Fable écologiste sur la fragilité des équilibres naturels
Depuis six ans, nous sommes éblouis par le talent du cinéaste japonais Ryusuke Hamaguchi, cela a commencé avec le formidable Senses, puis les trois suivants dont ce blog est complètement tombé sous le charme : Asako, Drive my car, Contes du hasard. Avec cette fable réaliste, Ryūsuke Hamaguchi donne à sentir l’équilibre sans cesse menacé de nos écosystèmes et de nos existences, et signe un beau film, un peu en retrait des précédents à mon sens, mais néanmoins récompensé du Lion d’argent à Venise. Tout le mouvement de Le mal n'existe pas s’articule autour de points de rupture, dans un mélange de douceur et de brutalité, qui font sentir ce que l’impermanence de toute chose signifie. Cela vaut pour nos vies en général, et pour le monde dans lequel évoluent les personnages de cette histoire en particulier. Takumi, sa fille Hana, et les habitants d'un village au cœur de la nature, voient arriver d’un œil inquiet un projet de « glamping », un camping glamour pour urbains en mal de chlorophylle, initié par une entreprise cynique et incompétente en matière d’aménagement du territoire. La menace qui plane sur cet environnement naturel se comprend d’autant plus que les premières séquences nous immergent dans une nature préservée, sur les pas de Takumi, qui connaît la flore et la faune comme personne, instruit sa fille sur les particularités propres à chaque espèce d’arbre, maîtrise l’art de couper du bois et remplit patiemment des barils d’eau de source à la louche pour les besoins du restaurant local. Dans ces séquences où le temps se suspend, la mise en scène nous invite à respirer et adopter un rythme bien loin de nos vies urbaines, pour être au plus près des éléments. Ryusuke Hamaguchi prend soin de ciseler ses dialogues et de dissoudre tout manichéisme au profit d’un discours nuancé et sensible, même si le capitalisme forcené se heurte ici au bon sens et au respect élémentaire de la nature. Le mal n'existe pas est une expérience sensorielle et une fable écologique qui dit la nécessité et l'urgence de préserver les équilibres de la nature.