Un film d'aventure mystique d'une grande beauté visuelle

Publié le par Michel Monsay

Un film d'aventure mystique d'une grande beauté visuelle

Récit de l’épopée d’un pasteur-photographe danois à la fin du XIXe siècle malmené par la nature islandaise, le troisième long métrage de Hlynur Palmason envoûte par la beauté de ses plans dans des paysages grandioses. La nature est omniprésente, son royaume se constitue de cascades vertigineuses, d’horizons de verdure, de volcans en éruption, de glaciers d’anthologie. L’immensité des cieux incline à l’humilité. Dans ces terres éloignées, des caractères se percutent. Cela a des accents quasi mythologiques. On y sent le souffle de la grandeur, des frayeurs très anciennes, le goût amer du péché, ce mot voulait encore dire quelque chose, en 1860 et des poussières. On reste confondu par l’audace, l’originalité de Hlyur Palmason. Il peint avec de la pellicule, aligne les tableaux foudroyants, convoque les puissances antiques, dans des contrées où la nuit ne tombe jamais. Un chien aboie pendant la messe. Une lourde croix de bois dérive au gré du courant. La foi a du mal à se créer une place dans ces rudes climats. Le réalisateur scrute des âmes perdues, pratique un cinéma des confins. Il a de l’or au bout des doigts. C’est l’or du temps. Les images coupent le souffle. Le sujet emporte, déserte les petites misères quotidiennes, roule des destins dans la tragédie et la boue. Il y a du Aguirre (le film de Werner Herzog) dans cette fuite en avant, comme une sorte de rêve solennel. Bergman n’est pas absent et il n’est pas interdit de convoquer Dreyer. Il existe des films d'aventures et des films qui sont des aventures. Les seconds sont bien souvent plus passionnants, tant les images et les visages des comédiens portent les stigmates du tournage. Metteur en scène islandais, Hlynur Palmason est né et habite à Höfn, un port de 2.000 habitants planté sur une presqu'île, au sud-est de l'Islande. Il fabrique ses films sur place, profitant des paysages volcaniques et des lumières si particulières de ces régions septentrionales. Le format carré, surligné d'un bandeau noir, évoque les plaques de verre des débuts de la photographie. Godland livre aussi une réflexion sur la religion et la colonie. On oublie souvent, sous nos horizons, que l'histoire coloniale ne s'est pas simplement écrite du nord vers le sud et de l'ouest vers l'est. Les peuples du Nord ont aussi subi la violence des conquêtes. Lucas, investi d'une mission divine, sert le projet géopolitique de la couronne danoise. En témoigne, tout au long du dialogue, une féroce bataille linguistique et des dialogues où le danois se mêle à l'islandais. Malgré un héros antipathique voire détestable, le cinéaste impose la puissance de sa mise en scène dans ce grand poème épique, qui tient aussi de l’œuvre d’un naturaliste, et au final d'une ambition remarquable.

Publié dans Films

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article