Fascination orientale
Delacroix peint Femmes d’Alger en 1833 dans son atelier parisien de la place de Furstemberg en utilisant des modèles féminins français, notamment son élève et maîtresse Eugénie Dalton. Il s’inspire de ses nombreuses esquisses et aquarelles réalisées lors de son voyage de trois mois au Maroc en 1832. Durant ce périple, il fait deux escales en Algérie – cinq jours à Oran et quatre à Alger – durant lesquelles il achète des bijoux, des vêtements, des objets de décoration qui serviront aux décors et aux costumes du tableau futur. L’appartement algérien a donc toutes les chances d’être un intérieur juif marocain (les seuls lieux privés où il eut le droit d’entrer). Et le tableau que Baudelaire voyait comme un poème qui « exhale je ne sais quel haut parfum de mauvais lieu qui nous guide assez vite vers les limbes insondés de la tristesse », montrant des femmes qui « cachent dans leurs yeux un secret douloureux », ce tableau donc, conservé au Louvre, est un collage, une œuvre recomposée par Delacroix, mais si puissante, aux couleurs si joyeuses, qu’à le voir « on est tout de suite ivre », disait Cézanne. En 1954-1955, au lendemain de la mort de Matisse qui avait repris à Delacroix ses odalisques, Picasso exécute quinze tableaux d’après les Femmes d’Alger.