Les magnifiques peintures de Jean Hélion, artiste trop peu connu
Singulier parcours que celui de Jean Hélion, peintre abstrait géométrique dans ses premières années, qui à rebours de ses contemporains glissa par étapes vers une superbe figuration crânement assumée. Cette solitude héroïque contribua à sa grandeur, qui éclate dans la très belle exposition que lui consacre le Musée d’art moderne de Paris. Jean Hélion (1904-1987) est l’un des artistes les plus déconcertants du XXe siècle. Il ne respecta jamais aucune contrainte et a payé cher son obstination à aller à contresens des courants dominants. De ce caractère absolument indépendant, sa vie donne une preuve qui aurait pu être mortelle. En 1939, il vit aux États-Unis, en Virginie, avec sa première épouse et leur fils, et sa notoriété croît à New York. Vient la guerre, le 3 septembre. Au lieu de chercher à esquiver la mobilisation, il rentre volontairement en France s’engager. Le 19 juin 1940, il est fait prisonnier et envoyé dans un stalag en Poméranie. Au lieu d’y attendre la fin de la guerre, il s’évade en février 1942, traverse en train Allemagne et Belgique et atteint Paris, où il est aidé par Mary Reynolds, alors la compagne de Marcel Duchamp. Puis il franchit clandestinement la ligne de démarcation, rejoint Marseille, où il retrouve d’ailleurs Duchamp, et réussit à s’embarquer pour Baltimore. Arrivé aux États-Unis, il publie le récit de son évasion sous un titre qui pourrait aussi être sa devise, Ils ne m’auront pas, best-seller qui fortifie l’antinazisme du public américain. Alors que son œuvre est abstraite jusqu'au début de la seconde guerre mondiale, il passe progressivement vers le figuratif mais ce n'est pas ce qui est attendu à l'époque, et malgré les magnifiques toiles qu'il peindra de 1939 jusqu'à la fin de sa carrière, il restera longtemps incompris. Riche de cent trois toiles et de cinquante dessins, cette passionnante rétrospective éclaire ainsi l’œuvre méconnue d’un artiste expérimental se réinventant sans cesse, indifférent à la critique, qui résume à lui seul tout l'art du XXᵉ siècle.
Jean Hélion, la prose du monde est à voir jusqu'au 18 août au Musée d'art moderne de Paris.
En cliquant sur la première photo et en les faisant défiler, vous pourrez voir les œuvres en grand.