Un thriller subtil, dénué d’artifices et de clichés
Frère aîné de l'une des plus talentueuses actrices françaises, Anaïs Demoustier, Stéphane a su se faire un prénom. Il y a d’abord eu en 2014 un premier long-métrage remarqué, Terre battue, puis on a beaucoup aimé son troisième en 2020, La fille au bracelet. Son quatrième film, librement inspiré par des faits réels, se déroule en Corse, une île dont la beauté ne saurait faire oublier la violence. D’entrée, Borgo nous plonge en immersion totale dans une prison pas comme les autres. Sous la direction de Stéphane Demoustier, la troublante Hafsia Herzi donne à son personnage des aspérités inattendues. Derrière la façade revêche de la gardienne de prison, on découvre une femme mystérieuse, sensible, droite, et fatiguée par la vie. Au-delà du réalisme de l’univers carcéral, Borgo tisse des liens et des thèmes sous-jacents qui viennent nourrir la dramaturgie du film : la charge mentale qui écrase une jeune mère de famille, dont le mari traverse une mauvaise passe, le racisme, la violence, la pression d’un milieu professionnel fermé, étouffant, l’ignorance d’une administration pénitencière qui détient les clés du calme et joue avec le feu, l’instabilité écrasante d’un territoire insulaire gangréné par ses règlements de comptes… En misant sur une double temporalité, et sur une restriction de la profondeur de champ, le réalisateur parvient à resserrer son étau avec maestria et fait admirablement ressentir et comprendre l’omniprésence des tentacules de la pieuvre mafieuse, où la violence est constamment à l’affût, même si on ne la voit quasiment pas. Borgo pose des questions morales, mais ce n’est pas un film moralisant. Après La Fille au bracelet qui s’intéressait déjà à la notion de culpabilité à partir d’un fait divers réel, le cinéaste explore à nouveau les méandres d’un personnage complexe, et réussit un passionnant film de genre qui s’ancre dans une réalité sociale forte en sondant cette ambiguïté que nous avons tous en nous.