On n'en peut plus de Bolloré et de son empire médiatique
C’est ce qui s’appelle faire feu de tout bois. Le 9 février sur France Inter, la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, rappelait, à deux ans de la reconduction de leurs fréquences, les obligations de pluralisme pour des chaînes comme C8 et CNews, vitrines de la télé poubelle, et pointait un certain nombre d’alertes sur la liberté de création et d’expression à Canal+, Paris Match, Europe 1, autant de médias contrôlés par Bolloré. La contre-attaque a été immédiate. Et massive. Deux communiqués outrés de Canal+ et de sa maison mère Vivendi, une campagne de pub de Havas, l’agence maison, pour défendre « la liberté d’expression ». Sur C8 et CNews, pas moins de trente-six sujets ou débats ont été consacrés en une semaine aux « menaces » (dixit la chaîne info) de la ministre, pour près de cinq heures quinze d’antenne. Dans le Journal du dimanche, autre titre maison, trois articles ont évoqué l’« affaire », dont la chronique de Gaspard Proust, qui qualifie la ministre de « nouille progressiste » et de « Staline ». L’humoriste, pourquoi se priver, a récidivé sur Europe 1. Enfin, Paris Match s’est fendu d’un éditorial au titre tout en nuances : « Tentation totalitaire ». Cette campagne contre une ministre de la République montre tous les dangers de la concentration des médias, notamment quand ils sont mis au service d’un projet politique et d’une idéologie (rappel : le chouchou de la maison Bolloré s’appelle Éric Zemmour). Elle confirme aussi que le milliardaire n’a peur de rien ni de personne quand on s’attaque à lui ou à ses intérêts. Elle dénote enfin une instrumentalisation croissante de la liberté d’expression qui, si elle constitue un droit fondateur de notre démocratie, est aussi encadrée par la loi, pour éviter de dire n’importe quoi. Et comme l'a dit l'excellent Erik Orsenna dans son dernier livre : Bolloré est dangereux pour la démocratie.