Admirable roman noir sentimental des années 1950
Peu connu en France, cet écrivain américain décédé en 1985 a écrit 7 romans, des poèmes et des scénarios pour notamment Roberto Rossellini en Italie ou Fritz Lang à Hollywood. Gallimard a la riche idée de publier en France un autre de ses romans après « In love » il y a 4 ans, et d’en confier la traduction et la préface à Agnès Desarthe. Ecrit en 1958, « Une jolie fille comme ça » baigne dans une atmosphère désenchantée à la Raymond Chandler sans l’aspect polar mais avec la noirceur, une forme de désinvolture, une vision corrosive de la société hollywoodienne, le tout dans une écriture directe, d’une rare économie et au final implacable. Si l’on sent que le romancier connait bien cet univers hollywoodien avec toutes les illusions perdues qui l’entourent, c’est autour de deux personnages, très différents mais tous deux endommagés par la vie chacun à leur manière, qu’il bâtit son intrigue. Un scénariste new-yorkais proche de la quarantaine, travaillant quelques mois par an pour un studio hollywoodien, s’ennuie dans une fête qui s’étire en longueur. En sortant sur la terrasse pour contempler l’océan, il aperçoit en contrebas une jeune femme apparemment enivrée qui entre dans l’eau un verre à la main. Tout en avançant elle est déstabilisée par une vague, perd l’équilibre et semble se noyer. L’homme saute par-dessus la rambarde et court la secourir. Ambitions délaissées, rêves brisés par une réalité cruelle, arrangements avec la vie pour continuer d’avancer, ce superbe petit roman explore les sentiments, les contradictions des êtres à travers une relation venimeuse et envoûtante.
Une jolie fille comme ça – Un roman d’Alfred Hayes – Gallimard – 167 pages – 17 €.