Dans cette grande exposition, la plus importante jamais consacrée à la collaboration entre Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol, deux esthétiques, deux générations et deux tempéraments se croisent et fusionnent : celle de la rage et de l'engagement de Basquiat à faire exister la figure noire, avec une fantaisie empreinte de gravité. Et celle, plus distanciée et non dénuée d’ironie de Warhol. Drames, violences policières et racisme croisent ainsi folie consumériste, culture populaire et imagerie pop, le tout entremêlé de signes, graffitis, symboles et chiffres. Leur collaboration artistique de deux ans, entre l’automne 1983 et l’automne 1985, fut très intense, ils travaillaient sur plusieurs toiles, aux formats parfois monumentaux, durant des journées entières, sans s’être fixé la moindre règle. Au total, 160 toiles réalisées à quatre mains dans ce court laps de temps, dont 80 sont montrées dans cette exposition qui comporte 300 œuvres, et parmi elles, quinze très belles toiles exécutées à trois avec l’artiste italien, Francesco Clemente. Basquiat et Warhol, ces deux emblèmes de l’art new-yorkais, l’un dans l’étourdissement de la jeunesse, l’autre dans la toute-puissance de l’expérience, se fascinent mutuellement. Les deux artistes se retrouvent dans le détournement politique des images du consumérisme américain et de la société sécuritaire. Ils semblent s’entendre et s’unir mais dans leur travail commun, dans l’alignement vertigineux des peintures saturées de signes, de couleurs et de slogans, se niche aussi une forme de rivalité. Comme sur un ring, ou dans des battles de rap, ils se défient et se stimulent. Le pouvoir oscille et se renverse sans cesse, du blanc au noir, de la forme au chaos, du cri au discours, sans que l’on puisse décider qui contamine l’autre. Deux artistes de premier ordre dans l'art contemporain des années 1980, ceci aurait dû les empêcher de travailler ensemble, d’autant que leurs styles respectifs n’ont rien en commun et qu’ils ne cherchent pas à les rapprocher. Jouant à l’inverse de leurs différences, les exagérant même, ils trouvent le chemin pour créer à deux, et nombre de leurs duos sont de belles réussites. Dans l'incroyable débauche de créativité dont ils ont fait preuve durant leur collaboration, et de mon point de vue Basquiat en sort gagnant, cette impressionnante exposition met en lumière l'aptitude des deux artistes à inventer un nouveau langage visuel.
Basquiat x Warhol à quatre mains est à voir jusqu'au 28 août à la Fondation Louis Vuitton.