Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait
Depuis 20 ans, Emmanuel Mouret explore le sentiment amoureux, le désir, l'inconstance, les imbroglios qui peuvent en résulter, avec un raffinement et un humour qui en ont fait un cinéaste dont on attend avec gourmandise le nouveau film. Son dixième en date, peut-être son plus beau, remarquablement écrit dans ses dialogues et sa construction, est teintée cette fois d'une touche de mélancolie qui apporte une dimension nouvelle dans l'univers du réalisateur, à laquelle on adhère totalement. Les films d'Emmanuel Mouret font penser par moments à un subtil mélange de Woody Allen et d'Eric Rohmer. Grâce à une mécanique virtuose, le cinéaste enchaîne dans sa nouvelle réalisation les péripéties sentimentales de ses personnages, entre tromperie, générosité, sincérité, mensonge, amour véritable, frustration. On est littéralement happé par ce tourbillon amoureux, d'autant que le réalisateur n'utilise quasiment pas le systématique champ contre-champ que l'on voit partout, et privilégie des plans englobant les deux comédiens, donnant ainsi plus de force et d'ampleur à son propos. Les comédiens, très bien filmés et dirigés, offrent une belle partition d'où ressortent le doute et l'ambivalence de leurs personnages. Camélia Jordana, bouleversante dans ce qui est sans doute son plus beau rôle, et Niels Schneider, qui nous montre ici une autre facette de son talent, interprètent avec une touchante retenue les deux principaux protagonistes de cette histoire de déceptions amoureuses. Le cinéaste nous entraîne dans une ronde entre présent et passé avec une remarquable fluidité qui contrebalance la complexité des sentiments de tous les personnages, et signe un film gigogne à la fois jubilatoire et émouvant avec un art du récit qui nous épate.