Disparition de l'inclassable rebelle de la chanson française

Publié le par Michel Monsay

Disparition de l'inclassable rebelle de la chanson française

Quelle tristesse, coup sur coup deux grands artistes nous ont quittés. Après Tina Turner, c'est au tour de Jean-Louis Murat. Auteur-compositeur et chanteur auvergnat à la fois grande gueule et d’une délicatesse extrême dans ses chansons et sa voix suave, Jean-Louis Murat est mort ce jeudi 25 mai à l’âge de 71 ans d'un arrêt cardiaque, laissant derrière lui une discographie prolifique et un vide immense. Il n’aura eu cesse tout au long de sa carrière, de placer sa voix singulière, vibrante, languide, pétrie d’incertitudes et de fragilité, au service d’un répertoire foisonnant. Une œuvre à la tonalité majoritairement sombre, mélancolique et désabusée, mais dans laquelle, sur la forme, à chaque opus, il prenait soin de toujours se renouveler. Musicien multi-instrumentiste aux origines modestes, Jean-Louis Murat a vu le jour le 28 janvier 1952 à Chamalières (Puy-de-Dôme). Fils d’une couturière et d’un menuisier, il se forme à la musique dans l’harmonie municipale locale, puis se fait repérer par William Sheller, alors qu’il se produit avec son groupe de rock clermontois, baptisé Clara. À 29 ans, sous le nom de Jean-Louis Murat (son vrai patronyme était Bergheaud), il publie un premier 45 tours qui défraye la chronique : Suicidez-vous, le peuple est mort (1981),  censuré par certaines radios, inquiètes que le titre ne pousse la jeunesse française à commettre l’irréparable. La pochette est signée Jean-Baptiste Mondino, le ton quasi désespéré. Jean-Louis Murat sort d’une période d’excès en tout genre. Le succès ne vient vraiment que vers la quarantaine, dans les années 1990, avec des albums comme Cheyenne Autumn (1989), Venus (1993), Dolorès (1996) ou Mustango (1999), puis de nombreux autres dans les années 2000, tous aussi enthousiasmants. Replié en ermite dans sa tour d’ivoire auvergnate, Jean-Louis Murat mène alors une vie réglée au cordeau, enchaînant à horaires précis les diverses activités nécessaires pour servir de terreau à son effervescence créative : lecture de la littérature, écoute de vieux disques, pratique instrumentale. Beaucoup de marche, aussi, chez cet amoureux de la nature et des montagnes qui l’ont vu grandir, son très beau Col de la Croix-Morand, de 1991, en témoigne. Il pourfendait les attitudes trop statiques et trop bureaucratiques dans le travail d’écriture. De la poésie de ses textes, profondément libre, lettrée sans être prétentieuse, mystérieuse sans être opaque, il émanait un imaginaire foisonnant, étrange, sensible, sensuel. Une écriture ciselée et laconique, où se télescopaient évocations des paysages aimés, du jadis regretté, des amours douloureuses, de silhouettes féminines indistinctes qu’il tentait de saisir par touches métaphoriques légères et timorées. Un monde peuplé d’arbres, de rivières, de neiges, d’animaux. Tandis que de ses musiques, on retiendra un éclectisme des plus féconds. Jean-Louis Murat restera l’auteur d’une des œuvres les plus élégantes, intrigantes, touchantes, de la chanson française.

En voici quatre exemples :

Publié dans Chroniques

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