« L’Assemblée Nationale doit redevenir une véritable ruche »

Publié le par michelmonsay

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Après avoir été Ministre de la ville du gouvernement Jospin, Président du Conseil général de Seine Saint-Denis et huit fois député de ce département, Claude Bartolone est devenu en juin dernier à 61 ans, Président de l’Assemblée Nationale. C’est dans ce lieu qu’il connaît si bien depuis son premier mandat en 1981, que le 4ème personnage de l’Etat nous livre son sentiment à l’approche de cette nouvelle année, sur la vie parlementaire, politique et économique de la France.

 

Quels sont le rôle et le pouvoir de l’Assemblée Nationale ainsi que ceux de son Président ?

Claude Bartolone - L’Assemblée est d’abord là pour voter la loi. Et je fais en sorte de rappeler au gouvernement qu’il faut donner du temps aux parlementaires et en finir avec les textes à examiner en urgence. Ce que l’on connaît moins de l’Assemblée est son rôle de contrôle du gouvernement, d’évaluation des politiques publiques et de réflexion sur les grandes évolutions de la société. Avec les commissions d’enquête, les missions d’information et d’autres instruments, l’Assemblée est au cœur de l’efficacité de l’action publique.

Tous mes prédécesseurs, de gauche comme de droite, ont laissé leur trace, et j’ai l’humilité de croire que je marche dans leurs pas. Cela dit, je m’efforce de présider comme je suis, avec ce qu’il faut d’autorité, de loyauté et de liberté. Il faut de l’autorité pour pouvoir couper la parole à des ministres trop bavards ou tenir cet hémicycle qui donne quelquefois le sentiment de rugir ! Il faut de la loyauté car je n’oublie jamais que la majorité a été élue sur les propositions du président de la République et qu’elle doit soutenir la politique menée. Il faut enfin de la liberté vis-à-vis du gouvernement pour remplir la grande mission d’un président de l’Assemblée : Protéger l’opposition.

 

Qu’avez-vous entrepris depuis votre entrée en fonction ?

C.B. - Dès mon investiture, j’ai voulu adresser un signe aux Français pour réinstaller la confiance. Gel du budget de l’Assemblée pour cinq ans, baisse de mon indemnité de 30%, réduction de l’indemnité représentative de frais de mandats des députés de 10%, contrôle de la Cour des comptes sur nos finances, transparence sur la réserve parlementaire. Jamais une réforme de cette ampleur n’avait été menée sous la Vème République. J’en suis très fier. Par ailleurs, je suis parti en guerre contre les « comités Théodule », ces centaines et centaines de commissions qui coutent cher au pays et marchent sur les plates-bandes du Parlement. Je réclame la suppression de 30% de ces comités pour que leur travail revienne à l’Assemblée qui doit redevenir une véritable ruche. Et d’ailleurs, pour le clin d’œil, nous avons même décidé d’installer des ruches sur les toits de l’Assemblée ! En 2013, nous produirons « le miel du Palais Bourbon ».

 

Comment analysez-vous le comportement des députés de droite depuis cinq mois ainsi que la crise à l’UMP ?

C.B. - En tant que président de l’Assemblée, je ne critique jamais la façon qu’a l’opposition de s’opposer. Je suis là pour protéger ses droits. Après, je suis intraitable sur l’image que nous donnons collectivement aux Français. Autant je suis pour une démocratie vivante et pourquoi pas bruyante, autant je ne tolère pas que des députés dégradent l’image de l’Assemblée juste pour être vus à la télé ! J’ai averti. Si cela devait continuer, je prendrais des sanctions, y compris financières.

La démocratie, ça aime l’équilibre. En face de la majorité qui agit, nous avons besoin d’une opposition qui contredit. Or aujourd’hui, l’état de l’UMP ne permet pas cet équilibre, et nul ne doit s’en réjouir. La nature a l’horreur du vide, et dans le trou béant que laisse la droite républicaine, je crains que les extrêmes ne viennent s’engouffrer. Tout doit être fait pour éviter cela. La droite doit se ressaisir. Mais à nous aussi, par le rythme des réformes et des résultats obtenus, de démontrer aux Français que, oui, la politique ça sert à quelque chose.

 

Certains au sein de la majorité font entendre des voix dissonantes, comment y réagissez-vous ?

C.B. - Toute initiative venant fragiliser l’action du gouvernement est regrettable. Dans ce climat de crise, de doutes et de peurs, la division est un poison. À côté de cela, il faut entendre ce qui est dit par nos partenaires. Autant il y en a certains qui jouent au « plus à gauche que moi tu meurs » pour se mettre en scène, autant il y en a d’autres qui nous disent des choses. Et ces choses-là, il faut les écouter, sauf à vouloir gouverner reclus. Il est indispensable de réaffirmer sans cesse la ligne politique qui sous-tend notre action et dans laquelle chacun peut, avec sa propre identité, se sentir à l’aise : La reconstruction économique au service du progrès social. Donnons sa chance au dialogue dans la majorité. C’est ce que je m’efforce de faire à l’Assemblée.

 

Comment jugez-vous les premiers mois du Président Hollande et du gouvernement dans le contexte économique et social très difficile ?

C.B. - Compte tenu de la brutalité de la crise, tout ce qui devait être fait a été fait. Pour ma part, dès l’été, j’avais défendu trois priorités pour la France : l’emploi, l’emploi et l’emploi ! C’est bien ce dont il est question avec l’action du président Hollande, de la majorité parlementaire et du gouvernement qui en est issu. Notre horizon, c’est la bataille pour l’emploi. Pour cela, nous activons tous les leviers à la fois. L’emploi par des politiques actives : Les fameux « emplois d’avenir » et demain les « contrats de génération ». L’emploi par la reconstruction de l’économie française avec le pacte de compétitivité qui va permettre de muscler nos entreprises. L’emploi par une nouvelle façon de réformer : Avec la conférence sociale, nous voulons associer toutes les forces du pays à la bataille pour l’emploi. L’emploi enfin, en faisant confiance aux territoires de France, à leur capacité d’investissement public.

 

Que pensez-vous du Prix Nobel de la paix décerné à l’Europe sur fond de crise et de désaccord budgétaire, ce désaccord peut-il mettre en péril la PAC ?

C.B. - L’Europe… Vous savez, je ne suis ni un « euro béat » ni un « euro sceptique ». Je suis un « euro exigeant » ! A ce titre, la France n’acceptera jamais que soit remise en cause la politique agricole commune. Au-delà du désaccord budgétaire européen, la vraie question qui se pose est celle de l’idée que nous nous faisons de la suite de l’histoire européenne. L’Europe, ça ne peut pas être seulement la rigueur. Le jour où s’installe cette idée, il n’y a plus de construction européenne et il n’y a plus d’Europe. La France doit peser pour bâtir une Europe plus à l’écoute des peuples qu’elle ne l’est aujourd’hui, une Europe plus protectrice, notamment de notre agriculture, moins naïve face aux géants, mieux armée dans la compétition internationale. Je salue la démarche de François Hollande qui, depuis le printemps, a engagé la France sur ce chemin. Il sera long. Il est vital.

 

Vous qui êtes le 4ème personnage de l’Etat, que souhaitez-vous à la France pour 2013 ?

C.B. - Hélas, la crise ne va pas s’envoler le 31 décembre à minuit, mais n’enterrons pas cette année 2013 avant même qu’elle ne soit née. 2013 sera ce que nous en ferons. Il faut croire en notre pays, en sa capacité à se relever. La France, ce n’est pas rien ! Nous avons une économie puissante, des savoir-faire que le monde nous envie, nous avons une grande agriculture, une qualité de service public unique au monde, une recherche performante, un commerce et un artisanat riches ! Et puis, nous savons vivre, en France ! Nous sommes attachés à notre terroir comme nous savons nous ouvrir aux beautés du monde. Tous ces atouts, il faut les préserver. Pour cela, quelles que soient les difficultés, nous avons besoin de garder notre cohésion nationale, de croire en notre capacité de rebond. C’est ce que je souhaite à la France en 2013. 

 

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