Le hasard et la fragilité d’une existence
Difficile d’accepter que Némésis soit le dernier livre de Philip Roth, comme il l’a annoncé. A 79 ans, l’immense écrivain américain que l’on donne chaque année favori pour recevoir le Prix Nobel de littérature et qui malheureusement ne l’a toujours pas, nous offre ici l’un de ses tous meilleurs romans, d’une noirceur troublante. Toute la puissance et la créativité romanesque de l’auteur sont réunies dans cette histoire qu’il construit remarquablement, en continuant d’explorer la condition humaine avec lucidité et sans concessions. Hasard, malchance, injustice, responsabilité, sont quelques uns des thèmes centraux auxquels sont confrontés les personnages de ce roman poignant. A Newark au début de l’été 1944 sous une chaleur étouffante, des cas de polio se déclarent dans quasiment toute la ville, mis à part le quartier juif de Weequahic. Les enfants de ce quartier qui n’ont pas eu la chance de partir en vacances se retrouvent sur le terrain de jeu, dont le jeune directeur de 23 ans, un robuste prof d’éducation physique qui n’est pas à la guerre pour cause de mauvaise vue, fait l’admiration de tous. Cet homme invincible au sens du devoir et des responsabilités très prononcé, aussi bien auprès des enfants dont il s’occupe que vis-à-vis de ses proches, va se retrouver confronté aux dégâts et aux conséquences que vont provoquer les premiers cas de polio dans son quartier. On ressort abasourdi par la force dramatique de ce roman dont nous ne sommes pas prêts d’oublier les personnages et leurs destins tragiques.
Némésis – Un roman de Philip Roth – Gallimard – 226 pages – 18,90 €.