Poignante rencontre de deux mondes que tout sépare

Publié le par Michel Monsay

Poignante rencontre de deux mondes que tout sépare

La justice restaurative est le socle de ce magnifique film choral, qui parle de réparation et de lien, entre victimes et agresseurs. Le troisième film de Jeanne Herry, dont on avait adoré Pupille, est servi par une troupe de comédiens étourdissants, notamment Leïla Bekhti, Gilles Lellouche, Adèle Exarchopoulos, Dali Benssalah. La cinéaste observe à la loupe la façon dont la justice restaurative, organisée depuis 2014 en France en prolongement de la justice pénale, aide et répare non seulement des victimes, mais aussi des agresseurs. Très documenté, son scénario est habilement tissé. Il crée des îlots de fiction, où se déploie l’empathie et où règne l’émotion. Autant chez les personnages que chez les spectateurs. Ce n’était pas gagné sur le papier, mais on sait depuis Pupille, qui basait déjà sa fiction sur un phénomène sociétal, l’adoption, la capacité de Jeanne Herry à retranscrire avec précision le réel sans jamais oublier d’en faire du cinéma. C’est une affaire de mots et de regards, de parole qui devient action, dans des salles où des hommes et des femmes sont assis en rond. C’est une affaire de cinéma aussi : comment regarder ces êtres meurtris, figés, apeurés, en colère, en souffrance, en réaction, comment restituer les tréfonds de leur âme à travers ce qu’ils disent et aussi ce qu’ils ne disent pas ? En préparant au millimètre un tournage à plusieurs caméras et en s’entourant d’acteurs inventifs et bouleversants, qui viennent à bout de monologues à la puissance d’évocation saisissante. La cinéaste confirme, c'était déjà le cas dans Pupille, sa capacité à obtenir de ses comédiens, une impressionnante justesse de ton et d'incarnation de tout leur être. La justice restaurative a pour but de « libérer les émotions par la parole » et ce beau film est comme un baume, une consolation. Sans donner de leçon, mais en nous apprenant l’existence de cette justice, que peu de gens connaissent, la cinéaste filme les visages comme des paysages, les silences, les regards, les temps de surchauffe et d’apaisement, les trouées de réconciliation entre les parties. Elle célèbre la force du collectif et la beauté des sentiments insoupçonnés qui affleurent quand on veut bien se donner la peine d’écouter l’autre. Plaidoyer pétri d’humanité, écriture ciselée, tension palpable, Jeanne Herry nous offre un film bouleversant, sensible et intelligent.

Publié dans Films

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article