Une touchante romance inhabituelle et sans cynisme
Avec Memory, le cinéaste mexicain Michel Franco, qui travaille depuis quelques temps aux États-Unis, franchit un nouveau cap et signe un vrai mélo sans pathos, se servant de ses talents de metteur en scène rigoriste pour contrer la mièvrerie potentielle d'un tel sujet. Il faut dire que jusque-là dans les films de Michel Franco, en un instant, tout peut déraper. Memory semble d’abord ne pas devoir faire exception, qui réunit deux êtres en souffrance, susceptibles de s’abîmer davantage encore, et ménage une tension savamment contrôlée. Pourtant, cette fois, le cinéaste mexicain surprend en cheminant vers la douceur, l’espoir. Il n’y a pas de déjà vu dans ce cinéma intranquille, palpitant, où chaque instant passé avec ce drôle de couple débouche sur l’inconnu, aiguise l’attention. D'autant que le film est porté par deux acteurs éblouissants. Si Peter Sarsgaard n’a pas volé son prix d’interprétation à la dernière Mostra de Venise, Jessica Chastain, dont la présence et les qualités de jeu impressionnent, en méritait la moitié. Ce huitième film de Michel Franco revisite, à la lumière du mouvement #metoo, le thème des violences sexuelles qui a irrigué ses deux premiers longs-métrages (Daniel & Ana, 2009, et Después de Lucia, 2012). Il est de nouveau question d’abus, de traumas, de silences forcés, mais la douceur qui émane de la rencontre entre deux personnages blessés contribue à faire de ce film très ancré dans son époque une vraie réussite qui n’a rien à voir avec le jeu de massacre qu’on voit si souvent. Le cinéaste décrit avec délicatesse la reconquête d’une mémoire traumatique à travers une histoire d’amour hors norme, sur l'envoûtante musique de Procol Harum.