Une œuvre fascinante qui se mérite

Publié le par Michel Monsay

Une œuvre fascinante qui se mérite

Eugène Leroy a traversé avec discrétion le XXe siècle (né en 1910 et mort en 2000), hors des modes, des mouvements, et des circuits traditionnels. Cette liberté a évidemment retardé sa reconnaissance. Faite d’épaisses couches de peinture, son œuvre capture l’ineffable mystère de la présence humaine. Ni abstrait, ni vraiment figuratif, il a cherché toute sa vie à peindre le réel en faisant disparaître l'image dans la matière tout en lui donnant une essence étonnante. Dans la très belle exposition que propose le Musée d'art moderne de Paris, la traversée de l'œuvre d'Eugène Leroy, proposée en 150 tableaux et dessins, est une expérience sensitive à nulle autre pareil. L'artiste peint de façon classique, à l'huile, et visite les sujets traditionnels, le paysage, le portrait, le nu, la nature morte, mais loin de tout académisme, à la fois unique et inclassable. Au début de sa carrière, on reconnaît distinctement les figures, peintes en couches successives fines. Puis, progressivement, elles disparaissent sous des épaisseurs ajoutées les unes aux autres pendant des mois, parfois des années. Ses toiles refusent au regard la commodité d’une reconnaissance immédiate du motif. Celui-ci est indubitablement présent dans la gestation de l’œuvre, et Eugène Leroy travaille souvent d’après modèle, que ce soit son épouse Valentine, la mer du Nord, la campagne de Flandres ou des fleurs. Il lui est nécessaire de les avoir près de lui. Mais ce qu’il en fait est extrêmement éloigné de toute représentation, au sens commun du mot. Ce ne sont pas des images des êtres et des choses, mais les inscriptions, dans la matière picturale, des sensations successives qu’ils suscitent en lui. Les notations de couleur et de lumière se superposent longuement jusqu’à recouvrir entièrement la surface. Celle-ci est accidentée, creusée ou écrasée. De près, c’est une paroi marquée d’aspérités et d’irrégularités, et il est impossible de déchiffrer des formes. D’un peu plus loin, elles commencent à se dégager, et les contrastes chromatiques permettent de distinguer le spectre d’un corps à la peau claire ou une masse de feuillages aux nuances de verts et d’ocres. De plus loin encore, apparaissent plus nettement un visage, un poisson ou la campagne. Le rapport au sujet s’accomplit ainsi alternativement entre apparition et dispersion et entre vue et toucher. On a l'étrange impression, en revenant plusieurs fois devant les tableaux, que les figures semblent en émerger plus clairement. Un phénomène qui confirme qu'il faut passer du temps à regarder la peinture d'Eugène Leroy, dont certains considèrent qu'elle est l'une des plus remarquables de la seconde moitié du XXe siècle.

A voir au Musée d'art moderne de Paris jusqu'au 28 août.

Une œuvre fascinante qui se mérite
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