Quentin Dupieux se moque de ses stars dans une comédie insolente et drôle
Le Deuxième Acte est un film à double-fond, comme un miroir se mirant dans un miroir, en multipliant son image à l'infini. Des comédiens et comédiennes jouent un rôle dans un film qui s'arrête quand ils endossent celui d'acteurs, qu'ils sont dans la vraie vie, mais différents de ce qu'ils sont vraiment. Quentin Dupieux joue de ce labyrinthe mental vertigineux avec un humour constant qui emporte l'adhésion. Un film dans le film avec ses coulisses de tournage, dans lequel le réalisateur pointe du doigt avec humour les problèmes que traverse le 7ᵉ art : la désaffection des salles, l'arrivée de l'intelligence artificielle, l'ego surdimensionné des stars, la puissance de certains acteurs même en période post #MeToo, l'entre-soi, le rêve de Hollywood... Sous couvert d’une satire du monde du cinéma, un Dupieux souvent très drôle, parfois vertigineux, et comme toujours teinté d’inquiétude. Comme pour Yannick, le succès surprise de l'été 2023, Quentin Dupieux se sert d’un personnage de la marge pour jouer de la frontière entre le réel et la fiction. Dans Yannick, un spectateur anonyme prenait à partie et en otage les comédiens d’une exécrable pièce de boulevard. Dans Le Deuxième Acte, ce sont les acteurs eux-mêmes qui, sur le tournage d’un film d’auteur, le critiquent, se défilent et se défient à l’intérieur des scènes qu’ils jouent. Bien aidé par une distribution savoureuse, agile dans l’auto-dérision avec des dialogues aux petits oignons, Le Deuxième Acte prolonge dans l'œuvre très dense de Quentin Dupieux une interrogation, teintée d’effronterie et de neurasthénie, sur ce que l’art peut encore donner à voir, si ce n’est le spectacle souvent désolant d’un star-system imbu de lui-même, convaincu de sa désirabilité dans un monde qui ne sait plus quoi désirer. Présenté en ouverture du 77e Festival de Cannes, ce film, l'un des tous meilleurs de Quentin Dupieux, réalisateur on ne peut plus prolifique, nous plonge avec délice dans le vertige existentiel du métier d’acteur, à travers une mise en abyme virtuose et très bien vue.