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Une femme à qui l'on doit tant

Publié le par Michel Monsay

Une femme à qui l'on doit tant

Dans la famille Van Gogh, la légende du génie s’est écrite au masculin. Vincent et Theo, l’artiste tourmenté et le marchand d’art mécène. Deux frères et un tandem pour l’éternité. Or l’Histoire a oublié un troisième personnage. La belle-sœur de l’un et épouse de l’autre, sans laquelle les Tournesols n’auraient peut-être jamais trouvé la même lumière. À la mort de Vincent van Gogh en 1890, puis celle de son frère Théo six mois plus tard, Johanna van Gogh devient l’unique héritière de centaines de toiles, dont personne ne veut. En mettant en lumière l’extraordinaire travail de valorisation pendant plus de 20 ans mené par Johanna Van Gogh des peintures de son beau-frère, ce documentaire, illustré d’animations qui nous replongent dans les toiles et l’époque, offre un regard inédit sur l’artiste : celui de la femme qui a contribué à en forger la légende. Redonnant un nom et un corps à cette figure oubliée, modeste professeure d’anglais devenue femme d’affaires, dont la documentariste Anne Richard dresse un dense et émouvant portrait qui nous la rend familière, en revenant aussi sur l’une des périodes les plus tourmentées et les plus productives de la courte vie de Vincent Van Gogh : ses dernières années, qui le mènent de l’asile de Saint-Rémy-de-Provence, où il s’est fait volontairement interner après une grave crise, à sa dernière demeure d’Auvers-sur-Oise. Ce beau documentaire sort cette héroïne de la poussière du grenier, comme Johanna elle-même le fit avec les toiles du peintre. Pour reconstituer le puzzle d’une vie passée aux oubliettes, la réalisatrice a pu compter sur le précieux matériau du journal intime de la jeune femme, cédé par ses descendants au musée Van Gogh d’Amsterdam. L’histoire de Johanna est celle de l’émancipation d’une femme au foyer, que les aléas cruels de l’existence, et un certain cran, ont transformée en promotrice de l’art moderne. Autodidacte, confrontée à la condescendance du monde de l’art qui la considère comme une charmante petite femme s’énervant avec fanatisme sur un sujet dont elle ne connaît rien, elle fait face au paternalisme des marchands de tableaux, et se transforme en redoutable femme d’affaires. Tout en rendant un vibrant hommage à Johanna Van Gogh, ce documentaire mêlant films d’archives, photographies, lettres, détails des peintures de Vincent van Gogh et une belle animation conçue par le graphiste David Devaux, nous replonge au cœur de l'univers de cet immense peintre.

Van Gogh, deux mois et une éternité est à voir ici ou sur le replay d'Arte.

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Superbes estampes japonaises de Kasamatsu Shiro

Publié le par Michel Monsay

Superbes estampes japonaises de Kasamatsu Shiro
Superbes estampes japonaises de Kasamatsu Shiro
Superbes estampes japonaises de Kasamatsu Shiro

Publié dans Chroniques

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Un polar surnaturel et malin sur le passage à l’âge adulte

Publié le par Michel Monsay

Un polar surnaturel et malin sur le passage à l’âge adulte

School Spirits se présente comme une série B, mais se révèle petit à petit être une étonnante alliance entre la chronique adolescente, le drame mélancolique et la comédie noire. La série est structurée comme un polar, car une enquête sur la mort du personnage principal doit être menée, mais reste prétexte à raconter des choses plus vivantes. La jeune fille n’a de cesse de mettre l’investigation sur pause pour protéger ses amis encore en vie, et aider les morts à se remettre en question, puisque finalement, School Spirits traite de tourments de jeunesse, les mêmes que pour les vivants. D'ailleurs les morts dans la série ne hantent pas grand-chose d’autre que leurs propres regrets. Des choses très concrètes : des histoires de cœur, de relations avec leurs parents ou les profs. Autant de petits drames transformés par la série en une succession de moments durs et doux, qui arrivent souvent sans être annoncés. School Spirits est le juste et bouleversant récit initiatique d'une adolescente qui ne deviendra jamais majeure, qui ne peut se résoudre à vivre son éternité sans clore sa vie, qui doit apprendre à accepter de n'être plus tout en continuant à être là. School Spirits sait aussi créer cette ambiance de petite ville close, où tout le monde se connaît, où la disparition inexpliquée de la jeune fille craquèle le vernis social, fait remonter les secrets et démasque les grandes et petites culpabilités, où les émois adolescents se heurtent aux compromissions adultes, où la mélancolie est inévitablement partout, dans l'air, dans les regards, dans le présent et dans les souvenirs... Cette série attachante réussit à aborder des thèmes émouvants sans paraître forcée ou manquer de sincérité, ni s'engouffrer dans les clichés qui font échouer la plupart des drames lycéens aujourd'hui, tout en nous tenant en haleine le long des huit épisodes qui la composent.

School spirits est à voir ici sur Paramount + pour 7,99 € un mois sans engagement ou en profitant des 7 jours gratuits.

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Un sommet d'abjection tout à la fois drôle et épouvantable

Publié le par Michel Monsay

Un sommet d'abjection tout à la fois drôle et épouvantable

Cette pièce particulièrement bien ficelée, créée en 2010, lauréate de trois Molières dont celui de la meilleure pièce du théâtre privé, avait connu à l'époque un beau succès avec 700 représentations, elle est reprise aujourd'hui dans une nouvelle version au Théâtre Hébertot. Les deux autres Molières étaient revenus à Julien Sibre, qui a adapté et mis en scène la pièce de Vahé Katcha. Cinq amis sont invités chez les Pélissier pour l’anniversaire de madame. Nous sommes en 1942, dans un appartement bourgeois. Les victuailles proviennent du marché noir : tout va bien malgré la guerre. Mais deux officiers allemands sont tués au pied de l’immeuble et tout bascule dans le cauchemar. En représailles, la Gestapo exige qu’ils choisissent deux otages parmi eux. D’autojustifications en petites lâchetés, de comportements odieux en gestes ignobles, tous les personnages se compromettent. La mise en scène rend bien compte de la mécanique infernale déclenchée par l’injonction barbare. Les dessins animés de Cyril Drouin, projetés par moments en arrière-plan, ont la force et la noirceur de ceux de Marjane Satrapi, et les comédiens déploient une énergie efficace, notamment l'excellent Thierry Frémont, abject en collabo, pour interpréter ce texte féroce, voire insupportable mais souvent drôle sur la médiocrité humaine.

Le repas des fauves est à voir au Théâtre Hébertot.

Publié dans Théâtre

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Une amitié intellectuelle, poétique et artistique très influente

Publié le par Michel Monsay

Une amitié intellectuelle, poétique et artistique très influente

Le musée du Luxembourg à Paris propose une exposition inédite sur la rencontre entre l'œuvre de l'Espagnol Pablo Picasso et l'écriture de l'Américaine Gertrude Stein, une amitié au cœur de la première avant-garde artistique du XXe siècle. C'est un regard décalé sur Picasso, dont on célèbre en 2023 le cinquantenaire de la mort. La rencontre entre Picasso et Gertrude Stein intervient physiquement à Paris en deux temps, en 1904 et 1905, à une époque où le jeune Espagnol, depuis peu en France, découvre l'œuvre de Cézanne et Matisse chez les Stein. Cette famille américaine de rentiers bohème vient elle aussi de s'installer à Paris, à deux pas du musée du Luxembourg. Ils vont devenir les collectionneurs et mécènes les plus réputés de l'époque. C'est un véritable coup de foudre amical, au point que Picasso demande à réaliser le portrait de Gertrude Stein. Plus d'une centaine d'œuvres, allant de l'héritage de Paul Cézanne aux premiers moments du cubisme, avec de très beau tableaux de Braque et Juan Gris notamment, jusqu'aux expériences artistiques de la scène underground américaine et à des artistes contemporains, héritiers de cette avant-garde, composent cette exposition ambitieuse et exigeante. Elle l’est aussi par sa construction en deux parties très distinctes, dont la figure de l’écrivaine et collectionneuse Gertrude Stein (1874-1946) assure la cohérence. Elle l’est encore parce que, si Picasso y est présent à travers de magnifiques œuvres, ce n’est pas pour un énième hommage convenu, mais pour montrer combien il introduit une révolution déterminante pour les arts au XXe siècle. D'ailleurs le sous-titre de l'exposition est L’invention du langage. La deuxième partie est composée d'extraits de textes poétiques de Gertrude Stein, écrivaine juive et homosexuelle, qui deviendra l'une des plus grandes figures de la littérature américaine d'avant-garde. Mais aussi de plusieurs approches conceptuelles, performatives et critiques de l'art, de la poésie, de la musique, de la danse et du théâtre américains, à travers de grandes figures comme John Cage, Jasper Johns, Robert Rauschenberg, Merce Cunningham, Trisha Brown,... ou encore Andy Warhol. Cette belle exposition met en valeur l’influence majeure de Gertrude Stein et Picasso sur les avant-gardes littéraires et picturales du XXe siècle.

Voici quelques œuvres de l'exposition :

Une amitié intellectuelle, poétique et artistique très influente
Une amitié intellectuelle, poétique et artistique très influente
Une amitié intellectuelle, poétique et artistique très influente
Une amitié intellectuelle, poétique et artistique très influente
Une amitié intellectuelle, poétique et artistique très influente
Une amitié intellectuelle, poétique et artistique très influente
Une amitié intellectuelle, poétique et artistique très influente
Une amitié intellectuelle, poétique et artistique très influente
Une amitié intellectuelle, poétique et artistique très influente
Une amitié intellectuelle, poétique et artistique très influente
Une amitié intellectuelle, poétique et artistique très influente
Une amitié intellectuelle, poétique et artistique très influente
Une amitié intellectuelle, poétique et artistique très influente
Une amitié intellectuelle, poétique et artistique très influente
Une amitié intellectuelle, poétique et artistique très influente
Une amitié intellectuelle, poétique et artistique très influente
Une amitié intellectuelle, poétique et artistique très influente
Une amitié intellectuelle, poétique et artistique très influente
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Une amitié intellectuelle, poétique et artistique très influente

Publié dans Expos

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Toujours dans le même sens, c'est scandaleux !

Publié le par Michel Monsay

Toujours dans le même sens, c'est scandaleux !

Les députés de la majorité présidentielle ont déposé un amendement au projet de loi de finances pour 2024. Ce dernier exonère d’impôt notamment la FIFA, richissime instante dirigeante du football avec un chiffre d'affaires de 7 milliards d'euros, qui dispose d’une annexe à Paris et pourrait y installer son siège. Concrètement, ces organisations pourront ne plus payer d’impôts en France dès l’année prochaine, en étant exonérées de l’impôt sur les sociétés, de cotisation foncière des entreprises, ainsi que de CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises). Les salariés de ces structures auront également droit à un régime particulier puisqu’ils ne paieront pas l’impôt sur le revenu pendant cinq ans. Un cadeau fiscal d’ampleur. Les cadeaux fiscaux à la FIFA, les cadeaux fiscaux aux raffineries pour TOTAL... et le contrôle des chômeurs, le contrôle des malades, les contrôle des bénéficiaires du RSA... C'est proprement scandaleux de la part de Macron qui avait affirmé que la lutte contre la fraude fiscale serait la grande cause nationale du quinquennat !

Publié dans Chroniques

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Un film d'animation drôle, irrévérencieux et haut en couleurs

Publié le par Michel Monsay

Un film d'animation drôle, irrévérencieux et haut en couleurs

On sourit souvent en regardant Linda veut du poulet !. Le film se déroule de nos jours, dans une petite cité ordinaire, un jour de grève générale. Il ne s'agit pas de combattre un monstre ou d'évoluer dans un monde fantastique, mais simplement de trouver... un poulet ! Les personnages du film d'animation de Chiara Malta et Sébastien Laudenbach sont finement dépeints et portés par des dialogues bien sentis, joués notamment par les excellentes Clotilde Hesme et Laetitia Dosch mais aussi Estéban et son irrésistible diction nonchalante. L'univers graphique sensuel et chatoyant de Sébastien Laudenbach fait merveille, qui après La Jeune Fille sans mains en 2016 le consacre comme l’un des plus talentueux cinéastes d’animation européens : ses coups de crayon voluptueux mus par la couleur, tout comme le passage sur fond noir dans certaines séquences sont de jolies trouvailles esthétiques, et on s'étonne constamment que des traits aussi abstraits et minimalistes soient si puissamment réalistes. Avec des dialogues rafraîchissants, des situations irrévérencieuses, ce film parle de l’enfance comme un enfant le ferait, sans mièvrerie, sans emphase, avec moquerie, insolence et poésie. En juin, au Festival international du film d’animation d’Annecy, le plus important au monde, Linda veut du poulet !, œuvre française à petit budget, a raflé, au nez et à la barbe de productions européennes, américaines ou japonaises de grande envergure, la principale distinction au palmarès, le Cristal d’Or du long-métrage. C’est un film qui disjoncte, avec un sens aigu de l’absurde et du burlesque, empruntant des sentiers multiples, passant du sérieux au merveilleux, avec un humour parfois teinté de mélancolie, pour parler à cette enfance enfouie en chacun de nous. Un film qui ne reste jamais vraiment au même endroit, comme s’il avait la bougeotte, comme un enfant turbulent, de ceux qu’on met au coin parce qu’ils dérangent la classe. Derrière cette cocasse équipée sauvage, se glisse un récit social empreint d’amour, de chagrin, mais aussi d’une grande solidarité.

Publié dans Films

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Quand Disney avait du génie

Publié le par Michel Monsay

Quand Disney avait du génie

À l’occasion de son centenaire, Disney ressuscite 28 courts métrages de son âge d’or après les avoir restaurés, dont certains sont de purs bijoux. Parmi eux, fourmillant d’idées visuelles, La Danse macabre (1929) met en scène quatre squelettes aux os élastiques dans un cimetière, se déhanchant entre autre sur La Marche des Trolls, d’Edvard Grieg. Un exemple de ces géniales idées : l’un des squelettes soustrait à son camarade ses deux fémurs, qu’il transforme en maillets pour jouer du xylophone sur sa colonne vertébrale, sa cage thoracique et son crâne. Au croisement du folklore européen (les danses macabres médiévales) et mexicain (le Jour des morts), ce chef-d’œuvre bouleversera des futurs piliers de l’animation du XXᵉ siècle et annonce aussi l’univers gothique de Tim Burton. Dans un autre registre, Dingo fait de la gymnastique (1949), l’un des courts métrages les plus connus du chien maladroit, visible dans Qui veut la peau de Roger Rabbit, reste un monument d’humour à base d’haltères, de barre fixe et d’extenseurs de fitness. Issu de la même série, Dingo fait de la natation (1961) constitue l'un des deniers joyaux de l’âge d’or du cartoon. L’animation se révèle d’une fluidité tentaculaire, à l’image de la pieuvre qui perturbe Dingo durant sa course de ski nautique. Son camarade Mickey figure, lui, dans le foisonnant Bâtissons (1933), autour d’un gratte-ciel en construction, avec des acrobaties sur poutrelles qui évoquent celles de Laurel et Hardy dans Vive la liberté (1929). Pour finir, Pluto a des envies (1940) prend d’abord une trame de dessin animé classique : le chien cherche à voler un os dans la gamelle de son voisin Butch le bouledogue. L’idée géniale du réalisateur consiste à prolonger la course-poursuite au cœur d’une fête foraine, plus précisément dans un palais des glaces, plein de miroirs qui défient les lois de l’optique. Les transformations successives de Pluto (crocodile, chameau, kangourou) s’accompagnent de déformations plus absurdes les unes que les autres. Soit l’essence même du cartoon.

Les 5 courts métrages en question sont à voir ici pour 8,99 € sur Disney +, un mois d'abonnement sans engagement. Sinon, deux d'entre eux sont visibles ci-dessous dans une qualité moyenne :

Quand Disney avait du génie
Quand Disney avait du génie
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Quand Disney avait du génie

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Puissant retour à la vie

Publié le par Michel Monsay

Puissant retour à la vie

Somewhere Boy est un drame effrayant sur la séquestration d’un enfant par un père maltraitant et gravement dépressif, sa renaissance et sa quête anxieuse de vérité. Ni violence sexuelle ni violence physique, non, mais des années de ­maltraitance psychique noyée dans la solitude, l'amour indéfectible, la relation de dépendance, le mensonge et la manipulation. Pourtant, cette série aux huit courts épisodes est étrangement lumineuse, aussi souvent drôle qu’elle est terrifiante. Le jeune personnage central aidé par son cousin, pas plus à l’aise en société que lui, va lentement s’ouvrir et comprendre la violence de ce qu’il a vécu. Un étrange récit initiatique qui mêle émotion, absurde et poésie, profitant des réactions inattendues de son héros inadapté. Une série émouvante en forme de fable morale sur la découverte de soi, du libre arbitre et de cette prise de conscience douloureuse mais salutaire de la toxicité paternelle. Un récit sur la dualité tragique de nos sentiments à l’égard de nos parents, très justement porté par Lewis Gribben qui, dans le rôle principal, est d'abord troublant pour devenir de plus en plus touchant. Nouvelle perle originale venue d’Outre-Manche, Somewhere Boy tourné dans les beaux paysages du Pays de Galles, dont le terrible postulat de départ aurait pu donner une série glauque et sombre, propose au contraire une progressive mise en lumière de ses personnages, jusqu’au final, rempli d’espoir et de délicatesse. Une gageure hautement réussie.

Somewhere boy est à voir ici pour 6,99 € en s’abonnant pour un mois sans engagement à Canal + Séries et profiter ainsi des nombreuses autres séries.

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Autopsie d'une ignominie

Publié le par Michel Monsay

Autopsie d'une ignominie

Avec cette quête littéraire pour faire le récit de l'inceste dont elle a été victime de la part de son beau-père quand elle était enfant, Neige Sinno a reçu le Prix littéraire du Monde et son livre figure dans la première sélection de presque tous les prix littéraires de l'automne, dont le Prix Goncourt. Triste tigre est un livre d'une grande justesse dans lequel Neige Sinno creuse sa langue pour chercher la vérité, comme s'il y avait une lutte entre elle et le silence. C’est un texte qui déborde de ses pages par ses questions, sa profondeur et ses peurs. Elle nous parle à cœur ouvert et dissèque ce qui lui est arrivé à la manière d'un chirurgien ne sachant pas exactement ce qu'il cherche. Elle s'attaque donc au sujet par toutes sortes d'angles, sous forme de chapitres courts, qui s'enchaînent et composent un tableau s'affinant au fil du récit. Elle fait la description des faits, des lieux, des mots, évoque les zones grises de la mémoire, la sidération, la dissociation. Elle convoque des textes d'auteurs, Nabokov, Virginia Woolf, Emmanuel Carrère, Camille Kouchner, Claude Ponti…, fait appel aux sciences sociales, aux avis d'experts, pour dire par exemple en quoi le viol est d'avantage une question de pouvoir que de sexe. Au-delà du témoignage, c'est la forme-même, son expression, le choix des mots, le rythme, la couleur du texte, qui ouvre une porte sur l'indicible. C'est toute la force de ce livre, qui partant de l'idée que ce sujet, par nature, échappe à toute tentative d'en rendre compte par la narration, parvient à donner une forme à ce qui n'en a pas, pour le rendre intelligible par tous. Un livre qui échappe à la loi du genre, un livre hybride et inclassable mais qui tient résolument plus de l’essai, de la réflexion éthique, voire métaphysique, que de l’autobiographie. Un ouvrage puissant, réflexif et méditatif, impressionnant de maîtrise, d’intelligence et d’honnêteté, et au climat changeant : douceur, tourment, apaisement, colère.

Publié dans Livres

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