Superbe film qui amplifie le regard

Publié le par Michel Monsay

Superbe film qui amplifie le regard

Mêlant combat politique, signes et mythes, la cinéaste brésilienne Renée Nader Messora et le Portugais João Salaviza, dont on avait déjà aimé Le chant de la forêt, dressent ici le passionnant portrait sur trois générations de la communauté indigène des Krahô, en lutte pour la préservation de leur terre dans le nord-est du Brésil, menacée d’invasion. En explorant un autre rapport au monde, auquel les Krahô sont fidèles, le film propose aussi un autre rapport au cinéma, immersif, poétique et bouleversant. On sait depuis toujours les maltraitances que les paysans et les nationalistes, au nom d’un capitalisme aveugle, imposent aux contrées d’Amazonie, mettant en péril les peuples autochtones et les animaux qui y vivent, sans parler de la déforestation catastrophique. Ce constat tragique a été particulièrement renforcé sous l’ère de Bolsonaro qui a accru les appétences réactionnaires et les haines raciales. La Fleur de Buriti est le nom que portait la grand-mère d’un chef du village, lequel a vu, lorsqu’il était enfant, toute sa famille se faire massacrer par les gens des villes et les agriculteurs. L’enjeu du film est donc à la fois narratif mais aussi militant. La caméra de João Salaviza et Renée Nader Messora plonge le spectateur dans les entrailles vertes de la jungle où les Krahô survivent avec leurs rituels, et leur proximité avec la nature. Ils habitent dans des régions protégées normalement, mais régulièrement des chasseurs viennent voler des animaux sauvages pour les vendre au marché noir, mais aussi où les paysans y étendent l’espace de nourrissage de leurs troupeaux. Loin de la tradition d’un cinéma documentaire prétendument neutre et simple observateur, c’est par la fiction, en intégrant récits des Krahô, reconstitutions du passé, notamment cet insupportable massacre dont ce peuple a été victime, perpétré par les planteurs blancs en 1940, mais aussi des scènes oniriques, que les réalisateurs ont construit ce film d'une grande beauté visuelle. Organisé autour de l’arrivée d’une naissance, symbole de tout un peuple qui refuse d’être condamné à l’effacement, ce film fascinant rassemble avec douceur les fragments d’une histoire violente. Tourné pendant quinze mois avant le retour de Lula au pouvoir, il dénonce l’action de Bolsonaro et donne la parole à la militante Sônia Guajajara, devenue ministre des peuples autochtones. Avec leur volonté de faire œuvre utile, Renée Nader Messora et João Salaviza se mettent au service de ceux qu’ils filment. Il y a tout à apprendre de ce monde reculé, en prise avec la nature, avec la vie intérieure des femmes et des hommes, avec leurs rêves et leurs combats. Au lieu de nous rabattre les oreilles avec des navets ou des films sans grand intérêt aux gros budgets, les plateaux télé et les journaux de presse écrite feraient mieux de mettre en lumière ces petits bijoux, comme La fleur de Buriti, dont quasiment personne n'a entendu parler alors qu'ils sont la raison d'être et la fierté du septième art. Nous avons la chance en France et particulièrement à Paris d'avoir des films du monde entier, ce que la plupart des pays n'ont pas, sachons en profiter surtout lorsqu'il s'agit d'une œuvre aussi forte que La fleur de Buriti.

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