Puissant roman de paix plus que jamais indispensable
Après avoir, entre autres, sondé la psyché de Rudolf Noureev dans Danseur en 2003 ou raconté la douloureuse errance du peuple gitan dans Zoli en 2006, Colum McCann place le fil encore plus haut en consacrant ce roman paru en 2020 au conflit israélo-palestinien. Alors que les deux parties semblent aujourd'hui plus que jamais irréconciliables, l'écrivain irlandais installé à New York distille dans Apeirogon un message de paix limpide et galvanisant. Pour cela, il se raccroche au combat humaniste mené par deux héros de la résilience : Rami Elhanan, juif israélien, et Bassam Aramin, palestinien musulman, qui ont tous deux perdu leur fille à une décennie d'intervalle : la première, Smadar, 13 ans, a été tuée dans l'attentat de kamikazes palestiniens, la seconde, Abir, 10 ans, a été abattu par un garde-frontière israélien. Les deux amis endeuillés parcourent sans relâche la planète pour prêcher la fin des hostilités entre les deux peuples. Plutôt qu'une narration classique, l'écrivain nous propose un récit éclaté qui embrasse l'histoire et la géographie, alterne les anecdotes, les digressions, transcende les frontières. Au milieu du livre, Colum McCann donne la parole à ces deux combattants de la paix, et la force du témoignage de Bassam qui raconte sa prise de conscience de l'horreur de la Shoah, et celui de Rami affirmant qu'il ne peut y avoir d'occupation humaine, sont d'une rare puissance. Colum McCann raconte très bien Israël, il en dresse un portrait accablant, désolant, plus que jamais d'actualité. Il faut dire que l'écrivain était bien placé, lui, l’Irlandais au pays longtemps déchiré, pour essayer de comprendre cette folie d’une paix introuvable. Reste l'humanité des deux héros de ce roman, et cette phrase qui résume parfaitement leur état d'esprit : "La seule vengeance consiste à faire la paix." Malheureusement aujourd'hui on en est très loin.