Magnifique portrait d'une héroïne ordinaire

Publié le par Michel Monsay

Magnifique portrait d'une héroïne ordinaire

César de la meilleure actrice en 2021 pour "Antoinette dans les Cévennes, Laure Calamy éblouit une nouvelle fois mais dans un registre plus dramatique, où elle confirme ici toute l'étendue de son talent. Elle incarne jusque sur son visage, traits tendus, regard aux abois, sourire forcé, à la limite de la rupture, la surcharge mentale et le surmenage dont se plaignent tant de femmes, plus encore dans les familles monoparentales. Tendue mais toujours digne, Laure Calamy offre avec ce rôle une visibilité bienvenue à toutes les femmes qui se battent au quotidien, cette cohorte de fourmis invisibles, essentielle dans le rouage général, et jamais gratifiée de la moindre reconnaissance. Conçu comme un film d'action, ce drame social admirablement réalisé par Eric Gravel, dont c'est le deuxième long-métrage, suit au plus près son personnage central avec une caméra vivante, nerveuse et une grande liberté de mouvement, du plus fluide au plus saccadé. Il filme Paris, comme un William Friedkin l’avait fait de Marseille et New-York pour le polar "French Connection", en l’adaptant au social avec un parti pris de rendre la ville froide et anxiogène. De cette vie à cent à l’heure naît un suspense du quotidien, soutenu par une excellente musique électronique qui accentue cette tension palpable. Un film coup de poing et oppressant, sans aucun misérabilisme, qui aborde avec justesse le déclassement social, le regard des autres, celui qu’on porte sur soi aussi, beaucoup plus éloquent et convaincant que bien des discours pour comprendre la déshumanisation de notre société néolibérale.

Publié dans Films

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