« Je n’ai pas souffert d’être une femme pour la bonne raison que je n’ai jamais voulu le pouvoir »
Interview réalisée dans le cadre d'un dossier consacré aux femmes
Après avoir appris le métier aux côtés de Françoise Giroud et Jean-Jacques Servan-Schreiber à l’Express, Catherine Nay rejoint Europe 1 où elle est journaliste politique et éditorialiste depuis 37 ans. Elle a toujours su préserver sa liberté et imposer un statut à part avec les livres qu’elle a consacrés avec succès aux hommes politiques, notamment François Mitterrand et Nicolas Sarkozy.
Quel a été votre parcours pour parvenir à ce que vous êtes aujourd’hui ?
Catherine Nay - Un jour, alors que j’étais adolescente et voyageais en train avec ma mère et mes frères, il y avait une femme assez jolie dans le couloir, qui fumait accoudée à la fenêtre entrouverte, elle était pour moi l’image de la liberté et je me disais qu’elle devait être journaliste. J’ai toujours voulu faire ce métier pour m’échapper et être indépendante. Afin d’y parvenir, étant originaire de Dordogne, je savais que je ne devais pas faire mes études à Bordeaux mais à Paris. Après avoir convaincu mes parents, j’y suis partie après le Bac avec une amie, où j’ai essayé plusieurs options d’études avant d'entamer une licence de droit. J’ai vite compris que l’indépendance était économique. Ayant jeté mon dévolu sur l’Express que je trouvais moderne, j’y ai fait un stage, puis en 1968 j’ai arrêté ma licence en 3ème année pour devenir journaliste.
L’ambition de ce 1er newsmagazine était de traiter l’actualité autrement que dans un quotidien, avec des papiers incarnés, en y mettant de la pâte humaine et en proposant des portraits. Françoise Giroud pensait que les hommes politiques parleraient plus facilement à des journalistes femmes pourvu qu’elles ne soient pas trop bêtes. Nous étions trois pour la politique avec chacune son pré carré, je m’occupais de la droite. Cela a été merveilleux d’apprendre le métier aux côtés de Françoise Giroud. Je suis resté 7 ans à l’Express, puis en 1975 j’ai intégré Europe 1 et comme dans le fond j’étais un peu timide, je n’étais pas tentée par la télévision.
Dans ce métier difficile et plutôt masculin qu’est la radio, avez-vous rencontré des difficultés en tant que femme ?
C.N. – Assez vite, j’ai voulu écrire des livres à la fois pour prendre du recul sur l’actualité, et comme j’étais la seule fille au service politique d’Europe 1, pour me démarquer des garçons et m’imposer. Je me disais si mes livres marchent, j’aurai un statut qui m’évitera les corvées inintéressantes, comme aller tendre un micro à la sortie du conseil des ministres ou aller attendre à 23h à Roissy le retour d’un politique en déplacement. J’aime par-dessus tout le travail de longue haleine qu’est l’écriture d’un livre, en menant une grosse enquête durant des années. Mon premier livre paru en 1980, « La double méprise » sur la difficile relation entre Giscard et Chirac, s’est bien vendu et de ce fait a changé ma vie. Je ne peux pas dire que ma carrière a été difficile puisque dans le fond j’ai fait ce que j’ai voulu, sauf que j’ai eu des patrons avec lesquels je ne m’entendais pas comme Jérôme Bellay, qui m’a ignoré durant 9 ans à défaut de pouvoir me virer. Dans le métier de journaliste, il y a deux formes de carrière, les solistes et les chefs d’orchestre, j’ai toujours préféré la première même si je participe beaucoup à la vie de la rédaction. Comme femme, j’ai réussi dans un milieu d’hommes en travaillant beaucoup et en préservant ma liberté grâce au succès de mes livres et au bonheur que j’ai eu à les concevoir, notamment « Le noir et le rouge » sur Mitterrand. Je n’ai pas souffert d’être une femme pour la bonne raison que je n’ai jamais voulu le pouvoir.
Comment percevez-vous le métier d’agricultrice ?
C.N. – Tout d’abord un grand respect pour ces femmes qui font un métier très dur. J’ai toujours été fasciné par la capacité d’adaptation des agriculteurs. On a l’impression d’un métier éternel qui ne change pas, alors qu’aujourd’hui beaucoup ont des ordinateurs et sont au fait des dernières décisions de Bruxelles. Même si dans certains secteurs cela paraît plus facile, la vie de femmes d’agriculteur est un vrai apostolat avec peu de loisirs, beaucoup de contraintes, des sacrifices pécuniaires, surtout qu’à la télévision leur est proposée toute une gourmandise de la vie dont elles sont exclues. Je suis frappé par leur intelligence, leur bon sens et leur solidité. C’est un métier qui ne doit pas se perdre et j’admire celles qui veulent bien continuer ou prendre la relève.