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Une entame idéale

Publié le par Michel Monsay

Une entame idéale

La Coupe du monde de rugby est bien lancée pour les 20 pays qui y participent, puisqu'en effet tous les matchs de la première salve de la phase de groupes ont eu lieu, et il faut attendre jeudi pour voir la suite. Malgré une cérémonie d’ouverture pathétique qui sentait le rance et la naphtaline, bien loin de la magnifique et inoubliable cérémonie  imaginée par Philippe Decouflé pour les JO d'Albertville, la compétition s'annonce grandiose avec déjà de très beaux matchs, notamment le France-Nouvelle Zélande de vendredi. En infligeant aux All Blacks leur première défaite en trente-deux matchs de poule dans l'histoire de la Coupe du monde, les Bleus ont confirmé leur statut de favori. Ils ne voulaient pas manquer l’entrée en lice dans la compétition, et pourtant, tout ce qui pouvait mal se passer lors des premières minutes du match est advenu. Un essai encaissé après deux minutes de jeu, suivi d’une pièce essentielle de l’échiquier tricolore blessée dix minutes plus tard. Malgré ça, l’équipe de France s’est imposée face à la Nouvelle-Zélande 27 à 13, cette équipe, qui reste encore aujourd'hui entourée d’une aura presque mystique, dont la seule évocation du maillot noir enflamme l’imagination. À force de travailler spécifiquement à l’entraînement tous les scénarios imaginables, plus grand-chose ne paraît surprendre ces Bleus. Leur victoire, ils l’ont acquise avec patience, méthode et discipline. Dominé en première période, le XV de France s'est libéré peu à peu. Portés par le pied exceptionnel de Thomas Ramos (17 points à lui tout seul), la puissance autant en percussion qu'en défense de Grégory Alldritt et lancés par le 30e essai en équipe de France de l'incroyable Damian Penaud, à huit longueurs du record de Serge Blanco, les Bleus ont harcelé et agressé les All Blacks jusqu'à les faire plier et prendre définitivement le dessus. Ce match et quelques autres laissent présager d'une fête totale de ce sport tellement plus passionnant que le football, sali par l'argent omniprésent jusqu'à la nausée et par ses pseudos stars qui se prennent pour le nombril du monde. Dans le rugby, malgré l'engagement physique et ce que certains voient comme de la violence, il y a le respect de l'adversaire et de l'arbitre, pas de contestation à chaque décision ni de simulation à n'en plus finir, un sens du collectif tellement rare de nos jours, bref une mentalité totalement différente de ces millionnaires du ballon rond.

Un résumé de France-Nouvelle Zélande ici

Une entame idéale
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Publié dans Chroniques

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Définitivement le plus grand

Publié le par Michel Monsay

Définitivement le plus grand

Intense et concentré de bout en bout, Novak Djokovic a réussi à contrôler la finale de l'US Open, dimanche, contre Daniil Medvedev, qu'il a battu en trois sets (6-3, 7-6 [5], 6-3). À 36 ans, le voilà désormais avec 24 titres du Grand Chelem à son palmarès. Personne n'a jamais fait mieux. Le Serbe, qui était déjà assuré de redevenir numéro un mondial, lundi, à la place de Carlos Alcaraz, remporte ainsi le 24e titre de sa carrière en Grand Chelem, ce qui lui permet de compter désormais, dans l'histoire du tennis, deux longueurs d'avance sur Rafael Nadal et une sur Serena Williams. Il est maintenant l'égal de l'Australienne Margaret Court, dont le butin n'a néanmoins pas tout à fait la même valeur, car amassé en partie avant le début de l'ère Open et donc du professionnalisme assumé dans ce sport. C'est la quatrième fois, après 2011, 2015 et 2021, que Novak Djokovic remporte trois Majeurs dans l'année et boucle donc un « petit Chelem ». Aucun homme n'avait jamais fait ça. Si la sécheresse du score (6-3, 7-6, 6-3) laisse une trompeuse impression de facilité, Novak Djokovic est passé proche d'une finale bien plus compliquée contre Daniil Medvedev. Méchamment bousculé dans le 2e acte, il a su s'appuyer sur son désir d'aller vers l'avant pour ne pas s'enfermer dans un combat de rue. Ce 24e sacre est aussi celui d'un certain courage et d'une capacité à se réinventer. Djokovic a été parfait pendant deux sets, et le mélange de courage et d'audace dont il a fait preuve dans la tempête quand Medvedev a fait le forcing a fait le reste. Le grand âge lui va bien. C'est lui qui le pousse à forcer sa nature pour aller constamment vers l'avant et il en a été récompensé. A-t-il déjà produit un tel récital au filet dans une grande finale ? Pas sûr. Il a été exceptionnel dans ce secteur du jeu. Car s'il avait dû s'inscrire pendant quatre ou cinq sets dans la filière longue, où Medvedev l'a souvent dominé, l'histoire aurait été différente. Cette faculté à se réinventer, à ne jamais tomber deux fois dans le même panneau, a quelque chose d'admirable. Il est monté 44 fois au filet, ce qui est énorme en trois sets. Surtout, il a remporté 37 de ces 44 points, soit 84% de réussite. Tout ceci était très réfléchi, savamment construit. Il est monté à l'échange, derrière son service, y compris sa seconde balle. Et il y a fait des merveilles. La facilité avec laquelle il enfile les Grands Chelems comme les perles laisse penser qu'il est encore loin d'en avoir fini. Au-delà des 24 titres du Grand Chelem, il est aussi recordman des victoires en Masters 1000, et recordman des semaines passées en tête du classement mondial. Novak Djokovic est plus que jamais tout en haut du panthéon du tennis.

Quelques échanges ci-dessous :

Définitivement le plus grand
Définitivement le plus grand

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Un polar monumental

Publié le par Michel Monsay

Un polar monumental

Il y a un avant et un après Heat, en matière d’usage à l’écran des armes à feu, le niveau de méticulosité et de perfectionnisme dont a fait preuve Michael Mann a été tel que certaines scènes ont servi ultérieurement de modèle, aussi bien à de vrais braqueurs qu’à des instructeurs de l’armée américaine. Heat s’est imposé au fil des ans comme un chef-d’œuvre auprès d’un nombre incalculable de cinéastes, signant des succédanés plus ou moins navrants. On pourrait croire que Heat est surtout un thriller glacé et violent. Or c’est aussi une œuvre d’un lyrisme poignant, empreint d’un romantisme noir. Un paradoxe de plus, qui témoigne de sa richesse. Il décrit un monde où les hommes ne sont nullement des héros triomphants, mais plutôt des fantômes accros à leur métier, des monstres d’orgueil enfermés dans une logique meurtrière, fuyant, se cachant en permanence. Ce qui peut les révéler, les faire dévier de leur voie mortifère, en un mot les ramener à la vie ? Les femmes. Fortes, décidées, courageuses. Ce sont elles qui font tomber les masques. Elles sont au second plan, elles n’en sont pas moins essentielles. Une marginalité en opposition au système constitue l'essence même de tous les personnages des films de Michael Mann, depuis Le solitaire interprété par James Caan jusqu'au Tom Cruise de Collateral en passant par le Russell Crowe de Révélations ou encore le Will Smith d'Ali. Les deux protagonistes de Heat n'échappent pas à cette règle puisqu'on trouve d'un côté le flic et son troisième mariage qui bat de l'aile, et de l'autre, le voleur qui ne souhaite désormais plus qu'une chose, se ranger et partir pour les îles aux côtés d'une femme récemment rencontrée qui le fascine. C’est le mélange rare d’hyperréalisme et de sophistication visuelle, de matérialisme et d’abstraction qui donne à Heat sa force irrésistible, auxquels on peut ajouter les qualités narratives, la performance fascinante des acteurs, notamment l’affrontement de deux monstres du cinéma, Al Pacino et Robert De Niro, et bien sûr la mise en scène exceptionnelle de Michael Mann.

Heat est à voir ou à revoir ici pour 3,99 € en location ou ici sur Netfix.

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Palpitante série d'espionnage teintée d'humour noir

Publié le par Michel Monsay

Palpitante série d'espionnage teintée d'humour noir

Slow Horses n’est pas seulement une série d’espionnage avec tout ce qu’il convient d’action, d’enjeux géopolitiques majeurs et de mise en cause de la toute-puissance des services secrets sur la scène internationale. Elle fait aussi pour la première la première fois une incursion dans l’univers du second degré et de la comédie noire, par sa construction même autour de déclassés d’un système supposé sans faille. En résulte une œuvre d’autant plus critique qu’elle est drôle, alors même que le nœud de l’intrigue repose sur un postulat très sérieux. L’écriture est maîtrisée. La réalisation est soignée. L’interprétation est impeccable avec le génial Gary Oldman, mais aussi Kristin Scott Thomas et Jack Lowden notamment, qui sont totalement investis dans leur personnage. Un peu de satire politique, beaucoup de jeux de miroirs dans la grande tradition de la littérature d’espionnage britannique, et quelques séquences spectaculaires, font le sel de Slow Horses. Will Smith (scénariste homonyme du comédien oscarisé en 2022) y insuffle un vent de fraîcheur séduisant au genre en jouant subtilement la carte de l’humour noir. Il prend un malin plaisir à démontrer tout au long des deux saisons de cette série ambitieuse et originale que, dans un espace saturé de data et de vidéosurveillance, rien ne vaut l’expérience du terrain, la roublardise et le flair. En plus la chanson du générique est écrite et interprétée par Mick Jagger.

Slow Horses est à voir ici sur Apple Tv pour 6,99 € un mois d'abonnement sans engagement ou durant l'essai gratuit de 7 jours.

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Échange

Publié le par Michel Monsay

Échange

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Au cœur du vignoble bourguignon

Publié le par Michel Monsay

Au cœur du vignoble bourguignon

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Le sacrifice d’un père dans une Ukraine livrée à la corruption

Publié le par Michel Monsay

Le sacrifice d’un père dans une Ukraine livrée à la corruption

Hanté par le tragique mais sans cesse secoué par sa vitalité, Le serment de Pamfir a l’ampleur d’un récit biblique qui se métamorphoserait en polar. Le chaos n’est jamais loin et la trajectoire maudite, dont le magnifique Pamfir cherche à se défaire à toute force, est implacable. Le premier long métrage de l'ukrainien  Dmytro Sukholytkyy-Sobchukun est un film de genres qui mêle avec habileté mais sans aucun artifice les décors de l’Europe de l’Est et les codes du western, le folklore à la tragédie, le mythologique au politique, le film noir et la comédie. Le cinéaste passe d’un genre à l’autre, non pour faire une démonstration de virtuosité, mais pour servir la dramaturgie de ce film à la fois limpide et puissant. Tourné à la frontière de l’Ukraine et de la Roumanie juste avant l’invasion russe, Le serment de Pamfir frappe d’ores et déjà à coups redoublés à la porte de l’Europe. Dans une région de contrebande intense, le film met en scène le retour au village d’un rude père de famille, parti à l'étranger gagner l’argent de son foyer. Sans jamais tomber dans l’esthétisation vaine, Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk parsème le film de tableaux aux frontières du réel, dévoilant un théâtre hostile et sauvage, tout en bois, boue et brume. La force de conviction du Serment de Pamfir, son pouvoir d’entraînement, est de ne pas s’embarrasser d’explications, de ne pas traîner en route, d’avancer de manière irrésistible, fût-ce vers le pire. Filmé en longs et sinueux plans-séquence, englué dans la boue du village et l’obscurité primitive des bois, le récit, en son mouvement profond, marche vers la lumière. Il confère aux personnages qui le peuplent et qui s’y affrontent un statut qui les grandit, les transcende. Ils deviennent les personnifications d’une nation ukrainienne qui affirme avec de plus en plus de force, au risque de sa souveraineté et de son existence même, sa volonté de sortir de la sphère d’influence de la Russie. Telle est la grande force de Dmitro Sukholytkyy-Sobchuk. D’avoir su donner à un simple film de genre la résonance d’une mythologie politique. Ce remarquable premier film séduit par sa mise en scène virtuose et la performance incandescente de son interprète principal.

Le serment de Pamfir est à voir ici pour 2,99 € en location ou sur toute plateforme de VOD.

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Un drame aussi féroce et poignant qu’étonnant

Publié le par Michel Monsay

Un drame aussi féroce et poignant qu’étonnant

Avec une gravité nouvelle dans sa filmographie, Julie Delpy transforme en drame touchant au fantastique la débâcle d’un couple qui se déchire autour de la garde de sa fille. Dans un parcours, aussi affranchi, aussi libre, aussi atypique que celui de Julie Delpy, chaque nouveau projet semble frappé d’une énergie renouvelée et invincible, fascinante et inclassable. Entre Paris et Los Angeles, où elle vit, son cinéma depuis ses débuts en tant que réalisatrice est bilingue, à l'image des autofictions comme Two Days in New York ou Two Days In Paris, qui la mettent en scène, tel un double trompeur d’elle-même. Il y a toujours chez elle un jeu avec le moi, un narcissisme paradoxal, entre impudeur et fragile nécessité de se livrer. Mais c’est en abordant un sujet a priori moins introspectif, avec l'excellent La Comtesse, que Julie Delpy se livrait peut-être le plus. Cette revisite de la légende noire d’Erzebeth Bathory trahissait un portrait en creux de l’actrice, face à ses angoisses, sa peur de vieillir, le regard sur le temps qui passe. Démythifiant le vampire pour y retrouver la femme, elle évoquait également comment se construisent les contes gothiques et les mensonges lorsqu’une femme à forte personnalité prend soudain trop de place dans un monde d’hommes dominants. My Zoé semble fusionner toutes les inspirations de la cinéaste entre l’amour de l’intime, du cinéma-vérité et ses accointances avec l’imaginaire et le fantastique. Très adroitement Julie Delpy divise son film en trois parties distinctes sans jamais cependant mettre en péril son équilibre, son harmonie. Le film respire une forme de douceur insidieuse, inquiète, dès sa mise en place du décor qui alterne entre beauté de la complicité mère/fille et confrontation extrêmement tendue entre les parents séparés. Sans occulter l’enjeu moral, la cinéaste écarte et dépasse les obstacles sacrilèges, moins intéressée par les dangers de la science que par le lyrisme discret qu’elle infuse à My Zoé, bouleversante variation autour de l’amour indéfectible, infini, immortel. Pour Julie Delpy, rien n’est au-dessus d’un cœur qui bat. Il y a quelque chose de résolument romantique dans la démarche même de ce film, dans sa beauté transgressive où le recours au fantastique fait se rejoindre les contraires, où l’impensable et le condamnable peuvent se métamorphoser en acte miraculeux. Atypique et atemporel, My Zoé affirme plus que jamais le pouvoir de l’imaginaire et du cinéma, d’un art au secours du réel, où seule la fiction s’avère capable de venger la mort, de soigner les deuils et l’irréparable sentiment de vide. Quelque chose de magique. Cru et frontal, étonnant de bout en bout, le film remue. Et Julie Delpy, bouleversante, parvient à faire ressentir, viscéralement, le lien fusionnel mère-enfant, ce point de rupture où plus rien d’autre ne compte que l’obsession de sentir à nouveau la peau douce et les cheveux d’une fillette adorée. Ce très beau film confirme la précieuse singularité de la réalisatrice actrice dans le paysage du cinéma international.

My Zoé est à voir ici pour 2,99 € en location ou sur toute plateforme de VOD.

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Passionnants jeux de pouvoir

Publié le par Michel Monsay

Passionnants jeux de pouvoir

Délocaliser un roman d’Émile Zola dans l’Angleterre victorienne, le mouvement était osé. Mais Bill Gallagher  s’en débrouille si bien que l’on en oublie qu’il nous propose une adaptation d’Au bonheur des dames. De l’œuvre du romancier, il a conservé l’arène puisque The Paradise est le nom du grand magasin central dans sa dramaturgie. Retenu aussi, le thème de la naissance du commerce de masse comme point de bascule de la société. Et enfin celui du dilemme amoureux. Il s’en saisit mais les colore de cette touche si caractéristique des fictions historiques britanniques à la fois classique et pop. La force de cette série réalisée en 2012, mais inédite en France, est sa vitalité. Jamais les jupons, ni les hauts-de-forme ne sont des carcans pour une galerie de personnages immédiatement attachants, interprétés par un formidable ensemble de comédiens. Entre ceux d’en haut et ceux d’en bas, l’alchimie se révèle parfaite. De même dans la deuxième saison, avec un rare sens de la narration qui donne à la série toute sa puissance, Bill Gallagher poursuit efficacement ce qu’il a entamé dans la première saison. Épisode après épisode, la tension monte. Bien plus qu’une simple ficelle dramaturgique, elle est la caisse de résonance du thème sur lequel il se focalise : l’émancipation des femmes dans le monde du travail. Celles qui travaillent dur pour des salaires peu rémunérateurs, mais le scénario aborde aussi la condition d'autres femmes, ces oisives prisonnières de la cage dorée de leur foyer bourgeois. Les aspirations professionnelles de Denise, un des personnages centraux, son talent pour le commerce et son obstination à briser ce qui ne s’appelle pas encore le plafond de verre figurent les prémices de la lutte féministe en Angleterre. Ascension dans les hautes sphères de la société britannique, changement d'époque avec une aristocratie rentière qui plie face à l'avènement d'une nouvelle bourgeoisie ayant le sens des affaires, changements sociaux… Tout est décrit avec un superbe sens du détail sous la caméra de Marc Jobst, de quoi faire écho au livre culte d'Émile Zola qui aura réussi à capturer son temps. Cette série en deux saisons déploie tous les atouts d’une séduisante fiction en costumes, sentimentale sans mièvrerie, sociale sans lourdeur démonstrative. La critique de l’immobilisme comme celle de l’arrivisme sont finement distillées au fil d’une intrigue dont la conclusion attendue n’exclut ni les rebondissements, ni les imprévus.

The Paradise est à voir ici ou sur le replay d'Arte.

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Un roman drôle et lucide sur la corrosion des sentiments

Publié le par Michel Monsay

Un roman drôle et lucide sur la corrosion des sentiments

Me voici, paru en 2017est le troisième roman de Jonathan Safran Foer, à la fois brillant, tragique et cocasse, il raconte l'histoire d'une famille juive américaine, assez peu pratiquante, se désagrégeant en même temps qu'une catastrophe naturelle menace d'anéantir Israël. C'est une offrande sans limites de la vie d'un homme, autant dans ce qu'il a de plus intime, les misères d'un corps qu'il faut supporter, l'aveu des sentiments les plus secrets, des petites et grandes lâchetés, les joies et les contraintes de la vie domestique, que dans ses vertigineuses interrogations métaphysiques. Il y a aussi ce que cet homme porte en lui : l'histoire de sa famille (père, grand-père, cousins) qui fait partie de la diaspora juive. Me voici s'articule autour d'un moment critique : la désintégration d'un couple et d'une famille pour la sphère intime, la désintégration d'un état pour ce qui concerne le monde. Moment de crise propice à l'observation, que le romancier met en scène de manière virtuose. Virtuose dans sa capacité à embrasser tout cela dans une construction savante en forme d'agglomération de différentes strates, qui jamais ne perd son lecteur. Et aussi et surtout grâce à une langue merveilleuse, rythmée par des dialogues savoureux. D'une écriture foisonnante et fougueuse Jonathan Safran Foer sait chanter la tragédie humaine avec humour, ramenant l'homme à sa juste place. Ce roman, qui évoque l'œuvre d'Albert Cohen, fait l'effet d'un torrent, ses creux sombres, ses vagues, ses zones paisibles, et les éclats de lumière. La dissection par l'écrivain du processus de corruption et d’usure du sentiment amoureux, aux prises avec la vie quotidienne et le temps, est saisissante d’acuité : le ­passage des ans et la sévère opération de nettoyage qu’il inflige aux utopies individuelles que sont l’amour, le désir, mais également la loyauté vis-à-vis des aspirations de jeunesse, la fidélité à une foi, une ­appartenance, un héritage tant ­familial que spirituel. La mélancolie ­inhérente à ces questionnements, ­Jonathan Safran Foer choisit de la contrer par une formidable vivacité et de la revêtir d’une ­intense drôlerie, usant notamment pour cela d'un sens aigu de l'empathie et d’un art virtuose du dialogue, dans lequel il donne libre cours à une forme de trivialité assumée. Me voici est en somme le grand roman, drôle et lucide, de la maturité d'un écrivain rare, qui n'a publié que trois romans en quinze ans.

Publié dans Livres

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