de Marche à l'ombre. Et pour encore mieux se diminuer, il s'affiche avec les beaux balèzes de l'époque, Bernard Giraudeau et Gérard Lanvin. Il reviendra à Bertrand Blier de le transformer en une figure tragique et pathétique. En 1986, dans Tenue de soirée,  Michel Blanc tombe amoureux de Gérard Depardieu, rase sa moustache, se travestit et reçoit le Prix d'interprétation au festival de Cannes, sa carrière peut alors prendre une direction nouvelle. En 1989, Monsieur Hire de Patrice Leconte le précipite dans la France pluvieuse de Georges Simenon. Il y est excellent en jouant autrement, l'éternel invisible, ce fade Hire qui vit seul dans son appartement parisien, obsédé par une voisine qu'il passe des nuits à observer dans le noir. S'il ne renonce pas totalement à la comédie, Michel Blanc va pouvoir devenir le grand acteur dramatique qu'il a toujours rêvé d'être : collabo irascible dans Uranus de Claude Berri en 1990, bouleversant médecin homosexuel courageux et débordé par la vague du Sida dans Les témoins d'André Téchiné en 2007, glacial directeur de cabinet du ministère des transports dans L'exercice de l'Etat, superbe film de Pierre Schoeller, qui lui offre un César amplement mérité en 2011. Dans son dernier film sorti sur les écrans, Marie-Line et son juge de Jean-Pierre Améris, il jouait un juge. Il s'y montrait bougon, alcoolique… et finalement, forcément, attachant. Il y aussi ce rôle qu'il s'est écrit lui-même, dans un numéro schizophrénique troublant. En 1994, dans Grosse fatigue, il se met en scène en pauvre type qui se fait passer pour Michel Blanc où Carole Bouquet l'y traite de « Woody Allen franchouillard ». L'acteur réalisateur est mort sans prévenir, dans la nuit, et sa vie s'est conclue, sur un malentendu. Il aimait citer cette phrase de Jacques Brel : « On est le produit de hasards biologiques qui font ce qu'ils peuvent ». En 50 ans de carrière, il nous aura proposé 50 nuances de Blanc en tant qu'acteur évidemment mais aussi comme réalisateur dans ses trois premiers films, c'est peu dire qu'il va nous manquer.

Extrait d'une interview de Jean-Pierre Améris, le réalisateur de Marie-Line et son juge à propos de Michel Blanc : « Comme souvent avec les comiques, l’émotion n’est jamais loin. J’aime les gens capables de faire rire. Quand on fait autant rire les autres, c’est parce qu’on est blessé. C’est l’être humain qui aurait voulu être autre chose et qui va mettre toute la misère humaine dans son personnage. On reconnaît le talent des acteurs comiques uniquement quand ils font des rôles tragiques. Je le déplore. Dans Les Bronzés ou Marche à l’ombre, il mettait énormément de douleur. Ce genre de rôles qui nous représentent nous consolent et nous sauvent. Le spectateur ne se moque pas de Jean-Claude Dusse. On a de l’empathie pour lui. Et Michel Blanc ne se moquait pas des gens. Il vient d’un milieu modeste, il était très caustique, mais pas du tout méprisant, loin de là. La phrase d’Henri Calet, “Ne me secouez pas, je suis plein de larmes”, lui correspond absolument.

Publié dans Chroniques

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Album envoûtant entre jazz métissé et chanson française

Publié le par Michel Monsay

Album envoûtant entre jazz métissé et chanson française

Ce nouvel album de Marion Rampal est constitué de onze morceaux qui mêlent jazz, folk et chanson française, et donnent la sensation de voler. En effet, dès l'ouverture Tangobor, on est saisi par cette sensation de flottement aérien, de lâcher prise. La belle voix éthérée, frémissante, dans un français subtilement malaxé, de Marion Rampal est soutenue par des arrangements délicats et épurés, signés du multi-instrumentiste Matthis Pascaud qui accompagne la chanteuse dans ses projets musicaux depuis 2020. Après cette mise en matière qui d'emblée nous touche, De beaux dimanches en duo avec Bertrand Belin navigue superbement entre légèreté et mélancolie. Le morceau suivant gagne en énergie avec une musique plus rythmée et une guitare country-folk qui cède la place à une clarinette tendance klezmer. Grande ourse s'inspire d'un texte de Florence Aubenas sur une femme ayant rompu avec le monde pour mener une vie de sauvageonne. Autre ambiance, le leitmotiv lancinant de Coulemonde à mi-chemin entre ambiance décontractée et rumba. À nouveau une formulation originale avec Gare où va qui nous emporte dans un parfum musical d'îles créoles en utilisant la métaphore de l'oie sauvage pour symboliser nos errances sentimentales. Et les palmipèdes sont décidément à l'honneur dans cet album, à travers Canards en duo avec Laura Cahen, ou le morceau-titre de l'album Oizeau qui se dandine en mode ragtime. Le timbre de Marion Rampal a depuis longtemps séduit les amateurs de jazz à travers trois albums : Main Blue, en 2016, qui la présentait en amatrice de blues, Le Secret en 2019, exploration poétique de la musique française, de Fauré à Debussy, puis Tissé, aux influences folk avec un fond de bayou. Avec l’éclectisme comme moteur, Marion Rampal a choisi cette fois de se tourner vers la chanson française. Elle l’aborde par son versant artisanal : guitares ou mandolines ondulantes, clarinette douce, contrebasse et batterie tranquilles qui composent des ballades accueillantes et comme sorties d’un autre âge. Celui de la nature préservée, de l’enfance disparue comme les aïeux mais dont le souvenir persiste pour transmettre sans manièrisme des chansons à l’aura mystérieuse. Avec ce très bel album, Marion Rampal nous a donné l'envie de nous abandonner à la flânerie, au rêve et à l'envol. Sa musique est un précieux compagnon de voyage, qu'il soit réel ou fantasmé.

Publié dans Disques

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