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Une comédie policière élégante et ironique

Publié le par Michel Monsay

Une comédie policière élégante et ironique

A peine échappé de l’Allemagne nazie, Douglas Sirk signe un polar soigné, spirituel, porté par une direction artistique au cordeau. Ce film appartient à la période la moins connue de l’œuvre de Douglas Sirk, entre ses mélodrames allemands des années 1930 et ceux, flamboyants, tournés à la fin de sa carrière américaine (1954-1958). De 1942 , il venait d’arriver à Hollywood, à 1954, il toucha à tous les genres : le polar psy, le film de guerre, le péplum, la satire sociale… Il réalisa surtout ce Scandale à Paris, drôlissime fantaisie en costumes sous influence de Billy Wilder, dont il disait que c’était l'un de ses films préférés. Cette variation très libre sur la vie de Vidocq où il s’affranchit de tout réalisme lui permet, en effet, d’exercer sa divine ironie en abordant son thème de prédilection : le poids du passé et comment s’en libérer. George Sanders, interprète idéalement élégant, est moqueur et ambivalent à souhait. Avec ce film rocambolesque, caustique mais délicat, Douglas Sirk se ­replonge avec délice dans la vieille Europe, celle des jeux de masques, et y oppose le bien et le mal de manière pleinement symboliste. Ce Scandale à Paris, tout en arabesques et en ruptures de ton, évoque à la fois Max Ophuls et le Sacha Guitry des Mémoires d’un tricheurL’Empereur de Paris, remake de Jean-François Richet, en 2018, avec Vincent Cassel dans le rôle de Vidocq, n’a pas le charme de cette version légère et mordante de 1946.

Scandale à Paris est à voir ici pour 9,99 €, un mois sans engagement à Molotov tv.

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Hommage poignant à la Résistance

Publié le par Michel Monsay

Hommage poignant à la Résistance

La Bataille du rail, qui fut tourné en mars et avril 1945, alors que la guerre n’était pas encore terminée, mêle employés de la SNCF et acteurs professionnels. Il reconstitue quelques faits d’armes de la résistance ferroviaire : les sabotages quotidiens ou le déraillement spectaculaire, sans trucage numérique, d’un convoi de troupes allemandes. La très belle image d'Henri Alekan, le grand directeur de la photo des Enfants du paradis entre autres, apporte au film un atout majeur. Tourné sans vedettes ni grands moyens financiers, La Bataille du rail a cependant connu un véritable succès populaire indéniable, en France comme à l’étranger et a consacré René Clément comme l’un des meilleurs réalisateurs de l’après-guerre. En 1946, il obtient ainsi le Prix de la mise en scène et le Prix du jury au Festival de Cannes. Tourné essentiellement à Saint-Brieuc et dans les Côtes d’Armor, La bataille du rail frappe par son côté à la fois artisanal et élaboré, technique et lyrique, avec un souci de la reconstitution impressionnant dans plusieurs scènes mémorables, dont celles des déraillements de trains allemands. L’œuvre a des points communs avec le néoréalisme italien de Rossellini, qui avait livré un brûlot esthétique et politique avec Rome ville ouverte. René Clément a bénéficié du concours de ceux-là mêmes qui furent les acteurs du drame. Il a su saisir leur véritable caractère et ils ont su, de leur coté, vivre simplement devant la caméra, et refaire les gestes qui furent les leurs. Rien n'est plus poignant que cette lutte sourde, implacable, que ces risques accumulés, que ces vies offertes avec une calme résolution. À voir ou à revoir, ce film indispensable et captivant reste l'un des plus puissants jamais réalisé sur cette époque de notre histoire.

La bataille du rail est à voir ici pour 2,99 € en location ou sur toute plateforme de VOD.

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Thriller crépusculaire d'une impressionnante noirceur

Publié le par Michel Monsay

Thriller crépusculaire d'une impressionnante noirceur

Dans un noir et blanc stylisé et sculpté par la pluie, la nuit, la ville, où l’hyper réalisme se mue en visions quasi futuristes, la périphérie d’Hong Kong est présentée telle une décharge à ciel ouvert. Le théâtre de crimes sordides à l’intérieur duquel errent des âmes désespérées, déjà mises au ban de la société. Loin du centre actif de la ville, la bourgeoisie et les classes aisées ne sont pas concernées, le cinéaste s’intéresse à un monde caché, face auquel il serait facile de détourner le regard. De l’exercice de style virtuose et flamboyant, Limbo se transforme peu à peu en polar nihiliste et existentiel au cœur d’une cité violente et dangereuse. Le cinéaste hongkongais Soi Cheang qui, à cinquante et un ans et une vingtaine de films visibles pour certains en VOD, s’apprête à connaitre sa première sortie sur grand écran français et sonde ici la complexité d’êtres abimés, en quête de rédemption, au sein d’un univers vicié où tous les idéaux sont depuis longtemps abandonnés. Dans un Hongkong des bas-fonds entre terre et ciel sous un déluge constant, on entre dans ce film comme dans un enfer saturé de débris au côté de flics mutiques et de filles assassinées, d’un tueur fétichiste qui sectionne les mains gauches de ses victimes, dans un territoire dont semble d’abord s’absenter toute morale, un no man’s land juste agité de pulsions, d’endurance et de rage. Le choix du noir et blanc, la lumière, les cadrages, la manière dont les plans sont surchargés, la création de décors sordides et monumentaux témoignent d’une virtuosité assez rare dans le genre. Plus que les deux flics centraux, c'est la petite voleuse en quête de pardon qui s’impose progressivement, par sa formidable pulsion de survie, comme l’héroïne incassable de ce polar sans pitié. Dans des décors labyrinthiques époustouflants, un film d'une rare noirceur qui, avec sa réalisation constamment inventive, plonge les policiers comme les spectateurs dans un véritable enfer visuel, dont on ressort pour le moins secoué.

Publié dans Films

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À la découverte de la première star internationale de l'histoire

Publié le par Michel Monsay

À la découverte de la première star internationale de l'histoire
À la découverte de la première star internationale de l'histoire

Le Petit Palais à Paris, présente à l'occasion du centenaire de sa mort, un très bel hommage à la « Divine » Sarah Bernhardt, pas de ceux qui momifient leur malheureux sujet dans les vapeurs d’un encens pesant, plutôt l’expression d’un ravissement enjoué. Actrice virtuose aux mille vies devenue une icône des arts, elle nous est livrée dans cette foisonnante exposition telle qu’en elle-même : virevoltante, tourbillonnante, capable d’émouvoir n’importe quel public aux larmes, de le faire rire, de l’attendrir. Sarah Bernhardt toujours en mouvement, ensorcelant les auteurs, envoûtant les artistes et les princes, cajolant les costumières, houspillant les régisseurs fautifs, enchaînant ses proches dans un déluge de caprices et de tendresse. À chaque salle de l'exposition, nous découvrons dans une belle scénographie toutes les facette du personnage : actrice virtuose, bien sûr, au point de servir de modèle à Proust, puisqu’elle est la Berma de la Recherche, citoyenne engagée dans la défense du capitaine Dreyfus et au chevet des blessés de la Grande Guerre, intrépide directrice de théâtre, sculptrice et peintre au réel talent, créatrice de bijoux surréalistes avant l’heure. Pas moins de 400 œuvres sont réunies pour bien cerner celle qui fut la première artiste à sillonner les cinq continents, applaudie partout, adulée comme un monstre sacré, terme inventé pour elle par Jean Cocteau : peintures et sculptures la représentant ou exécutées par elle-même, objets de toutes sortes, meubles, costumes, bijoux, décors, affiches, photos. Venue de province, Sarah Bernhardt rejoint à la fin des années 1850 sa mère et sa tante toutes deux courtisanes et installées à Paris. Elles font entrer Sarah dans le cercle de ce qu'on appelle les "demi-mondaines" dans lequel elles connaissent un grand succès. Repérée par le duc de Morny, demi-frère de Napoléon III, celui-ci la fait entrer au Conservatoire. Sarah Bernhardt est révélée en 1869 au Théâtre de l’Odéon dans Le Passant de François Coppée, où elle incarne un travesti, avant de conquérir le public en 1872 dans le rôle de la Reine pour Ruy Blas de Victor Hugo et entamer une carrière haute en couleurs à la Comédie-Française. Dans ses interprétations de Lorenzaccio, Hamlet ou encore L’Aiglon d’Edmond Rostand, son jeu continue de surprendre. Lorsque Sarah Bernhardt se fait amputer la jambe en février 1915 suite à une tuberculose osseuse, elle refuse prothèse et jambe de bois et se déplace en chaise à porteur comme les impératrices byzantines. Rien ne l’arrête, elle continue de jouer, elle continue à vivre, et rend son dernier souffle à l’âge de 78 ans pendant le tournage du film de Sacha Guitry, La voyante. Un million de Parisiens assistent aux impressionnantes funérailles de celle qui avait toujours défié sa propre fin : il ne lui restait qu’un poumon, un rein, une jambe, elle l’avait apprivoisée en dormant dans un cercueil, où elle aimait aussi à apprendre ses rôles, et elle la simulait si magiquement en scène de ses yeux bleu pâle révulsés jusqu’au blanc. Cette passionnante exposition retrace l'itinéraire hors normes d'une artiste totale, libre, fantasque et engagée qui a fait de sa vie une œuvre.

Sarah Bernhardt - Et la femme créa la star est à voir jusqu’au 27 août au Petit Palais.

À la découverte de la première star internationale de l'histoire
À la découverte de la première star internationale de l'histoire
À la découverte de la première star internationale de l'histoire
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À la découverte de la première star internationale de l'histoire
À la découverte de la première star internationale de l'histoire
À la découverte de la première star internationale de l'histoire
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À la découverte de la première star internationale de l'histoire
À la découverte de la première star internationale de l'histoire
À la découverte de la première star internationale de l'histoire
À la découverte de la première star internationale de l'histoire
À la découverte de la première star internationale de l'histoire
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À la découverte de la première star internationale de l'histoire
À la découverte de la première star internationale de l'histoire
À la découverte de la première star internationale de l'histoire
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À la découverte de la première star internationale de l'histoire

Publié dans Expos

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Enthousiasmante minisérie aigre douce où les coups durs tirent vers le haut

Publié le par Michel Monsay

 Enthousiasmante minisérie aigre douce où les coups durs tirent vers le haut

De 2010 à 2012, Cheryl Strayed a tenu une rubrique de conseils aux lecteurs d'un magazine littéraire américain sur Internet. De cette expérience, elle a d’abord tiré un livre qui a donné lieu à une pièce de théâtre avant de devenir cette série. Une comédie dramatique douce-amère centrée sur ses propres blessures, notamment la mort de sa mère, et la manière dont celles-ci l’ont conduite à prendre la plume pour venir en aide aux autres. Dès le premier épisode de la série, créée par Liz Tigelaar, on colle aux névroses du personnage central, une quadra à la dérive. À l’heure du développement personnel décliné à la nausée jusqu’aux posts sur Instagram, la série se révèle une ode à la vulnérabilité. C’est aussi un écrin sur mesure pour Kathryn Hahn, qui manie autant avec bravoure qu'avec une fragilité bouleversante l’énergie de son personnage, à des fins d’autodestruction, de vengeance, mais aussi de création et de réparation. À ses côtés, Sarah Pidgeon et Merritt Wever sont tout aussi remarquables. Il y a quelque chose d’attachant et de rafraîchissant dans le personnage de cette femme bourrée de contradictions et d’imperfections. Elle boit, elle crie, elle gaffe sans arrêt. Mais elle est vraie, et cela fait tellement de bien de voir des séries ou des films avec des héroïnes ou des héros qui ne soient pas complètement lisses et irréprochables dans leur vie quotidienne, comme on en a vu si longtemps et même encore la plupart du temps aujourd'hui.

Tiny beautiful things est à voir ici en vous abonnant à Disney+ pour un mois sans engagement à 8,99€.

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Passionnant portrait d'un génie du bien et du mal

Publié le par Michel Monsay

Passionnant portrait d'un génie du bien et du mal

Plongée sans concessions dans la vie tourmentée du physicien américain Robert Oppenheimer, directeur du projet Manhattan qui a abouti à la fabrication de la bombe atomique en 1945, le film de Christopher Nolan se penche sur les questionnements moraux et politiques nés de l’entrée dans l’ère terrifiante du nucléaire. La véritable ambition du cinéaste n'est pas de représenter l'explosion de cette bombe, mais plutôt de décrire l'implosion intérieure de son créateur. Si Oppenheimer démarre comme un biopic possiblement classique, il se transforme assez rapidement. Derrière la fresque historique incroyablement riche, on jongle en permanence entre le film de guerre, le film d'aventure, voire le western lors des sublimes passages à chevaux dans les plaines du Nouveau-Mexique. Mais plus encore, Christopher Nolan fissure le genre du biopic en réalisant une course contre la montre intense dans la guerre contre les nazis, et surtout un thriller psychologique muant en véritable labyrinthe introspectif, à la fois cauchemardesque et lyrique. Dans une distribution de haute volée, y compris dans les rôles secondaires, le charismatique Cillian Murphy donne vie au cœur émotionnel et psychologique du film dans un jeu sans épate et loin des standards du biopic, préférant s'imprégner de la sensibilité, et des convictions intimes d'Oppenheimer plutôt que de simplement le singer. Citons également Robert Downey Jr. dans un rôle ambigu, voire machiavélique, enfin à la hauteur de son talent, lui que l'on n'a pas vu depuis très longtemps à l'affiche d'autre chose qu'un Marvel. Durant trois heures nous assistons à un spectacle d'une harmonie visuelle, sonore et musicale où Christopher Nolan joue avec le temps et les perspectives comme jamais auparavant. Si le cinéaste nous a habitués à des narrations non linéaires (Memento, Dunkerque), il trouve ici une nouvelle forme d'abstraction narrative. L'histoire d'Oppenheimer est complexe et riche en oscillant constamment entre les perspectives, la couleur et le noir et blanc, les époques (des années 20 aux années 60)... et pourtant, elle ne nous prend  jamais par la main. L'ensemble est tellement pensé, cohérent, lié à chaque instant, que le récit n'en a pas besoin, et conserve une remarquable fluidité. Christopher Nolan dresse assurément une fresque historique majeure, pamphlet à charge contre les États-Unis de l'époque. Son épopée dénonce avec hargne la violente paranoïa des autorités américaines et l'hystérie collective envers les communistes avec le Maccarthysme. Il s'agit peut-être de l’œuvre la plus pessimiste d'un Christopher Nolan de plus en plus préoccupé par l'avenir du monde. Dans Interstellar, la crise écologique venait sceller le sort de notre planète quand Tenet évoquait déjà la crainte de voir une arme nucléaire tomber entre de mauvaises mains et provoquer la fin du monde. Une peur évidente qui fait encore du chemin dans Oppenheimer, dont le pouvoir de résonance avec notre présent est manifeste. À l'heure de la guerre en Ukraine et de la menace atomique régulièrement agitée par Poutine, le monde semble bel et bien au bord du gouffre (en 2023, il reste 90 secondes avant l'apocalypse selon l'horloge de la fin du monde imaginée par le Bulletin of the Atomic Scientists fondé par un certain Albert Einstein). Un précipice dont les fondations se retrouvent englobées avec maestria dans ce film, qui nous procure une expérience de cinéma et d'Histoire intense.

Publié dans Chroniques

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Une rareté signée René Clément

Publié le par Michel Monsay

Une rareté signée René Clément

René Clément, le grand cinéaste multi récompensé de La bataille du rail, Paris brûle-t-il ?, Jeux interdits, Plein soleil, Monsieur Ripois pour ne citer qu'eux, dans un registre très différent se moque de tout et de tous dans Quelle joie de vivre : de la politique, de l'héroïsme, des gendarmes, des généraux, des ministres, des vrais et des faux terroristes, mais il ne se moque ni de l'amour ni de ce goût de la liberté qui anime inconsciemment son héros. Nous sommes en 1921. L'Italie est désorganisée. Partout on pérore, on jacasse, on complote. Déjà la menace du fascisme pèse sur le pays. Ce qui suit pourrait être un drame. Mais René Clément a choisi de nous faire rire, et dès les premières images, c'est vers la comédie et la mascarade qu'il nous mène. C'est dans une famille de gentils hurluberlus, qui impriment des tracts anarchistes en pleine montée du fascisme à Rome et chantent des hymnes révolutionnaires, que déboule Ulysse, orphelin venant d’endosser la chemise noire pour les 150 lires promises à la signature. Tombé amoureux de la fille, il se laisse adopter par cette famille de doux-dingues, lui qui n’en a jamais eu. Ulysse ne s’occupe pas de politique, mais la politique va le rattraper. Il ment sur ses origines et se fait passer pour un célèbre anarchiste activiste. Interprété par Alain Delon, qui venait de tourner Plein soleil avec le même René Clément et Rocco et ses frères de Visconti, le jeune acteur de 26 ans fait preuve d'autant de romantisme que d'humour dans son personnage de faux anarchiste sentimental. René Clément s’est emparé de ce scénario de comédie à l’italienne pour réaliser une fable humaniste, à mi-chemin entre Vittorio De Sica et Frank Capra. Dans un noir et blanc soyeux, il dépeint une Italie en plein chaos où chacun se cherche une identité et où tout le monde aspire à être libre. Quelle joie de vivre est un film drôle, qui mêle savamment l'ironie, la tendresse et la gravité.

Quelle joie de vivre est à voir ici ou sur le replay d'Arte.

Publié dans replay

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Un film d’animation flamboyant et introspectif

Publié le par Michel Monsay

Un film d’animation flamboyant et introspectif

Un quart de siècle après sa sortie, Slam Dunk, le manga de sport le plus vendu au monde avec 170 millions d'exemplaires, fait aujourd’hui un retour vibrant. Créé par le maître Takehiko Inoue et publié au Japon durant la première moitié des années 90, cette odyssée du basket inter-lycéen fut éditée en 31 tomes en France à l’aube des années 2000. Takehiko Inoue n’est pas n’importe qui au Japon. Révéré par ses pairs pour son sens de la narration et sa maîtrise technique ébouriffante, trônant sur plusieurs immenses succès de librairies, l’homme a gagné une indépendance totale, pliant les éditeurs à sa volonté au point de ne plus publier qu’au compte-gouttes depuis vingt ans. Auteur du manga original Slam Dunk, Takehiko Inoue renoue avec sa création en signant lui-même le scénario et la mise en scène du film. Le dessinateur subjugue les rétines en enchaînant des séquences de basket stupéfiantes. Il profite à fond de l'animation, travaille les flous, varie les angles, tranche des ruptures brutales, multiplie les accélérations fulgurantes, les ralentis gracieux, les gros plans gelés, les cavalcades pulsées par guitares électriques, les parenthèses d'apesanteur… Il attrape encore les regards qui se croisent ou se défient, le sillon d'un ballon transformé en boulet de canon, la sueur qui roule sur la peau, les muscles qui refusent l'obstacle quand la volonté réclame plus, les chevilles qui craquent, les poumons qui éclatent… puis ce geste de ballerine, le poignet du basketteur au moment du lancer à trois points. Enfin, le silence. Puis ce petit souffle de la balle dans les filets du panier. Pfft ! Le générique d’ouverture, crayonné au noir et blanc, donne le sentiment de donner vie au manga : les lignes se tracent, les corps se mettent en marche, l’équipe se forme et avance collectivement. Un bon millier d'artistes animateurs sont crédités au générique de ce long-métrage à la fois spectaculaire et intimiste, qui alterne habilement le déroulé d'un match décisif et très intense avec des flashbacks sur le passé des joueurs, en particulier celui du personnage central entouré d'un drame familial qui le hante. The First Slam Dunk est un grand film sur le basket, grâce à l’extraordinaire et très réaliste pénétration graphique que l’auteur offre de la discipline, pour l’avoir pratiquée lui-même dans sa jeunesse, en raconte sa grammaire et sa philosophie même, il est aussi une réflexion pertinente sur l’intensité physique, sa représentation et la capacité à aller aux delà de ses limites.

Publié dans Films

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Un exploit aussi immense qu’inattendu de Mickaël Mawem

Publié le par Michel Monsay

Un exploit aussi immense qu’inattendu de Mickaël Mawem

Vendredi 4 août, à Berne, Mickaël Mawem est devenu le premier Français à devenir champion du monde d’escalade de bloc. Le grimpeur du Haut-Rhin, qui a fêté ses 33 ans la veille du sacre, est au sommet de sa discipline, à la force des doigts (et de tout le reste). Le champion d'Europe 2019, dominateur de la demi-finale quelques heures plus tôt, a signé une performance dingue pour s'offrir sa première médaille au niveau mondial, lui qui rêve de se qualifier pour les JO de Paris 2024. Mickaël Mawem ne compte aucun podium en Coupe du monde, ni de finale cette saison, mais prouve une nouvelle fois qu'il est bien présent sur les grands moments, comme quand il s'est qualifié, alors que peu de monde aurait parié sur lui, pour les JO de Tokyo 2021, où il a frôlé la médaille. Au terme d'une finale exceptionnelle, il a été le seul des six finalistes à aller au bout de 3 voies sur les 4 présentées. Dans cette discipline, le but est d’aller le plus haut possible et d’atteindre la dernière prise à deux mains. C’est ce qu’a réussi Mickaël Mawem à trois reprises donc, une prestation de haut vol lui assurant le titre de champion du monde. Autre exploit tricolore dans cette compétition : le Français Mejdi Schlak a remporté, dans la même épreuve du bloc, la médaille d’argent à seulement 19 ans devant un coréen, deux japonais et un autrichien. Ovationné par la foule et submergé par l'émotion, Mickaël Mawem a crié de joie sur le tapis. "J'ai attendu dix ans pour ça, mon but était d'être un jour le meilleur du monde, a-t-il avoué les larmes aux yeux, après la finale. J'ai vécu beaucoup d'échecs en 10 ans, mais je revenais tous les ans, tous les ans... C'est fou." Très apprécié dans le monde de l'escalade, et connu pour être un énorme travailleur, qui ne prend jamais de vacances ou presque, le nouveau champion du monde s'entraîne à Colmar, dans la salle qu'il a ouverte avec son frère Bassa. Cette magnifique et impressionnante performance à voir ici est de bon augure à un an des Jeux Olympiques.

Un exploit aussi immense qu’inattendu de Mickaël Mawem
Un exploit aussi immense qu’inattendu de Mickaël Mawem
Un exploit aussi immense qu’inattendu de Mickaël Mawem
Un exploit aussi immense qu’inattendu de Mickaël Mawem

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Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle

Publié le par Michel Monsay

Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle

C'est avec une grande tristesse que j'ai appris la nouvelle de la mort de l’historienne Hélène Carrère d’Encausse, première femme à la tête de l’Académie française. Elle y était entrée en 1990 avant d’en devenir Secrétaire perpétuel en 1999, un titre qu’elle tenait à ne pas féminiser. Ce samedi 5 août, la famille d’Hélène Carrère d’Encausse a annoncé le décès à l’âge de 94 ans de la célèbre historienne spécialiste de la Russie, qui s’est éteinte paisiblement entourée de sa famille. Née à Paris le 6 juillet 1929, elle était la fille d'une Italienne et d'un philosophe géorgien émigré en France, Georges Zourabichvili. Née apatride, elle acquiert la nationalité française en 1950. Elle affirmait « être Française de la tête aux pieds ». De ses origines, elle avait conservé sa foi orthodoxe. Elle épouse en 1952 Louis Carrère, dit Carrère d'Encausse, un assureur avec lequel elle a trois enfants : l'écrivain Emmanuel, ainsi que Nathalie, avocate, et Marina, médecin et consultante dans les médias. Elle obtient le diplôme de l'Institut d'études politiques de Paris et un doctorat ès-Lettres, puis enseigne l'histoire à la Sorbonne puis à Sciences Po ainsi qu'au collège d'Europe de Bruges. Spécialiste de la Russie, elle est l'auteur de plusieurs biographies dont celles de Lénine, Staline ou Catherine II. Elle fait en 1978 une entrée fracassante dans l'édition avec L'Empire éclaté, succès commercial et critique où elle prédit, avant beaucoup d'autres, l'éclatement de l'URSS confrontée au problème des minorités. Elle est invitée dans de nombreuses universités étrangères, notamment en Amérique du Nord et au Japon. Elle a été décorée en 1998 par le président russe Boris Eltsine de l'Ordre de l'amitié entre les peuples « pour son étude de la Russie ». En 1997, elle a reçu en France le Prix des Ambassadeurs pour son ouvrage Nicolas II : la transition interrompue. Hélène Carrère d'Encausse a été la troisième femme élue à l'Académie française. Elle a également eu une carrière politique : après avoir dirigé, en 1992, le Comité national pour le « oui » au référendum sur le traité de Maastricht, elle figure, lors des européennes de 1994, en seconde position sur la liste de la majorité de droite UDF-RPR, derrière Dominique Baudis. Élue au parlement européen, elle est vice-présidente de la commission des Affaires étrangères et de la Défense. « Mère supérieure », selon l'affectueuse expression de son confrère à l'Académie Erik Orsenna, « tsarine » pour d'autres, auteur d'une bonne trentaine d'ouvrages, Hélène Carrère d'Encausse, grand-croix de la Légion d'honneur, était doyenne d'élection et d'âge de l'Académie française qu'elle a dirigée durant 24 ans avec une détermination et une exigence intellectuelle et morale impressionnantes. Engagée dans une défense vigoureuse de la tradition lexicale française, dans la préservation du patrimoine, en particulier parisien car la capitale était son jardin d'élection, dans le débat sur immigration et intégration, dans l'approfondissement de la civilisation européenne, cette femme dotée d'un optimisme inentamable et d'une énergie rayonnante, voire impériale, a incarné, par l'originalité même de son parcours, un moment particulier de la culture française et européenne.

Depuis 10 ans, j'ai eu la chance et l'honneur, en étant photographe pour l'Académie française, de côtoyer Hélène Carrère d'Encausse. Voici quelques souvenirs de ces 10 années, des plus anciennes photos, notamment en compagnie de Sylviane Agacinski en 2013, qui vient d'ailleurs d'être élue le 1er juin à l'Académie, jusqu'aux photos plus récentes, notamment lors de la réception d'Antoine Compagnon il y a trois mois et la dernière photo que j'ai faite d'Hélène Carrère d'Encausse tout sourire  :

Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle
Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle
Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle
Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle
Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle
Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle
Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle
Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle
Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle
Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle
Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle
Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle
Élégance et érudition mais malheureusement pas immortelle

Publié dans Chroniques

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