Fascinant film de bande, bien plus sensible qu'il n'y paraît

Publié le par Michel Monsay

Fascinant film de bande, bien plus sensible qu'il n'y paraît

Voilà maintenant huit ans que l’on attendait le retour de Jeff Nichols. Depuis Loving, en 2016, aucun de ses scénarios n’avait pu voir le jour, la faute à un système de production américain de plus en plus étroit et affaibli par le monopole de Disney. Aux antipodes du formatage imposant ses lois à Hollywood avec ses superproductions de superhéros interchangeables, le cinéma américain compte encore heureusement dans ses rangs des metteurs en scène hors norme qui, sans esbroufe, revisitent l'histoire et les mythologies de leur pays. Le passionnant Jeff Nichols (Take Shelter, Mud, Midnight special, Loving) est l'un d'entre eux et sa nouvelle fiction confirme une nouvelle fois son talent. De nombreux points communs se retrouvent dans ses films, même si chacun d'entre eux ne ressemble qu'à lui-même, on peut citer néanmoins : les tournages en décors réels et sur pellicule, ou la retenue et la justesse des émotions. Au centre de The Bikeriders, il y a un magnifique trio composé du très demandé Austin Butler au charisme foudroyant, de Jodie Comer, épatante dans un rôle très différent de la série qui l'a révélée, Killing Eve, et de Tom Hardy impressionnant d'intériorité et d’humanité. Avec son sixième film, comme dans les précédents, Jeff Nichols continue à explorer ses marginaux indésirables subissant une société qui préfère les repousser plutôt que les accepter tels qu’ils sont. Dans une succession de flashbacks, The Bikeriders raconte ainsi l’évolution des Vandals, un groupe de motards des années 60. Sans bascule marquée, avec une grande maîtrise invisible, au fil de l'intrigue le ton change, se fait plus sombre, plus triste, sa violence plus âpre. L’envers du décor de toute une mythologie américaine se révèle, plus mélancolique, incapable d’être à la hauteur de son romantisme idéalisé. Jeff Nichols capture la fin d’une époque, la mort d’une illusion, un paradis fichu, une perte d’identité. Avec une vraie intelligence narrative, The Bikeriders n’oublie en effet jamais d’ausculter cette décadence croissante en parallèle de l’effondrement global de l’Amérique, avec notamment les conséquences post-guerre du Vietnam en ligne de mire. D’une fluidité dont il a le secret, la mise en scène de Jeff Nichols parvient avec un naturel impressionnant à nous transporter au plus profond de cette époque, à creuser son groupe, à sonder son ambiguïté dans un geste à la fois mélancolique et violent, nostalgique et brutal. Ne reste plus qu’à espérer qu’on ne doive pas attendre encore huit ans pour que Jeff Nichols nous fasse autant vibrer.

Publié dans Films

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B
Il doit être bien ce film<br /> Bonne journée
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M
Effectivement il est très bien, comme tous les films de Jeff Nichols.<br /> Bonne journée à vous aussi