La France perd l’une de ses dernières grandes consciences morales
Homme d'exception, icône de l’humanisme à la française, orateur prodigieux et avocat redoutable, Robert Badinter est entré dans l’histoire en réussissant, comme garde des Sceaux de François Mitterrand, un doublé juridique magistral : l’abolition de la peine de mort, le 9 octobre 1981, et la dépénalisation de l’homosexualité, le 27 juillet 1982. Au-delà de ces deux avancées historiques, son bilan comme Garde des Sceaux est impressionnant au vu du nombre de réformes indispensables qu'il a mises en place. Il y a plus de quarante ans, Robert Badinter avertissait déjà : «Les générations à venir seront confrontées à un problème majeur de criminalité, car on ne peut pas construire une société sur le profit, sur la consommation, sur la rupture des liens de communauté et de solidarité, sur la rivalité entre les êtres et sur le repliement sur soi-même, et espérer qu’on n’augmentera pas en même temps la criminalité.» Qu’il est difficile aujourd’hui, quand la politique n’est qu’une lecture effrayée de sondages d’opinion et que tant de politiciens ne sont que des girouettes effarouchées du moindre coup de vent, de comprendre la trajectoire d’un homme qui a mené ses combats contre tout populisme et souvent contre une opinion publique chauffée à blanc par les ennemis de la liberté. La mort de Robert Badinter laisse un vide sidéral dans un pays qui ne l’aura pas assez écouté. Il n'y a plus aujourd'hui d'homme ou de femme politique de son envergure, voilà pourquoi on en est là, avec l'extrême droite si près du pouvoir, un Président tellement décevant et une classe politique au mieux insipide qui n'inspire plus rien. Encore une fois, merci à Libération pour cette magnifique Une pour rendre hommage à ce génial humaniste dont la force de conviction vous prenait aux tripes.