Les blessures d'un cinéaste bien plus complexe qu'il n'y paraît

Publié le par Michel Monsay

Les blessures d'un cinéaste bien plus complexe qu'il n'y paraît

S’appuyant sur un texte inédit de François Truffaut, le documentaire de David Teboul esquisse la carte des fêlures qui parcourent la vie et l’œuvre du cinéaste. S’appuyant à la fois sur les très riches archives du service public, qui, de François Chalais à France Roche, a fait de François Truffaut le plus reconnaissable des cinéastes français, mais aussi dans la correspondance si riche de ce grand épistolier et sur des fragments inédits d'une ébauche d’autobiographie entreprise par le réalisateur avec son ami Claude de Givray dans les mois précédant sa mort, le film promet de mettre à jour la part d’ombre de l'auteur des Quatre cents coups. La première partie du film, qui revient longuement sur l’enfance profondément malheureuse de Truffaut, semble vouloir tenir ce serment. La lecture (par Louis Garrel et Pascal Greggory, le rôle de la récitante étant tenu par Isabelle Huppert, tous trois très bien) des échanges entre le cinéaste et Roland Truffaut, son père adoptif, donne une idée de la violence qu’a endurée cet enfant à qui tout était rationné, la nourriture, car il a grandi sous l’Occupation, et l’amour maternel. Cette clé biographique se révèle essentielle pour approfondir la perception d'une œuvre bien plus sombre qu'il n'y paraît au premier abord, traversée par l'enfance malheureuse. Dans cet émouvant documentaire, il y a aussi François Truffaut le père absent mais aimant et drôle (merveilleuses lettres envoyées des États-Unis à ses filles lors d'un séjour pour le tournage des Rencontres du troisième type de Steven Spielberg), le formidable ambassadeur du cinéma, notamment grâce à son livre d'entretiens avec Alfred Hitchcock mais aussi sa présence régulière, toujours pédagogique et éclairante, à la télévision, notamment en portraitiste des grandes actrices du cinéma français, de Jeanne Moreau à Catherine Deneuve et Fanny Ardant, qui fut sa dernière compagne et la mère de sa plus jeune fille. Un accent particulier est mis sur la dimension autobiographique du Dernier Métro, réalisé alors que Truffaut, qui a grandi sous l'Occupation, a découvert grâce à un détective privé que son père biologique était juif. Entre Les quatre cents coups et sa mort prématurée, il y a aussi un homme très drôle, qui fait le pitre dans les vidéos familiales, celui que Bernadette Lafont avait surnommé “Truffette”. Le documentaire donne accès à l’épaisseur même d’une existence, ses silences, ses doutes, ses moments de flottement, bref, ce qui échappe d’ordinaire à la caméra : le for intérieur. David Teboul explore avec respect et une grande profondeur l’intimité et la carrière de François Truffaut, qui sont étroitement liées, et parsème son documentaire de très beaux extraits des films de ce cinéaste disparu trop jeune à l'âge de 52 ans en 1984 d'une tumeur au cerveau, qui nous donnent envie de revoir La peau douce, La femme d'à côté, Deux anglaises et le continent ou Les quatre cents coups pour ne citer qu'eux.

François Truffaut, le scénario de ma vie est à voir ici ou sur le replay de France 5.

Publié dans replay

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