Autour d’une enquête pour féminicide en Inde, un polar sociétal d’une grande force
Présentée au Festival de Cannes dans la section Un certain regard, cette première fiction de la documentariste indienne Sandhya Suri est un mélange très réussi de polar sociétal et de film dossier. Classique et élégant, Santosh est puissant, son point de vue est sans cesse sur le fil, déployant sa fiction entre deux eaux. Masculin et féminin, riches et pauvres, bien et mal. Entre pouvoir ancestral et nouveaux droits acquis de haute lutte. C’est d’un combat encore inégal qu’il s’agit ici, dont les armes s’inventent et se fabriquent au fur et à mesure. Sandhya Suri déclare ne pas être une cinéaste militante. Pourtant, son film regorge de constats pointant la corruption et la violence de la police à la botte des puissants, les inégalités sociales, le sexisme décomplexé, la persécution religieuse à l'égard des musulmans et la manipulation des élites. C'est aussi un film féministe qui refuse le simplisme, et instille un grain de sable dans les rouages d’un patriarcat solidement ancré dans les mœurs. La cinéaste est dans le vrai avec cette propension à refuser les œillères, en filmant les compromissions et la rigidité d’une société de castes. Elle est dans le vrai en refusant une musique additionnelle qui viendrait souligner les émotions. Elle est surtout dans le vrai en appuyant là où ça fait mal : bakchichs institutionnalisés, mépris de classe, enquêtes bâclées, bavures. Mêlant adroitement thriller pur et drame social, Sandhya Suri réussit à exposer un instantané de la société indienne qui fait froid dans le dos.