« Nos entreprises portent des valeurs de responsabilité sociale et environnementale »

Publié le par michelmonsay

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Après avoir été députée puis sénatrice de Seine et Marne, Nicole Bricq est depuis un peu moins de deux ans, Ministre du commerce extérieur. Rencontre avec cette charentaise de 66 ans à la volonté de fer, qui est la première VRP du « Made in France » à l’étranger.

 

Quel est le rôle de votre Ministère et quelle stratégie avez-vous mise en place ?

Nicole Bricq - Je porte la politique commerciale de la France au niveau de la Commission européenne et vis-à-vis de nos partenaires étrangers, en présidant pour certains pays le dialogue d’état à état afin de régler les difficultés. Comme récemment, lorsque j’ai reçu mon homologue chinois pour préparer la visite du Président XI Jinping en France et le forum économique que nous organisons. Je lui ai indiqué que nous devions résoudre à l’amiable la procédure antidumping contre les vins français menée par la Chine. C’est désormais chose faite. Quotidiennement, j’interviens afin de lever les blocages pour les entreprises françaises à l’étranger, et puis j’ai une action très concrète qui consiste à vendre nos produits et l’image de la France.

Afin de profiter de l’augmentation de la demande mondiale adressée à notre pays qui devrait être de 5% en 2014, j’ai structuré l’offre commerciale française en la décomposant en 4 familles : mieux communiquer, mieux se nourrir, mieux se soigner, mieux vivre en ville. Il s’agit ensuite de vérifier qu’à l’intérieur de chaque famille nous avons une offre complète. Tel est le cas dans la famille alimentaire, où l’offre partant de la génétique jusqu’au produit dans l’assiette est excellente, avec un bémol sur les produits transformés. Voilà pourquoi lorsque je vais en Chine en janvier 2013, j’emmène dans ma délégation le président de la charcuterie française dans le but d’obtenir l’agrément sanitaire qui pourrait donner accès à un énorme marché. A la même époque avec le Ministre délégué à l’agroalimentaire, nous avons mis en place le comité Asie pour accroitre l’export dans cette région, et il y a deux mois, nous avons annoncé que 250 entreprises agroalimentaires bénéficieraient d’un accompagnement personnalisé à l’export.

 

Pourquoi la balance commerciale française est-elle dans le rouge depuis plus de 10 ans et quels secteurs se portent bien ?

N.B. - Nous avons un problème structurel et organisationnel. Nous ne sommes pas suffisamment montés en gamme et nos entreprises ont perdu en compétitivité. Mais nous avons une offre de qualité pour peu que nous sachions écouter la demande du client. Mon but est de réunir les entreprises d’une même famille pour les fédérer à l’étranger comme en France. Il faut appuyer sur les meilleures afin qu’elles avancent plus vite pour ne pas perdre les marchés, et donner ainsi aux autres le temps de se restructurer.

L’aéronautique avec un excédent de plus de 20 milliards d’euros est le premier poste du commerce extérieur, suivent les produits agricoles et agroalimentaires avec 11,5 milliards d’excédent puis la cosmétique, le luxe, la pharmacie. Tous ces secteurs d’excellence pourraient être encore meilleurs s’ils étaient présents dans les 47 pays où se concentre la croissance mondiale. Il faut cibler à la fois des marchés émergents et des marchés matures.

 

Quelle image notre pays doit donner, notamment à travers le « Made in France » ?

N.B. - Il faut que la France ait une image qui repose sur ce qu’elle sait faire : la recherche, la haute technologie, la créativité, la culture, le goût, la qualité. Notre image doit être en phase avec ce que l’on veut vendre. Parmi nos atouts, nous avons aussi l’assistance technique et la formation, que des pays nous demandent souvent pour améliorer leur main-d’œuvre, nous portons également des valeurs de responsabilité sociale et environnementale. Autrement dit, nous sommes capables d’apporter plus que notre savoir-faire. A noter que dans le « Made in France », il est beaucoup plus compliqué qu’avant d’avoir un produit entièrement fabriqué dans notre pays. Une voiture française par exemple a 40% d’importation, de même pour les composants d’un Airbus, mais ce qui compte c’est de garder en France la partie qui capte la valeur, c'est-à-dire la recherche, l’assemblage...

 

Que ressort-il du conseil de l’attractivité avec les grands patrons étrangers ?

N.B. – Ils veulent rester en France et nous ont tous dit : Nous avons besoin d’une France forte en Europe. D’autant que, compte tenu de la montée en puissance d’une dizaine de pays africains, nous représentons notamment pour les Etats-Unis et le Canada, la porte d’entrée vers l’Afrique. Pour garder les entreprises étrangères et en attirer d’autres, il faut simplifier. A cet effet, parmi les huit mesures qu’a annoncées le Président de la République, il y en quatre qui concernent directement mon ministère :  la dématérialisation des démarches douanières à l’export comme à l’import pour accélérer le processus ; un seul document pour payer la TVA générale et celle liée à l’import, ce qui n’obligera plus les entreprises à une avance de trésorerie. Nous mettons également en place un  « visa business » délivré en 48 heures pour les clients et les fournisseurs des entreprises françaises ou étrangères installées en France. Toutes ces mesures seront en vigueur au plus tard d’ici début 2015. Enfin, la fusion de nos deux agences, celle pour le développement international des entreprises (UBIFRANCE) et celle pour les investissements internationaux (AFII) devrait permettre une amélioration de la compétitivité de nos entreprises à l’export et de l’attractivité de la France.

 

Où en est le pacte de responsabilité ?

N.B. - Patronat et syndicats sont parvenus à un accord et ont fixé une feuille de route dans la mise en œuvre du pacte, avec des indicateurs de suivi par branches professionnelles. Ce pacte qui met dans le jeu les partenaires sociaux, à l’image du modèle allemand avec sa capacité de négocier, est une révolution culturelle.  On sort d’une logique  de conflit pour voir ce que l’on peut faire ensemble. La finalité est que les entreprises investissent. D’où le débat sur les 30 milliards de baisse des charges, 20 avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et 10 qu’il faut financer à l’intérieur de l’équilibre budgétaire. Le pacte de compétitivité en 2012 était une première étape. Les parlementaires vont avoir à se prononcer sur ce pacte de responsabilité, et les premières mesures seront mises en place très rapidement pour produire leurs fruits.

 

Où en est la lutte contre la contrefaçon ?

N.B. - Les parlementaires ont voté en février à l’unanimité la proposition de loi sur la contrefaçon qui donne des moyens supplémentaires à la douane. Pour lutter efficacement, il faut mettre aussi en place un code douanier européen. La douane française en Europe est un moteur, elle est une grande force de propositions. On parle beaucoup des opérations spectaculaires de la douane, mais il y a un travail quotidien pour faciliter le commerce et endiguer la contrefaçon. Ce mal endémique coûte chaque année 6 milliards à l’économie française et 38 000 emplois. Il n’y a pas que les sacs Hermès qui sont contrefaits, cela touche toutes sortes de produits de commerce courant, comme des médicaments, des jouets, …

 

Quel intérêt pourrait trouver la France dans un partenariat transatlantique entre l’Union européenne et les Etats-Unis ?

N.B. - L’intérêt est avant tout de réunir les deux premières puissances commerciales mondiales. Nos entreprises ont à y gagner. L’enjeu est de réussir à simplifier les formalités administratives préalables à l’exportation, d’éviter les doubles certifications, de promouvoir nos intérêts offensifs notamment dans le domaine agricole, et de faire en sorte que les Etats-Unis ouvrent leurs marchés publics. Mais je ne suis pas naïve, les discussions seront rudes, notamment sur les indications géographiques que les américains ne veulent pas reconnaître. Nous avons demandé aussi que les états gardent leur droit à réguler, alors que les Américains veulent instaurer un tribunal pour régler les conflits entre investisseurs et états. Cela va être difficile, mais si on arrive à trouver un accord, cela profitera aux deux économies. 

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