Derrière la désinvolture …

Publié le par michelmonsay

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Découvert il y a 17 ans avec ses fameuses interviews décalées qui provoquaient l’hilarité, Raphaël Mezrahi a mené son bonhomme de chemin entre radio, télé, one-man-show et théâtre en imposant un univers absurde et taquin. La 1ère Nuit de la déprime, qu’il vient d’organiser avec une pléiade de grands noms de la chanson française, devrait lui apporter un second souffle et de nombreux projets.

 

Tout auréolé du succès de la 1ère Nuit de la déprime qui a dépassé toutes ses espérances, Raphaël Mezrahi organisateur, producteur et animateur de cette soirée, a réussi un formidable pied de nez à tous ceux qui courent après le bonheur. Ce spectacle qui affichait complet depuis bien longtemps et que l’on pourra voir en DVD prochainement, a vu défiler durant 3h 15 aux Folies Bergère une trentaine d’artistes comme Véronique Sanson, Michel Jonasz, Adamo, Alain Chamfort entre autres, et des plus jeunes comme Thomas Dutronc, Amel Bent ou Nolwenn Leroy, venus chanter des chansons tristes. Durant une trentaine de secondes, Gérard Lenormand a entamé « La ballades gens heureux », il s’est fait siffler et Raphaël Mezrahi lui a fait comprendre qu’il plombait l’ambiance et lui a demandé de partir.

S’il a réussi à réunir une telle affiche sans radio ni télévision, l’humoriste l’explique par l’importance qu’il accorde à l’humain, à l’affect, ce qui a généré au cours de cette soirée à la fois une sincérité et une osmose des artistes entre eux et avec le public. Quant à un éventuel passage télé du spectacle, son créateur attend de voir, ne se faisant aucune illusion sur ce média : « Les gens de la télévision ont 5 ans de retard, ils prennent les téléspectateurs pour des abrutis et ne prennent par contre aucun risque. Tous mes concepts ont toujours été rejetés par les dirigeants de chaînes jusqu’à ce que je rencontre un fou, Patrick Sébastien, qui après avoir vu 3 maquettes d’interviews que j’avais réalisées avec Thierry Rey, Jean-Pierre Pernaud et Pierre Arditi, me donne carte blanche dans son émission « Osons » en 1995 sur TF1. Je m’étais dit alors : génial, je vais passer du RMI à l’ISF ! »

 

Les fausses interviews

Avant qu’il ne soit connu du grand public, il piège ainsi 136 personnalités dans des interviews déconcertantes en posant des questions absurdes, en relisant indéfiniment ses notes ou en ayant des comportements décalés. S’il s’est inspiré de l’interview de Françoise Sagan par Pierre Desproges, qui est son idole, il y a rajouté l’esprit de Darry Cowl, Jean Carmet, Harpo des Marx Brothers et un côté surréaliste. Les interviewés ont des réactions qui vont du fou-rire à l’agacement sans que jamais cela ne se termine mal. Il n’y a pas de méchanceté chez Raphaël Mezrahi, uniquement de la taquinerie et beaucoup de tendresse. Tout est énormément préparé jusqu’aux réactions de la personnalité. Dès les premières diffusions sur TF1 en prime time avec 11 millions de téléspectateurs, c’est un franc succès pour les interviews, mais il n’y aura que trois numéros de l’émission dans sa globalité, dont les provocations sont critiquées. Canal+ voyant que cela marche très bien, après avoir refusé le concept quelques mois auparavant, propose à Raphaël Mezrahi de rejoindre l’émission Nulle part ailleurs, où il restera deux ans.

Un peu plus tard, il continue avec Laurent Ruquier dans « On a tout essayé » sur France 2, en s’attaquant cette fois à des personnalités étrangères. Il réalise 17 interviews dont Brad Pitt, Britney Spears et surtout James Brown, qui lui laisse un souvenir un peu plus ému que les autres, où il finit l’entretien sur les genoux du parrain de la soul en chantant « Sex machine ». Au-delà de l’admiration qu’il a pour le chanteur, il y a sa passion inconditionnelle de la musique.

 

L’importance de la musique

L’un des tous meilleurs moments de sa carrière reste l’émission musicale qu’il  anime tous les week-ends de l’été 2011 en fin de soirée sur France Inter, accompagné d’invités et où il assure la programmation avec sa propre discothèque. Cette opportunité lui a été proposée en compensation de sa participation qui n’aura duré que 4 jours à la matinale sur la même radio, où on lui avait demandé un billet d’humour quotidien sur l’actualité, exercice qui ne lui correspondait absolument pas. Cela dit, la direction de cette station a eu un gros problème de positionnement en 2010 avec les humoristes, puisque Stéphane Guillon, Didier Porte et Gérald Dahan ont également été remerciés suite à leurs billets matinaux. Pour Raphaël Mezrahi, c’est un moindre mal qui lui a permis de faire ce qu’il aime le plus, partager son amour de la musique, à l’image de son maître absolu Georges Lang, qui officie dans les nocturnes sur RTL depuis 40 ans.

Cette passion, on la retrouve dans cette 1ère Nuit de la déprime dont la réussite est telle que son initiateur envisage une suite à Bercy peut-être, mais elle existait déjà dans un spectacle théâtral et musical intitulé « Monique est demandée caisse 12 », que Raphaël Mezrahi a créé en 2008 au Théâtre du Rond-point, repris l’année suivante au Théâtres des Variétés puis à la Cigale en 2010. C’est en enregistrant des sons, activité qui le passionne aussi, que lui vient l’idée d’écrire une pièce sur la vie dans un supermarché avec l’humour décalé qui le caractérise.

 

Un côté touche à tout

Tout en ayant réussi à faire dans sa vie uniquement ce dont il avait envie, cet artiste à l’apparence nonchalante aime la suractivité. Il y a évidemment la télé et la radio où il participe aux émissions de ses amis Laurent Ruquier et Michel Drucker sur Europe 1, ou bien lorsqu’il est invité à commenter un match de foot sur Eurosport : « C’était Troyes contre Sochaux, le score était nul et à deux minutes de la fin, j’entre sur le terrain avec un micro et demande à un joueur : « A ton avis tu comptes marquer quand à peu près ? », j’ai été interdit de terrain pendant un an par la Ligue de football. » Il s’essaie également au one-man-show durant quelques années où il apprend ce qu’est la scène, mais l’aventure théâtrale avec d’autres comédiens lui plaît davantage.

A côté de cela, il crée une société de production qu’il appelle « Troyes dans l’Aube prod », en hommage à sa ville, pour palier à l’incompréhension que suscite ses projets et pour produire un humoriste inconnu, Arnaud Tsamère, auquel il croit d’entrée. Bien lui en a pris, son poulain a aujourd’hui une très belle côte, et la Nuit de la déprime lui a apporté de très nombreux retours médiatiques et des possibilités de projets, avec l’éventualité d’un film, d’une pièce de théâtre et qui sait peut-être une émission musicale; il aimerait tant revivre cette expérience.

 

Un troyen dans le show-biz

Né à Sousse en Tunisie, il arrive à l’âge d’un an à Troyes, où il passe une enfance paisible. Il garde encore à l’heure actuelle un attachement pour sa région, avec ses parents qui y habitent toujours et en ayant lui-même une maison. Passionné dès l’âge de 10 ans pour le son, l’électronique, le bricolage, sa curiosité le pousse à faire ensuite des études dans plusieurs directions. Après du commerce international, un Deug d’histoire de l’art, une licence de cinéma à la Sorbonne avec Eric Rohmer comme prof, de fil en aiguille il se retrouve stagiaire à TF1 et propose au bout de 3 semaines un sujet, qui passe à l’antenne à la grande surprise de ses camarades. Une fois que ce touche à tout a mis un pied à la télé, il devient tour à tour documentaliste, directeur de casting et journaliste en créant peu à peu son univers bien particulier, jusqu’au jour où Patrick Sébastien tombe sous le charme de ses interviews.

Aujourd’hui à près de 49 ans, cet amoureux des animaux, de la nature et de la musique conclue sa propre interview en laissant apparaître un aspect moins connu de sa personnalité : « J’essaie de faire au mieux pour vivre tranquillement sans prétention. Lorsque j’organise quelque chose, je fais tout pour que les autres soient bien, ce que je vais gagner m’est égal, je pense que je ne serai jamais riche et cela n’a aucune importance. Je suis entier en tout cas. »

 

Publié dans Portraits

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