Le musée d'Orsay réunit et confronte deux artistes essentiels de la fin du XIXe siècle : Manet et Degas. Une relation complexe entre émulation, rivalité, influence ou domination de l'un sur l'autre. Cette superbe exposition permet de comprendre l’un à partir de l’autre, en examinant aussi bien leurs ressemblances que leurs différences, voire leurs divergences. Chez Manet (1832-1883) et Degas (1834-1917), les analogies ne manquent pas, des sujets aux options stylistiques, des lieux où ils exposèrent à ceux où ils se croisèrent, des marchands aux collectionneurs sur lesquels s’appuyèrent leurs carrières indépendantes. C'est un mano a mano spectaculaire et subtil entre les deux plus grands peintres français de leur époque. La qualité des œuvres réunies, l’intelligence de l’accrochage, ses effets-miroirs édifiants sans être appuyés, la façon dont la confrontation des tableaux lève le rideau sur la biographie, la psychologie, la sociologie, la politique de ces hommes et de leur temps, tout alimente l’œil en les éclairant l’un par l’autre. L’un aimait briller, l’autre préférait l’intimité de son atelier. Malgré bien des différences et une fâcherie devenu fameuse, les deux artistes ont cultivé une amitié solide, dont les antagonismes fréquents sont la marque de fabrique. Sans cette rivalité permanente, ces deux peintres ne seraient peut-être pas si immensément célèbres. Provenant, entre autres, des collections du musée d’Orsay, mais aussi de la National Gallery de Londres et du Metropolitan Museum of Art de New York, qui a coorganisé l’exposition et où elle se tiendra à l’automne, deux cents œuvres, des peintures toutes plus belles les unes que les autres, des dessins, des gravures, des pastels, des lettres et des carnets, racontent et montrent, de façon thématique et chronologique, comment cette émulation a poussé les deux maîtres toujours plus loin dans leurs recherches artistiques. Comment l’un et l’autre, sous leurs allures de grands bourgeois qu’ils étaient, ont cherché à révolutionner la peinture en la faisant sortir du cadre convenu pour montrer la vie comme elle est. Comment ils ont inventé la modernité dans la seconde moitié du XIXᵉ siècle. Manet et Degas, dont on emboîte le pas salle après salle avec ravissement, partagent les mêmes cercles sociaux, les mêmes loisirs, la même ville, la même ambition artistique : restituer la vie moderne. En commun aussi, les deux ont le goût de la grande peinture, Degas, qui vénère Ingres, ne lâche pas son amour de la ligne pure, Manet, nourri à Delacroix et Géricault, aspire au réalisme et à la couleur. S’il est impossible de citer la multitude de chefs-d’œuvre réunis, ni de sortir un vainqueur de cette confrontation, où selon les thèmes on préfère Manet et selon d'autres, Degas, une chose est sûre, le visiteur se régale.
Manet/Degas est à voir au musée d'Orsay jusqu'à demain, dimanche 23 juillet.