La course à l'audience au détriment de la mission de bien informer
Cette minisérie australienne suit ses personnages superbes d’ambivalence, dans le décor plein de drames d’une chaîne de télé des années 80. Profession : reporter plonge ainsi dans les coulisses d'une rédaction à travers le destin d’une dizaine de personnages. Elle dépeint avec acuité une époque, les années 80 en l’occurrence, et reflète des questions de société. Notamment les rapports homme-femme. Il faut entendre les remarques désobligeantes du rédacteur en chef à l'égard de la présentatrice. Des reproches sur son habillement, son physique, ses relations intimes... La fiction s’appuie ainsi sur des dialogues trop souvent entendus au cœur des rédactions. Au gré des six épisodes, il est donc question de misogynie, mais aussi de racisme, d’homophobie, et en parallèle de course à l’audience et de course à l’info. Avec son lot de questions déontologiques : faut-il ou pas payer une interview exclusive ? Faut-il ou pas insister sur le caractère émotionnel d’un événement plutôt que sur les faits ? La série dresse avec intelligence le portrait d’une époque sans téléphone portable, avec des cassettes que l’on apportait en courant, où la radio était le média le plus réactif pendant que la télé découvrait la technologie satellitaire. L'action se situe précisément au cours de l'année 1986 marquée par la catastrophe de Tchernobyl, l’explosion de la navette Challenger, les ravages du SIDA… L’histoire intime des personnages se fracasse alors sur les faits d’actualité. La reconstitution est parfaite. Et ce, jusque dans les moindres détails du décor, du stylisme, du matériel sur le plateau de tournage. Les comédiens sont tous très convaincants, avec une mention spéciale pour Anna Torv, elle délivre ici une impeccable leçon de jeu. Sa dextérité à jongler avec une foule d’états, parfois contradictoires (ambition démesurée, faillite personnelle, professionnalisme fringuant, séduction), est un effet spécial en soi. cette minisérie captivante raconte aussi avec précision les coulisses et les grandes mutations de l’outil télévisuel durant ces années fric (coiffures et costumes kitsch à l’appui), notamment cette recherche frénétique d’audience dont il ne se remettra jamais.
Profession : Reporter est à voir ici ou sur le replay d'Arte.