Au cœur d'un volcan en ébullition
En un impressionnant plan-séquence unique d’une heure trente caméra portée, conjuguant prouesse technique, qualité d’écriture et jeu inspiré des comédiens, l'excellent Stephen Graham en tête, pour son premier long métrage, le britannique Philip Barantini raconte comme jamais le stress qui règne dans la cuisine d'un restaurant. Cet univers qu'il connaît très bien pour y avoir travaillé 12 ans, du bas de l'échelle jusqu'à chef de cuisine, il a voulu le retranscrire de manière hyper réaliste, et ce tour de force technique rend le récit diablement efficace et plonge le spectateur, sans aucun répit et en temps réel, au cœur du service d’un vendredi soir dans un restaurant londonien à la mode. Dans l’histoire des films de restaurant, il y aura un avant et un après "The chef", tant le portrait de ce milieu révèle sa cruauté en dépeignant la faillite d’un système à flux tendu et en donnant à voir un condensé des problèmes sociaux que l'on y rencontre : surmenage, alcoolisme, racisme, sexisme, humiliations hiérarchiques, finances à la dérive. Trente-sept acteurs et une centaine de figurants à chorégraphier sur un plateau à 360 degrés, des assistants à la réalisation déguisés en serveurs avec une oreillette, et au final quatre prises complètes seulement ont été tournées, la troisième était la bonne, sans montage ni raccords. L'incroyable dispositif choisi par le réalisateur a fait vivre une expérience à nulle autre pareil à toute l'équipe de tournage, notamment les comédiens, mais aussi au spectateur accroché à son fauteuil, à la fois admiratif d'une telle performance et témoin d'un manège de haute volée suspendu au-dessus d’un précipice, comme la métaphore réaliste d’une époque survoltée dont le restaurant de ce film, arène symbolique, sert de sidérant révélateur.