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Une rareté signée René Clément

Publié le par Michel Monsay

Une rareté signée René Clément

René Clément, le grand cinéaste multi récompensé de La bataille du rail, Paris brûle-t-il ?, Jeux interdits, Plein soleil, Monsieur Ripois pour ne citer qu'eux, dans un registre très différent se moque de tout et de tous dans Quelle joie de vivre : de la politique, de l'héroïsme, des gendarmes, des généraux, des ministres, des vrais et des faux terroristes, mais il ne se moque ni de l'amour ni de ce goût de la liberté qui anime inconsciemment son héros. Nous sommes en 1921. L'Italie est désorganisée. Partout on pérore, on jacasse, on complote. Déjà la menace du fascisme pèse sur le pays. Ce qui suit pourrait être un drame. Mais René Clément a choisi de nous faire rire, et dès les premières images, c'est vers la comédie et la mascarade qu'il nous mène. C'est dans une famille de gentils hurluberlus, qui impriment des tracts anarchistes en pleine montée du fascisme à Rome et chantent des hymnes révolutionnaires, que déboule Ulysse, orphelin venant d’endosser la chemise noire pour les 150 lires promises à la signature. Tombé amoureux de la fille, il se laisse adopter par cette famille de doux-dingues, lui qui n’en a jamais eu. Ulysse ne s’occupe pas de politique, mais la politique va le rattraper. Il ment sur ses origines et se fait passer pour un célèbre anarchiste activiste. Interprété par Alain Delon, qui venait de tourner Plein soleil avec le même René Clément et Rocco et ses frères de Visconti, le jeune acteur de 26 ans fait preuve d'autant de romantisme que d'humour dans son personnage de faux anarchiste sentimental. René Clément s’est emparé de ce scénario de comédie à l’italienne pour réaliser une fable humaniste, à mi-chemin entre Vittorio De Sica et Frank Capra. Dans un noir et blanc soyeux, il dépeint une Italie en plein chaos où chacun se cherche une identité et où tout le monde aspire à être libre. Quelle joie de vivre est un film drôle, qui mêle savamment l'ironie, la tendresse et la gravité.

Quelle joie de vivre est à voir ici ou sur le replay d'Arte.

Publié dans replay

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Un film d’animation flamboyant et introspectif

Publié le par Michel Monsay

Un film d’animation flamboyant et introspectif

Un quart de siècle après sa sortie, Slam Dunk, le manga de sport le plus vendu au monde avec 170 millions d'exemplaires, fait aujourd’hui un retour vibrant. Créé par le maître Takehiko Inoue et publié au Japon durant la première moitié des années 90, cette odyssée du basket inter-lycéen fut éditée en 31 tomes en France à l’aube des années 2000. Takehiko Inoue n’est pas n’importe qui au Japon. Révéré par ses pairs pour son sens de la narration et sa maîtrise technique ébouriffante, trônant sur plusieurs immenses succès de librairies, l’homme a gagné une indépendance totale, pliant les éditeurs à sa volonté au point de ne plus publier qu’au compte-gouttes depuis vingt ans. Auteur du manga original Slam Dunk, Takehiko Inoue renoue avec sa création en signant lui-même le scénario et la mise en scène du film. Le dessinateur subjugue les rétines en enchaînant des séquences de basket stupéfiantes. Il profite à fond de l'animation, travaille les flous, varie les angles, tranche des ruptures brutales, multiplie les accélérations fulgurantes, les ralentis gracieux, les gros plans gelés, les cavalcades pulsées par guitares électriques, les parenthèses d'apesanteur… Il attrape encore les regards qui se croisent ou se défient, le sillon d'un ballon transformé en boulet de canon, la sueur qui roule sur la peau, les muscles qui refusent l'obstacle quand la volonté réclame plus, les chevilles qui craquent, les poumons qui éclatent… puis ce geste de ballerine, le poignet du basketteur au moment du lancer à trois points. Enfin, le silence. Puis ce petit souffle de la balle dans les filets du panier. Pfft ! Le générique d’ouverture, crayonné au noir et blanc, donne le sentiment de donner vie au manga : les lignes se tracent, les corps se mettent en marche, l’équipe se forme et avance collectivement. Un bon millier d'artistes animateurs sont crédités au générique de ce long-métrage à la fois spectaculaire et intimiste, qui alterne habilement le déroulé d'un match décisif et très intense avec des flashbacks sur le passé des joueurs, en particulier celui du personnage central entouré d'un drame familial qui le hante. The First Slam Dunk est un grand film sur le basket, grâce à l’extraordinaire et très réaliste pénétration graphique que l’auteur offre de la discipline, pour l’avoir pratiquée lui-même dans sa jeunesse, en raconte sa grammaire et sa philosophie même, il est aussi une réflexion pertinente sur l’intensité physique, sa représentation et la capacité à aller aux delà de ses limites.

Publié dans Films

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Un exploit aussi immense qu’inattendu de Mickaël Mawem

Publié le par Michel Monsay

Un exploit aussi immense qu’inattendu de Mickaël Mawem

Vendredi 4 août, à Berne, Mickaël Mawem est devenu le premier Français à devenir champion du monde d’escalade de bloc. Le grimpeur du Haut-Rhin, qui a fêté ses 33 ans la veille du sacre, est au sommet de sa discipline, à la force des doigts (et de tout le reste). Le champion d'Europe 2019, dominateur de la demi-finale quelques heures plus tôt, a signé une performance dingue pour s'offrir sa première médaille au niveau mondial, lui qui rêve de se qualifier pour les JO de Paris 2024. Mickaël Mawem ne compte aucun podium en Coupe du monde, ni de finale cette saison, mais prouve une nouvelle fois qu'il est bien présent sur les grands moments, comme quand il s'est qualifié, alors que peu de monde aurait parié sur lui, pour les JO de Tokyo 2021, où il a frôlé la médaille. Au terme d'une finale exceptionnelle, il a été le seul des six finalistes à aller au bout de 3 voies sur les 4 présentées. Dans cette discipline, le but est d’aller le plus haut possible et d’atteindre la dernière prise à deux mains. C’est ce qu’a réussi Mickaël Mawem à trois reprises donc, une prestation de haut vol lui assurant le titre de champion du monde. Autre exploit tricolore dans cette compétition : le Français Mejdi Schlak a remporté, dans la même épreuve du bloc, la médaille d’argent à seulement 19 ans devant un coréen, deux japonais et un autrichien. Ovationné par la foule et submergé par l'émotion, Mickaël Mawem a crié de joie sur le tapis. "J'ai attendu dix ans pour ça, mon but était d'être un jour le meilleur du monde, a-t-il avoué les larmes aux yeux, après la finale. J'ai vécu beaucoup d'échecs en 10 ans, mais je revenais tous les ans, tous les ans... C'est fou." Très apprécié dans le monde de l'escalade, et connu pour être un énorme travailleur, qui ne prend jamais de vacances ou presque, le nouveau champion du monde s'entraîne à Colmar, dans la salle qu'il a ouverte avec son frère Bassa. Cette magnifique et impressionnante performance à voir ici est de bon augure à un an des Jeux Olympiques.

Un exploit aussi immense qu’inattendu de Mickaël Mawem
Un exploit aussi immense qu’inattendu de Mickaël Mawem
Un exploit aussi immense qu’inattendu de Mickaël Mawem
Un exploit aussi immense qu’inattendu de Mickaël Mawem

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Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle

Publié le par Michel Monsay

Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle

C'est avec une grande tristesse que j'ai appris la nouvelle de la mort de l’historienne Hélène Carrère d’Encausse, première femme à la tête de l’Académie française. Elle y était entrée en 1990 avant d’en devenir Secrétaire perpétuel en 1999, un titre qu’elle tenait à ne pas féminiser. Ce samedi 5 août, la famille d’Hélène Carrère d’Encausse a annoncé le décès à l’âge de 94 ans de la célèbre historienne spécialiste de la Russie, qui s’est éteinte paisiblement entourée de sa famille. Née à Paris le 6 juillet 1929, elle était la fille d'une Italienne et d'un philosophe géorgien émigré en France, Georges Zourabichvili. Née apatride, elle acquiert la nationalité française en 1950. Elle affirmait « être Française de la tête aux pieds ». De ses origines, elle avait conservé sa foi orthodoxe. Elle épouse en 1952 Louis Carrère, dit Carrère d'Encausse, un assureur avec lequel elle a trois enfants : l'écrivain Emmanuel, ainsi que Nathalie, avocate, et Marina, médecin et consultante dans les médias. Elle obtient le diplôme de l'Institut d'études politiques de Paris et un doctorat ès-Lettres, puis enseigne l'histoire à la Sorbonne puis à Sciences Po ainsi qu'au collège d'Europe de Bruges. Spécialiste de la Russie, elle est l'auteur de plusieurs biographies dont celles de Lénine, Staline ou Catherine II. Elle fait en 1978 une entrée fracassante dans l'édition avec L'Empire éclaté, succès commercial et critique où elle prédit, avant beaucoup d'autres, l'éclatement de l'URSS confrontée au problème des minorités. Elle est invitée dans de nombreuses universités étrangères, notamment en Amérique du Nord et au Japon. Elle a été décorée en 1998 par le président russe Boris Eltsine de l'Ordre de l'amitié entre les peuples « pour son étude de la Russie ». En 1997, elle a reçu en France le Prix des Ambassadeurs pour son ouvrage Nicolas II : la transition interrompue. Hélène Carrère d'Encausse a été la troisième femme élue à l'Académie française. Elle a également eu une carrière politique : après avoir dirigé, en 1992, le Comité national pour le « oui » au référendum sur le traité de Maastricht, elle figure, lors des européennes de 1994, en seconde position sur la liste de la majorité de droite UDF-RPR, derrière Dominique Baudis. Élue au parlement européen, elle est vice-présidente de la commission des Affaires étrangères et de la Défense. « Mère supérieure », selon l'affectueuse expression de son confrère à l'Académie Erik Orsenna, « tsarine » pour d'autres, auteur d'une bonne trentaine d'ouvrages, Hélène Carrère d'Encausse, grand-croix de la Légion d'honneur, était doyenne d'élection et d'âge de l'Académie française qu'elle a dirigée durant 24 ans avec une détermination et une exigence intellectuelle et morale impressionnantes. Engagée dans une défense vigoureuse de la tradition lexicale française, dans la préservation du patrimoine, en particulier parisien car la capitale était son jardin d'élection, dans le débat sur immigration et intégration, dans l'approfondissement de la civilisation européenne, cette femme dotée d'un optimisme inentamable et d'une énergie rayonnante, voire impériale, a incarné, par l'originalité même de son parcours, un moment particulier de la culture française et européenne.

Depuis 10 ans, j'ai eu la chance et l'honneur, en étant photographe pour l'Académie française, de côtoyer Hélène Carrère d'Encausse. Voici quelques souvenirs de ces 10 années, des plus anciennes photos, notamment en compagnie de Sylviane Agacinski en 2013, qui vient d'ailleurs d'être élue le 1er juin à l'Académie, jusqu'aux photos plus récentes, notamment lors de la réception d'Antoine Compagnon il y a trois mois et la dernière photo que j'ai faite d'Hélène Carrère d'Encausse tout sourire  :

Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle
Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle
Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle
Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle
Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle
Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle
Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle
Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle
Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle
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Françoise Pétrovitch réinterprète le romantisme dans une superbe exposition riche en couleurs

Publié le par Michel Monsay

Françoise Pétrovitch réinterprète le romantisme dans une superbe exposition riche en couleurs

Aimer. Rompre, le titre de la nouvelle exposition de Françoise Pétrovitch a le goût de l’ambivalence. Celui des sentiments contradictoires, instables, et le goût de l’entre-deux, qu’elle cultive depuis une vingtaine d’années, entre présence et absence, entre l’homme et l’animal, et ses figures adolescentes entre enfance et âge adulte. Quelques mois après la très belle exposition que la BNF lui avait consacrée, dont j'avais dit le plus grand bien dans ce blog, le musée de la Vie romantique invite Françoise Pétrovitch à investir l’ensemble de ses espaces avec une quarantaine d’œuvres puissantes et inédites, au lavis ou à la peinture, créées spécialement par l’artiste pour le musée. Certains peintres ont la grâce de venir vous chercher là où vous êtes, comme vous êtes, sans bagage culturel particulier. Comme sur ces tableaux d’adolescents, parfois cigarette aux lèvres ou en couples dont on ne sait si leur histoire commence ou se termine, et parfois les yeux clos, semblant montrer une sorte de repli sur un monde intérieur. Dans le très bel hôtel particulier du IXe arrondissement qui abrite le musée, les tableaux assez pop de Françoise Pétrovitch y font l’effet d’un sorbet acidulé, mais c’est une fausse piste, car si elle a un lien avec le romantisme, c’est l’inquiétude, cette intensité et cette incertitude. Les œuvres de Françoise Pétrovitch sont faites de contrastes, entre intimité et solitude, rapprochement et éloignement, et faisant la part belle à l’adolescence, belle et difficile période d'entre-deux où tout est encore possible, comme un trait d’union entre les époques, celle du romantisme du 19e, avec sa noirceur et sa profondeur et celle d’aujourd’hui avec ses couleurs tantôt pastel et tantôt presque fluo. Dans cette formidable exposition aux images empreintes de poésie et d'une beauté presque inquiétante, Françoise Pétrovitch offre un parfait contrepoint contemporain au romantisme : portraits à l’aquarelle de jeunes femmes à la chevelure flottante, aux côtés de paysages d’îles imaginaires toutes noyées de dilution et de lavis rêveur, ou peintures grand format d’adolescents entre fragilité et retrait solitaire, dont on ressort totalement conquis.

Françoise Pétrovitch Aimer. Rompre est à voir au Musée de la vie romantique jusqu'au 10 septembre.

Françoise Pétrovitch réinterprète le romantisme dans une superbe exposition riche en couleurs
Françoise Pétrovitch réinterprète le romantisme dans une superbe exposition riche en couleurs
Françoise Pétrovitch réinterprète le romantisme dans une superbe exposition riche en couleurs
Françoise Pétrovitch réinterprète le romantisme dans une superbe exposition riche en couleurs
Françoise Pétrovitch réinterprète le romantisme dans une superbe exposition riche en couleurs
Françoise Pétrovitch réinterprète le romantisme dans une superbe exposition riche en couleurs
Françoise Pétrovitch réinterprète le romantisme dans une superbe exposition riche en couleurs
Françoise Pétrovitch réinterprète le romantisme dans une superbe exposition riche en couleurs
Françoise Pétrovitch réinterprète le romantisme dans une superbe exposition riche en couleurs
Françoise Pétrovitch réinterprète le romantisme dans une superbe exposition riche en couleurs
Françoise Pétrovitch réinterprète le romantisme dans une superbe exposition riche en couleurs
Françoise Pétrovitch réinterprète le romantisme dans une superbe exposition riche en couleurs
Françoise Pétrovitch réinterprète le romantisme dans une superbe exposition riche en couleurs
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Françoise Pétrovitch réinterprète le romantisme dans une superbe exposition riche en couleurs

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Émouvante histoire d'amour dans l'Italie ouvrière des années 70

Publié le par Michel Monsay

Émouvante histoire d'amour dans l'Italie ouvrière des années 70

Dans les années 1970, le cinéma italien était rouge sang. Engagé à gauche toute, empruntant autant à la comédie qu’au drame réaliste. Un vrai crime d’amour (1974) est une fable ouvrière cinglante, ancrée dans ces années de plomb, quand la misère endémique et la corruption politique infusaient les scénarios. Après son conte cruel L’Argent de la vieille, Luigi Comencini réalise une variation de Roméo et Juliette en pays ouvrier. Un vrai crime d'amour est un titre important quoique plutôt méconnu du cinéma italien des années 70, et l’une des grandes réussites de son auteur. C’est un film qui dépeint avec beaucoup de justesse la classe ouvrière, et la difficulté de s’aimer quand on travaille dans la même usine mais qu’on n’appartient pas au même bord idéologique et culturel, et qu’on est contraint à des horaires épuisants, de longs trajets pour se rendre sur son lieu de travail et des logements vétustes ou exigus. Stefania Sandrelli est bouleversante dans le rôle de Carmela, une immigrée sicilienne catholique, dans la banlieue industrielle de Milan, qui tombe amoureuse d’un ouvrier communiste et athée, interprété par Giuliano Gemma. Luigi Comencini adopte le ton d’une tragédie sociale, dans un film qui aborde le sujet central dans l’histoire italienne de l’immigration interne. Depuis la fin du XIXème siècle les populations pauvres et rurale du sud du pays se déplacent vers le nord industrialisé. Ces mouvements migratoires s’accentuent après-guerre, dans les années 50 et 60, et provoquent le déracinement d’une partie du prolétariat, employée dans les usines turinoises ou milanaise mais issue de Sicile, Naples ou la région des Pouilles. Le personnage de Stefania Sandrelli est victime de sa condition et des contradictions culturelles qui divisent l’Italie. Le film n’est pas seulement un témoignage sur l’exploitation des ouvriers. Il dénonce aussi le désastre écologique provoqué par l’industrialisation intensive, mais c'est surtout une tragédie intense, ponctuée de tendresse, mise en scène avec finesse et une profonde empathie par Luigi Comencini, un humaniste lucide, et donc désespéré.

Un vrai crime d'amour est à voir ici ou sur le replay d'Arte.

Publié dans replay

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Consécration d'une superbe championne

Publié le par Michel Monsay

Consécration d'une superbe championne
Consécration d'une superbe championne
Consécration d'une superbe championne
Consécration d'une superbe championne

Les français en matière de golf ont toujours joué en quelque sorte en deuxième division, à de très rares exceptions, c'est pour cela que la victoire de Céline Boutier dimanche dernier dans un des cinq tournois du Grand Chelem du golf féminin est une exploit retentissant. À 29 ans, elle remporte son premier tournoi majeur, une performance que seules deux Françaises avaient réussi avant elle dans l’histoire du golf. Poids plume de 1,65 m, Céline Boutier n’a pas vraiment le gabarit d’une joueuse de golf moderne : un sport où la puissance, qui conditionne la distance au drive, est devenue un facteur-clé. Pourtant à Évian, les longs coups de fer de Céline Boutier ont été exceptionnels durant les quatre jours de compétition. Malgré son petit gabarit, elle parvient à trouver de la longueur, grâce à la vitesse de son swing et une grande explosivité musculaire. De plus, la régularité de ses coups est remarquable, elle possède aussi un bon petit jeu (à 30 mètres du green), un excellent putting et des nerfs d’acier. La jeune femme s’est expatriée aux États-Unis en 2012, à l’âge de 20 ans. Le circuit européen offre, en effet, beaucoup moins de possibilités  en termes de tournois, comparé au circuit américain, où le golf est le cinquième sport le plus populaire. Quand elle franchit l’Atlantique avec une bourse d’étudiante de l’université Duke, en Caroline du Nord, la française ne rêve que d’une chose : intégrer le prestigieux circuit LPGA (Ladies Professional Golf Association), le plus relevé au monde. Pour y parvenir, elle doit d’abord faire ses classes en deuxième division américaine. Une période difficile où, loin de sa famille, cette bosseuse se consacre entièrement à son sport, sous la houlette de Cameron McCormick, coach de l’ancien numéro 1 mondial masculin, et elle y parvient en 2018. Avant sa victoire de dimanche, elle comptait déjà trois victoires sur le fameux circuit américain LPGA. Aucune golfeuse française n’avait réussi à le faire avant elle. Céline Boutier a aussi fait partie de l’équipe européenne double vainqueure de la Solheim Cup en 2019 et 2021, une compétition prestigieuse par équipes qui oppose tous les deux ans l’Europe et les États-Unis. Son palmarès fait d’ores et déjà d’elle la plus grande golfeuse française de tous les temps, femmes et hommes confondus. Céline Boutier sera au départ d'une nouvelle levée du Grand Chelem dans quinze jours, pour le British Open, au sud de Londres, sur le Walton Health Old Course, avec une nouvelle étiquette dans le dos, écrite en lettres dorées. Elle est en effet après cette victoire numéro 4 mondiale.

Ci-dessous, un petit résumé de quelques coups de Céline Boutier lors de la quatrième et dernière journée du tournoi d'Évian et sa victoire finale :

Publié dans Chroniques

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Un film poignant et généreux sur ces images manquantes qui ont précédé la loi Veil

Publié le par Michel Monsay

Un film poignant et généreux sur ces images manquantes qui ont précédé la loi Veil

Blandine Lenoir évoque dans Annie colère l'histoire des militantes du MLAC qui, dans les années 1970, luttaient pour le droit à l'avortement. Ce beau film offre un nouveau rôle un or à la formidable Laure Calamy. En 1974, à quelques mois du passage de la loi Veil, alors que des centaines de femmes meurent encore chaque année des suites d’un avortement clandestin, une ouvrière, mariée, deux enfants, à distance de tout engagement politique, tombe enceinte accidentellement. Terrifiée, elle se rend dans l’antenne locale du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception, une association regroupant médecins, paramédicaux, bénévoles, tous engagés pour la légalisation de l’IVG, où on la rassure. Ce qu’elle découvre là-bas d’écoute, de solidarité et d’engagement la lance dans un processus de métamorphose, déployé sur les deux heures du film solaire de Blandine Lenoir, sorti quelques jours à peine après le vote, à l’Assemblée nationale, sur l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution. Voici donc un roman d’apprentissage qui s’illumine des multiples contre-pieds pris avec les attendus du film militant traditionnel : les trajectoires ne sont pas nécessairement traumatiques, le mari d’Annie n’est pas un macho, les scènes d’avortement ne sont pas filmées comme un arrachement glauque mais comme une simple libération. La surprise permanente que traque la cinéaste sur le visage de Laure Calamy est aussi celle du spectateur, à qui fut très rarement contée l’aventure collective du MLAC. Ce pan méconnu de l’histoire du combat pour la légalisation de l’avortement a été habituellement laissé dans l’ombre de la figure de Simone Veil, dont le combat héroïque, malgré des débats houleux et même parfois violents, a abouti à faire voter la loi autorisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG) le 17 janvier 1975. Ce film très émouvant est le précipité d’une époque, qui mêle l’intime et le politique dans les scènes de groupe, comme dans celles, bouleversantes, d’avortement par cette méthode Karman, où l’aspiration remplace les aiguilles à tricoter ou le violent curetage à l’hôpital par des médecins traitant les femmes de salopes. Soutenue par une mise en scène qui filme avec pudeur et bienveillance des scènes d’avortements jamais sordides, l'excellente troupe d'actrices et d'acteurs est totalement investie dans la juste restitution de l'admirable combat de ces bénévoles. Citons notamment, la scène troublante de beauté où la sublime voix chaude de Rosemary Standley, chanteuse des groupes Moriarty et Birds on wire qui se révèle merveilleuse actrice, fait office d’anesthésie verbale lors d'un avortement. Cinquante ans après les faits, alors que les régressions sur le droit à l'avortement sévissent un peu partout sur la planète, de la Pologne aux Etats-Unis, ce film rappelle l'actualité et la nécessité de ce combat.

Annie colère est à voir ici pour 1,99 € en location ou sur toute plateforme de VOD.

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Grandeurs et petitesses de la condition humaine

Publié le par Michel Monsay

Grandeurs et petitesses de la condition humaine

Le grand cinéaste turc, Nuri Bilge Ceylan, est un habitué du Festival de Cannes, il y a déjà reçu une Palme d'or pour Winter sleep, deux Grand prix du jury pour Il était une fois en Anatolie et Uzak et un Prix de la mise en scène avec Les trois singes. Pour son magnifique dernier film, Les herbes sèches, c'est son actrice principale, l'intense Merve Dizdar, qui a été récompensée par le Prix d'Interprétation Féminine. On pourrait aussi y associer, le personnage central masculin, remarquablement interprété par Deniz Celilogu, parfait d’ambiguïtés. Comme souvent dans la filmographie de Nuri Bilge Ceylan, les grands espaces naturels environnants servent d’écrin à l’examen d’une nature humaine isolée et circonscrite. Ici, sous des cieux tumultueux en Anatolie, la neige est partout, immaculée, majestueuse, colmatant le son des pas réduits à quelques crissements lointains. Ces paysages sont cadrés somptueusement, comme toujours chez ce cinéaste esthète. La finesse du regard de Nuri Bilge Ceylan n’aura jamais été plus exacerbée que dans ce film, dont le but est d’examiner au scalpel les limites entre le bien et le mal. Le dispositif qu'il met en place pour cela lui permet de balayer tout ce qui se délite dans nos sociétés, contaminé par la lâcheté, le cynisme, l’abêtissement, le communautarisme, l’individualisme, l’hypocrisie jusqu’au plus reculé des villages. La hauteur de vue déployée et la densité vertigineuse de certains échanges rapprochent l’œuvre d’un précis philosophique de très haute volée, qui interroge sur l’état de la Turquie rurale entre pauvreté et poids des traditions, et plus généralement ce qui peut se nouer de magnifique et de misérable dans les relations humaines.  Au cœur du film se forme un triangle amoureux où l'amour n'a rien de pur, c'est un jeu cruel et mélancolique que le cinéaste orchestre avec une lucidité terrible et superbe. Les images de Nuri Bilge Ceylan sont une nouvelle fois d’une grande beauté, on voit clairement l’œil du photographe qu’il est encore, et d’ailleurs le film est émaillé de superbes photos fixes de visages et de paysages. Plus qu’un très grand film, Les herbes sèches est une expérience à vivre comme le cinéma nous en offre ponctuellement, dont on ressort admiratif.

Publié dans Films

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Le pardon est-il possible ?

Publié le par Michel Monsay

Le pardon est-il possible ?

Les repentis s’ouvre par une scène choc, l’assassinat du politicien Juan María Jáuregui, par les séparatistes basques, membres de l’ETA en 2000.  Cet ancien préfet laisse une fille de 19 ans et une femme Maixabel Lasa, dont le film relate une partie de son histoire. La réalisatrice madrilène Icíar Bollaín a tiré un grand film politique sur le remords et le pardon, où la réconciliation, même si beaucoup persistent à la refuser, n’est pas une utopie. Couronné de trois Goyas, l'équivalant espagnol des Césars, dont celui de la meilleure interprète féminine attribué à Blanca Portillo, que l'on avait déjà aimée dans Volver et Étreintes brisées d'Almodovar, ce film bouleversant décrit la volonté de dialogue de certains terroristes de l’ETA avec les proches des victimes, et comment cette initiative a préparé le chemin d’une paix jusque-là introuvable. Pas de manichéisme ici mais une réflexion pertinente sur le pardon comme réponse à la violence. Pour son huitième long métrage, Icíar Bollaín retrouve Luis Tosar, qu’elle avait précédemment dirigé dans le puissant Même la pluie, douze ans auparavant. En  terroriste, marqué par le remord et la honte, il compose un personnage émouvant faisant face à Bianca Portillo, magnifique en veuve prête à pardonner l’impardonnable. Tous les autres acteurs sont remarquablement dirigés, habités par une authenticité criante. Dans la reconstitution de cette histoire vraie, la cinéaste a trouvé matière à des face-à-face d’une authentique force dramatique. À cela vient s’ajouter une forme de neutralité qui, paradoxalement, devient un atout. Aux échanges qui ont lieu, aucune signification n’est donnée, ni politique ni religieuse. Les mots ne réparent rien, n’effacent rien : ils sont précieux simplement parce qu’il est devenu possible de les dire, de les écouter. Le dialogue ne veut rien prouver, mais il prend la place de la violence, qui n’aura pas le dernier mot. Pour mémoire, l’ETA, créé en 1959, en réaction au franquisme, a mené une lutte armée pendant plus de cinquante ans, causant la mort sur le territoire espagnol de 837 personnes (dont 506 policiers et militaires). En Espagne, ce film qui évoque des blessures toujours douloureuses a été accueilli comme un événement majeur et a remporté un important succès. Ce n'est que justice, tant la cinéaste refuse le manichéisme en multipliant les interactions entre les personnages aux positions contradictoires, interrogeant par là le spectateur, sans lui imposer une lecture confortable du prêt à penser si courant dans le cinéma militant.

Les repentis est à voir ici pour 4,99 € en location ou sur toute plateforme de VOD.

Publié dans replay

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