Le choix fort de la jeunesse
Déjà lauréat du prix Femina et du prix littéraire Le Monde, Triste tigre de Neige Sinno, chroniqué très favoralement dans ces colonnes, vient de recevoir le prix Goncourt des lycéens. Un jury de 2000 lycéens a couronné ce livre essentiel qui avait pourtant été refusé par plusieurs maisons d'édition. Ces jeunes ont eu le cran, le brio, le sens des responsabilités, l’intuition littéraire, de couronner Neige Sinno, malgré le repli de certains établissements scolaires qui avaient interdit le livre entre leurs murs, à l’américaine. Malgré aussi la frilosité du grand frère Goncourt tout court, qui a craint les scandales familiaux au moment du déballage des cadeaux. Un livre autobiographique sur l’inceste fait peur, remue, dérange. Quand on ne l’a pas lu. Car qui a lu Triste Tigre se sent plus affûté, plus humain. Les lycéens l’ont compris, et leur récompense vient exprimer leur reconnaissance envers un ouvrage exemplaire et salutaire, sur les méandres qu’emprunte la vulnérabilité pour devenir force. Avec son texte laboratoire, chaotique et limpide, écrit sur une ligne de crête entre grand jour et ténèbres, Neige Sinno a ouvert une route, promise à sortir des générations entières du labyrinthe de la honte, de l’errance et du silence.