Un thriller social intense sur le mal-logement
Le réalisateur Nicolas Silhol, déjà préoccupé par le harcèlement au travail dans Corporate en 2017, observe ici la fausse bonne idée de la protection par l’occupation pour lutter contre le squat. On retrouve un personnage de femme, prise à nouveau entre le marteau et l’enclume, qui a une responsabilité très délicate et affronte des enjeux moraux. En optant pour une mise en scène clinique, ancrée dans un décorum blanc, froid, vitré, envahi par une nature sauvage qui reprend ses droits, ce polar à peine futuriste, la loi Élan a été votée à titre expérimental en 2018 et pérennisée en 2023 par la loi Anti-squat, engagé, passionnant, mais inconfortable, permet à Louise Bourgoin d'imposer un jeu alternant à l'envi l'inquiétude, la douceur et la fermeté. Elle s'y montre parfaitement à son aise. Ce film glaçant, au plus près d’une héroïne ordinaire, raconte quelques unes des dérives de notre époque. Inès, l'héroïne, est en quelque sorte la petite sœur d’Émilie, la responsable des ressources humaines incarnée par Céline Sallette dans Corporate, le premier long métrage de Nicolas Silhol. Les deux jeunes femmes se révèlent les exécutantes plus ou moins zélées d’un système néolibéral qui prospère sur la misère et sur l’exploitation des précaires par moins précaires qu’eux. Deux salariées dont la réussite professionnelle dépend de leur capacité à refouler leurs scrupules, en d’autres termes, à être inhumaines, y compris quand des collègues ou des résidents sont dans la détresse. Entre les murs d’un immeuble de bureaux déserts, quelque part en banlieue parisienne, Nicolas Silhol opère avec minutie, sans colère, sans misérabilisme et sans désespérance. Il filme la réalité brute de la pauvreté et la déshumanisation, dans une forme de polar social qui secoue.
Anti-squat est à voir ici pour 4€ en location ou sur toute plateforme de VOD.